👑 CHAPITRE 22 👑
Il faut savoir se rendre à l'évidence : Je suis coincée. Un pas vers la gauche me conduirait dans les mains des hommes d'Ivory et un pas vers la droite me ramènerait dans les bras de ses invités ne voyant en moi qu'une friandise de plus sur le marché de la luxure. Je ne peux donc rien faire de plus. Rien faire d'autre. J'étais venue jusqu'ici en pensant que quoi qui se présenterait à moi, quoi que décide Ivory, je saurais y faire face même en ayant la peur au ventre. Car c'était le cas, j'étais terrifiée. Terrifiée à l'idée de lui faire face. Terrifiée à l'idée d'être incapable de revoir Owen. Terrifiée à l'idée du sort qu'elle pourrait me réserver. J'avais profondément peur et je ne savais pas quoi faire ni même comment le faire alors je m'accroche. Je m'accroche à cette façade extérieure comme si ma vie en dépendait car c'était véritablement le cas. Ma vie dépendait de cette façade et si je venais à lâcher prise, je chuterais indéniablement et je ne tiens pas à finir au sol les jambes brisées et avec le goût de l'échec en bouche en plus des larmes de colère qui roulent sur mes joues mais qui sèchent au fur et à mesure de mon temps passé ici.
- Rendez-vous à l'évidence Princesse, vous êtes bloquée. Revenez vers nous et aucun mal ne vous sera fait.
- Je serais curieuse de connaître votre définition de «mal» tout à fait entre nous.
J'ai envie de blaguer. De dire n'importe quoi, même si cela est ridicule car j'ai l'impression qu'il ne me reste qu'un brin de conscience. Pendant des jours, je me suis efforcée de jouer selon les règles, de réfléchir, de lutter et de me débattre, mais c'est à peine si j'ai réussi à progresser. Rien ne s'est réglé pour un sou et la mort de la Reine continue malgré tout à me tarauder l'esprit.
- Nous avons pour ordre de...
Je n'entends pas le reste de la phrase car alors que je m'apprêtais à faire certainement la chose la plus stupide de ma vie, voilà que l'image des gardes m'attendant à la fenêtre, penchés, disparaît pour ne laisser place qu'à un seul visage me tendant la main.
- Votre Altesse, nous manquons de temps venez par ici ! Alison m'envoie vous dire que...
Au prénom «Alison», je me suis naturellement approchée, attrapant la main tendue tandis que cette dernière m'attire d'un coup sec à l'intérieur de la pièce. Un échange de regard et tant de questions demeurent.
- Vous devez vous hâter. Nous allons nous occuper des hommes de la Princesse Ivory.
- Mais je ne sais pas où...
- Au sous-sol. Il demeure sous le château de vieilles prisons utilisées il y a fort longtemps pendant la guerre. Il est fort à parier que c'est là que se trouve Son Excellence. Prenez ceci, dit-il alors en me tendant une sacoche.
- Qu'est-ce ?
- De quoi vous défendre. Nous n'avons pas de temps à perdre, à l'heure qu'il est il est fort à parier que Son Altesse est bougée également. Rendez-vous en bas et envoyez nous un signal avec ceci, continue-t-il à expédier en me montrant un boîtier, Dès que vous appuierez dessus, nous viendront pour vous. Hâtez-vous ! Nous allons vous ouvrir la voie.
En quelques minutes, le chaos s'installa à travers les murs du château d'Eldford tandis que chaque pas que je fis me rapprocha toujours un peu plus du Duc. A chaque étage, je pouvais croiser les hommes d'Alison me saluant, m'ouvrant un passage pour que je puisse poursuivre ma route, maîtrisant en quelques gestes aussi bien les hommes de ma sœur aînée que ses invités les plus récalcitrants à me laisser passer.
Arrivant dans le donjon indiqué précédemment, une étrange odeur métallique vient me chatouiller les narines. Ici, il n'y a pas un bruit si ce n'est le cliquetis des chaînes et les battements de mon cœur essoufflé.
- Tu sais, ta stupidité aura toujours le don de me surprendre petite sœur.
La voix d'Ivory trouve son écho dans le sombre donjon alors que j'avance pas à pas, sursautant à chaque bruit, chaque craquement, chaque vibration. Sa voix résonne et semble venir de toutes les directions, aussi bien devant que derrière moi, qu'à ma droite ou bien sur ma gauche. Elle est partout.
- Byron pensait sincèrement qu'en te faisant peur, tu finirais par abandonner de toi-même et je savais que cela ne suffirait guère pour toi. Il faut mettre les petits plats dans les grands, lui disais-je la dernière fois, malheureusement il n'en a fait qu'à sa tête en s'attaquant à toi par le biais de ces mercenaires ridicules prêts à vendre leur âme pour une poignée d'argent. Mais tu connais notre frère, il a toujours aimé foncer dans le tas en espérant que les choses aillent naturellement dans son sens. Quel idiot lui aussi ! Suis-je donc la seule douée de réflexion dans cette famille ?
- Je ne sais pas ce que tu veux ou ce que tu attends de moi Ivory, mais réglons ça toutes les deux. Owen, n'a rien à voir avec nous.
- Ma pauvre Magdalena. Tu crois que tout se rapporte à toi, tu ne vois jamais plus loin que le bout de ton petit nez, mais tout ceci te dépasse. Tu crois que je me donne tant de mal pour seulement m'en prendre à toi ? Non, voyons.
- Alors quoi ? Tu veux le trône ? La couronne ? Je suis désolée, mais autant je n'ai aucun intérêt en ces choses, autant je ne peux pas confier le Royaume a quelqu'un comme toi. Tu es vicieuse, perverse et dangereuse. Tu conduirais inévitablement Nettivia à sa perte.
- C'est pour cela que je préfère m'amuser avec ce qu'il en reste. Il y a tant de potentiel...Ou du moins, il y avait...Si ta putain de mère ne s'en était pas mêlée ! Et tu sais ce que l'on dit ? Le pêché du parent, incombe à l'enfant.
- Fais-moi rire. Le pêché du parent ? Dis-moi, qu'est-ce que ça fait que de descendre d'une lignée de gens déficients mentalement ? Parce qu'il faut vraiment avoir quelques cases en moins pour s'en prendre à une enfant, non ? Tu veux parler pêché ? Tu veux me parler de toutes ces soirées de calvaire que vous m'avez fait vivre ? De tout ce que vous m'avez fait subir toi et les tiens ? Maintenant, réglons ça Ivory. Une bonne fois pour toutes.
Mettons un terme à quinze ans de haine, veux-tu ?
Réglons ça. Toi et moi.
- Comme tu voudras. Réglons ça.
Un spot vient éclairer l'extrémité du couloir dans lequel je me trouvais tandis que la silhouette de ma soeur apparaissait, cette dernière se trouvant dans une combinaison noire tout à fait moulante alors qu'à côté d'elle, enchaîné aux murs, bâillonné et le torse ensanglanté, se tenait le Duc de Norlia.
- Owen...soufflé-je, Qu'as-tu fait Ivory ?
- Je me suis amusée. Mais je crois bien l'avoir...cassé ou plutôt...brisé ?
- Tu n'es qu'un monstre.
- Si peu. Est-ce si effrayant pour toi ? Si c'est le cas, il me semble que c'est ce que tu es venu chercher, non ? Viens, approche.
J'aurai aimé que les choses se passent différemment. J'aurai aimé ne pas avoir promis à Valerian. J'aurai aimé être cette même Magdalena qui a un jour pris un pistolet paralysant et tiré sur le Duc Owen de Norlia en le regardant droit dans les yeux. Mais en vérité, j'ai changé. Je ne sais pas quand est-ce que je m'en suis aperçu, ni même quand est-ce que cela a commencé, mais je le sais maintenant. Je ne suis plus celle qui se retient.
On dit que cela prends un monstre pour défaire un monstre.
Fouillant alors dans la sacoche que l'on m'avait donné, j'y trouve une dague et deux grenades qui ont l'air du même acabit que celles accrochées à mes talons. Je présume que je n'aurai qu'une chance.
- Tiens, attrape moi ça.
Les lançant toutes les deux, je me retourne vivement tandis qu'Ivory se retrouve temporairement aveuglée par le flash. Me jetant sur elle, nous perdons l'équilibre tandis que je tente en vain de lui asséner un coup, qu'elle évite soigneusement. Dans notre duel, quelque chose me surprit plus que le comportement étrangement serein de ma sœur : La précision de ses coups. Ivory savait ou frapper pour faire mal. Elle visait des endroits précis de mon corps et en quelques échanges seulement, je me retrouve au sol, crachant de la bile tandis qu'elle se relève, la lèvre fêlée et l'arcade sourcilière droite en sang, laissant un filet de sang s'écouler sur la moitié de son visage.
Un rire gras lui échappe alors que mes yeux tombent sur eux du Duc à peine conscient.
- Il n'y a pas que toi, sœurette, qui sait s'occuper.
Attrapant mes cheveux qu'elle tire d'un coup sec en arrière pour m'obliger à relever la tête, nous échangeons un regard avant qu'elle ne claque violemment mon visage contre le sol en pierre du donjon, m'assommant pour moitié.
- Magda, Magda, Magda...Que vais-je faire de toi ? Ta mère, Wynona, a été plus tenace. Le sais-tu ? La version officielle serait qu'elle serait morte empoisonnée. Mais tout à fait entre nous, ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Certes, elle a bu le poison, mais ce n'était pas une de ces morts foudroyantes. Non, cela a été long. Très long. L'acide contenu dans ce qu'elle a bu lui a ronger les organes, petit à petit, heure par heure. La douleur était telle qu'elle a utilisé ses quelques forces restantes pour se donner la mort elle-même. Elle était là, au sol, crachant un sang noir tout à fait dégoûtant ! Je m'en rappelle comme si c'était hier. Son visage en larme, ses yeux emplis de haine, comprenant alors ce qui se passait. Parce qu'il fallait qu'elle comprenne, tu saisis ? Il fallait qu'elle réalise qu'elle s'était dressée contre la mauvaise personne. Elle n'était rien et pourtant avait absolument tout ! Elle n'était que la fille d'une domestique et l'amie chère d'un Duc ridicule ! Ce n'était qu'un déchet ! Et elle a osée donner naissance à une Princesse ? Pitié ! Sa tâche a ruiné notre sang si noble, si beau. Toi...Tu es tout ruiné.
- Et...je suis certaine...d'être dans tes cauchemars la nuit, craché-je en la regardant avec un sourire amusé.
- Mais cela n'a plus d'importance car, je vais te tuer. Toi. Et lui. Je dirais que dans ta folie, tu as intenté à ma vie et que le Duc s'est interposé pour me protéger. Qui croira qui à ton avis ? Tu finiras en disgrâce. Tu ne seras plus rien. Et j'aurais enfin tout. Le trône. La couronne et tout ce qui me revient de droit ! J'ai tué la Reine car elle était un obstacle à l'achèvement de mon plan et je te ferais subir le même sort qu'à ta misérable mère.
- Essaye...donc...
La main tremblante, j'attrape le boîtier près de la sacoche se trouvant qu'à quelques mètres et appuie sur le bouton avant de saisir la dague toujours dedans.
Par désespoir, je la lance en direction d'Ivory qui l'évite impeccablement avant de la ramasser, venant s'installer sur moi, attrapant mes bras pour les plaquer au dessus de ma tête et plantant la lame à travers mes mains. Crucifiées.
- Je gagne et je gagnerais toujours petite sœur, sache-le.
- Tu...crois...ça ? grimacé-je en ne sentant que la douleur et le peu de force que j'avais quitter mon corps, Tu tomberas...avec moi...grande sœur.
Violemment un pan de mur du château vol en éclat tandis que mes yeux fatigués aperçoivent la silhouette d'Alison.
Je ne sais pas ce qu'elle me dit, je n'entends pas ses mots. Je ne les comprends pas. Je ne sais pas ce qu'elle me dit, mais je comprends à son demi sourire bienveillant que nous avons su nous en tenir au plan.
Et cela, c'est rassurant.
Et il y a, quelque part dans mes cheveux, une broche, cadeau d'un ami futé, contenant un micro ayant probablement enregistrer cette scène mot pour mot.
Le plan était d'obtenir des aveux d'Ivory en la provoquant car je savais pertinemment que tout ce que ma sœur détesté le plus au monde résidait en ma seule personne.
Mais quel a été le prix a payé pour obtenir l'objet de la chute même de ma sœur aînée ?
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