👑 CHAPITRE 2 👑
Il est certain qu'Ambrose ne méritait pas ma colère et pourtant, je n'ai pas pu m'en empêcher. Encore une fois. Il se plaît à dire que j'ai changé, mais je me demande si c'est bel et bien le cas car je n'en ai pas l'impression. Au fond de moi, je reste cette même petite princesse capricieuse, égoïste, impulsive et ingrate. Je ne l'ai même pas remercié. A part lui cracher mon venin au visage, je n'ai rien fait et pour ce simple fait, je m'en veux. Ma colère, bien qu'elle soit devenue une vieille amie de part sa présence à long terme à mes côtés, ne lui est pas destinée. Certes, j'en ai voulu à cet homme de m'avoir abandonné sans m'en expliquer les raisons, mais maintenant qu'un début de réponse semble se profiler à la raison, suis-je légitime dans ma démarche ? En outre, me voilà cloîtrée dans ma chambre en repensant à notre conversation, l'ayant fui précipitamment sans chercher à en savoir plus. Owen serait là qu'il se sentirait sans doute vexé que j'ai été plus tenace avec lui qui tenait une promesse inoffensive plutôt qu'avec Ambrose qui apparemment en sait plus long qu'il ne veut bien le laisser paraître.
On frappe à la porte tandis que je me redresse, quittant le lit sur lequel je m'étais installée pour aller ouvrir et derrière cette dernière, je ne fus pas surprise de découvrir celui occupant présentement mes pensées. Je le laisse entrer et l'invite à trouver une place où s'asseoir tandis que je referme derrière son passage.
- Je suis désolé, me dit-il alors à voix basse. Je ne voulais en rien t'enlever...ton aventure et tout le mérite que tu as eu à toi seule de survivre à tout ça. Sincèrement.
- Je sais, je m'excuse également, je suis un peu à cran. Puis-je tout de même te poser une question ?
- Bien sûr, tout ce que tu voudras.
- Pourquoi ne me l'avoir pas dit plus tôt ? Suis-je si indigne de confiance pour toi ? Ne mérité-je pas de savoir ?
- Crois-moi, cela ne dépendait pas entièrement de moi. Le Roi m'a fait promettre et...
- Pourquoi fait-il cela ? Pourquoi maintenant ? J'ai passé quinze ans pratiquement seule, entourée d'une poignée de domestiques et encore... Il ne venait jamais me voir que ce soit pour un anniversaire ou lorsque j'étais malade. Jamais il ne s'est intéressé à moi, alors pourquoi fait-il tout ça maintenant ? Est-il malade ? Essaye-t-il de se racheter une conscience avant que la mort ne vienne le prendre ?
- Le Roi n'est pas mourant, quant à ses raisons...elles sont bien compliquées. Moi-même je n'ai pas toutes les cartes en main et cela me tue que d'être dans l'incapacité de t'aider davantage. Te connaissant, je suis certain que ton esprit fourmille de mille et une questions, malheureusement, je ne peux répondre à toutes.
- Alors commençons par celles auxquelles tu peux me répondre, veux-tu bien ?
- Cela risque d'être une longue nuit.
- Je commence à avoir l'habitude de ce genre de nuit là.
Ne pas dormir ou peu dormir. Entendre le vent sifflé à travers les fenêtres ou dans les charpentes du bâtiment entraînant plus d'un craquement comme si la bâtisse abritait un esprit. Ressasser sans cesses les mêmes journées, les mêmes mots, les mêmes événements dans mon esprit embrouillé. Je sais ce que ça fait que d'être pratiquement hantée par la réalité. Depuis bien longtemps, j'ai pris conscience que la victoire m'était hors de portée bien que je me suis prêtée à y rêver quelques douces fois. J'ai été envoyée à Celestia pour connaître un destin pire que la mort car quelqu'un m'y a conduite. Rien, depuis le début de ce jeu, n'est dû au hasard et je n'en suis pas dupe. Il y a des puissances qui me dépassent et qui, dans l'ombre, tirent les ficelles, mais qui ? Qui ai-je à ce point offensé pour mériter tout ceci ?
- Je ne vais probablement rien t'apprendre, mais tu es la huitième héritière légitime du trône de Nettivia. De ce fait, ta simple existence est une menace pour quiconque désirant s'emparer de ce dernier. Dans sa vie, le Roi Nergard a connu quatre femmes : La Reine Mère du Royaume, Calice, a engendrée deux petits démons : Byron et Ivory. De sa première maîtresse, la Princesse Artemia du Royaume de Webeli sont nés les jumeaux Cybele et Kybele et enfin de sa deuxième maîtresse la Duchesse Loanne viennent Gavin, Isidora et Chester. Chaque enfant est un atout pour leur mère respective. Ainsi, elles peuvent prétendre au trône par leur ligné, mais aucun d'eux ne fut le fruit de l'amour. Mariage arrangé, décision politique, coup d'un soir après un festin bien trop arrosé...Qu'importe. En revanche, ce que peu à la Cour savent, c'est que dans la vie du Roi, il y eut une femme bien particulière : Ta mère Magdalena. Son rang de fille de domestique n'a jamais su cacher son apparente sagesse et son incroyable tête de bois. En soit, tu lui ressembles sur ces points-là. Mais la présence de ta mère et l'amour apparent du Roi pour cette dernière ne fut pas perçu d'un très bon œil par Calice et son évidente jalousie à son égard. Néanmoins, le Palais était un lieu pleins de surprises et apparemment, ta mère avait un ami sur lequel compter.
- Le Duc de Norlia, soufflé-je en réalisant petit à petit l'histoire au fur et à mesure qu'elle m'était racontée.
- Le Duc de Norlia, le père d'Owen de Norlia. Sachant sa vie menacée, Nergard l'envoya près de ce dernier à contre cœur sachant qu'il éprouvait pour elle depuis l'enfance, des sentiments qu'il ne cachait point. Et le reste de l'histoire...Il me semble que tu la connais.
Je peine grandement à saisir l'ampleur de l'histoire dans sa grande généralité tandis qu'Ambrose ne me lâche pas du regard, cherchant probablement la moindre réaction ou le moindre éclair dans mon regard. Etait-ce cela la vérité ? Etais-je contrainte depuis l'enfance à subir le courroux d'une Reine qui ne m'aimait pas par jalousie ? Avait-elle demandé à sa fille d'exécuter le plus sombre de ses ordres ? Les avaient-elle endoctriné dans sa façon de penser ? Avais-je été mise de côté parce que l'on considérait comme improbable que deux personnes s'aiment réellement dans un monde n'ayant plus aucun sens ?
- Je crois qu'une partie de moi avait besoin d'entendre cette histoire. De savoir que finalement...soufflé-je
- Tout le monde n'est pas ton ennemi ? me coupe-t-il alors avec un léger sourire en coin.
- Non. De savoir que finalement, cela me conforte dans mon idée d'y mettre un terme. Ma mère est morte à cause de la jalousie d'une femme ne supportant pas qu'un homme lui étant promis ne sache pas se tenir. Honnêtement, je ne peux même pas en vouloir à la Reine même si au fond de moi, j'en ai cruellement envie. Si mon père avait été un homme, il aurait su se tenir au lieu d'engendrer à droite et à gauche. Maintenant, nous sommes là, engagés dans un jeu qui ne devrait même pas exister tant il est immoral, les uns dressés contre les autres, le cerveau bourré de fausses informations concernant nos propres frères et sœurs espérant remporter une couronne qui ne mérite même pas d'être portée. Donc, je devrais te remercier Ambrose pour m'avoir dit la vérité bien que j'aurais aimé l'avoir il y a un mois de cela.
- Je ne t'ai pas dit cela pour que tu mettes le Royaume à feu et à sang, Magdalena ! reprit-il en fronçant des sourcils tel un signe désapprobateur duquel je me passe volontiers
- Il est vrai. Tu m'as dit cela en espérant que je change d'avis sur le Roi, hors c'est une mission qui a brillamment échouée je dois dire. Tout ce que tu viens de me dire ne fait que confirmer ce que je savais déjà au plus profond de moi.
- Si tu t'aventures dans cette voie là...
- Oh pitié, ne me dit pas ce que je risque, j'en ai conscience. Regarde où j'en suis pour avoir simplement énoncé la vérité à haute et intelligible voix ! Mon père si «bienveillant» m'a punie en me prenant les seules choses qui comptaient réellement pour moi.
- Et tu devrais t'estimer heureuse que cela ne soit qu'une fessée au lieu d'une exécution. Tu es peut-être Princesse par ton sang, mais cela ne pardonne en rien le crime que tu viens de commettre ! N'apprends-tu donc pas de tes erreurs ?
- Le crime ? repris-je en riant. Depuis quand vouloir sortir quelques têtes du trou dans lequel elles sont est un crime ? Comment peux-tu être aussi aveugle à ce qu'il se passe d'ailleurs ? Les trafics sexuels. La circulation de drogue. Les penchants sadiques. La cruauté. Tout ça, ce n'est qu'une mince petite liste des méfaits de mes aînés et tu vas me faire croire que «ça» ce n'est pas un crime peut-être ?
- Eux ne s'affichent pas devant le royaume tout entier. Cela ne porte donc pas atteinte à l'image de la famille royale.
- Non, mais je rêve ! Dites-moi que je rêve !
Visiblement, je me trompais sur Ambrose depuis le début. Il ne m'a jamais comprise et n'a jamais essayé de me comprendre. Il n'est bon qu'à exécuter des ordres et en suivre, rien de plus. Cet homme, comme tous les autres, à l'esprit totalement pris par la folie qu'est notre monarchie. Depuis quand protéger une image est-ce devenu plus important que protéger des vies ? Depuis quand s'inquiète-t-on plus d'un procès pour diffamation que d'un meurtre ? Depuis quand sommes-nous dans une société à ce point calibrer sur ce que l'on renvoie aux autres plutôt que sur le fait d'être nous ?
- Dis-moi Ambrose, qu'es-tu venu faire ici exactement ? Me surveiller ? Empêcher un nouveau «dérapage» ? Que t'as-t-il demandé de me faire si tu devenais en arriver à des mesures extrêmes ? Parce que tu es là pour ça, n'est-ce pas ? Jouer le rôle de mon juge et de mon bourreau, soupiré-je en sentant retomber toute la tension brutalement montée.
- Je n'ai pas envie d'en arriver là.
- Tu ne le nie même pas, pouffé-je. La mort est-elle plus facile à affronter si elle porte un visage familier ?
- Magdalena, je...
- Non, j'ai compris.
Je me lève et dégaine le poignard que le Duc m'avait donné à notre arrivée et que j'avais lamentablement laissé traîner sur la table de chevet, lui tendant alors le pommeau tandis que la pointe de la lame appuie légèrement sur ma poitrine.
- Autant mettre un terme à mes jours maintenant, car pour être honnête : Je ne faisais que m'échauffer.
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