👑CHAPITRE 13 👑

Il y avait en moi comme un sentiment de grande satisfaction que je n'avais pas éprouvé depuis longtemps. Mon regard, bien qu'attentif à mes alentours, s'était posé sur la clé usb que l'un des secrétaires personnels du Roi m'avait remise alors que je jubilais intérieurement. A l'heure actuelle, j'étais peut-être bien l'heureuse propriétaire d'une bombe pouvant faire sauter le Royaume de Nettivia. Pour une fois, tout se passait exactement comme je le désirais.

- En résumé, tu avais l'occasion de sauver Owen, mais tu ne l'as pas fait et à la place tu as préféré demander la base de données royale en ce qui concerne le jeu ? répète Valerian en étant installé confortablement devant moi, Pourquoi ? Je veux dire...

- Il n'y a, dans ce monde mon cher Valerian, rien de plus effrayant qu'une personne sachant absolument tout les secrets que vous vous acharnez à dissimuler derrière un écran. De plus, il n'aurait probablement pas aimer que j'utilise mon gage pour lui. Le Duc est un personnage ma foi...tout a fait singulier qui ne cesse de vouloir faire de moi la Reine de Nettivia. Une Reine ne s'éreinte pas pour un sujet.

- Mais Magdalena ne veut pas être Reine, n'est-ce pas ? Tu n'en as que faire de ce jeu, sinon à quoi bon avoir agit de la sorte si c'est pour revenir au point de départ ?

- Certes, mais néanmoins, ce projet a un visage et c'est le mien, non ? Même si hypothétiquement nous arrivons à nos fins, imaginons, il faudra quelqu'un pour assurer et assumer la transition. Il faudra quelqu'un pour aider tous ces gens devenus bien trop paumés pour penser par eux-mêmes. Il faudra quelqu'un pour leur dire que «ça va aller» et je serais inévitablement cette personne. Mais si ça ne marche pas...si, par le plus grand des hasards, le projet venait à tomber à l'eau alors...je serais celle qui sera crucifiée. C'était un peu notre accord tacite, non ? En montrant mon visage, je ne me fais complice de personne et je serais ainsi la seule et unique responsable.

- Tu sais que tu n'as pas à subir ce poids-là toute seule. De quoi avons-nous l'air, nous à côté de toi ? De pâles personnes. J'admets qu'en un laps de temps relativement court tu as changé Magdalena. Tu n'as peut-être pas grandis, mais tu as mûris par la force des choses et quelque part, c'est une bonne chose de te voir te questionner sur ta position et agir en tant que tel, mais de l'autre, c'est d'une tristesse absolue.

- Pourquoi ? Qu'y a-t-il de mal à agir comme je le fais selon toi ?

- Te rends-tu seulement compte que tu n'as que quinze ans ? Les jeunes filles de ton âge sont censées s'amuser ou bien aimer, profiter de tout ce que la vie a à leur offrir, mais toi...tu passes à côté de tout ça.

- Quand on est contraint par la force des choses, les choix qui s'offrent à nous ne sont pas nombreux Valerian. Il est vrai que mes moments de folie me manque. Agir avec impulsivité me manque. Mais j'ai appris qu'au lieu d'agir d'abord et de réfléchir après, je pouvais tout simplement associer les deux. Tu sais que j'ai énormément de ressentiment pour ma famille, pour nos institutions et pour un tas de choses et c'est peut-être encore la fille de quinze ans constamment en colère qui parle, mais...Avec ce que je ressens présentement, je ne me vois pas «profiter» de la vie et être heureuse car je ne saurais pas l'être. Tout compte fait, je me demande même si j'ai été heureuse ne serait-ce qu'une seule fois dans ma vie, tu vois ?

Quittant la pièce dans laquelle nous nous étions donné rendez-vous afin que je puisse lui délivrer la clé usb, je me retrouve rapidement sur les pas des portes de la grande salle, entendant discussions et rires partant dans tous les sens. A mon arrivée, tous se retournent vers moi tandis que je me glisse jusque dans mon fauteuil, en bout de table alors que le couple royal doit encore faire son entrée.

- Et moi qui espérais arriver en retard, soufflé-je

Rapidement, le Roi et la Reine du Royaume de Nettivia arrivent sous une foule d'applaudissements et sous les regards certainement bien avisés de millions de téléspectateurs. Je me demande si certains vont nous regarder manger tout le long ou si, ce simple fait du quotidien, va leur paraître lassant et qu'ils s'en retourneront alors à leur quotidien. Tous deux m'encadrent de part et d'autres et alors que le Roi pose un regard inquisiteur sur moi, je me détourne de lui pour échanger un sourire plus qu'hypocrite avec la Reine Calice.

- J'ai ouïe dire que votre «Aide» est aux abonnés absent. Cela explique donc bien des choses, lance-t-elle

- Je crains malheureusement que l'absence de domestiques dans cette demeure puisse également expliquer la tenue de Sa Majesté durant cette soirée. Avez-vous eu du mal à vous débrouiller ?

Se penchant à mon encontre, je m'abaisse tandis qu'elle agrippe mon poignée de ses ongles avant de chuchoter quelques mois.

- Sache une chose, tu ne seras pas toujours protégée par ton père et tu sais, j'ai connue autrefois une femme comme toi, avec le même caractère impétueux, il me semble que tu sais ce qui lui est arrivé et ne trouves-tu pas ça malheureux qu'il puisse t'arriver la même chose ? Alors veille à peser tes mots et à rester à ta place de misérable bâtarde.

Je peux presque sentir ses ongles rentrant dans ma peau comme si elle voulait m'écorcher jusqu'au sang, attendant probablement un retrait de terreur de ma part. Malheureusement, à ce petit jeu, je ne joue plus depuis longtemps.

- Vous savez qu'il n'est pas bon de trop s'exciter à votre grand âge ? C'est mauvais pour votre cœur. En outre, Votre Majesté, je suis peut-être une bâtarde comme vous l'avez si bien dit, mais en règle général les bâtards, même chez les chiens, sont ceux qui ont le plus de hargne, alors vous devriez faire attention. Vous n'êtes pas au Palais ici, vous êtes chez moi. Mais rassurez-vous, quand j'en aurais fini avec Ivory, je viendrais pour vous.

- Est-ce une menace ?

- Non. Une déclaration de guerre. Vous ne me faites pas peur. Ni vous, ni vos mignons, ni rien.

- Je vois que le peu de liberté qui t'as été octroyé a été profitable, mais n'oublie pas que sur ton corps repose la marque d'un passé qu'il serait tout à fait regrettable de devoir te faire rappeler. Même sur un animal enragé on finit par y apposer sa marque. Tu n'es guère l'exception à la règle.

La Méchante Reine avait raison sur un point : Il n'y avait personne autour de moi pour me défendre et je n'en aurais pas espéré autrement. Mise à part les allers et venues de quelques domestiques dans la pièce pour remplir les verres ou les assiettes, il n'y avait pas de visages réellement familiers. Il fut un temps, cette situation m'aurait effrayée. Me retrouver face à cette femme était sans nul doute mon plus grand cauchemar, mais pas aujourd'hui. Pas maintenant ou plutôt...plus maintenant. J'avais récemment compris qu'il ne dépendait que de moi de changer ma vie et à partir de là est né le simple constat que personne ne pouvait faire quoique ce soit pour moi. Bien que Valerian, Nora, Bérénice ou Kaïen aient été là tout récemment, il n'appartenait qu'à moi d'agir.

- Profitez de votre soirée, Votre Majesté, cela pourrait être la dernière de votre soirée car après tout : Ici à Celestia, nous ne sommes à l'abri de rien.

M'extirpant de sa poigne, j'aperçois un léger filet de sang s'échapper de mon poignet que je cache immédiatement sous une serviette pour faire tampon sur la plaie. Du regard, je cherche Valerian dans la salle sans pour autant le trouver, ni même Nora ou Bérénice. Personne si ce n'est ces trois mêmes domestiques aux visages familiers, mais dont je ne connaissais même pas les noms.

Le reste du repas se déroule presque dans le plus grand des silences tandis que la tension monte progressivement. Les journalistes et autres joyeux fêtards de la soirée sont ivres et probablement trop occupés à échanger entre eux pour dorénavant s'occuper de nous trois qui ne nous adressons pas un seul mot. Seulement un repas froid, quelques regards de travers et le tout saucé avec la plus grande des méfiances.

Il y a tant de choses que j'aurai aimé faire à cette femme en juste retour des abus subis comme il y a tant de choses que j'aurai aimé dire à cet homme pour tout ses silences accumulés. Mais rien ne se passe. Mon esprit semble être à des années lumières, comme distant, de mon corps, incapable de penser ou bien même d'agir. A l'heure actuelle, toute la mesure et la différence dont parlait Valerian tout à l'heure dans mon comportement, je le remarque. Certes, Magdalena rêve de vengeance et de juste retour, mais est-ce vraiment ce qui est le plus juste à faire ? Comment pourrais-je gâcher un mois de combat et des heures de réflexion en une seule tournure de phrase ou pour un seul geste déplacé ? Je ne le peux pas. Je suis coincée. Littéralement.

- Votre Majesté ?

L'inquiétude dans la voix de mon père me fait détourner les yeux vers la Reine au teint soudainement pâle. Les mains tremblantes, cette dernière pose son verre maladroitement sur la table, le faisant ainsi chuter avec tout son contenu se déversant à mes pieds.

- Calice ?

Il se lève brusquement, rejoignant son épouse se tenant à quelques mètres de moi, les mains autour de cou comme si elle n'arrivait soudainement plus à respirer. En quelques secondes à peine, des spasmes monstrueux parcourent son corps, ses yeux se révulsent et la voilà chutant pour être rattrapée de justesse dans les bras du Roi en panique ne cessant d'appeler son nom.

- Appelez un médecin ! Appelez un médecin !!

Incapable de bouger, je m'aperçois qu'un léger sourire satisfait se dresse de lui-même sur mon propre visage dont je ne contrôle plus les traits. Mon cerveau comprends ce qu'il se passe.

- Calice ! Calice, restez avec moi !

En moins d'une minute, Calice, la Reine Mère du Royaume de Nettivia, décéda sous des dizaines de regards et probablement des millions d'autres se tenant derrière leur écran.

Moins d'une minute, c'est ce qu'il fallut au Roi pour s'attribuer le roi de juge et de bourreau.

- Toi...siffle-t-il fou de rage en se relevant vers moi.

Flouée. Voilà comment je me sentais. J'avais juré et voué à cette femme une haine sans merci pendant près de dix ans et on venait subitement de m'arracher la seule chance que j'avais d'accomplir quelque chose de ma vie. Sans que je n'y fasse attention, sans que je ne sois témoin de la scène, on venait brusquement de me priver de la seule raison qui me faisait poursuivre ce jeu ridicule pour voir sa tête rouler à mes pieds un beau jour.

Alors, j'aurai dû fuir. Prendre mes jambes à mon cou comprenant que l'accusation allait tomber. J'aurai dû m'en aller le plus loin possible et me terrer à tout jamais. Mais...je ne l'ai pas fait. Bêtement, je suis restée plantée là, en disant tout bas

- Il n'est jamais bon de lancer des accusations sans avoir de preuves, Votre Majesté. La présomption d'innocence est-elle une notion si abstraite à vos yeux ?

- Gardes, enfermez la Princesse Magdalena dans sa chambre jusqu'à nouvel ordre !

Ce n'était pas moi.

Ce n'était pas moi.

Ce n'était pas moi.

Alors qui ?

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