👑 CHAPITRE 54 📱

Quelque chose ne va pas. Depuis que j'ai quitté la pièce dans laquelle j'ai eu le droit à ma petite remontrance, je ne peux m'empêcher de penser que quelque chose ne va pas, comme un puzzle ne s'emboîtant pas convenablement parce qu'il lui manque une pièce et que cette dernière demeure introuvable. En soi, l'entrevue n'était qu'une vaste blague et cette histoire de règle de l'Echange n'était qu'un sombre prétexte pour je-ne-sais-quoi et je déteste ça. Je déteste avoir le doigt sur quelque chose et ne pas avoir le fin mot de l'histoire. Je déteste cette impression de tourner autour du pot. Je déteste être là à me sentir manipulée car je sais éperdument que c'est le cas. S'il avait voulu me punir, il l'aurait fait autrement. Autrement qu'en acceptant le gage de Byron qui à mon sens n'en fait justement aucun. Pourquoi invoquerait-il un tel gage en sachant qu'il allait perdre Ambrose ? Ça ne tient pas debout. Il a autant à perdre dans cette histoire que moi car sans lui, il n'est rien.

Ambrose a bien des défauts et des travers, mais il a toujours été fidèle dans le rôle de l'ombre de mon frère. Il a toujours été un excellent bras droit. Il le sert depuis son enfance. Non, ça ne me convient pas. Il se passe quelque chose et ça me frustre.

Escortée par deux gardes sur mon chemin retour, notre petit groupe est subitement arrêté par une silhouette familière. Voilà qu'en plus de penser à lui, il se retrouve devant moi. Cela aurait pu me ravir si l'on s'était retrouvés quelques semaines en arrière. A présent, je redoute son discours. Le connaissant, il va tout d'abord me toiser du regard avant de me faire part de ses remontrances vis à vis de mon comportement et je suis certaine que sa liste est plus longue que son bras.

- J'aimerais parler à la Princesse pendant un instant. Ça sera bref.

Sans me demander mon avis ou sans même attendre l'accord des gardes, nous partons tandis qu'il s'est saisi de mon bras qu'il entraîne dans un couloir nous conduisant derrière une cage d'escalier.

- Je présume que tu as ton mot à dire aussi sur ce qui vient de se passer, soufflé-je en m'attendant à son interminable discours.

- Non. Il me semble que tu as été clair quant à la possibilité pour moi d'exprimer mon avis.

- Depuis quand m'écoutes-tu ?

- Je l'ai toujours fait, mais visiblement tu ne l'as jamais remarqué.

J'ai envie de lui dire qu'il m'a manqué. Que cela me semble être une éternité et que j'aimerais qu'il vienne avec moi, mais aucun de ces mots ne sortira de ma bouche ce soir. Au lieu de ça, nous échangeons de longs regards dans un silence qui paraît durer une éternité.

- Tu es au courant que je dois m'en aller où les gardes trouverons ça suspect ? soupiré-je en me replaçant mes quelques mèches de cheveux me tombant devant les yeux.

- Je ne m'empêcher d'être inquiet pour toi. J'ai maintes et maintes fois essayer de réprimer mes pensées à ton égard ou toutes autres choses pouvant se rapporter à toi, mais je dois bien admettre que l'exercice est une torture. Malheureusement, je sais que si je venais à confesser tout ce que j'avais sur le coeur alors cela ne ferait qu'accroître le gouffre qu'il y a maintenant entre nous.

- Disons que nous avons tous deux fait des choix et qu'il nous faut à présent en assumer les conséquences. Tu savais que le moment de prendre des chemins différents viendrait.

- Certes, mais je ne pensais pas que cela me serait si difficile. Comment fais-tu, toi ? Comment fais-tu pour tout mettre de côté et prétendre que rien de tout ça n'a existé ?

- Aussi étonnant que cela puisse te paraître Ambrose, je n'ai jamais rien mit de côté contrairement à toi. J'ai encaissé. J'ai pleuré. Je me suis tout d'abord sentie trahie puis, au bout d'un certain temps, j'ai réalisé que je n'avancerais pas dans les larmes.

- Alors tu es plus forte que moi. Je te dirais bien que je regrette, mais cela ne changerait probablement rien pour toi.

- Non c'est vrai, d'ailleurs j'ai une question pour toi. Pourquoi me dire tout ça ? Pourquoi maintenant ?

- Parce qu'un jour viendra où tu comprendras pourquoi j'ai agis comme je l'ai fait et que j'espère que quand ce jour viendra, tu sauras te rappeler de tout ça et que tu ne m'en voudras pas.

- Je t'en ai voulu. Aujourd'hui, j'éprouve juste une grande indifférence. L'indifférence, elle, contrairement à la trahison, ne fait pas mal. Maintenant, tu m'excuseras, mais je dois repartir.

Sa main n'a pas quittée mon bras qu'elle maintient toujours d'une poigne assez ferme.

- Tu es en danger Magdalena, relance-t-il une énième fois tel un disque rayé se répétant inlassablement

- Je sais. Cela fait dorénavant partie de mon quotidien, il me semble.

- N'as-tu pas peur ? N'es-tu pas effrayée ?

- Si, je le suis. Mais ce n'est pas en restant enfermée dedans que j'avancerais. Je refuse de laisser la peur gagner. Même terrorisée, je ferais de mon mieux et j'essayerais. Peu importe quoi, j'essayerais.

- Tu as changée sur ce point-là...

- Non, je n'ai pas changé. J'ai grandis.

- Cela te vas bien. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour le dire ou peut-être ne désires-tu pas l'entendre venant de moi, mais je suis fier de voir la personne que tu deviens. Fier de constater que malgré tout, tu te bats, tu te débats.

- Doutais-tu de moi Ambrose ? Pensais-tu honnêtement que je n'allais pas me battre ? Espérais-tu peut-être que je ne le fasse point ?

- Tu sais, j'ai pas mal réfléchis depuis ce dernier mois et...

- Là je m'inquiète, coupé-je en souriant

- Et je me suis dit que je devais être le plus idiot des hommes pour ne pas croire en toi. Il faudrait être fou et insensé pour ne pas constater que c'est dans l'adversité que tu t'épanouis le plus. Je t'ai vue sous bien des jours Magdalena, mais encore aujourd'hui, je constate avec grande surprise, que même moi, je ne te connaissais pas aussi bien que cela malgré la prétention que je pouvais avoir de croire le contraire. Tu as été et est constamment surprenante.

A cet instant, Ambrose n'a probablement aucune idée de l'importance que ses mots ont pour moi. De l'effet qu'ils ont sur moi. Pendant des années, je me suis battu pour qu'un jour quelqu'un me dise cela. Malheureusement, il n'a pas été le premier mais malgré ça, je lui en suis reconnaissante. Reconnaissante de reconnaître qu'il s'est fourvoyé sur mon compte. Reconnaissante d'avoir à mon égard ce genre de propos et de démarche. S'il avait pu avoir ces mêmes paroles un mois en arrière alors peut-être que les sentiments que j'ai pour lui seraient demeurés intacts. Néanmoins, je ne peux nier qu'à cause du jeu, qu'à cause de son choix de partir vers Byron, ces derniers se retrouvent dorénavant et probablement à jamais entachés d'une certaine part d'ombre. Ambrose représentait mon monde. Mon tout. Il était au Palais mon rayon de soleil, ma bulle d'oxygène et il n'y avait pas un jour, un matin, où je ne me languissais pas de nos retrouvailles car je savais que chaque moment passés à ses côtés me ferait alors oublier l'enfer que je vivais. C'était en quelque sorte son pouvoir magique. Il pouvait me faire oublier. Il pouvait me rendre heureuse, me faire rire et sourire.

Aujourd'hui, pour cet homme, il n'y a plus qu'une profonde tendresse et une immense gratitude. Son absence m'a permis de me retrouvée.

- Tu devrais y aller maintenant, je suis certaine que ton maître t'attends quelque part, soupiré-je en caressant sa joue de mon pouce

- J'aurais sincèrement aimé que les choses soient différentes entre nous Magda. Sincèrement.

- Oui, moi aussi.

Nous nous séparons sans un mot de plus. Notre silence en disait long et comblait probablement tous les mots que nous aurions alors pu avoir l'un pour l'autre.

Rejoignant les gardes plantés comme des piquets, ces derniers me reconduisent jusqu'au portail de téléportation et en quelques secondes à peine, me voilà de nouveau à Celestia, faisant face à Owen se tenant juste devant moi, une lanterne à la main. La nouvelle a dû faire son bonhomme de chemin et il doit être au courant, mais visiblement aucun de nous deux n'a le cœur à en parler. Nous savions ce qu'une telle règle voulait dire, mais nous ne savions pas encore ce qu'elle allait changer pour nous.

Alors nous avons marché jusqu'au château, l'un à côté de l'autre sous le vent froid de Celestia.

- Permission de formuler une requête Votre Altesse ? me demande-t-il soudainement.

Je m'arrête, curieuse, comprenant que le Duc n'utilisait les formalités et les titres que lorsqu'il était énervé, gêné ou bien attristé. C'était sa façon de garder la maîtrise de soi, de ne rien montrer car il est bien connu qu'un homme ne connaît nulle faiblesse.

- Je suis toute ouïe, répondis-je

- Ce que je vous ai dit l'autre jour, la promesse que je vous ai faite : gardez la en tête. Mon départ ne change strictement rien à mes intentions. De plus, j'aimerais qu vous ayez confiance en vous Magdalena, en ce que vous faites et ce que vous voulez faire. N'ayez jamais crainte des obstacles qui se mettront en travers de votre route.

- Je n'aime pas beaucoup le ton que prends cette conversation. On dirait presque des adieux.

- Ça n'en est pas. Mais malgré tout ce que l'on a pu prévoir, la séparation n'en faisait pas partie.

Il est vrai. Jamais nous n'avions eu en tête cette possibilité. A vrai dire, elle ne nous a même pas frôlé l'esprit. Nous avions pensé à bien des choses, nous nous étions préparé à bien des éventualités, mais pas à celle-là.

- Je viendrais vous chercher, affirmé-je toute confiante.

- Vous savez aussi bien que moi que cela est impossible. Magdalena, si vous pénétrez sur le territoire de l'un de vos aînés, vous serez pour eux une cible facile. Nous savons tous deux que Byron n'a pas eu l'idée de cette règle...C'est Ivory. Byron n'a aucun intérêt à perdre son Aide.

- Si c'est elle, alors elle s'arrangera pour vous mettre la main dessus. Elle truquera l'échange d'une manière ou d'une autre.

- Justement, si nous en avons conscience, nous devrions tourner cela à notre avantage.

- Et que proposez-vous de faire au juste ? Car vous me parlez de danger, mais si vous vous rendez aux côtés de ma soeur aînée alors...

- Je sais. Je sais ce qu'il se passera. Mais comment pourrais-je redouter un tel moment quand ma Reine, elle, se tient ainsi debout devant moi en m'annonçant être prête à tout risquer pour moi.

- Suis-je seulement votre Reine, Votre Excellence ? demandé-je avec un léger sourire fier

Posant un genou à terre, il attrape ma main dans la sienne et y dépose un léger baiser. C'est à peine si ses lèvres effleurent cette dernière.

- Ma Reine et mon amie, bien sûr. Par conséquent et par cette qualité, je vous demanderais d'attendre mon retour. Pouvez-vous le faire ? Pouvez-vous m'attendre Magdalena ?

- Soit. Je vous attendrais. Après tout, j'aurais bien des choses à faire pour m'occuper.

- J'en suis certain également et je suivrais cela avec grande attention.

Mettant fin à notre conversation, nous rentrons tous deux au château et sans revenir sur le sujet que nous avons clôturer, passons une partie de notre soirée restante à parler de ce qu'il allait dorénavant se passer. Valerian allait assurer la partie diffusion et communication tandis qu'il me restait à me préparer pour le pire maintenant que je me retrouve amputée de mon bras droit.

Qu'il le prenne. Le droit, le gauche et même mes deux jambes s'ils le veulent, cela ne m'empêchera en rien de réaliser mes desseins.

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