👑CHAPITRE 51 📱
Profitant du rétablissement du Duc, Valerian et moi-même avons décidé de faire de sa chambre notre nouvelle salle des opérations. Nous avons échangés sur ce qu'il nous restait à faire malgré tout le chemin parcouru. Nous avons discutés des prochaines éventualités qui pourraient nous tomber dessus. Enfin, nous voulant plus qu'aucun secret ne vienne gâcher notre partenariat, je leur ai annoncé avoir réussi à mettre Cybele de notre côté. Presque de notre côté, mais un adversaire qui n'est pas un ennemi peut, à l'heure actuelle, se rapprocher de l'ami.
- Bien que l'idée de vouloir prendre la tête de la Première Princesse du Royaume est tentant, je ne pense pas que cela puisse se faire d'un claquement de doigt. En outre, maintenant que le Duc a rompu sa promesse avec elle, il y a de fortes chances qu'elle ne se tienne plus aussi à l'écart de nous. Sans doute attend-t-elle la visite du couple royal pour amorcer son plan d'action, annonce Valerian l'air pensif.
- Néanmoins, nous ne pouvons pas non plus nous permettre de ne rien faire et de rester là, les bras croisés. Si je ne prends pas les devants et si je ne joue pas sur l'effet de surprise, alors autant renoncer de suite, souligné-je à mon tour devant leurs regards sceptiques.
- Autant je partage l'inquiétude ou plutôt le questionnement du Baron sur la façon de procéder à présent, autant je suis d'avis de suivre l'idée de la Princesse. Il faut que l'on agisse les premiers. Nous savons qu'Ivory ne tombera pas comme Isidora sous le coup d'un scandale et quand bien même nous en lancions un, cela ne serait qu'un retour de flamme par la suite. Nous savons combien elle est terrible et certes, son silence jusqu'à présent est effrayant, mais il faut que l'on tire avantage de la situation car cela sera probablement la seule occasion que l'on aura.
Mais comment ? Il est effectivement bien beau d'avoir des souhaits, mais si nous sommes incapables de les exaucer alors à quoi bon ? Cybele ne se mouillera pas et se contentera d'un rôle de soutien, je le connais donc tout doit venir de moi. De nous.
- Il nous reste une semaine pour trouver un plan d'action et une semaine c'est bien court. Nous savons que si elle tente quoi que ce soit, dans un premier temps, cela sera en tirant profit du Roi et des gages que ce dernier attribut pour le jeu. La seule chose qui nous protège c'est qu'elle ne peut lui demander de nous disqualifier, relève le Duc le regard bien pensant.
- Même si elle pouvait le faire, elle ne le fera pas, répliqué-je. Ivory n'a jamais été quelqu'un aimant les choses rapides. Elle prends du plaisir quand ça traîne en longueur et se plaît dans le malheur et la souffrance des autres. Me disqualifier lui serait inutile, elle voudra me faire souffrir.
- Donc nous pouvons déjà parier sur le fait qu'elle trouve un moyen d'engager Roxan et ses hommes si ce n'est pas déjà fait car nous ne savons toujours pas qui est le commanditaire de l'attaque de l'autre nuit.
- Tout ceci est bien embêtant, souffle Valerian en se frottant la nuque.
Il y a toujours ce constant gouffre entre ce que nous souhaitons faire et ce que nous pouvons réellement faire.
- Malgré tout, je refuse de ne rien faire et attendre bien sagement que son courroux me tombe dessus. Je refuse de vivre dans la peur et l'attente constante de savoir ce qu'il adviendra de nous demain. «The Ruler Game» est une émission de télé-réalité déguisée en élection, non ? rouspété-je en me levant brusquement de ma chaise. Prenons les devants et donnons la sonnette d'alarme pour que le peuple, lui, puisse avoir le choix.
- J'ai peur de savoir ce que vous voulez faire, siffle le Duc en se détournant vers moi.
- Il faut se rendre à l'évidence Messieurs. Nous ne gagnerons pas ce jeu. Jamais. Toutes les chances de le faire nous ont été enlevés et s'il nous faut un mois entier pour survivre à la vie ici et réussir à mettre un seul membre de la famille royale alors...je suis dans le regret de vous dire que nous manquons cruellement de temps. Oublions le jeu un instant... Plusieurs fois, vous m'avez tous deux dit d'être la Reine que l'on espérait que je sois. Plusieurs fois, vous m'avez fait part de vos inquiétudes concernant mes agissements ou mes prises de décisions. Plusieurs fois, nous avons été dans la limite de réussir à gérer une situation se présentant à nous. Si c'est ainsi, alors je préfère passer le reste de mes deux prochains mois à faire quelque chose de réellement utile pour le peuple de Nettivia.
- Et qu'est-ce donc ?
- Lui ouvrir les yeux.
Il est peut-être temps d'attaquer le problème, le réel problème à sa source et de couper les racines du mal qui ronge notre société. Tant pis pour le jeu. Tant pis pour le score. Tant pis pour tout le reste. Si je ne peux pas gagner alors je ferais en sorte que personne ne réussisse à gagner non plus. Je serais ce chaos dérangeant et criant de vérité car il est temps d'éclairer tous ces esprits embués. Il est temps de leur dire que ce qu'ils voient n'est en rien représentatif de la réalité. Cette dernière a trop longtemps été oubliée. Cela ne peut durer davantage.
- Princesse, avec tout le respect que je vous dois...espérez-vous lancer une révolution ? s'inquiète le Baron en se penchant vers moi.
- «Révolution» est peut-être un terme un peu fort, Baron. Je ne souhaite pas plonger mon royaume dans le chaos le plus total, mais je souhaite en revanche lui redonner ce qui lui a été jadis arraché en toute discrétion.
- Et qu'est-ce que c'est selon vous ? me demande le Duc
- La capacité de réflexion.
Les gens ont oubliés maintenant. Oubliés ce que c'était que de réfléchir pour soi et à soi. Oubliés ce qu'à quoi ressemblait la vie sans les écrans, sans les notifications constantes et sans cet incroyable besoin d'avoir le nez constamment sur les réseaux sociaux. Il ne s'y passe rien. Il ne se dit rien de bien intelligent. Il n'y a souvent que des coalitions de négativité et des gens confondant liberté d'expression et débilité humaine. Enlevons à tous ceux-là leur petite bulle et nous nous retrouvons face à des êtres bien moins prompts à dire certaines choses. Enlevons à tous ceux-là leur notification du jour et nous nous retrouvons face à des êtres vides d'intérêts car il est bien plus facile de s'inventer une vie et de la filtrer que d'être suffisamment courageux pour affronter celle qui nous attends.
Parce que oui, la vie est dure. Elle est violente. Cruelle et sans pitié. Rien n'est jamais tout rose, mais rien n'est jamais vraiment tout noir non plus. Elle est faite de nuance et parfois ces nuances nous bousculent et ne nous ménagent pas, mais est-on fait pour vivre une vide insipide et plate ? Nous recherchons tous la même chose au fond : Avoir le coeur qui bats. Nous voulons aimer et être aimés en retour. Nous voulons être une meilleure version de la personne que nous avons été la veille.
Mais comment faire tout ça ? Comment tendre à cette meilleure version quand notre préoccupation première est ce si petit objet que nous tenons entre nos mains ? Nous devrions tenir les rennes de nos vies, mais au lieu de ça, nous les avions confiées à des êtres enclins à marcher sur ces dernières parce qu'au fond, pour eux, nous n'avons aucune valeur. Nous sommes des clients. Des chiffres. Une marchandise. Une opinion manipulable. Une marionnette. Un pion sur un échiquier. Nous avons placés nos espoirs et nos rêves aux mains d'un souverain et d'un gouvernement n'en ayant que faire de nous mais s'octroyant tous nos succès quand ces derniers surviennent. Tous nos mérites. Tout notre labeur.
Quelle vaste plaisanterie est ce monde si l'on ne s'est même pas aperçu de ceci ? Si l'on s'est contenté de les choses se faire parce qu'ils nous ont laissés croire que c'était «ainsi».
- Peut-on savoir comment vous comptez vous y prendre ? m'interroge le Baron
- En me servant de la même arme qui a tant détruit : Les réseaux sociaux. Chaque troupeau a besoin de son berger pour le guider.
- C'est de la folie...
- Mais c'est tout à fait possible, souligne le Duc en nous regardant. La Princesse a récemment gagné en popularité et si l'on peut convaincre un petit groupe qui lui-même en convaincra un autre...ça peut se faire !
- D'accord, donc là je commence à me faire réellement du souci pour que tu approuves une telle idée Owen.
- Honnêtement, je ne suis pas ravis à l'idée de la révolution, que ce soit de près ou de loin. Mais, si l'on y réfléchit cinq minutes, je pense que donner un coup de pied dedans ne fera pas de mal. L'opinion des gens est malléable c'est un fait que l'on sait tous les trois.
- Dois-je vous rappeler que comploter contre la couronne considéré comme crime de les majesté ?
- Parce qu'il n'est pas criminel d'abandonner des provinces et tous leurs habitants pendant un an pour le plaisir des plus riches ? Parce qu'il n'est pas criminel de ne pas se donner la peine d'arrêter les criminels mais d'utiliser son propre royaume comme prison laissant ainsi certains villages éloignés en payer le prix fort ? Parce qu'il n'est pas criminel de savoir que certains se goinfrent, échappent aux taxes et s'enrichissent toujours plus tandis que d'autres sont dans une misère absolue ? enchaîné-je furieuse en me remémorant tout ce mois infernal que nous venions de vivre.
- Je sens que le mois qui s'annonce va encore être très long, siffle le Baron en se résignant.
Non seulement il sera long, mais ce dernier s'annonce également et particulièrement éprouvant. Ce que nous nous apprêtons à faire tous les trois est effectivement un crime et même en sachant ça, me frotter à la loi du Royaume me paraît moins dangereux et effrayant que d'affronter mes aînés un à un. Néanmoins, cela n'enlève en rien au marché conclu avec Cybele. Si, d'une manière ou d'une autre nous arrivons à faire tomber Ivory en lui retirant ce qui est pour elle le plus important, c'est à dire l'admiration des nobles et petits bourgeois, alors nous aurons fait un énorme pas en avant. Elle ne sera plus soutenue. Elle ne sera plus écoutée et elle ne sera plus invitée nulle part. Connaissant ma sœur, ne pas être au centre de l'attention est quelque chose qu'elle ne tolérera pas longtemps. Et j'ai ma petite idée de comment m'y prendre : Au lieu de la couper de son monde, je la pousserais sous le feu des projecteurs. Après tout, comment se défaire des regards malveillants une fois que ces derniers sont braqués sur nous ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top