👑 CHAPITRE 48 📱

Alors que j'étais censée récupérer les heures de sommeil volées, je n'ai pas réussi à fermer l'oeil de la nuit. Je suis restée assise au milieu du lit, seule dans le silence essayant de me remettre les idées en place. Quelque part, le discours d'Ambrose rejoignait celui de Valerian. Pendant près de quinze ans, j'ai été quelqu'un. Une princesse ne comprenant rien aux comportements des uns et des autres et n'ayant pas la moindre idée de ce qui l'attendait. J'ai été une petite fille effrayée à l'idée de savoir que le Ruler Game approchait car je savais pertinemment qu'une fois le pied dedans, cela reviendrait pour moi, à avoir un pied dans la tombe. Je me pensais condamnée. Non je le savais. Mais Ambrose a raison : J'ai survécu. Au premier mois, j'ai survécu. A toutes ces attaques, à toute la difficulté du jeu, j'ai réussi à résister et rien que tout ces éléments mit bout à bout, cela relève du miracle. Au fond, je devrais être satisfaite, mais la simple satisfaction ne suffit plus maintenant. Je redoute ce qui va tomber à la fin du mois.

Chaque fin de mois, le couple royal visite les huit domaines mis alors à la disposition des candidats du jeu. Chaque fin de mois, chaque candidat a le droit le plus exceptionnel de formuler un vœux que le Roi n'a pas le droit de refuser et maintenant que les hostilités sont lancées, j'appréhende les demandes de mes aînés.

Sortant de mes pensées, mon regard se perd un instant sur les alentours du château et cette couche brumeuse couvrant aussi bien les arbres que le périmètre environnant. Celestia est une province abandonnée depuis des années, les bandits et les criminels en tout genre se sont installés ici même sur ces terres et il n'y a pas un villageois qui n'a probablement pas une dent envers la famille royale.

Comment pourrais-je espérer rattraper tout cela en l'espace de deux mois ? Je viens déjà de perdre un temps précieux dans le simple fait de m'acclimater à la région et maintenant que dois-je faire ? J'avoue désespérée, mais si je désespère, si je montre que je perds alors tout espoir pourquoi continuer cette mascarade plus longtemps ? Je n'ai pas réussi à avoir les deux hommes les plus exceptionnels du Royaume pour ne pas en tirer pleinement profit. Un tel gâchis ne saurait être toléré. Il faut que j'avance. Que je fasse quelque chose pour Celestia, ses habitants, pour Valerian ou Owen.

«Maintenant, Magdalena, devient non pas la pire Princesse qui puisse exister, mais la meilleure Reine dont on puisse rêver.»

Les mots de Valerian me reviennent à l'esprit accompagnés par ceux de Robin : «Soyez cette réalité, cette gifle sur le visage. Soyez cette vague à la fois violente et puissante qui le retourne tout entier et surtout, faites en sorte de ne jamais vous cantonner au rôle de petit ruisseau duquel on pourrait contrôler le cours. Soyez une vague, toujours.»

S'attendaient-ils tous les deux à la même chose de ma part ou espéraient-ils quelque chose de différent ? Au fond, qu'est-ce être une «bonne Reine» ? Que ferait un bon souverain pour ses sujets ? Ne leur ferait-il pas plaisir ? Ne leur rendrait-il pas la vie plus facile ? Quand on se retrouve ainsi projeté à la tête d'un pays, d'une nation, d'un royaume, n'est-il pas de notre devoir premier de se montrer à la hauteur des attentes et de la confiance que l'on place en nous ?

Je veux gagner, mais je ne suis pas certaine de vouloir payer le prix pour la victoire car ce dernier me paraît exagéré. Je ne me sacrifierais pas pour celle-ci et je n'abandonnerais pas mes propres idéaux pour devenir une personne que je ne suis pas. Je m'y refuse. Je serais reine comme j'entends l'être et selon mes conditions. Je le deviendrais avec ma propre force et sans me reposer sur mes lauriers ou en l'occurrence sur les deux poutres me supportant tant bien que mal.

- Magdalena, es-tu réveillée ?

La voix de Valerian de l'autre côté de la porte me rappelle à mes moutons tandis que mes pensées toujours aussi diverses et préoccupantes se retrouvent chassées par sa présence.

- Oui. Qui y'a-t-il ?

- Peux-tu venir s'il te plaît ? Nous avons...un problème disons.

Encore un ? Pourquoi suis-je étonnée ? Cela ne devrait plus être le cas. Il n'y a pas une journée de repos à Celestia. Pas une nuit calme.

Enfilant alors une tunique que je rattache avec une ceinture en cuire à hauteur de la taille et laissant mes cheveux dans leur plus simple apparat, j'ouvre la porte tandis que j'aperçois le Baron se tenant droit devant, les traits visiblement gênés. Il m'invite à le suivre jusque dans la grande salle, ce que je m'exécute à faire sans lui poser la moindre question, curieuse néanmoins de ce qui a pu le pousser ainsi à venir me chercher. Ouvrant les portes de cette dernière, apparaît devant moi un petit comité composé d'une dizaine de personnes à la louche qui s'en retourne tout sourire dès qu'ils me voient.

- Votre Altesse ! s'exclament des voix en cœur

J'avais presque oublié la bienséance tandis que je les vois se courber devant moi. Cela fait bien longtemps qu'une telle marque de respect et de reconnaissance de mon rang ne m'avait pas été signalé. A dire vrai, l'espace d'un instant, j'aurai pu oublier que j'étais la huitième Princesse d'un Royaume.

- Que faites-vous tous ici ? N'êtes-vous pas au village ? demandé-je surprise d'avoir un tel groupe présentement sous mes yeux. Y'a-t-il un souci ?

- Nullement, nous avons appris, bien que tardivement pour l'attaque l'autre nuit...et pour l'état du Duc de Norlia. Nous sommes venus cueillir des nouvelles.

- Cela est fort aimable de votre part. Le Duc se repose en ce moment même, sa vie n'est pas en danger.

- Quel soulagement ! Nous vous sommes si reconnaissants de nous avoir aidés à propos des hommes de Roxan, annonce une jeune fille avec un grand sourire.

- A ce propos, nous avons discuté entre nous et nous désirons payer notre dette à votre égard. Il est vrai que nous avons été horribles avec vous, nous nous en excusons et espérons que vous ne nous en tiendrez pas rigueur. Néanmoins, nous escomptions nous mettre à votre service.

- Je vous demande pardon ? repris-je surprise

S'agenouillant au sol, ces derniers se prosternent totalement dans la salle alors que je me tiens devant eux, bouche bée et incapable de réagir à leur comportement.

- Nous vous avons juger bien hâtivement et malgré notre comportement, vous nous avez aidés en faisant preuve d'un héroïsme dont peu peuvent faire preuve aujourd'hui. Cette simple qualité que vous possédez nous a montré que vous avez la qualité d'être notre Reine, Votre Altesse. Ainsi donc, afin de vous aider et vous soutenir dans votre aventure, nous voulons chacun nous mettre à votre service.

- En outre, ayez conscience, Votre Altesse, que nous ne sommes pas venus par hasard, chacun de nous possède un talent qu'il ou elle souhaite mettre à votre disposition : ménage, cuisine, travaux, organisation, planification... Laissez-nous vous décharger de ces corvées quotidiennes et ainsi vous pourrez vous concentrer sur le jeu !

Comment dire «non» devant une telle démonstration ? Mais en même temps comment accepter cette dévotion ? Ces gens ont tellement souffert, ils sont épuisés ou bien malades...Je ne saurais profiter davantage de leur gentillesse bien que celle-ci m'honore.

- Relevez-vous, je vous en prie ! Relevez-vous. Votre démarche me touche sincèrement et vos mots me font honneur, sachez-le, néanmoins je ne peux accepter votre offre.

- Pourquoi ? s'insurgent-ils alors.

- Je ne peux profiter de votre gentillesse et votre bonté d'âme. Vous le voyez non ? Le château est en ruines presque. Nous ne roulons pas sur l'or donc envisager des travaux serait une bien folle idée. Je ne suis pas venue ici pour mettre mon argent dans la rénovation ou la reconstruction d'un bâtiment.

- Mais ce dernier vous représente ! Le château de Celestia est vôtre château.

- Non. C'est le château du peuple de Celestia. Il est d'ailleurs certainement plus âgé que moi. Je ne saurais en faire ma demeure personnelle bien que je suis contente que ce dernier m'abrite actuellement. En outre, son côté décrépit a son charme et je ne saurais me résoudre à lui retirer celui là. Disons plutôt que je me suis habituée à m'endormir avec le vent hurlant.

- Votre Altesse, acceptez notre offre. Nous vous promettons d'être discrets. Nous respecterons votre confort, votre espace...Mais laissez-nous vous aider. S'il vous plaît.

Mon regard cherche celui de Valerian qui me fuit, comprenant certainement que je ne saurais leur refuser leur requête.

Pour la première fois de ma vie, des gens que je ne connais point veulent se mettre à mon service.

- Nous vous en conjurons. Acceptez.

- Princesse, intervient alors le Baron comme pour signifier de me plier.

Je ne saurais...

- C'est d'accord. Mais vous ne ferez rien d'inutile, rien qui puisse vous blesser ou vous mettre en danger, c'est bien compris ?

- Oui ! Merci mille fois ! Vraiment merci ! Vous avez attendu ? Au boulot les gars !

A peine avais-je accepté leur requête que ces derniers se dispersent ici et là à travers les murs du château tandis que je me laisse tomber sur un banc en bois se trouvant à proximité.

- Tu leur as sauvé la vie, ils te sont redevables.

- Je n'ai pas fait ça pour avoir des esclaves s'agitant ici et là.

- Ce sont des domestiques. Tes domestiques. Il n'y a rien de mal à en avoir et ils ont raison tu sais : Cela t'enlèvera un poids des épaules. Tu ne peux pas tout gérer Magdalena. Apprends donc à déléguer. A faire confiance.

- Mais ces gens ! Ils n'ont presque rien et je...

- Ils t'ont toi. Tu ne t'en rends probablement pas compte, mais ta côte de popularité ne cesse d'augmenter. Des gens du Royaume tout entier te suivent, te regardent et apprennent enfin à connaître celle qui avait, pour une raison que tout le monde ignorait, si mauvaise réputation. La Princesse oubliée ? Ce n'est plus qu'une vaste plaisanterie à présent. Tu es au centre des discussions que cela te plaise ou non. Il est tout naturel que tu reçoives du soutien.

- Mais est-ce que je le mérite ?

- Cesse donc de te punir ou de te sous-estimer. Pourquoi selon toi ne le mériterais-tu pas ?

- Je n'en sais rien, c'est juste que tout ceci est très nouveau pour moi. Au palais les domestiques étaient gérés par une gouvernante qui avait longtemps servit de nourrice à Ivory...Cela reviendrait presque à dire que chaque domestique dépendait d'Ivory elle-même en fait. Il est donc évident qu'aucun ne me portait vraiment dans son cœur.

- T'es-tu seulement dit que leurs comportements étaient probablement dû à ta sœur ? Même au Service de l'Information, nous avions un mal fou à ne rien entendre des caprices de la deuxième enfant chérie...certains étaient même payés pour faire circuler quelques rumeurs sur une personne l'ayant contrariée : Une noble mal lunée, un amant n'ayant pas réussi à la satisfaire...une petite sœur contrariante. Tout venait d'elle et de ce que j'ai pu voir, manipuler l'opinion publique n'est pas un exercice si difficile dans une société qui a constamment le cerveau retourné.Les gens ont le nez sur leurs écrans et ne jugent que par ces derniers, il est facile d'envoyer une notification ou une publication sur un sujet plus qu'éronné. Ils le croiront de toute façon. Aujourd'hui, tu as peu de gens sachant faire preuve d'ouverture d'esprit.

- Sur ce dernier point, je ne peux malheureusement pas te contredire.

Aujourd'hui, nous avons perdus un combat, une guerre contre la technologie et les réseaux sociaux. Aujourd'hui il est plus facile de critiquer, pointer du doigt, médire et maudire quelqu'un grâce à une publication que de tout simplement utiliser nos deux neurones restants. Les êtres humains de façon générale ont toujours été plus prompts à la négativité. On veut de l'immédiat, on veut de la rapidité, on veut que tout nous soit servit sur un plateau dorée sur lequel repose une pointe de méchanceté. Mais jamais ô grand jamais on prends le recul nécessaire pour se dire que tout compte fait, les choses pourraient être différentes si l'on se sortait de tout ça. Si l'on aspirait à autre chose. Si, pendant cinq minutes, le temps d'une discussion, nous posions nos propres opinions pour écouter. Juste écouter.

Qu'est-ce que cela peut bien nous coûter après tout si ce n'est du temps. Simplement du temps.

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