👑 CHAPITRE 44 📱

L'espace d'un instant, je me serais cru dans un rêve. Un doux rêve. Un de ceux que l'on ne désire pas quitter. Un de ceux que nous peinons à réaliser. Pour la première fois depuis ce qui me semblait être une éternité : j'ai rêvé. Je me suis permise de le faire avant que ce dernier n'éclate telle une bulle de savon sur laquelle on viendrait appuyer.

J'ai été réveillée par les lourds murmures et par le bruit du vent claquant contre les fenêtres vibrantes. Je reconnais ces deux voix graves à l'intonation bien trop sérieuse pour qu'il s'agisse d'une simple visite de courtoisie, mais je suis bien incapable d'identifier le contenu de la conversation qui semble animée les deux hommes.

- Cesse...Princesse, réveillez-vous.

Une main vient délicatement caresser mon épaule tandis que mes paupières s'ouvrent difficilement. Je rêvais d'une nuit apaisante, calme et tranquille, mais j'oubliais que rien de tout ça ne m'a jamais été un jour offert.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je la voix endormie en distinguant à peine les visages éclairés par ce qui semblait être une bougie.

- L'alarme de proximité du château s'est déclenchée. Nous avons de la compagnie, siffle alors Valérian en me dévisageant avec inquiétude.

- Un animal sauvage ? lancé-je dans le bon espoir de m'en retourner dans mon sommeil.

- Non.

Ce mot été sortie de façon expéditive et je ne saisis que lentement l'ampleur de la situation, jusqu'à ce que je sente le Duc quittant le lit et se préparant.

- Nous sommes attaqués, relance Valerian en espérant certainement une réaction de ma part.

Soudain, mon corps tel un automatisme, bondit hors du lit alors qu'Owen finissant de s'apprêter se plante devant moi, boutonnant encore sa chemise.

- Puis-je savoir où comptez-vous vous rendre ?

- N'est-ce pas évident ? Je viens prêter main forte !

- Non, vous restez ici et dès que nous quitterons cette chambre, vous vous enfermerez à double tour dans celle-ci.

- Je veux aider, repris-je

- Avec tout le respect que je vous dois Votre Altesse, vous ne savez ni tenir une arme et encore moins vous battre. Présentement, vous ne seriez qu'une inquiétude de plus pour nous si nous vous savions seule dans le château. Nous ne savons pas combien il y a d'assaillants, nous ne connaissons pas leur intentions, bien que pour moi elles sont claires, et il me semble que vous avez vu votre dose d'aventure ces derniers jours, non ? lâche Owen sans même prendre le temps de m'adresser un regard

- Ce que le Duc essaye de vous dire, lance Valerian en sentant ma contrariété devant de tels propos, c'est que nous saurons nous débrouiller et qu'il est préférable que vous restiez ici. Pour notre propre sécurité d'esprit. Nous reviendrons dès que tout sera terminé.

- Si je comprends bien, vous me demandez tous les deux d'avoir le rôle de la Princesse en danger attendant d'être secourue, grincé-je des dents en les voyant me regarder sévèrement

- Non, nous vous demandons de ne pas toujours tout porter sur vos épaules. Il y a des combats qui sont les vôtres, certes, et d'autres qui ne le sont pas et dont nous nous occupons, réponds le Duc. Magdalena, vous nous avez choisi pour ce jeu et nous nous sommes tout trois mit d'accord sur notre amitié, alors en tant qu'ami, je vous demande ceci : Ayez confiance en nous.

- Très bien. J'attendrais.

Insistant sur le fait de refermer derrière eux, je m'exécute en jetant un dernier coup d'oeil à leurs silhouettes disparaissant dans la pénombre du couloir. Dehors, la tempête fait rage et je n'entends présentement plus que la pluie et le vent s'engouffrant dans mon cœur.

Les secondes semblent devenir des minutes et les minutes des heures. Voilà que l'impatience me prends. Je devrais sortir, je devrais aller voir. Peut-être se sont-ils fait capturés ? Peut-être ils sont tombés ? Non. Je dois rester. Pour la deuxième fois de la journée, le conseil précédant de Valerian me rattrape tandis que je suis hanté par son «Il faut savoir écouter». Cela n'a jamais été dans ma nature que d'écouter, j'entendais, mais je n'écoutais pas car jamais on a eu pour moi de bonnes intentions. Quand j'ai compris que je pouvais alors exprimer mon avis, le manifester haut et fort, je me suis débattu comme jamais pour le faire entendre. Depuis lors, plus aucune domestique n'osait me malmener. Plus aucun garde ne m'interdisait de me rendre dans certains endroits du palais et plus aucun noble ne pouvait me dire «Il faut lui obéir». J'étais devenue maîtresse de ma vie. Capitaine de mon propre vaisseau, allant et faisant ce que j'avais envie et comme j'en avais envie.

Puis, rapidement, je me suis aperçu que la liberté était une chose bien éphémère et que cette dernière n'était qu'un combat sans fin.

Tout comme ce stupide jeu.

Il ne faut pas être né de la dernière pluie pour comprendre qui se cache derrière. Voilà que je pousse Isidora à la porte et qu'une attaque survient dans la même nuit ? C'est trop gros pour être une coïncidence et en même temps beaucoup trop risible pour paraître crédible. La seule question qui demeure est lequel de mes frères et sœurs se cache derrière cette vaste plaisanterie ?

Byron ? Ivory ? Gavin ? Chester ? Tant de possibilités. Ils ont tous à y gagner à me voir tomber, mais visiblement aucun n'a l'intelligence de faire passer ça pour une revanche de la part de Roxan. Quelque part, leur manque de créativité et d'imagination me déçoit. Ou alors, est-ce moi qui ai trop d'attentes vis à vis d'eux ? Allez savoir.

Le temps file et ni le Duc, ni le Baron semble revenir pour moi. Les voilà partis depuis au moins une demie-heure et je ne peux m'empêcher de penser au pire. Devrais-je y aller ? Qu'aurais-je à y perdre ? Quoiqu'il arrive, je me retrouve seule face à un ennemi inconnu ayant probablement choisi le pire moment pour sa visite. Je manque de sommeil, je suis aigrie et visiblement nerveuse. Faisant le tour de la chambre dans l'espoir d'y trouver une arme, je fus surprise de constater que ce ne fut guère le cas. Advienne que pourra. Il doit bien y avoir quelque chose dans cette pièce qui me servir, non ?

- Exactement ce que je cherchais !

Un chandelier. Qui n'a jamais rêvé de descendre de lugubres escaliers ou de se promener dans des couloirs sinistres armé d'un seul et unique chandelier visiblement rouillé ?

La porte couine à son ouverture et je m'arrête sur le seuil de cette dernière en espérant que personne ne se trouve juste derrière à m'attendre, mais rien. Je profite de chaque éclair pour faire un pas ou deux, me faufilant derrière un meuble ou un rideau, tentant de trouver un chemin. Mais un chemin vers où au juste ?

Mon pied bute sur quelque chose de chaud et en baissant les yeux, je constate un corps gisant juste-là, au milieu de nulle part. L'horreur est alors rapidement chassée par la satisfaction et le soulagement remarquant qu'il ne s'agisse ni d'Owen, ni de Valerian.

Je poursuis donc mon chemin jusqu'au croisement de couloirs menant à la salle principale quand soudain, un bras saisit violemment le mien et qu'un cri failli m'échapper si une main ne s'était pas précipitée sur mes lèvres. On m'attrape, on m'attire et on me plaque contre un mur tandis que devant moi apparaît le visage bien contrarié d'un Duc bien trop familier.

- Je vous jure qu'il y a des jours où je songe fortement à attacher vos jolies poignets aux poutres d'un lit, ainsi peut-être que cela vous réfreinera dans vos envies suicidaires !

Un sourire amusé par l'image que ses mots viennent de provoquer en moi se dessine largement sur mon visage tandis qu'il pointe son doigt juste à hauteur de mon nez.

- Et ça vous fait rire en plus ! Avez-vous seulement la moindre idée de ce qui pouvait se passer si vous n'étiez pas tombé sur moi ?

- Fort heureusement, vous êtes le premier à m'avoir trouvée !

- Magdalena, je suis sérieux.

- Savez-vous quelle inquiétude cela crée que de rester seule enfermée dans une pièce en sachant l'autre en danger ?

- Croyez-moi, sur ça, j'ai aussi eu ma leçon. Donc oui !

Il est vrai. J'avais presque oublié cet instant. Celui où j'ai décidé de le laisser au bon soin du village tandis que je m'aventurais seule en pensant que je pouvais changer le monde et sauver des gens. Pendant que tout ceci se passait, lui était resté derrière. Attaché. Enfermé. Seul.

- Je suis désolée, réalisant alors toute l'erreur de ma démarche.

- Sérieusement, vous avez le don de me rendre fou ! soupire-t-il en levant les yeux au ciel

- Est-ce une bonne chose ?

- D'habitude oui, présentement pas du tout. J'aimerais sincèrement que dans ce genre de moment, vous nous écoutiez.

- J'essaye, mais... ce n'est pas évident, confessé-je

Saisissant ma main, nous reprenons la marche vers la bibliothèque avant que ce dernier ne lâche sa prise et me pousse presque à m'asseoir sur le divan.

- Vous restez là, compris ?

- Oui.

- Bien. Je serais rapide.

Ouvrant la porte avec entrain, apparaît sur le pas de celle-ci le premier d'une longue liste d'ennuis. Un homme faisant bien trois fois la taille et le poids du Duc le dévisage avec un léger sourire avant de se saisir de ce dernier comme un enfant ramasserait une brindille se trouvant sur son passage. Sans effort.

Le tordant dans tous les sens avant de le jeter contre les étagères de la bibliothèque faisant tomber au passage les quelques ouvrages se trouvant sur cette dernière, il le ramasse avant de recommencer son geste de l'autre côté de la pièce, encore et encore et encore.

«Il va le tuer».

Ce fut là ma première pensée et pourtant, me voilà pétrifiée à l'idée d'intervenir dans ce combat de titans. La scène me paraît irréaliste et clairement les quelques coups que le Duc peut lancer n'ont guère l'effet escompté.

«Il va le tuer.»

- Je vous...interdit...d'intervenir, souffle ce dernier avec la moitié du visage en sang, les jambes tremblantes.

«Il va le tuer.»

Voyant le géant se saisir de son corps presque en lambeaux, je sors de ma cachette à quatre pattes et attrape toutes armes potentielles que je peux avoir sous la main avant de le lui lancer sur le crâne.

- Hé ! Je vous ordonne de le lâcher sur le champ !

Il s'exécute en lâchant le corps presque inerte au sol et en trois pas arrive à ma hauteur. Ce n'est qu'en me baissant que j'esquive ses énormes mains de justesse. Toute le pièce devient alors un énorme jeu de cache-cache tandis qu'il continue de me courir après, moi qui me faufile derrière ou sous chaque meuble que je peux avant que ces derniers ne finissent projetés aux quatre coins de la pièce. Très vite, je suis en manque de cachettes et de solutions.

«Il va me tuer.»

Sur l'instant, ma seule pensée ne fut pas ma mort imminente ni même la peur paralysante que je pouvais éprouvée concernant cette dernière. Ma seule pensée fut pour le Duc n'ayant pas bougé depuis cinq bonnes minutes. Etait-il... ?

Une idée me vient alors que j'attire l'attention du monstre apparent pour qu'il me suive à travers le dédale de couloirs. D'une enjambée, ce dernier rattrape ce que je parcours en cinq pas précipité tandis que je détale dans les escaliers menant à la plus haute tour, bien qu'en ruines du château. Cela devait certainement être un donjon il y a fort longtemps. Je peux sentir la pluie s'abattant sur mon visage pendant que je me tiens au bord du vide, un pied sur une pierre d'un édifice qui ne demande qu'à s'écrouler.

- A trois, un...deux..., sifflé-je avec un sourire fier.

Le voyant approché, toute la plateforme sur laquelle nous nous tenons se mets à trembler, sentant le craquement sous mes pieds.

Au moment même où ses bras se tendent pour m'attraper, mon petit corps glisse entre ses jambes à même les débris de verres, de bois et de pierres, provoquant plusieurs coupures ici et là sur mes jambes et mes bras. Puis dans un fracas souligné par un coup de tonnerre son corps bascule dans le vide dû à un élan non calculé dans sa charge animale.

Pendant un bref instant, je suis restée là, à même le sol, sous une pluie battante, le cœur palpitant et la poitrine comprimée.

Pendant un bref instant, je suis restée là, réalisant à peine ce que je venais de faire.

Je venais de survivre.

Puis sans crier gare, l'édifice précédemment instable, secoué par l'événement qui venait de se passer, s'effondre alors qu'une main me retient tout juste de ma chute imminente.

- Il semblerait que je tombe à pic !

Valerian.

M'attirant contre lui, ses yeux parcourent brièvement mon corps tremblant accusant tout juste le choc.

- Vous êtes définitivement la pire Princesse qui puisse exister ! Regardez dans quel état vous vous êtes mise, soupire-t-il avec un léger sourire.

- Mais au moins, vous vous souviendrez de moi étant ainsi.

- Je vous rassure, Votre Altesse Royale sera décidément difficile à oublier.

Nous échangeons un regard complice.

- Est-ce fini ? demandé-je

- Oui.

Mais je crains que le pire soit encore à venir. Tel le calme avant la tempête.

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