👑 CHAPITRE 43 📱

- Je suis prêt.

Il existe un dicton qui m'amuse tout particulièrement «Tel est prit qui croyait prendre» et alors que je pensais surprendre le Duc en jouant à son propre jeu, je m'aperçois que l'élève est encore derrière le maître tandis que ce dernier me dévisage avec un léger sourire amusé. Il se doute probablement de mon intention et pourtant accorde ses violons en fonction des miens. Alors, m'avouant vaincue, je recule pendant qu'un sursaut m'est arraché sous un violet coup de tonnerre.

- On dirait bien que nous aurons le droit à une tempête ce soir. Est-ce que ça ira ? s'inquiète t-il en me regardant toujours figée sur place.

- Bien sûr ! Pourquoi ça n'irait pas ? Tout va bien.

- N'avez-vous pas peur de l'orage ?

- Pfff ! Est-ce une autre de vos blagues ? Ou alors attendez-vous que je vous réponde que c'est effectivement le cas pour ainsi vous glisser dans mon lit ?

- Serais-je réellement ce genre d'homme à vos yeux ?

- Il serait dommage de détruire l'image d'homme honnête que vous prétendez être, n'est-ce pas ?

- Mais n'avez-vous justement pas souligné le fait que je n'étais pas un honnête homme ?

- Vous me rendez chèvre avec la façon que vous avez de retourner une conversation à votre avantage. Pour la peine, je vais me coucher.

Et pendant un bref instant, je le regarde fermement avant de rajouter

- Et seule, précisé-je

- Vous n'avez guère d'humour, Princesse, je suis presque déçu.

- A force de crier au loup, vous serez le premier surpris quand ce dernier arrivera pour vous.

- Un loup ou une louve ? relève-t-il sur le même ton amusé.

Levant les yeux au ciel sous son rire, je quitte la grande salle sous un éclair qui ne manque pas de me faire bondir. Je n'aime pas particulièrement l'orage, mais je n'en ai pas peur pour autant. C'est juste qu'il a tendance à me rappeler certaines choses que je préférerais à jamais oublier.

Me glissant jusque dans ma chambre et sous le silence évident de cette dernière, je me rends compte à quel point dehors, le ciel est en crise. La pluie qui s'écrase avec fracas sur la fenêtre, les éclairs qui pourfendent le ciel de part et d'autres. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas vu une tel accalmie sévir, peut-être même trop longtemps à tel point que j'avais presque oublié cette soirée-là. J'avais presque réussi à oublier.

«Laisse-la faire, ça ira mieux pour tout le monde si elle passe sa colère sur toi. Après tout, tu es née pour cela, non ?»

Dire que pendant un temps, j'ai presque cru que ma simple existence était faite pour ravir Ivory. Je pensais sincèrement qu'entre ses mains se tenait ma vie et que d'un simple claquement de doigts, elle pourrait alors l'effacer. Peut-être aurait-elle dû le faire quand elle en avait l'occasion car ce qu'elle m'a fait, tout ce qu'elle m'a fait, je compte lui faire payer. Peu importe la façon. Je lui ferais mal. Non. Je veux lui faire mal. Je veux la voir à terre et supplier comme je l'ai fait.

Me glissant sous les draps, je profite de ma solitude pour jeter un œil aux dernières informations.

« Les dernières nouvelles bouleversantes concernant la Princesse Isidora»

« Une comédie qui a subitement prit fin»

« Bas les masques pour l'enfant chérie du royaume»

« Tout ce que l'on ne vous a pas dit sur les petits penchants secrets d'Isidora Boùrbon»

Cela fonctionne. Je m'en doutais. Je peux presque sentir leur touche personnelle à travers ces gros titres et je devine que ces derniers s'en sont donnés à cœur joie. Exactement ce que j'escomptais qu'ils fassent. Quand il s'agit de détruire la réputation d'une personne, Cybele et Kybele ne manquent pas d'imagination. Les jumeaux «Fake News» ont toujours eu un penchant pour ce genre d'humiliation publique. Ils y trouvent leur compte et leur bonheur et bien que j'ai toujours trouvé cela d'un goût dès plus déplaisant, présentement je l'utilise pleinement. Il faut croire que tout compte fait, je ne suis pas aussi blanche que ce que j'aimerais laisser croire, mais nous savons pertinemment que ce jeu, s'il ne nous vole pas la vie, nous volera notre âme. N'est-il pas fait pour cela ? Pour faire ressortir le pire de nous-mêmes ? Nous qui avons toujours eu une vie presque toute faite, toute cadrée et surveillée, le Ruler Game est notre épée de Damoclés depuis notre existence. Il n'y a plus de faux semblants. Plus de mensonges. Plus d'hypocrisie. Juste des êtres humains qui vont se battre et se débattre en essayant au final d'obtenir la couronne. Seuls les plus sensés ont compris ou au moins réalisés que celui ou celle qui sera couronné aura perdu toute sa raison dans le processus car il faut être sacrément fou pour se jeter corps et âme dans une bataille comme celle-ci où tous les coups sont permis.

Même les plus horribles.

Mais n'est-ce pas la promesse que l'on s'est tous faite ? Que quoi qu'il advienne, quoi qu'il se passe...sur le trône il n'y aurait qu'une seule et unique personne : Nous-même.

M'apprêtant à poser mon téléphone sous mon oreiller à côté de moi, ce dernier se mets subitement à vibrer. Un appel et je sais de qui. Néanmoins, même en sachant qui allait se trouver de l'autre côté, une part de moi se retrouve à hésiter. Je n'ai jamais hésité avec lui. Pas un seul instant.

- Cela ne te ressemble pas que de m'appeler à une heure tardive, Ambrose.

Je me redresse, calant l'oreiller derrière moi tandis que ce dernier me dévisage gravement. Je connais cette tête. Je ne la connais que trop bien.

- Qu'est-ce que tu as fait ?

- Veux-tu bien être plus précis ? J'ai fais un tas de choses ces derniers jours et j'ai peur de ne pas me souvenir d'absolument tout.

- Tu sais très bien à quoi je fais référence. Magdalena, ça porte clairement ta signature cet acte. Je ne te connais que trop bien pour ne pas au moins savoir quand tu te caches derrière quelque chose.

- M'as-tu appelé pour me réprimander comme si nous étions encore au Palais ? Crois-tu encore avoir ce luxe là ?

- Cela ne m'amuse pas non plus, mais tu ne me laisse pas le choix quand tu déclares ouvertement la guerre à l'une de tes sœurs.

- Ambrose, as-tu été absent ces derniers temps ? Tu sais que ce jeu est une guerre déguisée. C'est tout le but de la manœuvre.

- Tu n'étais pas obligée d'être la première.

- Si c'est la raison de ton appel, sache que je vais raccrocher et me coucher.

- As-tu seulement conscience de toute l'inquiétude que je ressens à ton égard ? Les choses vont commencer à bouger et tout va être rythmé différemment à présent.

- De quel droit es-tu inquiet pour moi ? Si tu voulais manifester ton inquiétude Ambrose, il fallait rester avec moi. Je te l'ai dis à maintes reprises, mais à présent que nous sommes dans des camps différents, je ne me retiendrais pas. Même pas pour toi. J'ai vu à qui allait ta loyauté et sache que tu n'as été qu'une déception. Trahison serait injustement utilisé pour toi.

- Tu peux me détester si cela te chante, mais j'avais mes raisons et je ne m'attends pas à ce que tu les comprennes. Après tout, comment pourrais-tu comprendre quoi que ce soit toi qui a toujours refusé de m'écouter ?

Un rire gras m'échappe. Nos conversations vont-elles toutes se ressembler ou cela est-il juste un effet que je ressens ?

- Je n'ai jamais rien entendu d'aussi drôle de toute ma vie et les dieux savent que cette dernière n'est pourtant pas si longue !

- Écoute, soupire-t-il en se résignant, je ne t'ai pas appelé pour me battre une énième fois avec toi.

- Alors pourquoi m'as-tu appelé ? Ambrose, toi et moi... nous ne sommes bons que pour ça à présent. Nous battre, nous disputer. Tu ferais bien de cesser tout contact. Je doute que Byron tolère que tu passes ton temps au téléphone avec sa sœur.

- Je tiens à toi Magdalena. Vraiment et profondément. Je sais qu'actuellement, nous n'arrivons plus à échanger, mais je n'oublie pas tout ce qu'il s'est passé et si je t'appelle c'est pour te dire que tu es en grand danger. Tu nages dans un océan dès plus troublé.

- Ne t'en fait pas, j'ai pris ma bouée.

- Je suis sérieux. Fais attention à toi.

- Je t'en prie, tu dis me connaître et tu me traites encore comme la petite fille que j'étais. Ambrose, toute enfant est vouée à grandir. Sache-le, cela t'évitera peut-être bien des désillusions à mon égard. D'ailleurs, à ce propos... Tu me vois navrée de n'être qu'une immense déception pour toi, mais je suis appelée à faire les choses à ma manière.

- Et je n'ai rien contre, mais je te conjure de rester prudente. Ne peux-tu pas m'accorder cette simple faveur en mémoire à ce que nous avions toi et moi ?

- Ce que nous avions ? Mon pauvre Ambrose, ton cerveau est fatigué. Ne viens-tu pas de me dire que nous n'avions rien car je n'écoutais jamais ? Fais attention, tu te contredis dans tes paroles.

- Magdalena, je...

- Maintenant, si tu veux bien m'excuser, je m'en vais dormir sur mes deux oreilles. Et tout à fait entre nous ? Tu pourras dire à mon frère qu'il est le bienvenu si l'envie lui chante de passer me saluer. Je saurais être une hôte d'exception ! Après tout, n'ai-je pas appris des meilleurs ?

Je raccroche sur ces derniers mots, les mains tremblantes et le cœur en miettes comme à chaque fois que nous échangeons lui et moi. Parfois, je me demande ce qu'il en aurait été si Ambrose et moi étions restés ensemble comme convenus, s'il m'avait suivit. Serions-nous ainsi ? A nous battre ? Je ne sais pas. Je ne reconnais plus l'homme que j'aimais.

Mais néanmoins, par égard pour ce que nous avions, je devrais lui rendre ce service qu'il m'a demandé et être prudente, prendre des mesures sur le champ me semble soudain une bonne idée.

Glissant en dehors du lit, téléphone en main en guise de lampe torche, je traverse le couloir avant d'entrer dans la pièce se trouvant au bout de ce dernier à ma droite. J'eus une brève hésitation avant de franchir le seuil de la porte et de me faufiler délicatement jusqu'au matelas devant moi disposé.

Un grognement s'échappe des draps tandis que mon pied touche une parcelle de peau chauffée par la couverture.

- Vous avez les pieds froids, entendis-je alors.

- Je pensais que vous dormiez.

- Je somnolais en comptant le nombre de coup de tonnerres avant que vous ne veniez.

- Premièrement, je ne comptais pas venir et deuxièmement, je n'ai pas peur de l'orage.

- Alors que faites-vous là Votre Altesse ? Votre chambre n'est-elle pas plus confortable et plus chaude que la mienne dans laquelle nous pouvons entendre le vent siffler.

Maintenant qu'il le dit, je n'avais même pas prêté attention à ce détail, mais le sifflement est pourtant tout à fait perceptible.

- Surtout, ne vous décalez pas, rouspété-je en tentant de me faire une place sous les draps tandis qu'il me tourne toujours le dos

- Pourquoi ? N'est-ce pas mon lit ? D'ailleurs, sommes-nous d'accord que vous êtes celle ayant prise l'initiative ? Cela fait donc de moi un honnête homme.

- Vous êtes encore dessus ? Bon sang.

- Sachez que vous avez le don de heurter ma sensibilité !

- Me voilà ravie de l'apprendre, maintenant faites place à mon royal fessier.

- Je vous trouve bien trop à vos aises dans le lit d'un homme que vous commencez tout juste à connaître.

- Par pitié, soupiré-je, Duc, vous et moi savons que vous n'êtes pas celui qui fera quoique ce soit ce soir.

- Ah oui ? En êtes-vous sûre ?

Avant même que je n'eus le temps de répliquer, ce dernier se retourne, me tacle les jambes et me plaque dos contre le matelas tandis qu'en moins de temps que je n'eus pour réaliser son geste, ce dernier se trouvait déjà au dessus de moi, ses bras tendus venant encadrer de part et d'autres mon visage.

- Que fait le petit agneau quand il se retrouve face au grand méchant loup ? Tremble-t-il de peur ?

- Cela vous plairait, n'est-ce pas ? soulevé-je avec un léger sourire satisfaite par la vue que m'offrait son torse dénudé.

- Vous n'avez probablement pas idée de ce qui me plairait sur l'instant.

- Il est vrai, mais vous savez quoi ? Je sais exactement ce qui me plairait, fis-je en me redressant légèrement pour atteindre le creux de son oreille

- Je suis toute ouïe, souffle t-il

Arrivant à bonne hauteur et en prenant le temps qu'il faut pour le faire languir d'impatience, je murmure alors ces doux mots :

- Dormir.

Owen éclate de rire devant ma confession se laissant retomber à côté de moi, pris probablement dans un fou rire tandis que je le regarde avec un grand sourire.

- Vous êtes décidément, la pire Princesse que j'ai rencontré.

- Si j'étais une Princesse conventionnelle, vous vous serez lassé de moi.

- Probablement.

Un soupire commun nous échappe tandis que dehors, la tempête fait rage et ne semble guère faiblir.

- Je suis heureux de vous avoir connu Magdalena. Sincèrement. Vous êtes si...particulière.

- Seriez-vous tombé sous mon charme Owen ? plaisanté-je alors

- Comment peut-il en être autrement ? Seul un fou ne serait en mesure de passer à côté. Vous détenez l'étrange capacité de captiver les gens et à mon sens, c'est le meilleur sort que l'on puisse m'avoir lancé.

- Si nous étions dans un conte de fées, vous seriez effectivement le Prince Charmant.

Nous échangeons un regard, le visage tourné l'un vers l'autre avant de s'en détourner pour fixer le plafond que l'on ne perçoit même pas dans l'obscurité de la nuit.

- Et vous, vous seriez le Dragon.

- Définitivement.

Je serais celle faisant trembler tout un royaume sous ses pieds et c'est bel et bien l'intention que j'ai. Je veux faire trembler ce royaume-là. Celui de Nettivia.

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