👑CHAPITRE 39 📱

A temps menaçant, ciel cédant.

Lorsque les premières gouttes de pluie nous sont tombées dessus sans s'être annoncées au préalable, Owen et moi avons décidé de rentrer, nous enfermant dans la grande salle alors que l'on pouvait entendre le rideau s'abattre sur les fenêtres. Il va probablement pleuvoir toute la nuit durant. Pendant un bref instant, un soupire m'échappe tandis que le seul bruit ambiant se trouve être les doigts de Valerian tapotant frénétiquement sur le clavier, le visage dissimulé derrière son écran et ne nous portant à tous deux aucune attention. Je me demande même s'il a remarqué que nous étions tous les deux rentrés. Probablement pas.

Alors mes yeux se lèvent et le quittent pour trouver ceux d'Owen posés sur moi. D'un signe de la tête, il m'indique de le suivre plus loin, ce que je fais jusque dans une pièce voisine que je reconnais. C'est ici même que j'ai eu ma dernière conversation avec Ambrose. N'avait-il rien à me dire ? Au vue de la propagation de la nouvelle, il était pourtant difficile de passer à côté. Peut-être qu'il s'en fichait. Après tout, pourquoi Ambrose se soucierait-il encore de moi ? Il est le bras droit de Byron et vis et agis en conséquence de ce rôle qu'il a choisit d'avoir. Cela ne devrait même pas me venir en tête. A dire vrai, je n'ai guère le temps et le luxe de me permettre de penser à cet homme en sachant qu'il m'a tourné le dos et que ma vie ou bien mes sentiments ont si peu d'importance à ses yeux.

- Je propose un jeu, lancé-je soudainement. Êtes-vous joueur ?

- En êtes-vous encore à me poser la question en sachant pertinemment la réponse à cette dernière ?

- Disons que je préfère m'assurer de certaines choses.

- Donc ? Quel est votre jeu ?

- Le jeu de l'honnêteté. Jouons cartes sur table, Owen. Juste vous et moi, seuls dans cette pièce, s'avouant l'inavouable. Se disant droit dans les yeux, toutes ces choses qui nous peinent et nous pèsent.

- Très bien. Je présume qu'en vous entendant et en vous connaissant suffisamment à présent à présent, je suis celui à qui l'honneur de commencer revient.

- C'est formidable comme votre cerveau peut être brillant d'intelligence par moment, pouffé-je en m'installant sur un des deux divans se trouvant dans la pièce tandis que le Duc prends place en face de moi.

- Ne commencez pas...

- Voyons, vous savez ce que l'on dit, n'est-ce pas ? Qui aime bien châtie bien. De plus, sommes-nous pas tout juste devenus amis ?

- L'amitié, Princesse, comme toute relation humaine, est une construction de longue haleine. Mais c'est vrai, nous avons déjà fait un premier pas.

- Je sais, mais vous savez également qu'au vue de la tournure des événements, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas jouer franc jeu l'un avec l'autre. Cela ne nous cause que préjudice. En outre, avant de commencer le jeu, n'avons-nous pas été d'accord sur le fait d'accorder nos violons ? Il serait peut-être temps ne croyez-vous pas ?

Je peux le sentir. Cela le gène. Le simple fait que d'avoir à m'avouer la vérité le trouble d'une étrange façon. Il faut dire qu'après ce que j'ai pu entendre, je m'attends à beaucoup de choses de sa part et moi-même je ne suis pas entièrement convaincue dans le fait d'être pleinement et entièrement capable d'assumer cette dite vérité. Quelque part, elle m'effraie car visiblement, Owen semble suffisamment proche d'Ivory pour avoir réussi à la convaincre en passant je ne sais quel marché, de ne pas nous embêter durant une certaine période. Cela ne ressemble en rien à ma sœur que de faire des promesses...et encore moins de les respecter.

Ivory est connue pour un tas de choses comme son goût prononcé pour les objets de luxes ou les choses à la mode, son tempérament dès plus ingérable, ses crises de nerfs ou d'humeurs. Il n'y avait pas un domestique au Palais Royal sur qui elle n'avait pas déjà passé une de ses crises de colères. Certains s'en sortent avec des blessures toutes fois mineures d'autres...n'ont tout simplement pas cette chose. Ivory est manipulatrice, mesquine, froide, impulsive et joueuse. Aucun de ces traits de caractère précédemment cités ne servent un bon souverain. Bien au contraire. C'est une accro du pouvoir. Du contrôle et si la moindre chose déborde du cadre alors...

- Je présume qu'il faudrait que je recommence depuis le départ ? annonce alors Owen se redressant afin de faire quelques pas vers la bibliothèque en morceaux accrochée aux murs en lambeaux.

- De préférence, continué-je.

- Ce que vous allez attendre risque fortement de ne pas vous plaire.

- Tout à fait entre nous, si tout devait aller dans mon sens : Je serais Reine de Nettivia, mes aînés auraient finis exilés sur une terre lointaine et je pense que je vivrais formidablement bien.

Un bref rire lui échappe tandis qu'il se retourne vers moi, intrigué par mon propos.

- Exilés ? Est-ce votre plan final ?

- Je ne sais pas ce que vous pensez de moi, mais je n'ai pas la moindre envie d'en venir à des fins bien cruelles. Me diriez-vous, c'est peut-être naïf de ma part d'être la seule à avoir ce genre de souhait, mais j'aimerais très honnêtement qu'ils se résignent d'eux-mêmes le moment venu. Je sais que le but du jeu c'est «d'éliminer» tous les candidats pour qu'à la fin il n'y ait plus qu'un héritier restant, mais je ne suis vraiment une grande admiratrice de ce genre de procédé.

- Et vous pensez sincèrement qu'ils se laisseront mettre dehors de la sorte ?

- Probablement pas.

Mais je m'y attends. Rien ne sera facile. Ça ne l'est déjà pas.

- Mais ne nous étalons pas sur ce genre de sujet. Je vous écoute ! repris-je en le regardant fixement.

Je veux la vérité. Non, je mérite la vérité.

- Une partie des choses que je vous ai déjà dites sont vraies. Votre mère était une amie de mon père. Présageant que ce jour finirait par vous arriver, elle lui a demandé de veiller sur vous et cette tâche, à la mort de ce dernier, m'est tombée dessus. Pour être honnête, j'ai accepté par curiosité et ait profité de mes voyages hors du Duché de Norlia pour en apprendre plus sur vous. Plusieurs fois, j'ai croisé votre chemin en ville et la question subsistait à chaque fois : Mais que fait une Altesse Royale, seule et sans escorte en plein centre-ville ? J'avoue que quand j'ai découvert que vous taguiez les portraits de vos aînés, traîniez avec une bande de ruffians, participiez à des jeux d'argents, j'ai quelque part été séduit. Tout le monde le disait, mais personne n'y croyait vraiment : La huitième fille de la famille Boùrbon est une délinquante. Quelle surprise !

Délinquante est peut-être un mot un peu fort pour ainsi me l'attribuer. Je préférais celui de «femme d'affaire» car après tout, c'était de cela dont il était question à la capitale. J'échangeais des informations croustillantes provenant du Palais à quelques langues de bois bien pendues, j'amassais mon butin, je profitais de caricatures et autres moqueries gratuites sur les réseaux et observait du coin de l'oeil les réactions de Byron ou Ivory cherchant désespérément un coupable.

- Néanmoins, de part mon rang et mon âge, ayant cinq années de plus que vous et une position tout à fait favorable, le Roi ou plutôt la Reine...s'est arrangée d'une habile façon pour me lier dans un mariage non désiré avec la première princesse : votre soeur Ivory. Nous nous connaissions depuis l'enfance, de vue et par quelques formalités, mais jamais nous n'avons été réellement proches. Puis en grandissant et remplissant à présent les fonctions de Duc, j'en venais à être de plus en plus souvent au Palais. Naturellement, Ivory et tout son génie se sont débrouillés pour toujours nous mettre dans des situations intimes. Je crains que malheureusement, sur l'esprit diaboliquement brillant, vous partagez ce trait commun avec elle que cela vous plaise ou non.

Plutôt mourir que de partager quoique ce soit de commun avec une telle mégère.

- Son Altesse m'a toujours plus ou moins poursuivi alors qu'elle était plus âgée que moi. Par respect pour l'étiquette, j'exécutais certains devoirs envers elle. Promenades, sorties, discussions autour d'un thé, mais nos rapports ont toujours eu une certaine...froideur. Je ne saurais dire pour quoi exactement. Je présume qu'en plus de n'avoir aucune attirance physique pour elle, comme la majorité des sujets de Sa Majesté, une part de moi la craignait. Il faut être aveugle et sourd pour pouvoir ignorer les tenants et les aboutissants de son comportement. J'en suis venu à me douter que le moment venu, me voyant me rapprocher de vous de part la promesse qui lie nos familles, elle vous aurait forcément fait quelque chose avant même le début du jeu et ça...chère Magdalena, je ne pouvais pas le permettre. Alors...J'ai fais ce que j'avais à faire.

Dans sa voix ne résonne alors qu'amertume et dégoût tandis que ses yeux se sont depuis quelques minutes détournés de moi pour ne se concentrer que sur l'étrange moquette déchirée du jonchant le sol.

- Vous avez couché avec elle, n'est-ce pas ?

Parce qu'il est question de ça. De rapports intimes. Ivory n'aurait jamais refusé de rester sur la touche si elle n'avait pas eu une preuve de bonne foi du Duc et forcément, cela me révulse tout autant que cela ne me surprends guère de sa part. Elle a toujours été en quelque sorte une prédatrice, prête à user de tous les moyens pour obtenir satisfaction.

Et quand la Princesse Ivory voulait quelque chose : Elle l'obtenait. Peu importe comment. Un jouet est un jouet.

Comprenant la détresse dans son regard, je me lève et viens me positionner à ses côtés, prenant sa main dans la mienne et affichant le sourire le plus compatissant que je puisse avoir sous le coude.

Je connais ma sœur. Des atrocités, elle en a fait subir à tout le monde. Certaines cicatrices dans mon dos ou sur mes cuisses peuvent encore aujourd'hui en témoigner.

- Vous avez échangé une nuit contre ma sécurité, soufflé-je en m'agrippant à ses doigts que je sens tremblants.

Alors je comprends seulement maintenant, toute l'atrocité de la soirée et pour quelle raison il me le cachait.

- Notre marché est le suivant : Toutes les deux semaines, elle enverra quelqu'un me cherchait et je resterais à ses côtés deux jours durant. Si je m'en tiens à cela, alors elle ne vous attaquera que si et seulement si...il ne reste plus que vous sur l'échiquier.

Voilà donc son secret. Voilà tout ce qui pèse et peine le cœur de cet homme. Comment peut-il avoir accepté ce genre d'horrible marché ? Comment peut-il avoir pu tolérer ceci une première fois et tolérer que cela se reproduise ? Pour moi ? Pourquoi irait-il jusque là pour une fille qu'il ne connaît même pas ?

A présent, je perçois et je crois pour la première fois, toute la vulnérabilité d'un homme effrayé mais obligé.

- N'y allez pas, lancé-je alors en prenant son visage dans mes mains. N'y allez pas et restez avec moi.

- Ne venez vous pas d'entendre ce que je viens de dire ? Je n'ai guère le choix. Si je n'y vais pas alors...

- Je sais que cela est bien horrible à dire, mais nous avons toujours le choix. De plus, ne vous ai-je pas prouvé par A+B que je suis bien plus solide et capable que les apparences ne laissent à y croire ? Je saurais gérer ma sœur. Contrairement à vous, je la fréquente depuis quinze années.

- Si tel est le cas, vous savez aussi bien que moi que la guerre sera déclarée et qu'elle utilisera absolument tous les moyens même les plus vicieux pour...

- Je sais, coupé-je tout sourire. Je sais, mais je n'ai pas peur. Ivory peut me frapper, me faire battre ou que sais-je, elle n'arrivera pas à me briser.

- Princesse, je vous en conjure de repenser à...

- Ayez confiance en moi Owen, tout comme j'ai présentement confiance en vous. Je sais que j'ai encore beaucoup à apprendre, que je suis une enfant impulsive et immature certainement à vos yeux, mais croyez-moi... il y a des leçons que je connais par cœur, insisté-je

S'écartant de moi brièvement avant d'attraper mes mains dans les siennes, un étrange sourire apaisé apparaît suspendu au bout de ses lèvres.

- Je vous crois et vous suivrais les yeux fermés Magdalena, car s'il y a bien une chose que j'ai moi-même apprise de vous, c'est que ce regard que vous avez sur l'instant me laisse à penser que vous avez un plan.

- C'est vrai. Mais ce n'est pas un plan de bataille. C'est un plan de guerre. Dites-moi, pensez-vous vraiment que j'ai choisi volontairement le Baron Decloff pour avoir plus de compagnie ?

Il faut toujours voir plus loin que le bout de son si petit nez.

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