👑CHAPITRE 30 📱

A six kilomètres au nord-est du château se trouvait un village. Selon les cartes, c'est probablement le seul village aux alentours avant le prochain se trouvant à une vingtaine de kilomètres. Il est peuplé d'environ un millier d'habitants et subit depuis des années la pression et le harcèlement des seules ressources envoyées par la capitale, les bandits faisant main basse sur tout ce qui peut leur être utile : Denrées alimentaires, produits médicaux, caisses de matériaux informatiques. Tout y est passé. Malgré les nombreuses plaintes du chef du village, pas un membre de la garde royal n'a daigné faire le déplacement, estimant que les habitants de ce village, et de tant d'autres connaissant le même sort, devaient se débrouiller seuls. La plupart sont démunis, vieux, malades ... l'option du combat n'est donc même pas envisageable. Ils n'ont aucune arme. Aucun moyen de défense et à chaque complainte passée, un enfant a été enlevé. Il y a bien des rumeurs qui courent sur leur sort qui leur est réservé, mais aucune piste fiable : Enrôlement, trafic d'êtres humains, trafic sexuels... personne ne sait réellement ce qui se passe. En réalité, personne ne s'est penché réellement sur la question. Celestia a été totalement abandonnée par le Royaume depuis près d'un an, déjà mise à mal par la pauvreté dû à l'abandon des mines et à la surexploitation de la terre, la «préparation» au jeu n'a rien arrangé. Bien au contraire. Je doute donc que ma venue soit vue comme une sorte de miracle ou de réponse magique. Par mon titre et mon rang, je représente bien malgré moi la famille royale et par conséquent, je ne peux qu'être le réceptacle de leur haine et de leur ressentiment. Maintenant que le Royaume les a laissé, que pourrais-je bien leur apporter de plus ?

Dans mon esprit, chasser les bandits village après village me semblait être une bonne idée, mais dans la réalité j'ai bien conscience que c'est une manœuvre impossible. Un idéal tout au mieux. Nous n'avons ni le temps, ni le luxe de courir village après village à jouer les justiciers pour défendre la veuve et l'orphelin, bien au contraire. Il fallait envoyer un message. Quelque chose de fort, leur faisant comprendre qu'à présent, les choses allaient se passer différemment et que la province de Celestia avait de nouveau un gouverneur comme lors de ses temps de gloire. Mais qui prendrait une jeune fille tout juste âgée d'une quinzaine d'années au sérieux ? Probablement personne et à raison. Je n'ai pas ce qu'il faut pour être celle qui dirige ouvertement, en revanche, je connais une personne qui sait parfaitement tirer son épingle du jeu quand il s'agit de gestion de territoire.

- Donc si je résume la situation, vous voulez faire de moi le représentant de la province de Célestia ? répète le Duc sans cacher le fait d'être tout à fait sceptique devant l'idée que je viens à l'instant de lui présenter. Son Altesse n'est pas sans savoir que c'est sa personne qui est normalement désigné par notre bien aimé Roi en tant que «gouverneur» de la province ?

- Et de ce fait, ayant bien conscience de mon incapacité à administrer un tel territoire dû à mon grand manque d'expérience sur le sujet, je confie le titre de «gouverneur en apparence» à Son Excellence, repris-je.

- «Gouverneur en apparence» ? Ne venez-vous pas d'inventer le titre à l'instant ?

- Précisément ! Si cela vous chagrine, dites-vous que vous serez la vitrine, que dis-je ! Le visage de Celestia et moi j'en serais le cerveau.

- Mais ne venez-vous pas de déclarer être dans l'incapacité d'assumer pleinement vos responsabilités ?

- C'est pour cela que vous allez m'apprendre ! Progressivement j'entends. Vous serez le gouverneur officieux dans un premier temps tandis que je garde le titre officiel. Ni vu ni connu je vous embrouille !

Je le vois lever les yeux au ciel avant de se passer une main sur le visage. Cet homme est un gigantesque panneau d'affichage pour ses émotions qu'il ne dissimule même pas, mais il arrive également à garder je ne sais quel secret à l'abri de personne comme moi : Trop curieuse pour leur propre bien être.

- Puis-je au moins vous poser une question avant d'accepter de m'embarquer dans une situation qui, de toute évidence, dérapera sans trop tarder ?

- La confiance que vous accordez à mes idées a le don de me surprendre à chaque fois.

- Ce n'est pas une question de confiance Princesse, c'est... Au bout d'un moment, il nous ai plus facile de prévoir certains scénarios tant nous en avons vu défiler.

- C'est pour cette raison très précise que je sollicite votre aide Duc. Mais revenons-en à votre question : Quelle est-elle ?

- Savez-vous seulement ce que vous faites ou tentez-vous d'improviser à chaque fois ?

Un large sourire traverse mon esprit tandis que je me mets à réfléchir à une éventuelle réponse à lui apporter. La seule que je trouve n'est guère faite pour lui plaire je le crains.

- Son Excellence devrait être avertis d'une chose précise me concernant.

- Et laquelle est-ce ? Car depuis notre première rencontre, j'ai peur de voir apparaître certains traits disons...particuliers chez votre personne.

- Depuis que je suis née, j'improvise.

Et je crois qu'il n'y a jamais rien eu de plus véridique à mon sujet. Au fond, je n'ai jamais vraiment su quoi faire, quoi dire, comment me comporter, à quoi rêver, mais en grandissant j'ai développé l'intime conviction de vouloir mettre à mal notre régime me basant sur mon seul constat. Des classes sociales, une monarchie choisie par un programme de divertissement, des vies gangrenées par la technologie, il y a tant à détruire, mais aussi tant à reconstruire à partir des débris. Un souverain, un leader, ne devrait pas être simplement le «visage» d'un peuple, il devrait en être son guide. Non son commandant. Il serait alors à l'écoute des maux qui rongent sa nation afin d'apporter une solution au lieu d'aveugler son peuple de paillettes qu'il appelle «promesse». Le gouvernement n'est que ça : Promesse en l'air et espoirs dans le derrière. La vanité de certains chefs politiques, leurs envies d'être constamment au devant de la scène conduit indéniablement à la chute parfois de leur administration.

- Princesse Magdalena...

- Non ! Je sais déjà ce que vous allez me dire et je ne veux pas l'entendre.

- Malheureusement, je crains que vous alliez devoir le faire car je m'apprête à vous dire que ce genre de configuration n'est pas envisageable.

- Duc...Je ne peux pas être gouverneur...Vous le savez.

- Je le sais, mais je trouve cela presque insultant que vous oubliez ce pour quoi nous nous sommes engagés tous les deux. J'ai promis de vous aider. De vous apporter tout le soutien nécessaire. Je vous ai promis de mettre à votre disposition chaque ressource à ma disposition Princesse. Je ne m'attends pas à ce que vous preniez les commandes maintenant, bien évidemment que cela vous paraît effrayant. Néanmoins, comme je vous l'ai dit : Vous n'êtes pas seule.

- Alors pourquoi ai-je l'impression de l'être ?

Il fronce des sourcils et plisse des yeux, jouant la carte de l'incompréhension pourtant, je ne peux que me demander ce qu'il me dissimule sous cette apparente pleine confiance qu'il m'accorde.

- Pourquoi ai-je l'impression que vous essaye de me dire quelque chose ? Princesse, si vous avez quelque chose à me dire, dites le franchement.

- Très bien, soupiré-je en plongeant mes yeux dans les siens. Qu'est-ce que vous me cachez ? Je n'ai pas cherché à en savoir plus au palais, mais cette fois c'est différent. Vous ne m'avez pas choisi comme partenaire par hasard et cela dépasse la simple promesse. J'ai conscience que vous avez vos propres motivations Duc et je veux savoir ce que c'est.

- Je savais que vous n'aviez pas oublié et que tôt ou tard, cette conversation finirait pas revenir. Malheureusement...

- Ne me dites pas que vous n'allez rien me dire car croyez-moi, j'ai des moyens de vous faire parler.

- Vous m'avez déjà menacé, deux fois si mes souvenirs sont exacts. Vous m'avez également séquestré à l'intérieur même de vos appartements. Non pas que je veuille rire de vos efforts, mais étant donné que nous sommes sur la corde de l'honnêteté, je dois dire que pour l'instant les méthodes que vous employez n'ont guère portées leurs fruits.

- Oh pitié, vous savez aussi bien que moi que j'ai été sage. Si vraiment vous commencez à cerner quelques traits de ma personnalité comme vous le prétendez, vous savez que je peux aller beaucoup plus loin.

- Et donc ? Que prévoyez-vous de faire de moi ? M'enfermer dans un donjon et me torturer toute la nuit durant ?

- C'est une possibilité en effet.

Alors à quelques mètres l'un de l'autre, les visages s'approchant délicatement tandis que nos regards ne se quittent pas, nous sommes brusquement interrompus par le raclement de gorge de Valerian nous informant de sa présence.

- Non pas que je veuille interrompre vos plans, ma foi, séduisants et bien que je reconnaisse que tous les goûts sont dans la nature, néanmoins, je vous rappelle que nous avons du pain sur la planche. Vous pourrez passer vos nuits attachés plus tard.

Le Duc me dévisage alors avec un léger sourire en coin.

- Ce sont là les préférences de Son Altesse Royale. Visiblement, ces derniers sont particuliers et je crains ne pas être en mesure de pouvoir assouvir ses besoins, siffle le Duc en rejoignant le pas de la porte sur lequel se tient le Baron qui ne nous quitte pas du regard.

- Dites-vous cela dans l'espoir de me ridiculiser ou de me voir rougir de honte devant Valerian ? Quelle mignonne tentative. Vous serez certainement déçu que cela est un échec. Le Baron et moi sommes amis ! Je n'ai pas de secrets pour un ami, n'est-ce pas Valerian ?

- Valerian ? relève le Duc en le regardant à son tour.

- Des amis ne se rappellent pas constamment leurs titres respectifs, n'est-ce pas ? Nous avons donc décidé d'un commun accord de nous appeler par nos prénoms.

Alors ? Est-on jaloux ?

- Je présume donc, Baron, que vous savez que Son Altesse pousse de légers gémissements quand elle dort, expédie le Duc

- Quoi ? hurlé-je en le voyant sortir des inepties monstrueuses.

- Vous savez quoi ? Je vais vous laisser tous les deux. Il y a des choses que je ne préfère pas entendre.

Valerian repart aussi vite qu'il est apparu, laissant la porte légèrement entrouverte tandis que le Duc Owen se retourne vers moi tout fier.

- On dirait bien que je gagne. Je vous l'ai dit et vous le répète, vous n'avez pas les armes pour me battre sur ce terrain là, Princesse.

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