👑CHAPITRE 28 📱
Avant même que je n'entende le nom de Celestia lors de l'affectation, je savais que j'hériterais de cette province. En fait, une part de moi-même en était convaincue. Une province maudite pour une princesse maudite, cela allait de pair. A cet instant, j'ai alors réalisé qu'au-delà d'une punition, c'était tout bonnement un signe : Personne ne croyait en ma réussite et toute la cour s'était ainsi assurée de se débarrasser de moi. Personne ne s'attend à ce qu'une bâtarde sans éducation et sans aucune connexions ne tienne bien longtemps dans le jeu. Mais là était tout le but de la manœuvre. Tirer une croix sur moi et profiter des infortunes du jeu pour faire en sorte que je disparaisse. C'était d'un prévisible que cela en était presque risible car croire que j'échouerais revient à me sous-estimer et il n'y a rien de plus navrant que de voir en moi une gamine de quinze ans seulement. Ils n'ont pas idées de qui je suis et de qui j'aspire à être.
- Donc, Votre Altesse, avez-vous pu réfléchir au programme que vous allez mettre en place pour redynamiser la province de Celestia ? me demande le Duc alors qu'est étalé sur la table des cartes topographiques, des documents statistiques, des rapports en tout genre.
C'est vrai. Une politique. Mes aînés ont déjà trois trains d'avance sur moi tandis que je suis assise au bout d'une table, observée par deux hommes n'attendant probablement que de ma folie un coup de génie. Malheureusement, je suis uniquement téméraire faute d'avoir été dotée d'un esprit dès plus brillant. Je savais ce que j'allais faire d'entrée de jeu, mais je n'avais pas la moindre idée pour la suite. Étant donné la situation, je ne pouvais me permettre d'improviser, on ne joue pas avec les vies de tous ces habitants. C'est un jeu pour certains et une question de survie pour d'autres. Il fallait que je me penche tout d'abord sur le peuple de Celestia. La province a été grandement désertée après les multiples abandons et de toute évidence, les terres ne sont que peu cultivables dû à la trop forte exploitations des ressources minières et terrestres. Une grande partie des Celestiens sont pauvres, malades, vieux et les quelques bras présents se sont reconvertis dans la délinquance, la criminalité et autres activités illégales. Rien de tout ça ne fait mon affaire et effectivement, il faudrait un miracle pour réussir à redresser la province. Sur le long terme, peut-être que cela serait envisageable, mais en trois mois seulement, le défi paraît presque impossible.
Le seul élément qui peut éventuellement faire pencher les choses en leur faveur se trouve présentement assis à une table en train de réfléchir. Tout repose sur moi.
- Très bien messieurs ! Nous allons avoir du travail et j'espère que vous savez retrousser vos manches.
Tous deux me dévisagent alors avec un grand sourire s'attendant certainement à ce que j'ai la meilleure idée. Ils vont probablement être déçus, mais je ne me vois pas redresser Celestia sans me débarrasser au préalable de son fléau principal : La criminalité ambiante.
- Nous allons à la chasse aux bandits ! lancé-je enjouée
- Pardon ? réplique le Duc les sourcils froncés, J'ai peur d'avoir mal entendu.
Et ma première étape consiste à m'assurer le soutien constant et indéniable du Duc Owen de Norlia qui visiblement ne peut cacher son mécontentement. Moi qui pensais l'avoir convaincu tout à l'heure en le mettant à terre.
- Votre Excellence, vous n'êtes pas sans savoir que la province de Celestia souffre d'un mal ambiant et que tant que nous n'avons pas éradiqué ce fléau de prime abord, il nous sera extrêmement difficile d'évoluer, d'appliquer des politiques ou de faire quoi que ce soit d'autre. Il faut que ceci prenne fin.
- Votre Altesse, noble soit votre intention, je ne pense pas que l'on puisse se permettre à seulement...trois, disons deux personnes et demie, ce genre d'aventure dès plus risquée.
- Duc, je vais avoir besoin de votre confiance.
- Et je peux vous assurer Princesse, que vous l'avez, n'en doutez pas, malheureusement....
- Duc de Norlia ! siffle le Baron Decloff d'un ton plus élève que le nôtre.
A cet instant, ce dernier se retourne vers son interlocuteur et tous deux échangent un regard qui en disait long. Si je n'avais pas malencontreusement écouté leur conversation ayant eu lieu tôt dans la matinée, je ne me serais probablement doutée de rien, malheureusement, je sais pertinemment ce que ce regard signifie et ce qu'il va engendrer par la suite.
- Très bien, se résigne le principal mécontent, par quoi proposez-vous que l'on commence ? Nous ne pouvons pas nous aventurer ici et là en leur demandant de bien gentiment quitter leur territoire.
- C'est vrai, nous ne pouvons pas le faire. Néanmoins, nous pouvons leur proposer quelque chose de beaucoup plus intéressant. Quel est le fruit défendu dans lequel croquerait tout brigand qui se respecte ?
- L'argent, répond immédiatement Valerian
- Bien vu !
- Mais nous n'avons aucun fond, reprend le Duc
- Pour l'instant, c'est vrai que nous n'avons que de quoi subvenir à certains besoins disons...Mais qui a des caisses remplies ?
- La trésorerie royale, complète le Baron.
- Pourquoi n'ai-je subitement pas envie de savoir ce qu'il se passe dans votre petite tête ? soupire le Duc en se frottant la nuque
- Peut-être parce que vous savez déjà ce que cela ne vous plaira pas, lui lancé-je dans un clin d'oeil amical.
Je ne suis probablement pas la mieux placée pour me lancer dans ce genre de paris stupides et dangereux, mais la situation ne me laisse guère d'autre choix et puis, je ne doute pas qu'un trou de quelques millions n'affectent pas réellement les comptes du couple royal. Après tout, ce dernier débourse des sommes astronomiques chaque année pour ne serait-ce que leurs gardes robes, leurs voyages, leurs déplacements et cela ne semble pas inquiéter le moins du monde la petite population bourgeoise de la capitale, alors mon emprunt sur le plus ou moins long terme ne signifiera probablement rien.
- Baron Decloff, auriez-vous l'amabilité de vous occuper de cette tâche ? demandé-je avec mon plus beau sourire.
- N'est-ce pas pour cela que je suis présent Votre Altesse ?
Venant d'un homme comme lui, je n'en attendais pas moins.
A présent, mon regard se porte de nouveau sur le Duc qui semble plus contrarié et agité que jamais. Cet homme est un remarquable livre ouvert sous certains aspects. Je suis étonnée de ne pas réussir à deviner certaines de ses motivations quand il ne cache pas le moins du monde ses émotions et ses pensées concernant mes idées.
- Votre Altesse, pourriez-vous m'accorder cinq minutes ?
- Même six pour vous. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pas ici, en privé.
Nous quittons la pièce principale, pour nous retrouver tous deux dans le couloir à quelques mètres des portes.
- Je sais que ceci ne vous plaît pas.
- Vous savez ? Ah ! Formidable. Donc vous avez conscience que c'est épouvantable ?
- Duc, nous avons déjà eu cette conversation précédemment il me semble et selon mes souvenirs, nous avons trouvé un accord commun.
- Je n'appellerais pas cela un accord, mais plutôt un compromis. Princesse, vous jouez avec le feu.
- Le dicton populaire ne veut-il pas qu'il n'y ait pas de fumée sans feu ?
- Cela vous amuse-t-il donc ? D'avoir toujours le dernier mot ou de n'en fait qu'à votre tête ?
- Absolument pas Duc. Mais j'ai vécu enfermée dans un château pendant quinze ans, sans pouvoir faire quoique ce soit à part quelques tagues et quelques farces. Il n'est pas question que je continue à vivre de la sorte. Je sais que vous ne voulez que mon bien être et ma sécurité. Que vos intentions sont louables et que vous dites ça car il faut bien que quelqu'un ait la voix de la raison...Mais au fond de vous, vous le savez déjà, n'est-ce pas ? Que tout ce que vous direz entrera dans une de mes oreilles et ressortira par l'autre. Je ne suis pas quelqu'un de têtue ou de naturellement bornée Duc, je suis seulement quelqu'un qui essaye de faire ses preuves aux yeux de millions de gens qui n'ont pour seul et unique souhait que de me voir échouer. Et ça, voyez-vous, je ne peux pas me le permettre.
Quoi qu'il arrive, je ne peux pas me permettre d'échouer car je sais qu'au moindre faux pas, mes aînés seront là.
- Je vois, soupire t-il comme s'il sortait toute l'air emmagasinée dans son corps. Je me résigne. Vous gagnez, rit-il alors, et le pire c'est que cela ne m'étonne même pas.
- Ce n'est pas ce que je vous demande et je sais qu'un jour viendra, j'aurai besoin que quelqu'un me dise «ça suffit» comme vous le faites présentement. En outre, ce n'est pas une question de perdre ou de gagner, mais il faut faire le nécessaire et parfois, pour accomplir cela, il faut se salir les mains et faire des choses qui ne nous plaisent pas forcément.
- Avec tout le respect que je vous dois et sans vouloir être offensant, que savez-vous à propos du fait de devoir se salir les mains ?
- Probablement pas grand chose car je ne suis qu'une enfant, mais tout ce que je sais c'est que je refuse de laisser les tâches ingrates à d'autres en sachant que je pourrais les accomplir moi-même. Ce n'est pas de cette façon que j'entreprends de gagner le trône de Nettivia. Cette couronne, je veux la mériter au prix de mes propres efforts.
- Vous a-t-on déjà dit que vous étiez une personne remarquable ?
- Non, j'ai toujours eu tendance à être invisible et quasi inexistante.
- Pas pour moi. Pas à mes yeux en tout cas.
Dans ce cas, gardez les bien ouverts car il se pourrait que cette histoire soit la seule chose qu'il nous restera à conter à la fin à celui ou celle qui voudra bien lui prêter suffisamment d'attention. Peut-être que cette personne dira alors qu'on vivait dans un monde bien fous et ne croira sûrement pas que la technologie a fait de nous ces esclaves au point que l'on ne s'en est même pas rendus compte nous-mêmes. Du moins, pas avant qu'il ne soit trop tard pour faire marché arrière en tout cas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top