👑 CHAPITRE 11 📱
Le duc m'informa de sa réunion vers les coups de midi avec Byron et de ce fait, nos chemins se séparèrent au détour d'un couloir, lui partant dans un sens et moi dans l'autre cherchant je ne sais quelle aventure pour occuper le reste de ma journée. A cette heure-ci, le palais est habituellement bruyant et plein de vie. Les nobles ayant fait la fête toute la nuit se réveillent et sortent de leurs chambres, se rejoignent les uns et les autres pour déjeuner ensemble ou pour une tasse de thé. C'est pour cela qu'habituellement, à cette heure-ci, je suis en ville et non ici car je sais que le palais royal est un endroit beaucoup plus dangereux en pleine journée plutôt qu'en pleine nuit. Il est toujours plus facile d'éviter un ivrogne qu'une Madame en pleine possession de ses moyens.
Une infime partie de moi-même aurait aimé qu'il reste à mes côtés pour profiter de la sécurité que sa seule présence m'offrait. Malheureusement, j'ai moi-même des combats à mener et je ne peux l'entraîner dans toutes mes batailles.
- Oh ! Quelle désagréable surprise ! Princesse Magdalena.
Et en parlant de bataille, en voilà une qui me tient en échec depuis près de trois ans. La Comtesse Baptista. Elle est aux hommes ce que sont les virus pour la technologie : une plaie.
Je pensais qu'en coupant par cette aile du palais pour rejoindre mes appartements, je n'aurai pas à croiser quelqu'un comme elle, mais il faut croire que la mauvaise journée ne fait que continuer tandis qu'elle se retrouve entourée de toutes les petites bourgeoises de la ville très certainement venue ici pour lui faire part de leur admiration afin de gagner ses faveurs.
- Comtesse. On vous dit rétablir de votre maladie, vous m'en voyez désolée. Néanmoins, je me réjouis que cette dernière ait laissé des marques encore visibles sur votre visage se retrouvant ainsi déformé.
Il y a deux semaines, une rumeur courait chez les domestiques qui voulait que la Comtesse ait été alitée à cause d'une forte réaction allergique. Il faut croire que la rumeur était tout à fait fondée.
- Au vue de vos habits, je ne vous pense pas être la mieux placée pour parler d'apparence, non ? Plus je vous croise et plus vous vous rapprochez d'une souillon. Même vos domestiques se portent bien mieux. Mais je suppose que l'on ne peut rien attendre d'une tâche telle que vous. En même temps... Votre mère n'était-elle pas une bonne...à rien également ?
Sous l'évocation de ma mère, la colère me prends tandis que j'attrape pleinement son visage entre mes mains pour le plaquer violemment contre le mur.
- Dites encore une seule fois du mal de ma mère et je...
- Et quoi ? Regardez autour de vous, Princesse, vous n'êtes rien de moins qu'une bête sauvage dans une robe. Ce sont les rubans que vous portez qui sont votre laisse.
Mon regard se perds sur le groupe et les gardes royaux s'approchant progressivement de la scène, leurs mains se tenant sur la garde de leurs épées.
- Vous savez quoi ? Vous avez totalement raison à mon propos. Je suis une bête sauvage.
Affirmant ma poigne sur ses joues, j'éloigne son visage du mur avant de le claquer une nouvelle fois contre ce dernier avant de la laisser tomber au sol à mes pieds, le nez complètement en sang.
- Oh mon dieu ! Que quelqu'un aille chercher de l'aide ! Vide !
- Il faut l'arrêter !
M'arrêter ? Allez-y si vous osez.
- Vous savez, c'est la première fois que vous êtes à mes pieds et je trouve que cette position vous sied à merveille. Vous ne devriez pas oublier qui je suis.
- Vous allez regretter d'avoir levé la main sur moi.
- Ah oui ? Dites-moi qu'allez-vous...
- Magdalena !
Une voix s'élève à l'autre bout du couloir tandis que je me retourne pour apercevoir un Ambrose arrivant à bout de souffle sur la scène suivie de trois gardes. Vraiment ? La cavalerie ? Mon petit gabarie nécessite-t-il de monopoliser autant d'hommes pour m'arrêter ?
- Votre Altesse, je vous prie de cesser toutes formes de violence. Permettez-moi de vous escortez jusque dans vos appartements.
Dis-moi Ambrose, quand as-tu commencé à me dévisager de cette façon ? J'ai pour habitude de côtoyer ton regard autoritaire et mécontent, mais celui-ci plein de colère, je ne le connais que trop peu. Est-ce moi qui te mets dans un tel état ? Qu'ai-je fait de si mal pour mériter une telle punition que d'être remise dans ma chambre comme une petite fille ?
J'en ai assez que d'être traitée de la sorte. Assez que l'on se permette de me regarder de la sorte. Assez que l'on me dise quoi faire ou quoi penser.
Assez du manque du respect constant qui règne en ces lieux. Je mérite mieux que ça. Je suis Magdalena Lucia Boùrbon, Princesse du Royaume de Nettivia et par conséquent, je mérite que l'on me traite en fonction du rang qui est le mien.
- Sir Ambrose, restez à votre place. C'est un ordre.
Tu sais, j'ai toujours détesté ça. Le respect obligatoire que l'on devait aux gens en fonction de leurs rangs. Tout était fait pour que les plus petits soient écrasés. Maltraités. Jugés. Condamnés. Opprimés. Alors j'ai fais de mon mieux pour traiter chaque personne de la même façon. Pour ne voir que les "êtres humains" qui se tenaient en face de moi mais tandis que je me suis efforcée de penser ainsi, d'autres ont cru qu'il était sage de profiter de moi. Aujourd'hui, ce temps est révolu. Je jouerais dans les règles si dans les règles cela doit se dérouler.
- Votre Altesse, je ne...
- Silence. Je ne pense pas vous avoir donné la permission de parler. Veuillez retourner aux tâches qui étaient les vôtres, mon entretien avec la Comtesse ne sera guère long. A moins que cette dernière ne veuille faire durer notre petite conversation ?
Ramassant ses jupons, elle s'enfuie avec son groupe presque en courant, tenant fermement son nez. Pour la première fois de ma vie, j'ai un léger sentiment de satisfaction.
- Votre Altesse, je me vois dans l'obligation de faire remonter cette altercation au Prince.
- Je doute que cela l'intéresse beaucoup. A moins que ta nouvelle mission soit de lui rapporter mes moindres faits et gestes ?
- Ne sois pas comme ça, s'il te plaît. Je n'ai pas envie que chacune de nos rencontres débouche sur une dispute.
- Ce n'est pas une dispute Ambrose, c'est un échange cordial. Mais un conseil, trouves-toi un nouveau maître pour lequel remuer de la queue. Mon frère t'abandonnera dès qu'il aura ce qu'il veut.
- Pourquoi faut-il que tu sois aussi...Hmmm... parfois j'aimerais retrouver la Magdalena d'avant.
Avant ? Comment étais-je ? Je ne m'en souviens pas vraiment. Je ne sortais pas beaucoup de ma chambre, j'osais à peine me balader. Je pleurais seule en silence, étouffant mes cris. Mes repas étaient servis froids et j'en tombais malade. Chaque noble se permettait d'être ignoble et certains allaient même jusqu'au harcèlement physique. J'en porte encore certaines traces aujourd'hui. Avant, je n'étais qu'une petite fille effrayée pensant que sa mort soulagerait probablement bien des consciences. Quand je te vois, je ne peux que comprendre pourquoi je me suis accrochée. Jour après jour, j'espérais secrètement qu'un beau matin, tu me prennes avec toi et que nous nous en allions. Je ne rêvais que de ça. Que de pouvoir m'échapper d'ici en tenant ta main. Mais figures-toi que ce n'est pas ta main que j'ai tenue tout à l'heure. Ce n'est pas tes yeux que j'ai croisé en promettant. Ce n'est pas ton rire qui résonné. Ce n'est, de toute évidence, pas toi qui s'est tenu près de moi.
- Tu as fais tes choix Ambrose. J'ai fais les miens.
- Et c'est tout ? Pour toi cela peut se résumer qu'à une question de choix. Je te trouve bien réductrice.
- Je préfère être réductrice et m'en tenir aux faits. Récemment, j'ai douloureusement appris qu'être idéaliste n'était pas bon pour le cœur.
A cet instant, je m'attends à des excuses et je ne sais même pas pourquoi. Peut-être parce que c'est tout ce que je souhaite de sa part ? Juste des excuses. Si Ambrose venait à demander pardon, peut-être alors que je pourrais revoir ma position concernant mon alliance avec le Duc Owen. Peut-être alors n'aurais-je pas la hargne comme je l'ai maintenant. Peut-être que je la jouerais gentiment.
- Ainsi, le silence est ton allié. Soit. Tu as choisis ton camp. J'ai choisis le mien. Que cela soit clair Ambrose, quand tout ceci commencera, ne t'attends pas à trouver Magdalena en face de toi.
- Que suis-je supposé comprendre ?
- Je te l'ai dit : La guerre est à ta porte maintenant que tu l'as convoquée.
- Tu n'as pas ce qui faut pour cette guerre.
Allons bon, j'aurai tout entendu. Lui, parmi tous les autres...Lui qui me connaît si bien se permet ainsi donc de me sous-estimer, chose que j'ai en horreur. C'est parfait.
- Dans ce cas, heureusement que je ne suis pas seule. Je ne me retiendrais pas pour toi.
- Comprends-le bien Magdalena, tu es une enfant, tu ne saisis pas pleinement tout ce qui est en jeu ni même ce que cela implique. Tu es loin, très loin d'avoir en mains les cartes nécessaires. Tout ce que tu risques de faire ce sont des remous tandis que tes aînés se montreront sans pitié. Tiens-tu vraiment à ça ? Jusqu'à présent tu as été parfaitement claire quant à ta position vis à vis du trône alors pourquoi changes-tu d'opinion si soudainement ?
- Parce que pour une fois dans ma vie, je veux gagner. Et tu sais que quand je veux quelque chose... je l'obtiens.
Plus que jamais, j'aurai aimé les choses se déroulent autrement entre nous. J'aurai aimé le rallier à ma cause ou le tenir hors de danger. Mais je ne peux pas. Au fond, je sais que quand le moment viendra, Ambrose choisira un camp qui n'est pas le mien et ça, ça me fend le cœur en deux. Il n'y a rien de satisfaisant dans le fait de battre une personne qui nous est chère. Il n'y a rien de plus blessant justement que de voir tout l'amour que l'on peut avoir et ressentir, disparaître progressivement pour ne devenir que froideur et détermination.
Comment ce monde peut-il ainsi retourner ce qu'il y a de meilleur en nous pour nous transformer ainsi en animal prêt à se sauter à la gorge au moindre problème ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top