👑 CHAPITRE 1 📱

Cela doit être la cinquième patrouille de gardes royaux que je croise depuis le début de la matinée et qui semble participer à la chasse aux sorcières qui s'est ouverte dès l'aurore. Plusieurs domestiques et autres bruits de couloirs disent que l'écran de la place centrale près de la fontaine s'est fait vandaliser. Alors qu'on y projette depuis une semaine les récents exploits du Premier Prince, un sauvageon aurait profaner sa royale figure à grands coups de graffitis le traitant de tous les noms en plus de lui avoir peint d'autres attributs. Pour moi, ce n'est rien de plus qu'un artiste en mal de reconnaissance qui s'exprime comme il peut et avec les moyens du bord. Il n'y a pas de quoi remuer toute la capitale de si bonne heure.

Entrant dans mes appartements, je m'y enferme tandis que je m'approche de la fenêtre depuis laquelle je peux contempler l'oeuvre d'art. Maintenant que j'ai pris un peu de recul, je trouve que ça manque de couleur. C'est fade.

- Princesse, vous revenez bien tardivement de votre leçon.

Une voix s'élevant soudainement dans la pièce m'arrache un sursaut tandis que je m'empresse de me retourner pour faire face à mon interlocuteur se trouvant être assis confortablement dans un fauteuil tandis que son regard ne me quitte pas.

- Ambrose ! bafouillé-je. Quelle bonne surprise ! Je ne m'attendais pas à te voir ici aussi. Puis-je savoir ce que tu fais seul dans ma chambre ?

- Et moi, puis-je savoir pourquoi vous dissimulez vos mains derrière votre dos ?

- Je suis celle qui a posée la question en premier.

- Votre tuteur m'a informé de votre "disparition" et donc naturellement, j'ai passé mon entière matinée à vous chercher dans l'intégralité du château. Mais je constate que vous vous cachiez ailleurs, n'est-ce pas ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles. N'ai-je pas le droit de me promener ? Et puis, les gardes semblent bien plus préoccupés à retrouver un petit vandale qu'à rechercher une princesse portée disparue.

- Montrez-moi vos mains.

- Pourquoi faire ?

Au roulement de ses paupières, je devine aisément tout son agacement. Ambrose et moi savons très bien où j'étais tôt ce matin et pourquoi je ne me suis pas présentée chez mon tuteur. Il est donc inutile que je lui présente mes mains.

- Vos mains, Princesse, insiste-t-il

- Je ne peux pas ! rétorqué-je pour lui tenir tête. Ma manucure n'est pas faite et je ne peux pas te montrer des mains qui ne sont pas jolies. Voyons Ambrose.

- Très bien, dans ce cas, vous ne me laissez pas le choix.

Il se lève et s'approche de moi à grand pas. Théoriquement, j'aurai pu fuir et aller me cacher derrière un meuble ou dans une autre pièce, mais quand Ambrose est à proximité, je suis tout bonnement incapable de bouger. Tout ce que je peux faire, c'est dissimuler un sourire satisfait tandis qu'il se saisit brutalement de mes poignets dévoilant ainsi le crime. Mes mains sont couvertes de peinture rouge. Le même rouge qui recouvre actuellement l'écran de la place centrale.

- J'en étais sûr !

- Je ne m'en excuserais pas.

- Vous savez que c'est un crime que de détourner l'image d'une personne de sang royal ? Que de proférer des insultes à l'encontre de cette dernière ?

- Quel crime ai-je commis si ce n'est celui que de vouloir exposer la vérité. Byron ne mérite pas d'être mis en avant pour un exploit qui ne lui revient pas. Sans toi, il...

Couvrant ma bouche de la paume de sa main, son corps est tout juste à bonne distance pour que ses yeux d'un bleu océan plein de colère se plongent dans les miens qui se noient complètement dans ces derniers.

- Je devrais vous dénoncer !

Il souffle un grand coup tel un taureau près à charger avant de me libérer pour mieux s'éloigner en allant près de la fenêtre.

- Je suis l'aide du Prince Byron, c'est un très grand honneur. Je le sers corps et âme. Mes succès sont les siens. Il est tout naturel que ce dernier soit reconnu pour ses hauts faits.

- Byron est un trouillard se cachant derrière un rocher dès qu'il le peut tandis que tu reviens toujours couvert de blessure. Quel succès ou honneur y'a t-il là-dedans ?

- Nous avons déjà eu ce genre de conversation vous et moi. Je ne reviendrais pas dessus. Vous êtes probablement encore un peu jeune pour comprendre comment les choses fonctionnent.

- N'en as-tu pas marre de me traiter telle une enfant ?

- Je suis lassé effectivement de vous voir vous comporter comme telle. Seule une enfant s'adonnerait à de tels actes pour avoir un peu d'attention.

Il se retourne finalement vers moi, se rendant compte de ses paroles tandis que je regarde l'état de mes mains pour éviter de le foudroyer à mon tour.

- Désolée que d'être en manque d'attention. Désolée que de n'être QUE la huitième princesse.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Non, je comprends. Je t'ai mis dans une position délicate. Je ne recommencerais plus.

Néanmoins, j'ai eu ce que je voulais. J'ai pu faire un pied de nez à mon aîné et j'ai également pu avoir Ambrose rien que pour moi pendant quelques instants alors que mon frère et très certainement, à cet instant précis, furieux et à la recherche du coupable. Ce qui explique le déferlement de gardes ici et là. C'est tellement plus important que de retrouver le coupable d'un tel acte plutôt que de mobiliser les forces restantes pour retrouver la princesse disparue. Mais j'ai l'habitude, cela fait partie du traitement réservé à la huitième princesse. Parce que c'est ce que je suis. La huitième princesse. Celle que l'on ne nomme pas parce que le Roi lui-même a oublié le nom de sa fille. Il se souvient pourtant si facilement des sept premiers.

En grandissant, je pensais sincèrement qu'être l'enfant oubliée de la famille était une malédiction, mais en réalité c'est tout le contraire. Le fait d'être oubliée me confère un bouclier. Une cape d'invisibilité. Je peux sortir hors du palais. Je peux me promener en ville au nez et à la barbe des gens ou des gardes passants. Je peux saccager des écrans. Je peux être qui je veux et quand je le veux. C'est le plaisir que j'ai.

- Je devrais y aller, je suis persuadé que le Prince me cherche à cet instant. Vous devriez vous laver les mains et remercier le ciel que personne ne vous ai vu entrer au château avec de la peinture sur vous.

- C'est ça, je vais me montrer reconnaissante.

- Je suis sérieux.

- Tu sais Ambrose, je ne regrette pas ce que j'ai fais aujourd'hui et si c'était à refaire, je le referais volontiers.

- Dans ce cas, il va falloir que je songe à resserrer votre garde dès que vous sortez.

- Tu n'as qu'à m'implanter une puce de géolocalisation !

- Ne me tentez pas.

Ce n'est que pour les criminels que l'on réserve ce traitement, mais je présume qu'au vue de mes activités récentes, j'en deviens une moi-même. Tant mieux !

- Dis-moi Ambrose, j'ai une question pour toi.

- Laquelle ?

Je m'approche de lui en commençant à enlever les rubans de ma robe tandis que ce dernier, devenant progressivement rouge, s'empresse de détourner le regard.

- Princesse !

- Quel est mon nom ? T'en souviens-tu ?

- Bien sûr !

- Alors dis-le. Dis mon nom Ambrose. Je veux l'entendre de ta bouche.

- Cessez ce comportement provocateur sur le champ. Imaginez qu'une domestique arrive et que...

- Depuis quand te fais-tu du souci pour ce genre de chose ? Tu sais aussi bien que moi qu'à cette heure ci, personne ne viendra.

- Princesse, s'il vous plaît.

- Dis mon nom.

Je veux que toi au moins, tu te souviennes de qui je suis. Je ne suis pas qu'un titre et une jolie robe tâchée de peinture de rouge. Je suis aussi un être humain. Un individu doté d'un nom. C'est ce dernier qui me défini. Dans une société où chacun se cache sous un pseudonyme pour aborder tel ou tel réseau social...Dans une société où les photos sont toutes retouchées...Je veux être le petit grain de sable qui va de pairs avec l'océan actuellement agité que je perçois dans ton regard. Je veux être unique. Je veux être moi. Juste moi. Juste celle capable d'agiter ainsi tes réactions et qui s'en amuse.

- Encore un ruban et je serais bientôt toute nue, attention !

- Par tous les saints...Très bien ! Très bien ! Je vais le dire.

- J'écoute.

Dis-le. Dis mon nom.

- Magdalena. Vous vous appelez Magdalena.

- Eh bien voilà ! Ce n'était pas si compliqué, tu vois quand tu veux ?

Un rire m'échappe malgré moi et il s'en retourne tout perturbé.

- Je ne sais pas lequel de nous deux est l'enfant quand je vois que tu as toujours ce genre de réactions. C'est mignon. Dommage que je ne puisse pas prendre ce visage en photo et le diffuser sur mes réseaux. Je suis certaines que ça agiterait tous ces cœurs célibataires à la cour. Je vais devoir garder ça pour moi.

- Et vous ferez mieux ! J'ai assez de problèmes comme ça sans que vous n'en rajoutiez une couche.

- Oh ? Ces dames te feraient-elles encore des misères ? Un jour ou l'autre, je ne serais guère étonnée que l'une d'entre elle te kidnappe et te séquestre dans une cave où chaque pan de mur serait occupé par des centaines de photos de toi. Il doit bien y avoir une folle dans le tas.

- Je n'ai guère besoin d'attention supplémentaire. J'ai bien assez à faire et puis aucune de ces gentes dames n'est de mon goût.

- Donc dois-je comprendre que tu as déjà quelqu'un ? J'ai décidément passer trop de temps dehors !

Dis-moi que non, pitié.

- Je doute fort que ce qui se passe dans mon cœur vous intéresse.

- Oh détrompes-toi ! J'ai un passe-temps secret pour tout ce qui est "romance". Donc ? Est-ce que je la connais ?

- Je vais préciser ma pensée dans ce cas : Cela ne vous regarde pas !

- Tu sais que parfois, tu n'es vraiment pas drôle du tout ? Tu gâches tout mon plaisir.

- Tant mieux. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je ferais mieux d'y aller.

- C'est ça, vas-y fuis. Comme toujours à chaque fois que l'on aborde la question toi et moi.

Ambrose quitte donc la chambre en refermant la porte derrière lui et j'en profite pour me balader en petite tenue avant de me laisser tomber sur le matelas de mon lit. Deux coups rapides sur mon bracelet connecté et l'écran des informations apparaît.

Visiblement ce qui s'est passé ce matin fait déjà la une. Quel dommage, j'ai oublié de signer mon œuvre.

Tant pis, je me réserve pour la prochaine. Maintenant que j'ai toute l'attention du public et de mon frère, les choses devraient être relativement plus intéressantes à présent. Et puis, je ne doute pas qu'Ambrose se joigne également à la partie.

Après tout, ne dit-on pas, plus on est de fous, plus on rit ? 

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