2. Entre la perfusion et un plat de nouilles, voilà le président!




A l'université, mon choix de carrière s'est porté sur la médecine, j'ai commencé des études pour devenir infirmière, c'est une vocation qui s'est imposé à moi. Comme si je voulais réparer les pêchés de mon père. Lui prend des vies tandis que moi je fais en sorte qu'il ressorte du bien de la mienne.

Après cela une fois en poste à l'hôpital, j'ai rencontré Joshua, interne en médecin. Une gueule d'ange, famille aisée, bien sous tout rapport, le gendre idéal quoi. Nous avons entamé une relation malgré nos emplois du temps surchargés, nous avons rencontrés nos familles respectives rapidement, ma mère terrifiée que je me fourvoie comme elle avec un malfrat à accueilli Joshua les bras grands ouverts en apprenant sa profession. Je me suis bien gardée de lui expliquer qu'au lit, il est un tout autre homme. Adorant s'envoyer en l'air dans les salles de repos, un bon endroit quand on a pas le temps de se voir en dehors du travail mais il s'agit d'un détail qu'elle n'a pas besoin de connaitre. Au bout d'un an et demi de relation quasi parfaite, Joshua a reçu une opportunité de travailler dans un hôpital du Colorado auprès des meilleurs et m'a demandé de le suivre, ce que j'ai fais malgré le désaccord de ma mère et ses protestations.

Elle a en partie raison, des inquiétudes fondées. Revenir dans mon état natale au plus près de mon père comme je ne l'ai pas été depuis douze ans s'avère être un pari risqué. Quand il s'agit de suivre l'homme qu'on aime avec des promesses de vies à deux, près des forêts et montagnes alors autant foncer puisque nous allions semble t-il passer notre vie ensemble. Alors j'ai fais ma valise, mes cartons sans regrets, Joshua m'a aidé à trouver une place d'infirmière aux urgences dans le même hôpital que lui. Le tout ressemblant à une vie de rêve.

Pourtant, j'ai vite dégringolé. A peine huit mois après notre emménagement Joshua a souhaité suivre un grand professeur de cardiologie en Europe et j'ai dis stop, hors de question de suivre une fois de plus. Je ne suis pas un paquet de linge que l'on peut transbahuté de ville en ville ou même à travers les continents. Nous n'étions pas vraiment heureux depuis que nous partagions notre appartement et tout m'éloignait de lui. Il fallait voir la vérité en face. Les airs de snobisme qu'il avait pris en compagnie des grandes pontes de l'hôpital, ses fréquentations bien loin de miennes qui m'horripilaient et ce manque de communication flagrant qui nous opposait. Vivre ensemble m'avait permis de comprendre que nous n'avons rien à nous dire, pire nous n'étions d'accord sur rien. A part au pieu mais baser une relation sur le sexe devient triste à force. Nous nous retrouvions que dans ces moments entre deux gardes, sans aucun point commun, triste réalité. Alors préférant arrêter là, je l'ai laissé partir non sans des crises où il me déclamait un amour passionné. Je n'ai pas cédé, juste pris un plus petit logement proche de la grande ville et de l'hôpital, gardant le peu d'amis que je m'étais faite. Refaisant mes cartons en moins d'un an, j'ai claqué la porte.

J'ai pleuré des soirées durant, je ne suis pas une insensible, attachée à ce garçon mais pas assez pour que ma vie vaille la peine d'être chamboulée encore juste pour ses aspirations. Je me suis rendue compte que je ne l'aime pas assez, pas de la bonne manière ou comme lui en avait besoin.

Vive la liberté, surtout la mienne.

Il était grand temps que je vole de mes propre ailes, que je vive seule. Après ces événements douloureux bien que ma mère m'est supplié de reprendre le chemin de la côté Est, j'ai refusé. Mon boulot me plaisait et m'ayant fait une vie bien à moi, installé confortablement et de nouveaux amis avec tout ce dont j'avais besoin. Ce n'est rien de fou mais je suis bien, appréciant ma vie comme elle se déroule. Je ne dis pas non aux nouvelles rencontres mais je ne coure pas après les hommes. Il se passerait ce qu'il adviendrait après tout, je suis  jeune.

***

C'est un beau matin de printemps pourtant que tout sembla capoter dans ma petite vie de célibataire. J'ai vu mon père pour la première fois depuis longtemps au détour d'un couloir et à ma plus grande surprise. Il n'a pas beaucoup changé, restant cet homme au sourire charmant. Cachée derrière un chariot de réanimation pour ne pas être vu, j'ai ensuite parcouru tout le service à la recherche d'un potentiel malade de sa bande mais rien. Pas de barbu, ni de tatoué qui dépote avec l'ambiance générale mais je reste sur mes gardes dorénavant, on ne sait jamais ce qu'on peut croiser sur son chemin ou qui.

Puis je l'ai vu une deuxième fois ou c'est plutôt lui qui m'a remarqué dans les couloirs et je n'ai pas pu éviter la confrontation. Passé les exclamations et les conversations d'usage, il m'a questionné sur ma présence ici s'étonnant de ne pas avoir reçu l'information. Je ne lui dois rien. Il a son club, moi ma propre vie loin de tout ça. Son monde m'effraye, rien qu'a en juger les journaux d'informations, les clubs de moto dédiés au crime font des ravages.

Decker Grant dit « Deck » a plutôt bien vieilli, je remarque toute de suite. Quelques cheveux blancs marquent ses tempes et sa chevelure brune ainsi que sa barbe toujours présente mais ça n'enlève rien à son charme car il en a. Je comprend très bien pourquoi ma mère a craqué dans sa jeunesse. Il devait être un piège à gonzesse. Cet air de mauvais garçon, ce sourire enjôleur, tout pour tomber dans le panneau. Le temps ne lui fait pas défaut, c'est tout le contraire. Il n'a plus l'apparence d'un chien fou, il est emprunt d'une maturité flatteuse tout en gardant son allure de biker avec l'énorme chevalière à sa main gauche ornée d'une tête de chien féroce. Une chemise à carreaux relevé au manche dévoile sa collection de tatouage sur ses muscles gonflés, jeans noir éliminé et botte de moto, il a vraiment la panoplie. Mon père qui approche la cinquantaine n'a rien à envier aux jeunes.

Comment gamine j'ai pu adorer grimper sur une moto et avoir été en admiration devant les autres bikers ?

—Tu ne devrais pas être seule ici, m'annonce t-il d'une voix grave. S'il t'arrivait quelque chose ?

Je retiens un haussement de sourcils, un peu vieille pour ce genre d'agissement mais ce n'est pas l'envie qui me manque. On se revoit depuis la première fois en sept ans et il ose me traiter comme un bébé, ce qui me gonfle.

—Decker, je suis une grande personne. J'ai vingt cinq ans, pas quatre. Je ne fais plus de couette depuis longtemps.

Mon père grogne. Il le fait très bien même mais je ne suis pas effrayée.

—Une femme seule dans une telle ville. Les menaces sont plus grandes que tu ne le crois.

Je reste perplexe face à ses dires. Que peut-il m'arriver ici, qu'on me vide un bassin d'urine sur les chaussures ? De manger mon déjeuner froid ?

La petite ville où je vis ne regorge pas de truand à part son club à lui qui rode. Indiana Hill est plutôt tranquille.

—C'est vrai que tu le sais toi, mieux que quiconque, je lui fais remarquer pleine de sous entendu.

Il n'a rien répondu regardant derrière lui, juste au cas où j'imagine. Une habitude de biker, le style de vie peut plaire mais le revers de la médaille est conséquent.

—Et toi qu'est ce qui t'amène à l'hôpital, dis-je, tentant de mener la conversation sur un autre terrain.

Je suis curieuse de savoir. Il dénote vraiment ici dans cet univers stérile.

—Je visite un vieille ami.

Un mensonge. Je peux le deviner rien qu'au froncement de ses sourcils et sa réponse instantanée. Ce qui clôt le débat et je sais qu'il ne me dira rien de plus, il n'est pas nécessaire de s'évertuer a poser des questions. Il restera muet.

Mon père a mis les voiles rapidement après ça avec de piètres excuses. Il me jette un coup d'œil contrarié aussi alors que je le regarde partir de son pas long et d'enfourcher sa moto brillante et bruyante. Il est une énigme à lui seul dont je ne vais pas m'offenser. J'ai bien assez à faire avec ma vie.

***

Après une garde de douze heures où j'ai du courir à travers tout le service tout au long de la journée, je rentre chez moi claquée. A peine entrée je commande des plats chinois trop usée pour me préparer ne serait ce qu'un plat de pâte. La tête dans le frigo pour me trouver une boisson, j'hésite entre deux marques de bière puis j'entends mon téléphone sonner un peu plus loin.

A cette heure, il ne peut s'agir que d'une seule personne, une de mes rares amies ici. Shayna, une adorable fille exerçant le même métier que moi. Métissée aux cheveux crépus court, une peau café au lait, elle respire l'exotisme, la chaleur, un vrai arc en ciel. Sa joie de vivre est contagieuse et elle, le rayon de soleil des urgences.

Pendant notre longue discussion avec comme précision des cocktails à gogo et un peu, voir beaucoup de débauche mon repas gargantuesque arrive. Je continue de manger, en écoutant les frasques de ma consœur qui fait les questions et les réponses, ce qui m'arrange.

Vers vingt trois heures, toujours sur mon canapé devant une série débile en tenu de boulot, je suis étalée comme une larve, pas prête à bouger de là. Quinze jours de vacances vont suivre cette garde qui m'a achevé.

On toque à la porte, des coups rapide, pas discret pour un sous, me faisant sursauter.

Allons donc encore la vieille voisine qui a perdu son chat, Alfred. Sympa mais une vraie emmerdeuse.

Ouvrant avec toujours la chaîne accrochée, j'ai la plus grande surprise de ma vie. Mon père ! Deux fois en l'espace de quelques jours, c'est inattendue et très étrange surtout pour une visite tardive. Sa mine contrariée me dit que ce n'est pas une visite de courtoisie, c'est certain. Je ne pose même pas la question de savoir comment il a eu mon adresse, la réponse ne me plairait pas.

—Harley ma fille j'ai besoin de toi !

Il n'y va pas avec le dos de la cuillère le président et ne se formalise pas des convenances d'usage. Genre un bonjour ou un bonsoir enfin quelque chose de polie.

—Tu plaisantes là, je lui demande.

A son air je vois bien que non. Alors je ferme la porte pour enlever la chaîne et ouvre en grand sur mon père, un air plus renfrogné que quelques secondes avant.

—Qu'est-ce que je peux pour toi ?

—Tes compétences médicales, il me répond sans subtilité.

Oh bon dieu, pire que ce que je pense. Je préférai encore qu'il me pique du fric.

—Des hommes à moi sont blessés et le doc n'est pas disponible.

Sa demande est vraiment incongrue. Dans quel monde, je pourrais lui venir en aide. Pas le mien, je ne suis pas une couturière pour biker.

—L'hôpital est là pour ça tu sais, je réplique.

Je me trouve un tantinet drôle de lui faire cette proposition, je les vois mal expliqué la gravité de leurs blessures. Je ne pense pas que mon père fasse appel à moi pour un petit bobo où les bikers ne sont plus ce qu'ils étaient.

—Harley, continue t-il avec une gueule ennuyée. Les gars tu vois, ils ne peuvent pas vraiment se présenter dans cet état et ça pourrait créer des complications.

Je soupire tellement je suis fatiguée d'avoir raison.

—Évidement, je réponds sarcastiquement. Je n'ai pas de matos ici.

Je lui désigne mon appartement qui ressemble plus à Bagdad après les bombardements qu'à un centre hospitalier.

—Nous, oui. On a juste besoin de tes mains.

Je le regarde de travers pour montrer mon exaspération et lui me supplie de ses yeux chocolat. Je ne peux pas me résoudre à lui refuser et je le vois bien camper devant ma porte pour le reste de la nuit alors autant accéder à sa requête.

—Ok, je souffle avec exaspération en revanant dans mon salon. Je mets mes chaussures et je prend mon sac. Tu es en voiture ?

—Oui bien sûr.

Embarquée de force par mon paternel, je pose ma tête contre la vitre sachant déjà que ma nuit sera inexistante. Je pourrai peut-être me plonger sous ma couette à l'aube avec un peu de chance.

Le silence se fait dans la voiture mais je sens bien que mon père a envie de me dire quelques chose.

—Harley, le club ce n'est pas que ça, hésite t-il. On a un bar, plusieurs boutiques avec pignon sur rue, c'est vrai mais ...

Il frotte le volant d'angoisse comme on caresse un chien craintif. Je vais mettre fin à son supplice rapidement parce que je n'aime pas la tension qu'il met dans sa voix.

—Laisse moi deviner, je le coupe. Le non moins célèbre Motorcycle Club « The Reckless Hounds » de Lakeside ne se contente pas d'aligner les shooters et verse plutôt dans le trafic et tu en es le président ?

Les yeux de mon père deviennent deux soucoupes alors qu'il ne lâche pas la route des yeux.

—Comment le sais-tu ?

Il en est encore à poser ce genre de question et est resté envie toutes ses années, chapeau bas le président.

—Je t'en prie ne me prend pas pour plus bête que je ne suis, je râle en le désignant du doigt.

PRÉSIDENT est inscrit en énorme sur sa veste, c'est un bon indice dans un premier temps, pas besoin d'être une lumière. Je suis à la limite d'être vexée. Moi sa fille chérie, il me prend pour un lapin de trois semaines.

—Ta mère, me demande t-il avec un peu d'appréhension dans la voix.

Bon point pour lui, on en fera quelque chose de ce vieux bonhomme. S'il pense que maman est capable de me mentir, c'est qu'il ne la connaît plus assez bien.

—En partie. Le reste je l'ai compris de moi-même. J'ai additionné un et un.

Mon père acquiesce en silence. J'imagine que ça ne doit pas être facile pour lui de m'avoir fait cette demande mais pas aussi terrible que pour moi d'accepter. Moi qui ai choisi de ne plus prendre contact avec lui et son monde, je plonge dedans mais j'ai l'impression que c'est une piscine vide dans laquelle je vais m'écraser salement.

—Mes gars ne sont pas mauvais, commence t-il. Un peu borderline mais pas méchants. Tu verras.

Tenter de me rassurer, n'arrangera pas les choses. Ils n'auront pas le temps de définir ma couleur de cheveux que j'aurais déjà filé comme le vent.

—Je ne verrais rien parce que je ne veux pas savoir Deck. Je les rafistole et tu me ramènes chez moi.

Ma voix est sans appel, je fixe la route devant moi mais je vois bien du coin de l'œil, les regards de mon père et ça me fait chier. Ça ne devrait pas pourtant, pas après toute notre histoire mais j'ai un cœur d'artichaut.

****

On rentre dans le vif du sujet!

Le prochain chapitre sera de PDV de Ice,
vous pourrez le saluer 🤣

Ça vous plaît ?
L'immersion dans ce monde vous satisfait ?
N'hésitez pas à commenter.

Bises 

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