PROLOGUE
Je me bats avec ma hache, bordel. J'ai plus vingt ans et je ne saisis pas pourquoi, je dois me coltiner la tâche de couper du bois. Enfin si, ma régulière m'en a fait la demande ou plutôt, elle a balancé ses ordres de la porte de notre baraque puis l'a fait claquer aussi sec.
Un vrai général en jupon.
Anita a peur de manquer de bûches pour alimenter la cheminée. C'est un peu fort tout de même. On est à peine au début de l'automne et elle est persuadée que si je ne m'exécute pas tout de suite dans l'instant, on a les dessous qui vont geler.
Je préférais rouler sur ma bécane avec la meute. C'est beau la saison de l'automne. Tous ces arbres qui se parent de multiples couleurs, ça va du vert profond en passant par le jaune et le rouge éclatant, et l'odeur familière des sous-bois me chatouille la moustache. Je trouve ça grandiose.
Quand on entrera dans la saison d'hivernage, il ne restera que les sapins majestueux, témoin du temps qui se fige. Les sommets sont à peine blanchis par la neige mais petit à petit, ils se recouvriront d'un beau manteau blanc. De l'eau clair murmure dans le ruisseau en bas de la maison. Au printemps prochain, il deviendra un torrent à la fonte des neiges.
Cette arrière-saison se rappelle à ma propre existence, j'en suis à l'automne de ma vie et l'hiver se profile vite. Pourtant, je ne me sens pas vieux, toujours pas. Mon sang, dans mes veines bouillonne avec la soif de vivre et je sais dans le plus profond de mon palpitant que l'automne c'est la saison des moissons, celle où tout se cueille à profusion. Alors pas moyen de me laisser faire par un satané tronc qui refuse de finir en buchette. Je vais lui montrer qui est le patron. Je frotte mes mains l'une contre l'autre, attrape la hache et je m'emploie à l'exercice.
Je sors un mouchoir en tissu de ma poche pour m'essuyer le front après avoir exécuter ma tâche. Ma régulière devra se contenter du beau petit tas que je réussi à faire. Je suis un biker, pas bûcheron.
Sur le sentier, le bruit de pas fait craquer les feuilles tombées et qui forment un beau tapis. C'est le signal d'une arrivée.
—Oh bah gamine, dis donc, ça me fait plaisir de te voir derrière ton livre. Je me suis demandé si tu n'avais pas foutu le camp avec un biker. Y en a pas un qui te plaît dans la bande et qui t'aurait volé ton cœur?
—Et tu rougis encore ? Depuis le temps quand même, tu devrais être habituée. Ça m'aurait pas étonné, tu sais. La meute, c'est difficile de ne pas s'y accrocher. Tu ne peux pas me contredire sur le sujet. Allez raconte à Pack, qu'est-ce que tu deviens en vrai ?
—Le temps passe à allure rapide ici, tu vois. Et je suis toujours là, avec quelques rides supplémentaires. Je parie que t'as senti les problèmes et que c'est pour ça que tu te pointes vers moi. On a eu du soucis à se faire ces derniers temps, je ne vais pas te le cacher.
—Pose tes fesses à mes côtés. T'es la bonne excuse pour me reposer et tu ne voudrais pas contrarier un vieux bonhomme. Je suis sûr que Anita nous regarde à travers le rideau. J'ai mal aux bras et mon dos chante une chanson qui assurément ne plait pas. Si tu marches dans la combine, je te raconte une aventure des Reckless, alors?
—Brave gamine et je ne dis pas ça de manière péjorative. Bon, de quoi et de qui, je pourrais te parler. Il s'en est tellement passé ces dernières années... Mais attend, nom d'un petit bonhomme en mousse. T'es toujours aussi pressée, ma parole ! Laisse-moi le temps de réfléchir.
—Je te jure, tu vas me filer une crise cardiaque si tu me bouscules comme ça, tout le temps. Bon, j'en reviens à la meute. On a vécu un sacré bouleversement, il n' y a pas si longtemps. Un séisme a fait trembler les murs du bastion des Reckless et je peux te dire que ça n'a pas ébranlé que la barraque, les liens qui nous unissent ont pris un coup violent. Et ça par rapport à un seul membre ... enfin pas tout à fait. C'est toujours celui qui n'en a pas l'air.
—J'aurais dû apprendre la leçon mais finalement, avec tout ça, je comprends que malgré le grand âge, on ne sait pas tout de la vie qui peut se montrer pernicieuse. T'as aucune idée de qui je parle, hein ? Aucun gars précis ne te viens en tête ? On est à égalité alors. Il s'agit de Diesel qui sans le vouloir a mis le bastion sens dessus-dessous. Le petit jeune à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Je connais ses états de service au sein de la meute et il n'a pas à rougir car il fait du bon boulot. Il est très bien vu de manière générale par ses pairs et respecté même si la discrétion, c'est plutôt sa came. Une trop grande pudeur quand on y pense.
—J'aime bien ce gosse Diesel, c'est un bon môme. Il a un bon fond mais il est empêtré dans une angoisse pas possible. Il le porte sur son visage mais pas moyen de savoir quoi. Tu vois de quoi, je cause ? Le genre de personne aux traits marqués par l'inquiétude tant ça le ronge mais qui ne dit rien. Il garde tout à l'intérieur. Il est verrouillé à double tours sous une épaisse couche de plomb impénétrable. Pas moyen de lui faire cracher un mot s'il a décidé de garder bouche close.
—Je n'ai pas à le critiquer sur ce sujet parce qu'après tout, chacun sa personnalité et on a tous le droit d'avoir des secrets. Je suis plutôt à ne pas juger un livre sur sa couverture mais ça m'a toujours inquiété. Diesel est devenu un membre à part entière, il s'est mis à bosser avec Jester qui n'en dit que du bien, pas de soucis avec un autre membre alors j'ai laissé pisser. Pourtant j'aurais dû creuser et me faire confiance sur mes doutes. Je dois avoir vieilli bien plus que je ne veux me l'avouer, pour avoir été si laxiste. Bien que je ne fasse plus de run, je suis encore responsable des petits chiots qui arrivent chez nous et je me fais un point d'honneur à garder l'œil sur les membres de la meute. Dans un sens, j'ai ma part de responsabilité.
— À un moment donné, j'ai bien cru qu'il allait exploser, tellement c'était couru d'avance. Ajouté à ça, qu'il y a eu le retour de la petite. Je te parle de Sophia, notre petite princesse. Encore une fois, j'ai tout laissé faire, bien que conscient qu'ils étaient plus que des amis sans avoir saisi, que ces deux zigotos avaient un lien très profond, une connexion invisible certes, mais tangible. Ils ont en quelques sortes grandi ensemble, fait les quatre cents coups à Lakeside.
—Les lames de fond sont imperceptibles de prime abord, on se dit que ce n'est qu'une vague parmi tant d'autres et quand tu t'en aperçois, il est déjà trop tard pour prendre la fuite. Alors tu pris face à l'écueil, en espérant sauver ton calcif même s'il est trempé. Tu vois le genre minette ?
—Tout s'est emballé sans que nous puissions trouver le bouton d'arrêt. J'ai assez tarabusté ta curiosité ?
—Prépare toi à être chamboulée parce que ça va valser dans le bastion. C'est moi qui te le dit.
***
AH ce bon vieux Pack!! Toujours présent!
Que j'aime le faire parler!
Alors conquise ???
🤩🤗😁
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