75 - Conversations croisées

          Hayate et Chiyo s'installèrent dans le petit restaurant de brochettes où Hayate était venue avec Shin, la première fois qu'ils avaient déjeuné ensemble.

– Tu prends quoi ? Dit Chiyo en examinant la carte. Moi j'ai bien envie d'une salade.

– La même chose alors, répondit Hayate.

Elle n'avait pas très faim.

La serveuse vint noter leurs commandes.

– Je vais prendre une bière avec, compléta Hayate. Tu en veux une aussi senpai ?

Chiyo secoua la tête.

– Un thé Oolong pour moi, dit-elle à la jeune femme du restaurant.

(NDA : Thé Oolong, une des boissons froides les plus consommées du Japon.)

Une fois qu'elle fut partie, Chiyo croisa les bras sur la table et posa son menton dessus.

– Allez, dit-elle, raconte, il a fait quoi ?

– Qui te dit que c'est lui ? Soupira Hayate. Si ça se trouve c'est moi qui...

– C'est le cas ? L'interrompit Chiyo.

– Non... Je ne sais pas... Je ne crois pas... Reconnut Hayate.

– Alors accouche, il s'est passé quoi ?

Hayate inspira et chercha par où commencer.

– Hier soir, dit-elle, on était chez moi pour regarder un film... et à la fin... on a un peu... flirté, si tu vois ce que je veux dire.

– Vous avez couché ensemble ? Demanda Chiyo.

– Non, on a commencé à s'embrasser, mais avant qu'on aille plus loin...

– Il a pété, compléta Chiyo.

Hayate leva vers elle un regard stupéfait.

– Quoi ? Dit-elle.

– Il a pété, répéta Chiyo. Tu as alors réalisé que l'odeur de ses pets était immonde, que ton petit ami était une arme chimique ambulante et tu as pris peur.

La serveuse était de retour avec leurs boissons.

Chiyo versa son thé dans son verre et elle but une gorgée avec une expression innocente tandis que Hayate la regardait, abasourdie.

– Mais non ! Dit-elle enfin.

– Ah ? Dit Chiyo. Bon, bah au moins comme ça, tu es au courant.

Hayate se passa une main sur le visage. Cette conversation n'avait aucun sens.

– Non, dit-elle enfin, rien à voir.

– Hmm ? Alors quoi ?

Hayate chercha ses mots et reprit.

– On était en train de s'embrasser, dit-elle, et tout à coup, il s'est levé... Il s'est mis à faire des étirements, comme ça – Elle lui mima le mouvement de Shin – une, deux, une, deux, puis il a regardé l'heure, il a décrété qu'il était tard et il est... parti.

Chiyo retira lentement la paille de sa bouche.

– Tu es en train de me dire qu'il t'a plantée en pleins préliminaires ? Dit-elle.






Une heure plus tôt

Wakasa enfila sa veste et vérifia que son téléphone était bien dans sa poche.

– C'est l'heure Chi, j'y vais ! Dit-il.

– Ok, déjeunez bien !

Il se mit en route pour Shibuya en se remémorant les messages que Shin lui avait envoyés la nuit passée. Il y en avait pratiquement une vingtaine, tous de la même substance :


WAKA ! AU SECOURS !!!


WAKA RÉPONDS ÇA URGE !!!


WAKAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA


AU SECOURS !! ME LAISSE PAS MEC !!
°՞(ᗒᗣᗕ;)՞°


S'IL TE PLAÎT !!! RÉPONDS !!!!!
(シ;゚Д゚)シ   \(˚☐˚")/


PITIÉ !!! WAKAAAAAAAAAAA !!!!!!!
\( 'Д')ノ

.....


Quand Chiyo et lui avaient vu ça au réveil, d'abord ils s'étaient inquiétés. Ensuite, ils s'étaient dit que si ça avait été vraiment grave, Shin ne se serait pas contenté de saturer la messagerie de Wakasa et il aurait téléphoné.

Waka l'avait alors appelé.

Au téléphone, Shin s'était montré évasif, presque timide.

Chiyo est près de toi ? Avait-il demandé.

– Oui, avait reconnu Wakasa en regardant cette dernière sans comprendre.

C'est pas bon... c'est pas bon du tout, avait paniqué Shin au bout du fil. Personne ne doit savoir Waka ! Personne tu m'entends ?

– Ok... Alors, tu veux qu'on déjeune ensemble ? Comme ça tu m'expliqueras ce qui t'arrive...

Je vais tâcher de tenir jusque là... Avait répondu Shin.

À présent qu'il était en chemin pour Shibuya et le restaurant, Wakasa se demandait toujours ce qui lui était arrivé.

Mais je ne tarderai pas à le savoir.




Shin lui avait donné rendez-vous à quelques pâtés de maisons du S.S Motor, comme s'il craignait de croiser quelqu'un qu'il connaissait, et tous les deux s'étaient installés dans un petit restaurant en choisissant le box le plus à l'écart.

– Alors ? Dit Wakasa en sirotant la bière qu'on venait de leur apporter. Raconte, qu'est-ce qui t'arrive ?

En face de lui, Shin se tordait les doigts dans tous les sens, les yeux fixés sur les genoux.

– Je sais pas comment le dire... Marmonna-t-il.

– Fais simple ?

– J'aurais... besoin... que tu me donnes des conseils... sur comment faire l'amour avec une fille...

Il avait dit les derniers mots si bas que Wakasa avait dû se pencher pour l'entendre.

– Ah, Koji et toi vous allez le faire ?

Il était content pour lui. C'était toujours une étape importante dans un couple, la première fois. La pensée que Shin se soit tourné vers lui pour en savoir plus, lui faisait plaisir. Ça voulait dire qu'il lui faisait confiance.

Par contre, je ne comprends pas pourquoi personne ne doit être au courant... Shin Chan est si pudique que ça ?

– Disons, reprit Shin, qu'il s'est passé un truc hier soir...

– Vous... l'avez fait ? Lui demanda Waka. Ne me dis pas que tu t'es montré trop brutal ou maladroit ?

Si Chiyo apprenait que Shin n'avait pas été aux petits soins avec sa partenaire, il allait passer un sale quart d'heure.

Je comprendrais qu'il ne veuille pas qu'elle soit au courant.

– Non ! Non ! Le rassura Shin. Pas du tout ! Au contraire ! Quand j'ai vu que la situation allait déraper, je suis parti !

Wakasa fronça les sourcils.

– Comment ça, parti ? Demanda-t-il.

– Oui, je me suis levé, j'ai fait l'air de rien et puis j'ai pris ma veste et je suis parti. C'est dans le train pour rentrer chez moi que je t'ai envoyé les messages !

Il avait l'air fier de lui.

– Attends... Reprit Wakasa. Quand tu dis, parti, tu ne veux tout de même pas dire que tu l'as laissée en plan et que tu t'es tiré ?







Dans le restaurant situé à deux pas de la salle de sport, Chiyo riait depuis plusieurs minutes, la tête dans les bras et les larmes aux yeux.

– Non mais j'y crois pas ! Répétait-elle en boucle. Quel abruti ! Mais quel abruti !

En face d'elle, Hayate ne savait pas comment elle devait le prendre. Dit comme ça, c'est sûr que la situation était risible.

Mais c'est loin d'être drôle en réalité.

Elle picora sa salade du bout des baguettes en attendant que Chiyo se calme.

Cette dernière se redressa enfin et elle s'essuya les yeux avec le coin de sa serviette.

– Ça faisait longtemps que je n'avais pas ri comme ça, dit-elle.

– Ravie d'avoir égayé ta journée, répondit Hayate avec une pointe d'acidité dans la voix. Mais ça ne répond pas à ma question : pourquoi il a fait ça ?

Elle replongea le nez dans son bols et ajouta :

– Il n'en avait peut-être tout simplement pas envie... Peut-être qu'il ne m'aime pas...

Chiyo attrapa le menu et elle lui en flanqua un coup sur la tête, pile sur la bosse que Hayate s'était faite quelques heures plus tôt. Cette dernière lâcha aussitôt ses baguettes pour s'attraper la tête à deux mains.

– AÏE ! SENPAI POURQUOI TU AS FAIT ÇA ?

Chiyo reposa le menu.

– Tu dis des stupidités, il faut bien que je te corrige, dit-elle. Shin est raide dingue de toi. Il n'y a pas le moindre doute. Le problème est ailleurs.

– Oui... Mais où ?

– Je ne sais pas, reconnut Chiyo.






En face de Wakasa, Shin blêmit.

– C'est grave ? Lui demanda-t-il.

– Si j'avais fait ça à Chi, lui répondit Waka, elle m'aurait arraché les couilles et elle me les aurait faites bouffer après les avoir passées au mixer sous mon nez.

Shin se décomposa. Il se jeta à plat ventre sur la table et attrapa Waka par le col de sa veste.

– WAKAAAAA ! AIDE-MOIIII ! QU'EST-CE QUE JE DOIS FAIRE ?

Autour d'eux, les autres clients du restaurant se retournèrent pour savoir d'où venait ce tapage. Wakasa finit par réussir à lui faire lâcher prise et il remit le col de sa veste en place.

– Dis-moi déjà une chose, pourquoi tu ne lui as pas tout simplement dit que tu manquais d'expérience ? Il n'y a aucune honte à ça.

Shin recommença à se tordre les mains sous la table.

– Parce que ce n'est pas exactement la vérité... Marmonna-t-il.

– Comment ça, pas exactement la vérité ? Lui demanda Wakasa.

– Ce n'est pas que je manque d'expérience... C'est que je n'ai... aucune expérience.

Wakasa se pencha à son tour par-dessus la table.

– Shin Chan, souffla-t-il, tu es puceau ?

– C'est comme ça qu'on dit, oui, reconnut Shin, plus rouge que jamais.

– Mais... Je ne comprends pas, reprit Waka, je croyais que Takeomi t'avait payé une prostituée pour ta majorité... Il adore le raconter.

– C'est vrai oui, dit Shin. C'était une gentille fille. Elle s'appelait Mako. Elle bossait là pour payer son école d'esthéticienne. Tu savais que c'était hors de prix ces écoles ?

– Tu n'as pas... couché avec elle ? Comprit Wakasa.

– Non... Répondit Shin avec fermeté. Parce que les filles qui font ça, ne le font pas par envie. Et puis aussi... parce que je voulais que ma première fois... soit spéciale. Je voulais le faire avec une fille qui compte pour moi.

Il releva les yeux et ajouta :

– Mais ne le dis pas à Take, hein ? Il était tellement content...

Wakasa était abasourdi. 

J'aurais dû m'en douter, se dit-il, c'est Shin Chan.

– Et Koji est cette fille ? Lui dit-il.

En face de lui, Shin hocha la tête.

– Oui, je crois que c'est la bonne.





Chiyo tritura sa salade, laissant les petits dés de fromage et les pousses de soja sur le bord de son assiette.

– Il n'était peut-être pas en forme, dit-elle. Ou bien il n'avait pas ce qu'il fallait sur lui...

– C'est possible, répondit Hayate, mais pourquoi ne pas me l'avoir simplement dit ? Ça n'a rien de honteux.

Chiyo devait reconnaître qu'elle avait raison.

– Peut-être que... Réfléchit-elle.

Mais en vérité, elle n'avait plus d'idées.

Qu'est-ce qui peut pousser un garçon à prendre la fuite dans cette situation ? Ça aurait été une fille, j'aurais eu quinze réponses toutes prêtes, mais là...

De l'autre côté de la table, Hayate était de plus en plus déprimée.

Une pensée traversa alors brusquement l'esprit de Chiyo.

– Et si... Commença-t-elle.

– Si quoi ?

Chiyo se ravisa.

– Non, oublie, lui dit-elle. C'est n'importe quoi...

– Si, dis-moi. Je suis prête à entendre toutes les hypothèses !

Chiyo posa ses baguettes et croisa les bras sur la table.

– Je me disais... À ma connaissance, Shin a davantage collectionné les râteaux que les filles. Et si... il n'avait tout simplement jamais couché avec une fille ?





NDA :  Je trouve ça tellement touchant les garçons pour qui les relations sexuelles doivent être quelque chose de beau qui se fait avec une personne que l'on aime !

À mes yeux, que ce soit pour l'un ou l'autre sexe, ce devrait être la base d'une relation saine et réussie !

♡( ◡‿◡ )

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