72 - Un film de gangsters

          Dans la Civic de Hayate, le silence était pesant et Shin'ichirō ne savait pas comment le rompre.

À côté de lui, Hayate avait le front sombre et elle ne quittait pas la route des yeux.

L'entrevue avec sa mère l'avait secouée, il le voyait bien. Lui aussi avait été remué. Même s'il savait plus ou moins à quoi s'attendre avant de la rencontrer, la façon dont elle avait immédiatement supposé qu'il était une personne mauvaise l'avait blessé.

Non, ce n'est pas vraiment ça... En réalité, ça m'a fait de la peine. Pour elle.

Kisa Koji n'avait vraiment pas eu la vie facile.

Derrière le volant, Haya ne disait toujours pas un mot. La bonne ambiance qui régnait dans la voiture quelques minutes plus tôt avait disparu. Shin avait l'impression d'être de retour aux premiers temps de leur relation, quand il venait tout juste de la rencontrer et que le moindre faux pas lui valait aussitôt un silence lourd de reproches.

Parvenus sur le parking de la supérette où ils avaient prévu de faire des courses pour la soirée, Hayate se gara, puis elle resta là, assise, sans même déboucler sa ceinture.

– Shin, dit-elle enfin. Je suis désolée.

Il laissa échapper son souffle. Il était rassuré de l'entendre parler.

– C'est bon, lui dit-il, tout va bien, ne t'inquiète pas. Ce sont des choses qui arrivent.

– Non, ça ne va pas bien, reprit-elle. Je n'aurais jamais dû dire un truc pareil...

Shin était perplexe, de quoi est-ce qu'elle parlait ?

– Euh... Dire quoi ? Demanda-t-il.

Hayate tourna vers lui un regard surpris, avant de sourire.

– Tout à l'heure, lui dit-elle, j'ai dit à maman que le jour où tu me ferais du mal je ne rejetterai pas la faute sur les autres... Comme si tu allais inévitablement mal te comporter tôt ou tard... Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça.

Shin ne dit pas un mot et Hayate reprit.

– Je suis vraiment désolée.

Il tendit la main pour aller détacher ses doigts du volant et il la ramena vers lui.

– Ne t'excuse pas, dit-il. Vu comment se comportent beaucoup de gars, je comprends très bien. Au contraire, c'est à moi de te prouver que tu peux me faire confiance. Tu verras, je te promets que quand on en reparlera dans cinquante ans, on rigolera !

Hayate sentit ses joues s'empourprer.

– Dans cinquante ans ? Dit-elle.

– Ouais ! Quand on sera en maison de retraite et qu'on fera des courses de fauteuils roulants dans les couloirs poursuivis par les infirmiers !

Elle pouffa comme une gamine.

– Et qui gagnera ? Lui demanda-t-elle.

– Moi ! Dit-il. Parce que j'aurais triché et que je serai parti avant toi !

Hayate éclata de rire cette fois.

– Si ça se trouve, c'est comme ça que tu as gagné la course de motos !

Il était heureux de voir que le sourire était revenu sur son visage.

Finalement, elle serra sa main en retour.

– Ce n'est pas plus mal que tu n'aies pas entendu, reprit-elle. C'était idiot et je te le redis : je ne le pensais pas.

– Honnêtement, dit-il, j'avais beaucoup trop les chocottes pour écouter !


Hayate riait encore en sortant de la voiture.

Elle se sentait tellement mieux tout à coup. C'était comme si on lui avait retiré un poids de la poitrine.

Shin contourna la Civic pour revenir prendre sa main.

– Mais c'est vrai ! Disait-il. C'est flippant deux femmes qui s'engueulent ! Beaucoup plus qu'une baston entre gangs !

– Mais oui, dit-elle en l'entraînant en avant. Allez viens, monsieur le chef de gang !





Tous les deux parcoururent les rayons du konbini à la recherche d'en-cas pour la soirée.

– On peut prendre des bières avec alcool vu que je rentre en train ? Fit remarquer Shin.

Il lui montra le pack qu'il avait déjà à la main.

– Tu es sûr que tu ne veux pas que je te ramène ? S'enquit Hayate. Ça ne me dérange pas, j'ai l'habitude de conduire de nuit...

– Non, ne t'en fais pas, tu ne vas pas faire des aller-retour pour rien. Le train c'est très bien...

Hayate le rejoignit et murmura à son oreille :

Je ne les fais pas pour rien si je le fais pour toi.

Le visage de Shin devint cramoisi et Hayate s'éloigna en riant.

Il était tellement craquant quand il réagissait de cette façon. Par moment, elle avait l'impression qu'elle pourrait le faire exploser avec juste une phrase.

C'est les garçons ça...

Tandis qu'ils rejoignaient la file d'attente de la caisse, Hayate en profita pour examiner son profil à la dérobée. Shin avait toujours les oreilles rouges. C'était la partie de lui qui devenait le plus rapidement écarlate quand il était gêné. C'était chou.

Elle tendit la main et prit la sienne.

– Je suis contente qu'on passe la soirée tous les deux, lui dit-elle. J'ai hâte de découvrir ton film préféré.

– Oui ! Répondit-il. Moi aussi j'ai hâte de te le montrer !

Hayate se demanda si elle devait lui proposer de dormir chez elle plutôt que de rentrer en train en pleine nuit et ce fut alors au tour de son visage de s'enflammer.

C'est peut-être un peu... précipité, bafouilla-t-elle en silence. Oui, voilà... n'allons pas trop vite. En plus, nous n'avons jamais parlé de... ça tous les deux. Je préfère qu'on y aille à notre rythme... De toute façon, il n'y a aucune urgence.

Shin remarqua son trouble.

– Ça va ? Dit-il. Tu es toute rouge tout à coup ? Tu as chaud ? Tu as de la fièvre ?

Il voulut tendre la main vers son front, mais Hayate fit un bond en arrière. Au même moment, leur tour arriva et la caissière les regarda, attendant qu'ils lui remettent leurs articles.

– Hein... ? Je... non... Quoi ? Dit Hayate en les regardant tour à tour, paniquée.

Elle finit par prendre le panier des mains de Shin et par déposer leurs achats à côté de la caisse avec des gestes un peu brusques, tout en prenant soin de lui tourner le dos pour cacher ses joues rouges.

Qu'est-ce qui m'a pris de penser à des trucs pareils aussi ! Se sermonna-t-elle. Il n'y a vraiment pas idée d'imaginer ça au beau milieu d'un konbini !

C'était de sa faute. Elle le savait. Elle avait taquiné Shin et sa plaisanterie s'était retournée contre elle.

Une fois sur le parking, Hayate avait retrouvé sa contenance.

– Allez ! Dit-elle. Allons voir ce film de gangsters !





Arrivée chez elle, Hayate se débarrassa de ses chaussures et de sa veste et Shin l'imita. Elle gagna ensuite la cuisine pour préparer leurs snacks. Crackers de riz, chips, Umaibo, mais aussi Pocky à la fraise – les préférés de Hayate – et Kitkat au café – ceux de Shin.

Lorsqu'elle eut récupéré deux verres pour les poser sur le plateau, elle le rejoignit dans le salon.

En entrant, Shin avait remarqué Doki Doki, la peluche lapin qu'il lui avait offerte, posée à côté de l'oreiller de Hayate. C'était la seule à se trouver sur le lit. Les autres étaient rangées soit sur le bord de la fenêtre, soit sur le dossier du canapé.

Il alla la chercher pour la regarder et Hayate le rejoignit.

– Il est toujours aussi mignon, hein ? Lui dit-elle.

– Je suis content qu'il t'ait plu, lui répondit-il.

Hayate alla disposer leurs en-cas sur la table basse et elle se laissa tomber sur le canapé.

– Fais voir ton film maintenant ! Dit-elle. Je meurs d'impatience !

Elle avait eu beau réfléchir, elle n'avait pas réussi à deviner quel film d'action il avait choisi.

Sans lâcher la peluche, Shin retourna dans l'entrée où il avait laissé le sachet du vidéo club accroché sur le même portemanteau que son blouson.

– TADAAAA ! Dit-il de retour dans le salon en brandissant le boîtier.

Hayate ouvrit des yeux ébahis.

Mais c'est quoi ça ? Se demanda-t-elle.






NDA : Je serais curieuse de savoir à quel film vous avez pensé pour Shin ?

(˶ᵔ ᵕ ᵔ˶) ?

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