69 - Black Dragon
Shin repoussa le tas de linge qui se trouvait sur le canapé – Il semble propre vu l'odeur, se dit Hayate – et il s'installa avant de lui faire signe de venir aussi.
– Viens voir ! Dit-il, surexcité.
Après une seconde d'hésitation, Hayate s'assit à côté de lui et Shin ouvrit l'album en essuyant avec sa manche la poussière sur la couverture.
– C'est une vraie relique du clan ! Lui apprit-il.
Une relique tout court, songea-t-elle. Je dirais même un fossile... avec la poussière qui va avec... On pourrait tuer une personne allergique aux acariens rien qu'avec cet album... Il devrait être considéré comme une arme bactériologique...
Tandis que Hayate rigolait ainsi toute seule, Shin tourna les pages et Hayate découvrit des photos jaunies représentant Shin, Wakasa et Benkei quand ils étaient plus jeunes.
Beaucoup plus jeunes... Ils ne doivent même pas avoir dix-sept ou dix-huit ans.
– Là, dit Shin, c'est le jour où on a créé le gang !
Il montrait une photo sur laquelle tous les quatre se tenaient au milieu de la rue – ce devait être le grand carrefour de Shibuya vu les bâtiments alentours – et ils posaient autour d'un drapeau.
Hayate rapprocha l'album pour regarder de plus près.
– Pourquoi vous prenez toujours une photo au milieu de la route ? Demanda-t-elle.
Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait ce genre de clichés. Cela semblait être un classique des gangs de bōsōzokus.
– Ça, dit Shin, c'est parce qu'on est des rebelles, on doit montrer qu'on n'a pas peur de s'opposer à l'ordre établi et que la route est à nous !
– Ah carrément...
Hayate prit l'album sur ses genoux pour mieux voir et tourna les pages. Sur les photos, Shin apparaissait généralement entouré de motards qui le regardaient comme leur idole. Parfois il était accompagné de Benkei, Wakasa et Takeomi, mais pas toujours.
Il était limite une star du rock... Wakasa avait les cheveux blancs ? Ce type a toujours eu un look de perroquet exotique...
Elle se garderait bien de dire ça à Chiyo toutefois.
Flemme de me prendre une correction.
Tous les clichés ne représentaient pas le gang. Certains étaient juste des images de la vie de tous les jours, des instants volés dans la rue, au restaurant ou à la salle de sport.
Ça fait vraiment longtemps qu'ils se connaissent.
Hayate finit par lui montrer une photo du doigt pour lui poser la question qui la démangeait depuis plusieurs minutes.
– Par contre... explique-moi ce que c'était que cette coupe de cheveux ridicule ?
Shin passa un moment à essayer de la convaincre que la banane était ce qui se faisait de plus cool comme coiffure pour un bōsōzoku.
– Alors pourquoi les autres n'en portent pas ? Répliqua-t-elle.
Shin ouvrit la bouche. Il la referma. Il la rouvrit sans rien dire avant de déclarer avec la plus parfaite mauvaise fois :
– Parce que c'est la coiffure du chef !
Hayate fut prise d'un fou rire.
– Espèce de mytho ! N'importe quoi ! Tu viens de l'inventer, avoue !
– Pas du tout... Mais pas du tout... Répétait-il.
Shin détourna les yeux pour éviter de croiser son regard, mais ses oreilles, devenues écarlates, le trahirent.
Finalement, lorsqu'elle fut calmée, Hayate tendit la main et lui ébouriffa les cheveux.
– Ne t'en fais pas, dit-elle, on a tous eu nos phases bizarres quand on était ado, moi aussi.
Shin ramena son attention vers elle.
– Toi aussi ?
Hayate opina.
– Bien sûr, j'ai passé toutes mes années de collège dans l'uniforme des garçons, dit-elle. Je refusais de mettre celui des filles et ma mère, qui me soutenait toujours dans ce genre de situations, n'a rien fait pour aider l'établissement.
Elle se replongea dans ses souvenirs et poursuivit.
– Je n'ai commencé à porter l'uniforme des filles qu'au lycée, dit-elle. Sans doute l'effet des hormones. C'est à ce moment-là que j'ai eu mon premier petit ami...
Elle se tut.
– Ça c'est mal passé ? Demanda Shin d'une voix hésitante.
– C'était un de ces gamins avec le caleçon en ébullition, lui dit-elle, je n'ai pas besoin de te faire un dessin. Il m'a dit ce que je voulais entendre pour obtenir ce qu'il voulait.
– Ah...
– Mais je lui ai pété le nez avant, poursuivit Hayate. Après ça, ma mère a été convoquée par l'établissement, elle s'est engueulée avec le directeur et j'ai changé de lycée.
– Si tu veux mon avis, dit Shin, il l'avait bien mérité.
– Je le pense aussi. Une fois dans mon nouveau lycée, j'ai recommencé à porter l'uniforme des garçons, je me sentais plus à l'aise dedans. Les filles autour de moi racontaient que je m'habillais comme ça pour attirer leur attention, que je voulais m'infiltrer parmi les garçons pour... tu vois quoi. Mais je les ai ignorées.
Elle souffla.
– Finalement, termina-t-elle, le surnom de reine des glaces ne m'a plus quittée jusqu'à la fin du secondaire.
Shin n'avait pas envie de rire. Il tendit la main et il écarta une mèche de cheveux qui s'était égarée sur la joue de Hayate.
– C'est méchant comme surnom, dit-il.
– Les ados sont cruels, lui dit-elle, et puis je n'étais pas une tendre non plus.
– Tu sais si tu préfères t'habiller autrement, dit-il – il montra la jupe qu'elle avait enfilée pour la soirée –, ça me va très bien. Tu t'habilles comme tu veux, hein ? Moi je te trouve toujours jolie.
Hayate sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle se pencha pour prendre sa joue en coupe dans sa main et effleura les lèvres de Shin d'un baiser.
– Ok, dit-elle, mais j'aime aussi me faire belle pour toi.
Ce fut au tour de Shin de s'enflammer.
Tous les deux détournèrent le regard, gênés, et l'instant suivant, Hayate attrapa la télécommande sur la table basse.
– C'est parti ?
Shin saisit une des deux canettes de bière et il trinqua contre la télécommande.
– C'est parti ! Répondit-il.
Shin sursauta pour la énième fois en vingt minutes, planqué derrière Dosun la baleine qu'il avait attrapé dès le début du film.
À côté de lui, Hayate riait à gorge déployée. Sur l'écran, une volée de petites princesses qui devaient avoir tout au plus sept ou huit ans, essayaient de dévorer la mère de l'une d'entre elles après avoir été changées en zombies durant une fête d'anniversaire.
– Regarde ! Dit-elle. Regarde ! Elles s'accrochent au pare-choc de la voiture ! Elles rebondissent sur le sol !
Shin leva un œil de derrière la peluche.
– Je vois... Dit-il.
Il n'était définitivement pas fan de ce genre de films.
Quelques minutes plus tard, les deux héros du film prirent la route en voiture et les scènes d'action se firent plus rares.
Haya se blottit contre Shin qui l'entoura de son bras.
– Je voulais te demander quelque chose, dit-elle sans quitter l'écran des yeux. Pendant la fête au magasin, ton frère...
– Lequel ? Dit-il.
– Mikey. À un moment donné je l'ai entendu se disputer avec ses sponsors, ces deux types pleins aux as, et l'un des deux lui a dit si tu ne changes pas ça tout de suite, on se retire de l'affaire ! Il y a déjà des problèmes dans leur équipe ?
– Hmm ? Ah ça ! Dit-il. Oui, je l'ai entendu aussi ! Non, ne t'inquiète pas, ça n'a rien à voir. Tu ne vas pas me croire, mais c'est une lubie de mon frère. Il veut appeler son équipe Top Of Manjirō ! Les autres ont tous dit non, même Draken, mais comme Manjirō a la tête dure, il essaie de les avoir à l'usure ! D'après ce que j'ai compris, ils sont tombés d'accord pour Top Of Manji. Il reste à convaincre le principal intéressé.
– Oh, je comprends, dit Hayate, c'est sûr que c'est mieux comme nom.
– Mille fois mieux ! Reprit Shin. Je ne sais pas ce qui passe par la tête de mon frère des fois. Déjà à l'époque il avait voulu appeler son gang Tokyo Manjirō Kai !
Hayate leva la tête.
– Sérieusement ?
– Oui ! Où est-ce qu'il va chercher des idées pareilles, tu le sais, toi ?
– Peut-être auprès du gars qui a appelé son garage Sano Shin'ichirō Motor... Murmura-t-elle en jouant avec ses doigts.
✽
NDA : Mais qu'est-ce qu'ils ont les Sano à mettre leur nom partout comme ça ??
(^ᗜ^ ) '-
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top