52 - Réveil
Lorsque Hayate se réveilla, il était presque midi et c'était la migraine qui lui battait les tempes qui l'avait tirée du sommeil.
– Merde... Marmonna-t-elle, assise dans son lit la tête dans les mains.
Les yeux clos, elle attendit que la douleur passe.
Les images de la scène du parc lui revinrent en mémoire et elle serra plus fort les paupières. Avec le recul, elle ne pouvait plus nier l'évidence.
C'est moi qui l'ai embrassé.
– Quelle conne... Murmura-t-elle. Mais quelle conne...
À cause de l'alcool, elle venait de ruiner une amitié.
Même si en réalité, je lui ai sûrement juste offert l'occasion qu'il guettait depuis longtemps...
Dans son esprit, il ne faisait aucun doute que Shin était comme les autres. Pour les hommes, les filles n'étaient que des trophées. Tous les moyens étaient bons pour les attirer dans leurs filets, surtout se faire passer pour leurs amis.
D'ailleurs il n'avait rien fait pour la repousser, c'était bien la preuve.
Finalement, elle rejeta ses couvertures avec irritation et rejoignit la salle de bain pour prendre une douche glacée.
Tandis que l'eau froide lui rendait peu à peu ses sens, Hayate réfléchit.
Elle avait commis une erreur la veille. Elle ne pouvait pas dire le contraire. Mais ce qui était fait était fait.
Et puis cela m'a permis de voir le vrai visage de Sano... ce n'était pas complètement inutile.
Le regard qu'avait eu Shin, juste un instant avant leur baiser, ce mélange de fragilité et de douceur, revint brièvement flotter devant ses yeux, mais elle chassa ce souvenir.
Les hommes sont des manipulateurs, se répéta-t-elle. Je l'ai toujours su, rien de nouveau. Hors de question de me faire avoir.
Elle sortit de la douche en se demandant ce qu'elle allait faire du reste de sa journée et résolut de se rendre au club de gym.
Chiyo senpai m'a dit de passer, elle a sûrement prévu de m'en faire baver...
Même si la raison pour laquelle Chiyo s'était énervée à ce moment-là lui échappait toujours.
À ses yeux, son amitié avec Shin'ichirō Sano était morte et rien ne pourrait la ressusciter.
Trente minutes plus tard, Hayate était prête. Elle se mit en route au volant de sa voiture, les idées un peu plus claires qu'au réveil.
✽
Bien que ce soit le vingt-cinq décembre, le club Gojō était ouvert. À croire que la salle ne fermait jamais. Les adhérents y étaient rares malgré tout d'après ce qu'elle pouvait voir à travers la vitre.
Hayate repoussa la porte et remarqua tout de suite Wakasa, assis sur un banc, dans le fond. Il avait la tête appuyée contre le mur derrière lui, les yeux clos et la respiration difficile. On aurait dit qu'il agonisait.
Chiyo, elle, était sur le ring où elle pratiquait le shadow boxing, cet exercice qui consistait à s'entraîner contre un adversaire imaginaire pour répéter ses enchaînements.
– Kōhai ! Tu es venue ! dit-elle en voyant entrer Hayate.
Elle croisa les bras sur les cordes et reprit.
– Je pensais que tu serais en train de rendre l'âme comme l'autre petite nature là-bas, dit-elle en désignant Wakasa du menton.
Ce dernier gémit.
– Moins fort Chi... Dit-il.
– Tu n'avais qu'à pas picoler autant, lui rétorqua-t-elle, impitoyable.
Il grimaça.
Hayate s'approcha.
– Tu m'avais dit d'être là, senpai, dit-elle. Alors me voilà !
– C'est vrai. Allez, va te changer !
Lorsque Hayate ressortit des vestiaires en tenue, Chiyo l'attendait sur le ring.
– Viens un peu par là la grande perche, lui dit-elle, je vais t'apprendre les bonnes manières !
Durant la demi-heure suivante, toutes les deux échangèrent plusieurs rounds, seulement interrompues par moment par les gémissements de douleur de Wakasa.
À la fin de la séance, Chiyo se tourna vers lui tout en dénouant ses gants.
– Arrête de te plaindre, lui dit-elle, moi, j'ai dû te porter jusqu'à la maison cette nuit !
Wakasa réfléchit.
– Je m'en rappelle pas... Marmonna-t-il.
– Ça ne m'étonne pas, dit-elle, vu l'état dans lequel tu étais.
Puis elle revint à Hayate.
– On fait une pause, dit-elle. Tu te débrouilles de mieux en mieux. Ta garde est plus solide et tes coups sont moins brouillons. On finira par faire quelque chose de toi si tu continues à t'entraîner sérieusement.
De l'autre côté du ring, Hayate peinait à reprendre son souffle. La soirée l'avait finalement laissé plus épuisée qu'elle le croyait. Elle se contenta de hocher la tête.
– Au fait, reprit Chiyo, Shin est bien rentré hier soir ? Je n'ai pas eu de ses nouvelles.
Hayate se raidit et son visage se ferma.
– Aucune idée, asséna-t-elle en se redressant. Ce ne sont pas mes affaires.
En entendant la note de dureté dans sa voix, Wakasa, comme Chiyo, levèrent la tête. Ils échangèrent un regard et Chiyo reprit.
– Il s'est passé quelque chose ? Dit-elle.
Hayate avait fini de retirer ses gants et elle les jeta sur un banc de musculation avec irritation.
– Rien qui ne vaille la peine d'en parler, dit-elle.
Elle se tourna vers les vestiaires et ajouta :
– Je vais prendre une douche. Je vais en rester là pour aujourd'hui. Je suis moins en forme que je le pensais.
Quand elle remonta à bord de sa voiture, l'agacement que l'exercice avait un temps dissipé, était de retour.
Hayate se maudit.
Je n'aurais pas dû venir ici, ce sont ses amis après tout, j'aurais dû y penser.
L'idée de faire une croix sur les entraînements avec un professeur comme Chiyo Tōga la contrariait.
Mais ça n'est pas comme si je comptais un jour boxer en professionnel.
Elle reprit la route de Koga, plus sûre d'elle que jamais.
Debout dans l'entrée, Wakasa regarda la Civic s'éloigner.
Chiyo sortit de la douche et elle le rejoignit. Tous les deux restèrent un moment silencieux.
– Qu'est-ce qui s'est passé à ton avis ? Demanda-t-elle enfin dans un murmure.
– J'en sais rien... Dit-il.
Mais une chose était sûre : il n'avait pas aimé le ton de Hayate.
Il a dû arriver un truc...
Finalement, il tourna les talons et partit en direction du bureau.
– Je vais passer un coup de fil à Shin Chan, dit-il à Chiyo.
– Ouais, répondit-elle en ramenant les yeux sur la rue. Fais ça. Et dis-moi ce qui se passe.
Le téléphone sonna une fois, deux fois, trois fois... Puis il bascula sur la messagerie. Wakasa n'abandonna pas pour autant. Il attendit une minute et recommença.
Si je te réveille, je m'excuserai, c'est promis Shin Chan, mais réponds...
Finalement, Shin'ichirō décrocha au bout de la quatrième tentative. Il n'avait pas la voix endormie comme s'y était attendu Waka.
– Salut Waka, dit-il, désolé, j'avais laissé mon portable dans l'arrière-boutique, je ne l'ai pas entendu.
– Tu es au magasin ? S'étonna Wakasa.
Il était persuadé de le trouver chez lui, en train de profiter de sa journée de congé.
Le bruit du déclic d'un briquet lui apprit que Shin venait de s'allumer une cigarette puis il l'entendit expirer longuement.
– Ouais, dit-il, je n'arrivais pas à dormir. Ça va toi ?
Wakasa réfléchit et décida de jouer franc-jeu.
– Je viens de voir Koji, lui dit-il. Elle est passée échanger quelques rounds avec Chi. Elle était bizarre. Il s'est passé un truc hier soir ?
Shin ne répondit pas tout de suite.
– Non, dit-il enfin. Rien de spécial.
Il n'ajouta pas un mot et cela, plus encore que le reste, éveilla l'attention de Wakasa.
Le Shin qu'il connaissait était intarissable quand il s'agissait de ses amis.
– Tu es sûr ? Reprit-il.
– Certain, répondit Shin.
– Ok, dit Waka.
Si Shin n'avait pas envie d'en parler, il n'allait pas le forcer.
Il ajouta tout de même :
– Shin Chan ?
– Hmm ?
– On est potes toi et moi, dit-il. Alors si tu as besoin de parler, je suis là, d'accord ?
– Ouais, merci mec.
Puis Shin coupa la communication.
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