44 - Paris

          Assise sur le muret qui séparait le parking de la plage de Kamakura, Chiyo avait les yeux rivés sur son téléphone et sa veste posée à côté d'elle pour profiter du beau temps. Hayate parut à la porte du konbini voisin, un sandwich thon mayonnaise à la main.

– Le départ vient d'être donné, dit Chiyo assez haut pour que tout le monde l'entende.

Benkei, assis non loin, leva la tête, imité par Izana, Koko et Kisaki qui avaient pris place à l'une des tables de pique-nique désertée pour l'hiver. Yuzuha, elle, avait dégoté un vieux transat mal en point abandonné là par des vacanciers et elle s'y était allongée. Un chapeau sur la tête et une paire de lunettes de soleil sur le bout du nez, elle sirotait un soda qu'elle était allée acheter à la supérette un peu plus tôt.

– Je me demande qui va gagner ? Dit-elle.

– Kakucho évidemment ! Lui répondit Izana. Il a intérêt à remporter la victoire, sinon il va m'entendre !

– Je n'en suis pas si sûr, moi, répondit Chiyo. Waka a toutes ses chances je pense.

– C'est vrai qu'il a toujours été l'un des plus doués en moto, confirma Benkei.

Chiyo prit le sandwich que Hayate lui tendait et posa son téléphone.

– Merci ! Dit-elle. J'étais en train de mourir de faim, je n'ai pas eu le temps de déjeuner !

Elle regarda le casse-croûte, fronça les sourcils et ajouta :

– Et la boisson ? Dit-elle à Hayate. Kōhai ! Il manque la boisson !

(NDA : Le kōhai – 後輩 – par opposition au senpai – 先輩 – désigne la personne moins expérimentée, celle qui doit le respect à son aîné.)

Hayate souffla et repartit vers le konbini.

Benkei la regarda s'éloigner.

– Tu fais quoi, là ? Dit-il à Chiyo.

– Elle veut que je lui apprenne à se battre comme une pro, lui apprit Chiyo. Alors j'en profite un peu !

Quelques semaines plus tôt, Hayate s'était finalement inscrite au gymnase. Même si elle ne pouvait y venir qu'une fois ou deux par semaine, l'idée de recevoir des leçons particulières d'une professionnelle du niveau de Chiyo Tōga l'avait convaincue. Il ne lui avait pas fallu longtemps cependant pour s'apercevoir que son nouveau professeur était un véritable tyran. Désormais, elle rentrait souvent chez elle couverte de bleus et pleine de courbatures.

Izana se tourna vers Benkei.

– Pourquoi tu ne participes pas à la course avec les trois autres ? Dit-il. Je croyais que toute la première génération du Black Dragon allait se mesurer au Toman.

– J'ai passé l'âge de faire la course en moto, répondit Benkei. En plus de ça, vu ma carrure, la vitesse n'a jamais été mon point fort – il montra son imposante X11 garée un peu plus loin. Je préfère laisser ça à Waka et Shin.

– Et pas à Takeomi ? Insinua Chiyo avec un sourire en coin tout en plantant un croc dans son sandwich.

– Lui, il serait temps qu'il arrête de se prendre pour le Dieu de la Guerre, rajouta Benkei.

Chiyo pouffa.

Le Dieu de la Guerre, c'était le surnom que s'était donné Takeomi à l'époque où il appartenait au Black Dragon.

Autant dire une éternité.

Hayate fut de retour avec une canette de soda à la main.

– Voilà, dit-elle en la tendant à Chiyo, ce sera tout senpai ?

– Ce sera tout kōhai, répliqua cette dernière, tu peux te reposer.

Benkei rigola et il dit à Hayate :

– N'insiste pas, tu n'auras jamais le dernier mot avec elle !

– J'ai cru le comprendre, remarqua Hayate.

Elle ne semblait pas irritée cependant. Son idole n'était pas le genre de femmes à se laisser marcher sur les pieds. C'était aussi pour cela qu'elle l'admirait.

– Si vous deviez parier sur le gagnant, intervint Koko, vous miseriez sur qui ? J'ai cru comprendre que Mikey avait fait des étincelles lors de ses essais...

– Il paraît oui, soupira Chiyo. Quand je pense que j'ai manqué ça !

– C'est toi qui a dit que tu n'allais pas perdre une journée de travail pour regarder un guignol tourner en rond sur un circuit, lui rappela Benkei.

– Ne te sens pas obligé d'avoir une si bonne mémoire, lui répondit Chiyo.

– Moi, intervint Yuzuha, je crois que je parierais sur Draken. Il ne dit jamais rien, mais ça reste l'un des gars les plus forts du Toman. Dans tous les domaines.

– Et pas sur ton frère ? S'étonna Koko.

Yuzuha haussa les épaules.

– Hakkai restera près de Taka, dit-elle. Je suis à peu près sûre que la victoire ne l'intéresse pas.

– Pourquoi pas Mikey ou Wakasa ? Demanda Kisaki. Ils restent les deux meilleurs à ma connaissance.

– Il faut miser sur un outsider si l'on veut avoir une chance de gagner gros, lui répondit Yuzuha.

Koko et Kisaki échangèrent un regard.

– Puisque tu parles de ça, reprit Koko, il se trouve que nous avons réfléchi à des cotes pour des paris sur cette course... Histoire de nous amuser bien sûr.

Il sortit une feuille de sa poche et Izana la lui prit des mains.

Il lut.

– Oh... Dit-il. Pas mal... Mikey est coté à deux contre un et Wakasa à trois contre un. Shin est à dix contre un... Ça ne fait pas beaucoup. Kakucho à huit contre un... Vous le sous-estimez je crois.

(NDA : une cote à 3 contre 1, signifie que pour une personne ayant parié sur ce coureur, trois auront parié contre lui. En fait, plus la cote d'un coureur est basse, plus on estime qu'il a des chances de gagner. À l'inverse, plus sa cote est élevée, plus la probabilité de le voir remporter la victoire est faible, mais plus les gains seront importants.)

Izana parcourut le reste de la feuille et, arrivé en bas, il éclata de rire.

– Takemichi à vingt-cinq contre un ? Dit-il. On parle bien du vice-président du Toman, là ?

Koko fit la moue.

– Ce type est une légende, dit-il, mais on est bien d'accord qu'en compétition, il ne vaut rien...

Tous murmurèrent leur assentiment.

Hayate se demanda qui était ce Takemichi. Elle l'avait sûrement croisé lors de la soirée de Halloween, mais elle n'arrivait pas à mettre un visage sur son nom.

Izana reprit, la tirant de ses pensées.

– Baji est à huit contre un – comme Kaku – , dit-il, et Inupi est à six contre un ?

– On pense qu'il a toutes ses chances à force de traîner au milieu des motos, répondit Kisaki.

– Hmm, je vois, dit Izana. Draken est à six contre un lui aussi...

– Alors ? Leur dit Koko. Un petit pari, ça vous tente ?

Yuzuha se redressa, soudain intéressée.

– Pourquoi pas ? Dit-elle. Ça pimentera un peu la course...

Benkei, Chiyo et Hayate s'approchèrent de la table à leur tour.

– Fais voir les cotes, dit Chiyo en s'emparant de la feuille.

Benkei et Hayate lurent par-dessus son épaule.

– Il y a moyen de se faire du fric si on parie bien, remarqua Benkei.

Chiyo hocha la tête.

– Oui, mais il faut réfléchir, dit-elle.

Kisaki sortit un petit carnet de sa poche :

– Je vous écoute ! Dit-il en souriant de toutes ses dents.




Vingt minutes plus tard, tous avaient pris leurs paris.

Benkei avait jeté son dévolu sur Shin – Avec sa cote à dix contre un, je peux gagner un max ! –, Yuzuha était restée sur Draken et Chiyo sur Wakasa. Kisaki et Izana avaient parié sur Kakucho et Hayate sur Mikey.

– Tu ne prends pas de risques dis donc, lui fit remarquer Chiyo.

– C'est surtout que je l'ai vu à l'œuvre, lui répondit-elle. Je ne vois pas qui pourrait le battre.

– Et toi Koko, reprit Kisaki, son carnet à la main. Tu es sûr ? Tu ne veux pas changer d'avis ?

Il avait tout misé sur Takemichi Hanagaki, l'outsider numéro un.

– Pas question, dit-il. Yuzuha a raison, si on veut gagner gros, il faut parier sur celui qui semble avoir le moins de chances ! Ce gars s'est toujours débrouillé pour s'en sortir quelle que soit la situation ! Je suis sûr qu'il va trouver le moyen d'arriver en tête !

– Si tu le dis... Répondit Kisaki.

Il fut interrompu par le rugissement d'un énorme 4x4 qui s'arrêta sur le parking dans une gerbe de poussière.

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