39 - Le coureur fantôme

          Quand elle revint vers la Civic, Hayate tenait un bout de papier avec les coordonnées d'un représentant de Honda – la filiale moto – qui était à la recherche de nouveaux pilotes de talent pour tester des machines.

– Ce n'est pas mon domaine, lui avait dit Sakamoto, alors j'ai peu de contacts. Mais ce type est un vieil ami. Si ton pote vient de ma part, il pourra faire un essai.

– C'est exactement ce qu'il lui faut ! Lui avait répondu Hayate.

Elle se sentait euphorique. Cette soirée ne ressemblait pas du tout à celle qu'elle avait imaginée. Ce type, d'abord, s'était révélé très sympa et même les autres, passée la surprise de découvrir qu'elle était une fille et une fois qu'ils avaient vu de quoi elle était capable, ils s'étaient montrés sincèrement intéressés par ses talents.

Et tout cela bien sûr, c'était sans compter la course.

Cette descente était juste... incroyable !

L'adrénaline, l'excitation... Hayate avait senti son sang bouillonner d'ivresse tout le long et elle regrettait presque que ce soit déjà fini.

Mais ça reste dangereux, se raisonna-t-elle. Il faut être inconscient pour faire ce genre de choses.

Son avis sur les courses illégales n'avait pas changé.

Elle remonta à bord de la Civic en essuyant la pluie qui lui avait coulé sur le visage et plaqué ses cheveux sur son front.

– Ça va mieux ? Demanda-t-elle en se tournant vers Shin.

Il lui adressa un sourire un peu faiblard.

– Vas-y... Fous-toi de moi... Dit-il.

– Je n'ai pas envie... Dit-elle. Désolée d'avoir rigolé comme ça. C'était pas sympa. En plus, c'est de ma faute, je n'ai pas pensé une minute à quel point ça devait être terrible depuis la banquette arrière. Désolée.

– Plus. Jamais. Asséna-t-il en réprimant un haut-le-cœur.

– Tiens, lui dit-elle en lui tendant le papier que le pilote venait de lui donner. C'est pour me faire pardonner.

– Qu'est-ce que c'est ? S'enquit-il.

– Le numéro d'un type qui cherche de bons pilotes moto. Tu m'as bien dit que ton petit frère voulait devenir pro, non ?

La nausée de Shin parut brusquement s'envoler. Il se redressa.

– C'est vrai ? S'exclama-t-il.

– Oui, c'est notre adversaire qui me l'a donné. Il m'a dit que Manjirō pouvait l'appeler de sa part. Ce type lui fera faire un essai. Pour le reste, ça sera à ton frère de jouer...

– T'es la meilleure ! Dit Shin.

Hayate rit.

– N'exagérons rien !





Ils se mirent en route et Hayate prit soin de rouler à une allure modeste pour ménager l'estomac de son passager. Shin'ichirō avait eu assez de sensations fortes pour la nuit.

Arrivée au niveau du restaurant familial dans lequel elle avait l'habitude de s'arrêter, à la sortie de Chichibu, elle se tourna vers lui.

– Tu veux qu'on aille manger quelque chose pour te remettre ?

Le regard de Shin se fit aussitôt vitreux.

– Mieux vaut pas, non... Dit-il.

– Ok, on rentre dans ce cas. Je roulerai doucement, promis.





La Civic quitta les faubourgs de la petite ville et s'engagea sur la route de montagne qui menait à Hannō, l'un des derniers villages avant la banlieue de Tokyo.

– Quand je pense que tu as littéralement pulvérisé un pilote professionnel... Reprit Shin, de nouveau sur pied.

– C'est en partie grâce à la chance du débutant, lui rappela-t-elle. En compétition, sur un circuit, je n'aurais sûrement rien pu faire contre lui.

Shin tourna les yeux vers son profil.

– Comment tu peux rester si calme ? Dit-il. Moi, je serais surexcité à ta place !

Hayate esquissa un sourire.

– Bon ok, je suis assez contente de moi, reconnut-elle.

– Tu peux !

Il ramena les yeux sur la route qui déroulait ses méandres obscurs dans le pinceau des phares de la voiture et reprit.

– Et cette course ! Dit-il. C'était sensationnel !

Il se mit à mimer des mouvements de volant.

– Un coup à gauche ! Dit-il. Un coup à droite ! Ces dérapages ! Je ne savais même pas que c'était possible des actions pareilles !

Alors qu'ils arrivaient à mi-hauteur de la côte, Hayate vit des phares apparaître dans le rétroviseur. La voiture derrière eux se rapprochait à grande vitesse malgré la route qui montait en lacets serrés et Shin la remarqua bientôt à son tour.

– C'est qui ? Dit-il, le front plissé. Le type de tout à l'heure ?

Hayate étudia la forme de la voiture et elle secoua la tête.

– Non, ce n'est pas lui.

Maintenant qu'il était plus proche, elle avait une petite idée de l'identité du conducteur.

– On fait quoi ? Reprit Shin.

– Tu te sens un peu mieux ? Tu crois que je peux accélérer ?

– Tu voudrais le semer ? Dit-il.

– J'aimerais essayer, oui.

Shin hocha la tête. Il s'accrocha au harnais qui tenait lieu de ceinture de sécurité et répondit :

– Vas-y, dit-il. Débarrasse-nous de ce type.

– Tu es sûr ? Je ne voudrais pas que tu sois malade.

– Je suis à l'avant cette fois et j'ai envie de voir ce que ça donne d'ici !





La Civic rugit avant de bondir en avant avec des airs de fauve affamé.

Derrière, le coureur fantôme accéléra à son tour. Il semblait se maintenir derrière eux sans difficulté et, au bout de quelques virages, Hayate claqua de la langue. Ça ne pouvait pas être si simple.

– Accroche-toi bien, dit-elle à Shin. Il va falloir que je fasse mieux que ça.

Dehors, la pluie continuait à tomber et Hayate profita de la route mouillée et du peu d'adhérence pour essayer de gagner quelques mètres à chaque virage. Ses pneus soulevaient des gerbes d'eau qu'ils envoyaient voler sur les bas-côtés. Mais il n'y avait rien à faire. Les phares de la voiture qui les avait pris en chasse illuminaient toujours l'habitacle et son pare-choc n'était qu'à quelques centimètres de celui de la Civic.

Shin tourna la tête pour regarder derrière eux.

– Il est toujours là... Dit-il.

Finalement, parvenue aux abords d'une courte ligne droite, leur poursuivant appuya sur l'accélérateur et il les doubla dans un rugissement. 

La seconde suivante, ses feux arrière s'éloignèrent rapidement.

Hayate soupira.

– Et merde... Dit-elle. Bon, ce n'est pas encore pour cette fois.

À côté d'elle, Shin reprit sa respiration qu'il avait un moment retenue.

– La vache... Souffla-t-il. C'était qui ? Tu le connais ?

Elle lui jeta un regard surpris.

– Tu n'as pas reconnu la voiture ? Dit-elle. Quand il nous a dépassés ? C'était mon oncle !





NDA : Vous aviez deviné, vous, l'identité du conducteur ??

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