35 - Avant-course

          Shin et Hayate prirent la route en direction de la préfecture de Saitama et ses hauteurs sur lesquelles se trouvait la petite ville de Chichibu et le col de Tochimoto.

– Ça va aller avec ton frère ? Lui demanda-t-elle. Il avait quand même l'air furieux...

– Ne t'en fais pas, je lui parlerai, tout ira bien. Il est gamin parfois, mais il gentil. Il ferait n'importe quoi pour les gens à qui il tient.

Hayate lui jeta un regard.

– Hmm... Dit-elle, peu convaincue.

– Il ne faut pas lui en vouloir tu sais, poursuivit Shin, c'est un peu de ma faute s'il est comme ça. Je les ai élevés en quelque sorte, lui et Emma.

– Où sont vos parents ?

– Ils sont morts tous les deux quand on était jeunes. C'est papy qui nous a recueillis.

– Oh...

– Manjirō, Emma, papy... Dit Shin. Ils sont tout ce que j'ai. Je tiens à eux plus qu'à n'importe quoi au monde.

– Je comprends, dit-elle.

– Et toi ? Ta famille ? Reprit Shin.

C'était un sujet qu'ils n'avaient pas encore abordé.

– Tu connais déjà mon oncle, lui répondit Hayate, et il y a aussi ma mère.

– Et ton père ?

– Il est parti acheter des cigarettes...

– Ah ?

– ... c'était il y a vingt-cinq ans, il ne devrait plus tarder à rentrer, compléta-t-elle.

– Oh... Dit Shin.

– Ouais. Il a disparu quand ma mère lui a appris qu'elle était enceinte. J'étais un accident.

Shin ramena les yeux sur la route sombre qui défilait de l'autre côté de la vitre.

– Ça me tue les gars qui font ça, dit-il. C'est quel niveau de lâcheté d'abandonner sa femme et son gosse ?

Hayate haussa les épaules, faussement indifférente.

– Il me voulait tellement peu, dit-elle, qu'il m'a fait sortir de sa vie avant même que j'y sois entrée. C'est un record de se faire rembarrer aussi vite par un homme, non ?

Elle avait voulu donner à ses paroles un ton sarcastique, mais sa voix avait vacillé sur les derniers mots et Shin s'en aperçut.

– C'est pas un homme ça, souffla-t-il. Les types qui font ça, ce ne sont pas des hommes. Ce ne sont même pas des êtres humains. Ce sont des déchets.

– Ouais... Tu as raison.

Puis après une seconde, elle changea de sujet.

– C'est sympa qu'on y aille à deux finalement. Je sens qu'on va bien se marrer !

– Ouais ! Répondit Shin en lui tendant son poing où elle frappa un check.





Au sommet du col de Tochimoto, Nobuhiko, l'un des garçons contre qui Hayate s'était battue à Shinjuku des semaines plus tôt, faisait des aller-retour entre la route et le petit parking plongé dans l'ombre des grands arbres. Autour de lui, la foule devenait de plus en plus dense à chaque minute. La rumeur disant que le pilote de la Koga Express allait disputer une course s'était répandue comme une traînée de poudre dans les environs et lui et son ami Takezō n'avaient pas réussi à la contenir.

Apparemment, cette voiture était connue dans la région. Nobuhiko avait entendu des gars dire que le coursier passait fréquemment dans le coin quand il faisait des livraisons et qu'il laissait toujours les coureurs amateurs sur place.

J'espère que tout ira bien...

C'était Takezō, un autre des garçons que Hayate et Shin avaient affronté ce soir-là, qui avait voulu lancer ce défi.

– Ce bâtard s'y croit un peu trop avec sa caisse ! Avait-il dit à Nobuhiko le lendemain de la baston. Et sa copine, tu as vu comment elle se la jouait ? Je vais les faire redescendre sur terre, moi !

– J'avais pas l'impression que le type s'y croyait, moi... Avait tenté d'intervenir Nobuhiko.

Peine perdue, Takezō ne l'écoutait pas. Il avait pris contact avec son cousin, Wataru Sakamoto, un pilote de rallye professionnel et il avait réussi à le convaincre de courir pour eux.

– Ce fumier nous a explosé la gueule alors qu'on faisait que regarder sa voiture ! Avait-il menti en exhibant ses bleus. Il nous a lancé un défi et il a dit qu'on ne pourrait jamais le battre ! Tu imagines ça ? Il faut que tu lui montres de quoi est capable un vrai pro !

C'était à ce moment-là que Nobuhiko avait commencé à se dire que cette histoire puait. 

Quel intérêt y avait-il de mentir ? Ils avaient gagné la bagarre, non ? 

D'ailleurs leurs trois autres amis, ceux qui étaient avec eux à Shinjuku ce soir-là, les avaient très vite lâchés.

– Je ne vois pas de quoi on se vengerait, leur avait dit l'un d'eux. On les a battus, c'est bon. Pas besoin de revenir là-dessus.

– Oui, je vois pas pourquoi tu veux absolument les affronter dans une course, avait dit un autre. Tu n'es pas pilote, non ?

Takezō, obnubilé par cette soirée, refusait de passer à autre chose.

– Je vais remettre cet enfoiré et sa bagnole de frimeur à sa place ! Avait-il dit.

Pour être sûr que le pilote de la Civic vienne le jour du défi, il avait décidé d'attacher son message à une brique pour la balancer dans une des voitures de la Koga Express. Après tout, c'était là que bossait le coursier.

Le jour où ils avaient fait le coup, Nobuhiko s'était retrouvé à faire le guet au coin de la rue pendant que Takezō jetait son dévolu sur l'Impreza de Bunta, garée toute seule à l'arrière.

Elle devait valoir un paquet de pognon cette caisse... Se souvint-il, mal à l'aise.

La situation lui avait complètement échappé et il ne voyait plus comment s'en tirer à présent.

Il jeta un œil autour de lui à la foule des spectateurs venus assister à l'affrontement. Tout le gratin des courses illégales du Kanto semblait s'être réuni ici. Nobuhiko repéra le logo des Purple Shadow, l'équipe phare de la région, et quantité de coureurs indépendants.

Il n'avait plus aucun espoir que cette histoire passe inaperçue.

Si seulement il y avait eu moins de monde... Se dit-il. J'espère juste que personne n'apprendra jamais ce qu'on a fait à cette bagnole...

Au sommet du col, seuls les phares des voitures perçaient les ténèbres de la nuit. Au-dessus de leurs têtes, une épaisse couche de nuages menaçants formait comme une couverture. La pluie ne tarderait plus.

Un grondement bas, guttural, monta de la route et les badauds s'écartèrent pour laisser passer une Mazda FC blanche aux jantes rutilantes.

Un murmure survola la foule et Nobuhiko, lui-même, écarquilla les yeux. Cette voiture, il la connaissait, c'était la Comète Blanche d'Akagi, le bolide de Ryosuke Takahashi, le pilote de génie qui avait fondé la Project D, l'équipe qui avait écrasé les Purple Shadow quelques semaines plus tôt.

Même lui est venu ? Se dit-il.

Nobuhiko se renfonça dans l'ombre, de plus en plus inquiet.

Takahashi se gara et son frère et lui sortirent de la voiture.

Ryosuke jeta un œil à la ronde, avant de se diriger vers le véhicule qui était le centre de l'attention. Une petite Suzuki Cappuccino EA11R sur le capot de laquelle Wataru, le pilote de rallye, était assis.

Ryosuke examina la voiture.

– C'est un modèle de 98 ? Demanda-t-il au pilote après s'être présenté.

– Oui, dit ce dernier. C'est un pote qui me l'a prêtée pour ce soir.

– Pourquoi l'avoir choisi ? S'étonna Ryosuke. C'est un modèle plutôt ancien...

– C'est fait pour, lui répondit le pilote. Il paraît que j'affronte une Civic de 95. Ce type et moi on doit se battre à armes égales. C'est la technique qui doit faire la différence, pas la voiture.

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