Hayate et Shin'ichirō firent une halte sur une aire de pique-nique, au bord de la route, et Shin sortit le panier-repas qu'il avait rangé derrière son siège.

Il rejoignit la table où Hayate s'était installée, à l'ombre des grands arbres qui bordaient le parking.

– Ne frime pas trop quand même, lui dit-elle en le voyant venir vers elle avec un sourire un peu trop large. Ce n'est pas toi qui a cuisiné.

Shin essaya de réprimer les débordements de son enthousiasme. Mais comme la fois précédente, il réussit juste à avoir l'air d'un pitre et Hayate pouffa.

– Quel clown ! Rit-elle.

Il s'assit et ouvrit la boîte que Emma lui avait donnée avant de partir.

– Tu vas voir, dit-il, c'est une cuisinière incroyable ! Tout ce qu'elle fait est délicieux !

– Et de toute façon, répliqua-t-elle, vous êtes tous certainement des estomacs sur pattes perpétuellement affamés. Tout doit vous paraître merveilleux à partir du moment où ça se mange.

– Aussi oui ! Répondit Shin en riant de plus belle.

Hayate se pencha pour examiner le contenu de la boîte.

Il y avait là des onigiris à tous les goûts, des mini-sandwiches, des crudités colorées rangées dans des petites barquettes en papier...

Combien de temps ça lui a pris de préparer tout ça ?

Emma avait aussi ajouté des œufs durs moulés en forme de petites motos grâce à ces emporte-pièce que l'on trouvait dans les magasins tout à 100¥.

Shin saisit un des œufs.

– Tu as vu ? Dit-il en le lui montrant, surexcité. Elle les fait comme ça exprès pour nous !

Il semblait aussi heureux qu'un gamin le matin de Noël et Hayate se sentit sourire.

Elle se ressaisit.

– Tu as idée de l'heure à laquelle elle doit se lever pour cuisiner tout ça ? Dit-elle.

Le sourire de Shin s'estompa.

– Oui... je sais, dit-il. Mais... je n'arrive pas à refuser...

Tous les mêmes, soupira Hayate. Ils sont tous trop heureux de se faire servir comme des princes.

Elle préféra ne pas insister.

– Allez, c'est bon, dit-elle. Mangeons.

Tous les deux entamèrent le repas et Shin lui désigna ses spécialités préférées.

– Essaie le céleri, là ! Dit-il. Elle le fait avec une sauce spéciale, c'est super bon !

Hayate s'exécuta. Elle devait reconnaître que Emma était vraiment une cuisinière hors pair.

C'est juste un bento, le genre de trucs qu'on fait à la va-vite le matin... Pourtant tout est excellent.

En plus de ça, la petite sœur de Shin l'avait décoré en harmonisant les couleurs pour que ce soit aussi joli à l'œil que délicieux au palais.

La pauvre... Ce doit être une véritable esclave dans cette maison remplie d'hommes.

Pour rien au monde, Hayate n'aurait voulu échanger leurs places.

– Alors comme ça, reprit-elle, tu as un petit frère et une petite sœur ?

Elle réalisait qu'elle ne savait presque rien de sa famille. Lors de leur sortie au restaurant, ils avaient essentiellement parlé voitures et motos.

Shin hocha la tête, la bouche pleine.

– Et encore un autre petit frère, lui dit-il un instant plus tard.

Hayate écarquilla les yeux.

– Mais c'est quoi ça ? Rit-elle. Une tribu ?

– On peut dire ça. En fait, Izana – l'autre garçon – n'est pas vraiment mon petit frère. C'est le frère adoptif d'Emma. Leur mère l'a abandonné dans une institution quand il était petit, juste avant de déposer Emma chez nous.

Le rire de Hayate s'éteignit comme si on avait brusquement coupé le son d'une télévision.

– Abandonné ? Répéta-t-elle. Mais quel genre de mères fait cela ?

Hayate était choquée. Même si sa propre mère ne l'avait pas désirée, jamais Kisa ne lui aurait tourné le dos ainsi.

J'imagine que lui aussi était un enfant non voulu, un accident de parcours...

– Oui, mais il nous a nous maintenant, dit Shin,  et on ne le laissera jamais tomber.

Il avait dit cela avec une pointe de férocité qui fit lever les yeux à Hayate. 

Durant une seconde, elle crut voir quelqu'un d'autre assis en face d'elle, mais l'illusion se dissipa avant qu'elle ne put voir de qui il s'agissait.

Elle ramena son attention sur le bento.

– Ça doit être chouette d'avoir un grand frère, dit-elle enfin.

Un instant, elle se demanda  comment aurait été sa vie si elle avait eu un frère aîné comme Shin'ichirō Sano.

Différente, ça c'est sûr...

– J'essaie de faire de mon mieux, dit-il, mais je fais des erreurs. Beaucoup trop à mon goût. Dans ces cas-là, je me console en me disant que je leur montre au moins le chemin à ne pas suivre.

C'était une philosophie plutôt originale.

– Un peu comme si tu passais le premier dans un champ de mines ? Dit-elle.

La comparaison fit rire Shin.

– C'est ça ! Dit-il, avant de se calmer et d'ajouter : Mais pour moi, un grand frère c'est avant tout celui qui protège les plus jeunes à n'importe quel prix.

Un silence s'installa entre eux.

Oui, ma vie aurait été très différente si j'avais eu un tel grand frère... Peut-être même que j'aurais fait des bentos tous les matins avec le sourire.

Le téléphone de Hayate sonna dans sa poche tandis qu'elle terminait un des petits sandwiches aux œufs de poisson et elle sortit son portable de sa poche.

C'est vraiment trop bon ça... Se dit-elle. Il faudra que je lui demande la recette.

Sur l'écran, elle vit que c'était son oncle.

– Hello, dit-elle en décrochant. Quoi de neuf ?

– Hayate, tu vas bien ? Dit Bunta.

Sa question l'étonna.

– Bien sûr que je vais bien, répondit-elle. Pourquoi tu me demandes ça ?

Elle reprit un autre de ces délicieux mini-sandwichs. 

Au bout du fil, son oncle resta silencieux.

– Pour rien, dit-il enfin.

Son hésitation éveilla l'attention de Hayate.

– Qu'est-ce qui se passe ? Dit-elle.

Le ton soudain sérieux sur lequel elle avait posé la question, fit lever la tête à Shin.

Bunta reprit.

– On a eu une petite visite au boulot, dit-il. Un petit... plaisantin.

Hayate comprit que la plaisanterie dont il parlait ne le faisait pas rire du tout.

– C'est-à-dire ?

Elle l'entendit souffler.

– Rien de grave, lui dit-il, juste du verre brisé. Ne t''occupe pas de ça. Bonne journée.

Et puis il raccrocha.

Hayate regarda longuement son téléphone.

– Dis, reprit-elle enfin, ça te dérangerait si on faisait un détour par Koga en rentrant ?

– J'allais te le proposer, dit Shin, inquiet. Finissons de manger et allons-y.

Lui non plus ne souriait plus à présent.

✽

NDA : Les ennuis commencent ! (que serait une fanfiction sans ennuis ?)

( •ᴗ•)⸝🥂⸜(•ᴗ• )