11 - Tension
Lorsque Hayate arriva au niveau du garage, elle vit la Honda Hornet attachée sur le plateau de la fourgonnette qu'elle avait laissé dans la ruelle.
Elle poussa la porte du magasin et entra.
– C'est terminé ? Dit-elle.
Elle s'attendait presque à l'entendre dire qu'il n'avait pas trouvé la panne et qu'elle devait aller voir un autre garagiste.
Shin'ichirō leva les yeux depuis le comptoir derrière lequel il était retourné, une cigarette au coin de la bouche.
– Hm ? Oui, dit-il. C'était le contacteur d'embrayage, je l'ai changé.
Il semblait avoir la tête ailleurs.
Hayate le rejoignit et Inupi, toujours penché sur la Suzuki, lui jeta un regard noir au passage.
Il me veut quoi lui ? Se demanda-t-elle.
Elle chassa rapidement cette pensée.
Juste un connard de plus...
Arrivée au niveau de Shin elle tira l'enveloppe que son patron lui avait confiée de la poche de sa combinaison.
– Je te dois combien ?
Shin tira sur sa cigarette.
L'ambiance dans le garage était froide, presque hostile comparée à celle qui régnait entre ces murs l'instant d'avant.
Ils montrent leurs vrais visages... Ricana-t-elle. Voilà comment sont en réalité les hommes quand ils sont contrariés qu'une fille n'agisse pas comme ils le voudraient.
À aucun moment, il ne lui vint à l'esprit qu'elle pouvait être la responsable de cette atmosphère désagréable.
– C'est bon, lui dit Shin'ichirō, c'était presque rien.
Hayate souffla et la tension entre eux monta encore d'un cran.
– Je. Te. Dois. Combien ? Articula-t-elle les dents serrées.
Elle pouvait quasiment sentir le regard de Inui posé sur son dos. Elle n'avait pas besoin de se retourner pour savoir qu'il n'y avait plus que de l'antipathie sur son visage.
Peut-être même de la haine.
Elle n'en avait rien à faire.
Hors de question pour elle de devoir quoi que ce soit à ces types.
Shin soupira. Il ouvrit son facturier et apposa son tampon en haut d'une nouvelle fiche. Puis il nota quelques lignes et fit un rapide calcul.
– Dix-mille yens, dit-il.
(NDA : Environ 60 euros.)
Hayate tiqua. Ça n'était même pas le prix de la main d'œuvre.
J'en ai rien à foutre, se dit-elle en commençant à sortir les billets que son patron lui avait préparés. S'il a envie de finir sur la paille, c'est son problème.
Elle les recompta et les lui tendit.
– Tiens. Bonne journée.
Puis elle rangea l'enveloppe et tourna les talons sans attendre de réponse.
Shin parut vouloir dire quelque chose, mais il se ravisa.
Elle sortit et il écrasa sa cigarette dans le cendrier posé sur le comptoir.
J'ai encore merdé ?
Non, il n'y était pour rien, il en était sûr cette fois. Hayate Koji se battait contre des démons qu'elle était seule à voir.
Le moteur de la fourgonnette rugit et, la minute d'après, elle disparut au bout de la rue.
Inupi revint à la Suzuki qu'il avait abandonnée des yeux.
– Bon débarras, dit-il. Hein boss ?
– Hmm.
Shin'ichirō ne savait pas quoi dire. Cette nouvelle rencontre lui avait laissé une impression déplaisante. Comme si, quoi qu'il puisse dire, Hayate ne verrait en lui que ce qu'elle avait décidé de voir.
Comme si elle et moi on ne parlait pas la même langue... comme si on ne se comprenait pas.
Il se détourna et sortit une nouvelle cigarette.
– J'en sais rien, dit-il enfin. Mais arrête de m'appeler boss.
Hayate reprit la route de Arakawa, plus irritée que jamais.
– Espèce de connard arrogant, grommela-t-elle en chemin avant de le singer : C'est bon, c'était presque rien. Traite-moi de nulle aussi pendant que tu y es !
Pourtant, elle ne pouvait pas nier qu'il n'y avait aucune condescendance dans sa voix. C'était un peu comme s'il avait voulu dire que ça ne valait pas la peine de payer pour si peu.
Elle repoussa cette idée d'un grognement.
Les hommes ne faisaient pas ça. Ils vous manipulaient et vous utilisaient. C'était tout.
Arrivée devant le garage Shiohata, Hayate vit que son patron l'attendait sur le pas de la porte.
– Il me semblait bien avoir reconnu le moteur de la fourgonnette, dit-il en venant vers elle. Alors ?
Hayate descendit de la cabine et claqua la portière plus fort qu'elle l'aurait voulu.
– C'est bon, c'est réparé, dit-elle.
Elle se rendit alors compte qu'elle n'avait pas vérifié elle-même le travail et eut envie de se mettre des claques.
Sano, si tu m'as arnaquée, je débarque chez toi et je te botte le cul jusqu'à ce que tu oublies l'idée même de me prendre pour une imbécile !
Elle rejoignit l'arrière du véhicule et déverrouilla la porte. Puis elle détacha la Hornet et la fit rouler le long de la planche.
Une fois sur le trottoir, elle mit le contact et la moto démarra avec un ronronnement de moteur bien huilé.
Hayate ne put retenir un soupir soulagé.
– Ça a été rapide, dit son patron qui l'avait rejoint.
– Oui, dit Hayate en coupant le contact. Il a fait vite.
– On n'en a pas eu pour trop cher au moins ? Le fils de mon voisin n'a pas beaucoup d'argent. Il est étudiant et il n'a qu'un petit boulot à mi-temps.
– Dix-mille yens, lui répondit Hayate.
Horitaka ouvrit des yeux stupéfaits.
– Dix-mille ? Répéta-t-il. C'est tout ?
– Ouais... Confirma Hayate.
Elle tira l'enveloppe de sa poche et la lui rendit avec les clés de la moto et celle de la fourgonnette.
–Mais ne songe même pas à me renvoyer là-bas à l'avenir, lui dit-elle. C'est hors de question que j'y remette les pieds !
Puis elle l'abandonna pour gagner l'atelier et se mettre au travail.
Horitaka la regarda s'éloigner.
Qu'est-ce qui s'est passé ? Se demanda-t-il.
Quand elle quitta le garage à la fin de la journée, Hayate n'avait toujours pas réussi à se débarrasser de l'agacement que lui avait laissé son entrevue avec Shin'ichirō Sano.
Tout ce que je veux, avait-il dit, c'est qu'on soit amis. Il n'y a pas tant de personnes avec qui je peux discuter mécanique...
– N'importe quoi... Marmonnait-elle toute seule. Les hommes qui disent ce genre de choses ont toujours une idée derrière la tête. Ensuite, ils viennent pleurnicher que tu les as friendzonés. Mais mec, c'est toi qui a dit que tu voulais que l'on soit amis ! Commence par être honnête !
La pensée toutefois d'avoir quelqu'un avec qui partager sa passion pour les voitures avaient fait naître dans son esprit des images de soirées devant un verre à parler mécanique et moteurs.
Elle préféra les oublier.
Les hommes n'étaient pas de ceux avec qui on pouvait faire ce genre de choses.
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