10 - Souvenirs
Hayate Koji avait toujours été proche de son oncle.
Bunta, le frère aîné de sa mère, était un homme bourru, gros fumeur et qui parlait peu. Mais il était aussi le seul membre de leur famille qui n'avait pas tourné le dos à Kisa quand elle était tombée enceinte. Au contraire, il s'était dressé aux côtés de sa sœur et il avait refusé de lui faire porter la responsabilité de la situation.
– Un enfant, ça se fait à deux, avait-il répliqué à leurs parents qui accusaient la jeune femme. Celui à qui on doit faire des reproches, c'est celui qui a pris la fuite.
Après la naissance de Hayate, il s'était investi dans la vie de l'enfant comme si elle était sa propre fille et il avait soutenu sa sœur de son mieux.
Dès son plus jeune âge, la fillette avait pris l'habitude de passer des heures, dans son garage, à le regarder bricoler sa Civic. Bunta était un passionné de mécanique.
Un jour, il lui avait demandé si elle voulait apprendre et la petite fille avait hoché la tête avec empressement. Rien n'aurait pu lui faire plus plaisir.
Au début, Bunta lui avait montré deux ou trois choses simples, mais voyant que la petite fille ne se lassait pas, il avait commencé à lui en apprendre de plus en plus.
Pendant les années qui avaient suivi, tous les deux avaient passé parfois des journées entières le nez dans un moteur, couverts cambouis des pieds à la tête, à tel point que Kisa savait presque toujours où trouver sa fille.
Quand Hayate avait eu seize ans, Bunta lui avait proposé de travailler dans l'entreprise de livraison qu'il avait créée quelques années auparavant.
– Tu pourrais prendre la Civic et te charger des petits paquets urgents et des plis confidentiels le soir et les week-ends après les cours, lui avait-il dit.
C'était lui qui lui avait appris à conduire quelques mois plus tôt, sur les routes de montagne autour de Koga, au volant de sa propre voiture.
– Je n'ai pas mon permis, lui avait-elle répliqué, tu t'en souviens ?
Bunta avait tiré sur sa cigarette avec son air flegmatique.
– C'est bon, personne ne te dira rien dans ce coin perdu.
Hayate avait alors commencé à effectuer des petites courses dans l'arrière-pays et, le jour de ses dix-huit ans, Bunta lui avait offert la Civic.
– Tu es sûre ? Lui avait dit Hayate. Je veux dire, c'est ta voiture...
– Prends-la. Un nouveau modèle d'Impreza vient de sortir et j'ai envie de me l'offrir maintenant que j'ai les moyens.
Bunta n'avait pas enseigné que la mécanique à sa nièce. Il lui avait aussi montré comment se battre.
– Si on t'ennuie, lui avait-il expliqué, tu mets un briquet dans ton poing, comme ça, et tu frappes en visant le nez.
Masato Ukio, son petit ami du lycée, en avait fait les frais.
Le lendemain de leur bagarre, Hayate et sa mère avaient été convoquées chez le directeur.
– Le jeune Ukio a le nez cassé madame... Leur avait appris le proviseur.
– Et alors ? Avait aboyé Kisa, agressive. Il l'a sûrement cherché ! Vous ne vous imaginez tout de même pas que je vais demander à ma fille de s'excuser ?
Le ton était monté très vite et Kisa avait fini par entraîner sa fille dehors en insultant le principal du lycée.
La semaine suivante, elle l'avait inscrite ailleurs.
– Tu as eu raison, répétait-elle à Hayate. Ce sont tous les mêmes. Des porcs. Ne te laisse pas faire. Si j'avais su me battre moi aussi, j'en aurais cogné plus d'un, crois-moi. Ne t'excuse jamais devant un homme. Ne t'abaisse jamais devant aucun d'entre eux. Ils s'en serviront pour te faire du mal !
Après l'incident, Hayate avait dû reconnaître que sa mère avait raison. Les hommes étaient des ordures.
On ne m'y reprendra plus.
Son oncle, lui, avait tenu un autre discours.
– N'oublie pas que tu n'es pas ta mère, lui avait-il dit quand il avait appris ce qui s'était passé. Ta vie, c'est ta vie. Sa vie, c'est sa vie.
Hayate n'avait pas compris ce qu'il voulait dire par là. Les hommes étaient des porcs, alors qu'est-ce que le passé de sa mère avait à voir là-dedans ?
Elle avait ensuite terminé le lycée avant de s'inscrire dans une université publique où le surnom de reine des glaces avait fini par disparaître.
Là, elle s'était retrouvée intégrée à une bande d'amis qui suivaient tous le même cursus et elle avait fait la connaissance de Hyo Kakeru.
Hyo était tout le contraire de Masato. Calme, réservé et studieux, il faisait passer ses études avant tout le reste et, comme Hayate, il vivait seul avec sa mère. Ses parents étaient divorcés.
Tous les deux avaient commencé à passer de plus en plus de temps en tête-à-tête, notamment à la bibliothèque pour réviser, et un jour ils avaient fini par sortir ensemble.
Hayate cependant, ne comptait pas lui accorder sa confiance. Les hommes étaient malhonnêtes, elle le savait maintenant, et elle ne lui laisserait pas l'occasion de se servir d'elle.
C'était Hyo qui avait rompu à la fin de l'université.
– Tu comprends Hayate, lui avait-il dit, je ne peux pas faire ma vie avec quelqu'un qui ne me fait pas confiance.
– Ne t'en fais pas, lui avait-elle répondu avec brutalité. Je ne m'attendais à rien de toute façon. Vous êtes tous les mêmes.
Assise sur le banc dans le parc non loin du S.S Motor, Hayate leva les yeux pour contempler les nuages qui filaient au-dessus de sa tête.
Pas un instant, elle ne regrettait les choix qu'elle avait fait dans la vie. Toutefois, par moments, elle se demandait quand même s'il existait des hommes différents. Des hommes qui en vaillent la peine.
Comme oncle Bunta par exemple... lui c'est un type bien... c'est à se demander pourquoi il n'est pas marié ?
Ce dernier ne leur avait jamais présenté de femme et Hayate ne savait pas si c'était parce qu'il voulait rester disponible pour sa mère et elle ou bien s'il n'avait jamais trouvé personne.
Elle se redressa tandis que, plus loin, les gamins qui jouaient sur la balançoire retournaient vers leurs mères.
Il a peut-être croisé des femmes malhonnêtes... Après tout, les hommes n'ont pas l'exclusivité.
Elle reprit le chemin du garage en espérant qu'elle avait laissé assez de temps à Sano pour finir les réparations.
✽
NDA : Des fois, je me demande si les garçons et les hommes qui se comportent mal avec les filles, ceux qui se servent d'elles et accumulent les conquêtes, se rendent compte de ce qu'ils font...?
En définitive si on y regarde bien, ce sont eux qui créent les filles manipulatrices, méchantes, aigries et incapables de faire confiance.
Ils se tirent un peu une balle dans le genou, non ?
Oui, je raconte ma vie sur cette fic... ^^'
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