73 - Tu as un goût de Pocky

          Mais c'est quoi ça ? Se demanda Hayate.

Elle rejoignit Shin et prit en silence le boîtier du dessin animé pour l'examiner.

Otoko Ippiki Gaki Daishō, lut-elle. Jamais entendu parler...

Il n'y avait rien d'étonnant, vit-elle en le retournant, ce manga datait de la fin des années soixante.

Quand je disais qu'il allait me sortir un vieux truc, je ne pensais pas à ça...

Face à elle, Shin scrutait son visage avec appréhension.

– Tu es déçue... Comprit-il.

Hayate fit la moue. Est-ce qu'elle était déçue ?

Surprise serait plutôt le mot.

Elle parcourut rapidement le résumé.

Mankichi Togawa, un collégien excentrique, se lance dans une quête pour devenir le chef de gang numéro un au Japon.

Hayate réprima un fou rire.

Non, en fait je ne suis pas surprise. Ça lui ressemble bien ça !

– Je ne suis pas déçue, le rassura-t-elle. Mais je n'aurais jamais deviné, je l'avoue ! Allez, viens, ajouta-t-elle en le prenant par la main, allons voir ce dessin animé que tu aimes tant !





Blottis sur le canapé, la lumière éteinte autour d'eux, Hayate grignotait un Pocky, les yeux sur l'écran et le bras de Shin autour de ses épaules.

– Regarde ! S'écria-t-il, la faisant sursauter. Là ! Il a perdu son combat, mais tout le monde décide de le suivre quand même !

Comme quelqu'un que je connais... Songea Hayate en se réinstallant contre lui.

Hormis les graphismes vieillots et l'animation qui manquait de fluidité comparé aux animés modernes, Otoko Ippiki Gaki Daishō était l'archétype du manga shōnen. Le dépassement de soi y était mis en avant, comme le courage, l'amitié et, en général, toutes les épreuves qui menaient à l'âge adulte. Les personnages féminins y étaient quasiment inexistants et les rares qui apparaissaient à l'écran n'étaient là que pour le décor ou pour servir de trophée au héros.

Mais au moins on y trouve pas de fan service...

Cette pratique, qui consistait à sexualiser exagérément les personnages – surtout féminins – pour satisfaire les fantasmes des fans, était moins répandue à l'époque.

Mankichi, le héros, affronta un nouvel adversaire et Hayate sentit Shin se tendre à côté d'elle.

Elle examina brièvement son profil et sourit.

Il avait les yeux brillants d'excitation.

Je ne suis pas surprise qu'il soit devenu l'homme qu'il est s'il a été bercé par ce genre de mangas quand il était petit...

Tout dans cet animé lui rappelait les photos qu'il lui avait montrées quand elle était venue chez lui.

Pour un peu, on pourrait superposer les clichés aux scènes du film.

Elle se mit à jouer machinalement avec le premier bouton de la chemise de Shin, la tête contre son épaule, et ramena les pieds sous elle pour être plus à l'aise.

Ce n'est pas si mal au final... enfin si on met de côté les arrière-plans moches à faire peur et la musique trop forte... L'histoire a des rebondissements intéressants et le personnage principal est attachant. Bon je ne regarderai pas ça tous les jours, mais ça n'est pas désagréable...

Shin posa sa main sur la sienne et Hayate abandonna le bouton de sa chemise pour entrelacer leurs doigts.

– À la fin... Souffla-t-il à mi-voix. Il réussit à embrasser l'héroïne.

Comme il disait ces mots, Mankichi passa un bras autour de la taille de Tomoko, la fille dont il était amoureux, et l'histoire s'acheva sur leur baiser sur un fond de soleil couchant.

Tandis que le générique défilait sur l'écran, Hayate murmura :

– Ça veut dire que je dois embrasser le chef de gang ?

Elle n'attendit pas de réponse et se redressa, à genoux sur le canapé.

Après avoir un instant plongé son regard dans celui de Shin, elle cueillit avec précaution son menton dans ses mains.

Ses lèvres picorèrent d'abord doucement les siennes, goûtant leur saveur sucrée où s'attardait encore la pointe d'amertume du dernier Kitkat qu'il avait mangé, avant de s'enhardir et de lui donner un baiser où leurs lèvres s'explorèrent mutuellement, leur faisant battre le cœur à la volée.

Lorsque Hayate reprit son souffle, elle avait les joues brûlantes et la respiration précipitée.

Shin murmura :

– Tu as un goût de Pocky...

Il n'avait pas détaché son regard du sien.

Un feu semblait avoir embrasé ses prunelles noires vit-elle et, malgré l'obscurité, Hayate pouvait lire dans son regard le bouillonnement de sensations qui agitait sa poitrine.

Elle retourna chercher sa bouche et, cette fois, leurs langues entamèrent une valse langoureuse faite de caresses et d'enlacements où chacun goûtait l'autre.

La main de Shin glissa jusqu'à sa taille et sa paume parut laisser une empreinte incandescente sur la peau de Hayate au travers de son chemisier.

Tout à coup, des images voluptueuses se mirent à danser dans son esprit. Elle vit leurs deux corps nus entremêlés sur le canapé, un voile de sueur couvrant leurs peaux et leurs mains explorant les nuances du plaisir qui s'offrait à eux. Quand les bras de Shin l'enlacèrent, elle comprit qu'elle n'était pas la seule.

Une lame de désir lui traversa le corps, irradiant depuis son ventre jusqu'au bout de ses doigts, et cette chaleur piquante dissipa l'engourdissement qui l'avait saisie pendant le film.

Elle se laissa tomber en arrière, sur le canapé, Shin au-dessus d'elle, et ils reprirent leur baiser une seconde interrompue, les sens en feu.

Hayate n'arrivait plus à réfléchir. La passion l'embrouillait et elle attira Shin plus près d'elle, avide de sentir son corps sur le sien.

Ce dernier répondit à son étreinte et, pendant un instant, il parut perdre pied comme elle.

Puis brusquement il se redressa.

Avant que Hayate ait compris ce qui se passait, il était debout au milieu de la pièce, l'air hagard.

 Il commença alors à s'étirer, levant et baissant les bras en rythme.

– Un ! Deux ! Un ! Deux ! Dit-il.

Qu'est-ce que... ? Se demanda Hayate.

Shin attrapa ensuite son téléphone qu'il avait abandonné sur la table basse et regarda l'heure.

– Ouh là là ! S'écria-t-il d'une voix où il forçait une note d'inquiétude. Mais il est tard ! Mais je vais manquer mon train, moi !

L'instant suivant, il avait remis sa veste, il l'embrassa rapidement au coin des lèvres et disparut.

Assise sur le canapé, le DVD tournant toujours dans le lecteur, Hayate regardait la porte sans comprendre.

Hein ? HEIN ?





NDA : MOUHAHAHAHAHA !!

↜₍^ ≧ω≦^₎

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