68 - Chacun ses défauts

          Le samedi suivant, Shin faisait nerveusement des va-et-vient dans son petit studio.

Ça te dirait qu'on se fasse une soirée DVD ? Avait dit Hayate. Le film Zombieland est sorti !

La panique s'était un instant emparée de Shin.

– Euh... oui, s'était-il repris. Pourquoi pas, ça parle de quoi ?

Il en avait toutefois une idée assez précise vu le titre.

Ça va encore être une histoire de gens qui se font manger vivants...

Hayate lui avait expliqué sans lâcher sa main et la joie qui faisait briller ses yeux l'avait rassuré.

Ce n'est qu'un film, s'était-il dit, et puis si ça peut lui faire plaisir, on peut bien le regarder ensemble...

Le goût de Hayate pour les films d'horreur ne cessait de l'étonner. Lui, il se tétanisait dès que la musique d'ambiance devenait un peu glauque ou que l'écran s'assombrissait.

Mu par une impulsion subite, il avait ajouté :

– Et si on alternait à l'avenir ? Tu choisis un film et je choisis le suivant, ça serait sympa, Qu'est-ce que tu en penses ?

– Bonne idée ! Avait-elle approuvé. Comme ça tu me feras découvrir les films que tu aimes !

À présent que le moment était venu cependant, Shin avait du mal à calmer sa nervosité.

Allez ! Tu peux le faire ! C'est pas un petit film d'horreur qui va te tuer ! Tu es un bonhomme !

Le grondement de la Civic retentit dans la rue et il poussa un petit cri qui n'avait rien de viril.





Hayate abandonna sa veste et ses chaussures dans l'entrée et elle pénétra dans la pièce d'un pas presque sautillant. Depuis qu'ils avaient prévu de voir ce film tous les deux, elle s'en faisait une joie.

Ça va être génial ! J'ai tellement hâte !

Elle déposa les sacs plastiques contenant les courses qu'elle avait apportées sur le plan de travail de la cuisine et jeta un œil à la vaisselle qui traînait dans l'évier. Puis elle détourna les yeux. Elle préférait l'ignorer.

– J'ai pris des chips, dit-elle, et aussi des bières sans alcool puisque je conduis. Je suis tellement contente qu'on passe cette soirée ensemble !

Elle rangea les canettes dans le frigo et, derrière elle, Shin déglutit bruyamment.

– Cool... Dit-il d'une voix blanche.

Hayate le rejoignit et prit sa main. Son appréhension ne lui avait pas échappée, il n'avait déjà pas spécialement apprécié le film qu'ils avaient regardé chez elle.

Elle se hissa sur la pointe des pieds et posa ses lèvres sur les siennes.

– Ne t'en fais pas, lui dit-elle, le type du vidéo club m'a assuré que ce film n'avait rien d'effrayant, il est très drôle au contraire, alors il n'y a rien à craindre. Mais au cas où...

Elle retourna vers ses sacs, fouilla dedans et en tira la peluche baleine qui trônait normalement sur son canapé.

– ... j'ai apporté Dosun ! Reprit-elle.

Son sourire chassa l'air sombre du visage de Shin et cette fois ce fut lui qui la rejoignit. Il prit la peluche à deux mains et la leva à hauteur de ses yeux.

– Tout va bien alors, dit-il. On ne risque plus rien.

– C'est ce que je me suis dit, répondit-elle.

Elle se blottit entre ses bras et les lèvres de Shin vinrent trouver les siennes. Leur baiser lui conféra une ardeur nouvelle et il se redressa en brandissant la peluche.

– Amenez-vous les zombies, dit-il. Vous ne me faites pas peur !





Hayate apporta les chips jusqu'à la table basse. Arrivée à proximité, elle vit les verres sales qui traînaient là, peut-être depuis des jours, et elle souffla.

Franchement...

Elle les rassembla et alla les déposer dans l'évier de la cuisine où elle dut repousser les assiettes contenant des restes de nourriture collée pour accéder au bac.

Ce n'est pas à moi de le faire...

Shin reparut à la porte de la salle de bain.

– Je suis prêt ! Dit-il. On s'y met ?

Il préférait ne pas attendre que son sursaut de confiance s'évanouisse.

– Je vais me laver les mains et j'arrive, lui répondit-elle. Tu n'as qu'à sortir deux bières en m'attendant, elles ont dû refroidir un peu.





L'état de la salle de bain ne la surprit pas. Pour être honnête, elle aurait préféré être surprise. Les serviettes de bain gisaient en boule sur le sèche-serviettes – Au moins, elles ne sont pas par terre – et le miroir était constellé de taches microscopiques, certainement de la mousse à raser ou du dentifrice.

Hayate soupira de nouveau. Elle se lava les mains avant de regarder autour d'elle si elle pouvait trouver le placard où il rangeait ses serviettes propres.

Je suis presque sûre qu'Emma ne tolérerait pas qu'il n'en ait pas d'autres en réserve.

Elle finit par les trouver, sous le lavabo, et regagna le salon.

En sortant, son regard fut attiré par l'uniforme de gang qu'elle avait aperçu la première fois, suspendu à la barre de la mezzanine, et elle le décrocha pour l'examiner.

C'était une de ces grandes vestes noires qui descendaient jusqu'aux genoux. Sur le dos, on pouvait lire 黑龍, Black Dragon et au-dessus étaient brodés les kanjis 初 代, première génération.

En dessous, sur les pans de la veste étaient inscrits les vers :

数多の夜を駆け巡り

眼の逢う者を喰い尽くし

天下無双の暴走街道

闇夜に染まるその身体

いつかは散りゆく華と知り

月夜に舞い散る花吹雪

乱れ踊るは暴走龍

Roulez à travers la nuit

Dévorez tous ceux que vous rencontrez

Le monde incomparable de la route

Ce corps teint par la nuit noire

Je sais qu'un jour il disparaîtra

Comme un blizzard de fleurs tombant une nuit de pleine lune

La danse sauvage d'un dragon en fuite

(NDA : Traduction approximative par moi et mon pote Google.)

Devant, en travers de la poitrine, s'étendait la phrase 不供戴天 殺人部隊 – inséparable escouade meurtrière – et sur chacune des manches on pouvait lire, à gauche, 狂亂麗舞 – danse chaotique – et 極樂淨土 – terre de félicité – à droite.

(NDA : On peut dire ce qu'on veut des bōsōzokus, mais les inscriptions sur leurs uniformes sont stylées...)

Shin la rejoignit sans qu'elle l'entende approcher.

– Tu vois ? Dit-il. Je te l'avais bien dit que j'étais le boss.

Hayate leva les yeux vers lui.

– Pff... Dit-elle. Tout le monde peut se procurer ce genre de vestes. Ça ne prouve rien du tout.

Elle le taquinait. Elle se doutait bien qu'il ne lui avait pas menti.

Shin se renfrogna. Il la laissa pour grimper à l'échelle de la mezzanine et elle l'entendit farfouiller en haut.

– Je sais que je l'ai mis par là... Marmonnait-il.

Il redescendit finalement, un album photos à la main.

– Le voilà !







NDA : Vous voulez rire ? (Ou pas...) Pour la description de l'état de l'appartement, je me suis servie de celui d'un de mes anciens potes, la salle de bain était INTÉGRALEMENT couverte de mouchetures blanches au point que, au début, j'ai pris ça pour de la déco. Puis j'ai frotté avec le doigt...

(ó﹏ò。)

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