64 - Embuscades
Quand Shin et Haya sortirent du TeamLab Planets main dans la main, l'après-midi était bien entamée, mais la chaleur du soleil de midi ne s'était pas encore estompée.
– Je vais faire un tour aux toilettes, lui dit-elle une fois dehors. Je peux te laisser mon sac une minute ?
– Bien sûr.
Hayate s'éloigna et Shin rejoignit la ruelle voisine où il s'alluma une cigarette.
Il fit quelques pas à l'ombre du bâtiment.
La fraîcheur qui régnait à cet endroit ne suffisait pas à calmer le feu dans sa poitrine. Depuis leur baiser, il avait l'impression que le monde entier entendait son cœur tambouriner contre ses côtes.
C'était troublant, mais agréable.
Surtout agréable en réalité.
Il leva la main et effleura ses lèvres du bout des doigts, la cigarette coincée entre son majeur et son index.
Haya... Ce baiser était incroyable.
Si celui qu'ils avaient échangé le soir de Noël lui avait laissé un souvenir enivrant, Shin n'avait même pas de mot pour décrire celui d'aujourd'hui. C'était comme si un feu d'artifice avait explosé en lui, faisant palpiter de vie chacune de ses cellules. Il lui suffisait de fermer les yeux pour sentir encore le corps de Hayate pressé contre le sien. Le parfum de sa peau, la douceur de sa bouche, comme son haleine sucrée, étaient plus grisants que de l'alcool et le simple fait d'y repenser, fit monter de nouvelles rougeurs à ses joues.
Je t'aime...
Ces mots, qu'elle avait murmurés à la fin, lui avaient fait manquer un battement de cœur et il se les répétait encore et encore avec délice.
– Hey, mec ! Il est joli ton sac à main !
Shin rouvrit les yeux, tiré de sa rêverie, et découvrit deux garçons d'une vingtaine d'années. Le premier, celui qui avait parlé, affichait un rictus sûr de lui tandis que l'autre jetait sans cesse des regards anxieux par-dessus son épaule en brandissant un petit couteau, un de ceux que l'on trouvait dans une cuisine.
– Envoie ton portefeuille ! Dit ce dernier en regardant à nouveau derrière lui. Tout de suite !
Shin ramena la lanière du sac de Haya sur son épaule et il tira sur sa cigarette.
– Vous avez des problèmes de fric les gars ?
Ces garçons semblaient aux abois et Shin sentit son instinct de grand frère se réveiller.
– Ferme ta gueule et envoie ton portefeuille ! Et aussi le sac de ta meuf !
Il agita son couteau, l'air de ne pas savoir s'en servir, et son camarade vint contourner Shin pour être sûr qu'il ne prenne pas la fuite.
C'est alors qu'une ombre les dépassa comme une fusée pour aller frapper le premier des garçons d'un coup de pied au plexus, le faisant se plier en deux.
Shin écarquilla les yeux.
– Haya ? Dit-il.
Hayate profita que l'un de ses adversaires était momentanément hors de combat pour se tourner vers Shin.
– Shin, mais enfin qu'est-ce que tu fais ? Dit-elle. Ils sont en train de te braquer, tu ne vois pas ?
L'autre garçon, un instant déconcerté, chargea, son petit couteau à la main, mais Hayate l'évita sans mal. Il n'avait aucune technique et la peur rendait ses assauts maladroits. Au moment où il la dépassa, elle lui flanqua une balayette dans les chevilles et il roula la tête la première dans la poubelle voisine, envoyant valdinguer son arme dans le caniveau.
Elle remit ses vêtements en place, contrariée.
– On n'attaque pas une femme ! Le sermonna-t-elle. Et surtout pas par derrière !
Shin cueillit sa cigarette entre deux doigts et sourit. Pendant un instant, il avait été inquiet en voyant Haya se jeter dans la bagarre. Puis il s'était souvenu qu'elle savait se défendre mieux que lui. Ce n'étaient pas ces deux petits gars qui allaient lui tenir tête.
– Tu veux un coup de main chérie ? Lança-t-il.
Chérie ?
Hayate se sentit rougir jusqu'à la racine des cheveux.
– Ça va aller, merci, dit-elle.
– Je garde ton sac alors, reprit Shin.
– C'est parfait... chéri, dit-elle à son tour, le faisant rougir comme une pivoine.
Le premier de ses adversaires avait repris ses esprits. Il se redressa, mais avant qu'il ait pu l'atteindre, Hayate lui flaqua son poing dans la poitrine comme Chiyo le lui avait appris.
Le garçon laissa échapper tout l'air contenu dans ses poumons en une toux rauque.
Sans lui laisser le temps de se remettre, Hayate lui décocha alors un direct à la mâchoire et, une fois qu'il fut au sol, elle lui asséna une volée de coups de pieds dans l'estomac en scandant :
– On. N'attaque. Pas. Une. Femme. J'ai. Dit !
Les deux garçons prirent la fuite sans demander leur reste.
Shin rendit son sac à Hayate en sortant de la ruelle.
– Tiens, dit-il.
– Merci, chéri, répéta-t-elle, une ombre de sourire sur les lèvres.
Shin toussota.
Il avait dit cela sur un coup de tête tout à l'heure et quand Hayate l'avait appelé ainsi à son tour, il avait senti son estomac faire un looping.
Chéri...
Tous les deux se cherchèrent un instant du regard avant de finirent par échanger un coup d'œil de connivence pour pouffer comme deux adolescents.
Finalement, Hayate prit sa main et ils reprirent le chemin de la station de métro.
– Cette jupe n'est pas aussi gênante que je le craignais, remarqua-t-elle en chemin. C'est comme ces chaussures. En définitive, elles sont très bien pour donner des coups de pied ! Bien plus solides que des baskets !
– Je suis à peu près sûr qu'Emma n'a jamais songé à cela en achetant des chaussures, nota Shin en riant.
Hayate rit avec lui. Après un silence, elle reprit.
– Pourquoi tu essayais d'éviter la bagarre avec ces types ? Tu les connaissais ?
L'idée lui avait traversé l'esprit après que les garçons aient pris la fuite.
Ne me dites pas que j'ai cogné des gens qu'il connaissait... ?
Shin écrasa le mégot de sa cigarette dans le petit cendrier qu'il avait toujours sur lui.
– Non, répondit-il, je me suis juste dit qu'ils avaient l'air de deux gamins paumés et j'ai pensé que je pourrais peut-être les aider.
– Hmm... Je vois, dit-elle.
Shin pressa ses doigts entre les siens.
– Mais ta méthode fonctionne aussi très bien ! Dit-il. Ils ont compris la leçon, j'en suis sûr !
Elle eut un rire gêné.
– Les aider, reprit-elle, ça ne fait pas très bōsōzoku d'aider des braqueurs, non ? Tu imagines ce que dirait ton ancien chef de gang s'il te voyait ?
Shin baissa les yeux vers elle, perplexe.
– Mon ancien chef de gang ? Répéta-t-il.
– Benkei, dit-elle. C'était le boss de votre gang, n'est-ce pas ?
Shin mit un moment à réussir à arrêter de rire.
– C'est vrai qu'il a tout à fait le physique de l'emploi, reconnut-il en reprenant son souffle, et puis pour être honnête, il a eu son propre gang... Waka aussi d'ailleurs.
Hayate n'y comprenait plus rien.
– Mais si ce n'était pas lui le chef, dit-elle, c'était qui ?
Elle savait que les trois garçons avaient fait partie de la même team quand ils étaient plus jeunes et, dans sa tête, Benkei avait toujours été celui qui se rapprochait le plus de l'idée qu'elle se faisait d'un chef de gang.
Si ça n'était pas Benkei ou Wakasa... C'était qui ? Takeomi ? Se dit-elle.
Elle n'arrivait cependant pas à imaginer les trois autres sous ses ordres.
Shin se redressa avec un brin de fierté.
– C'était moi, répondit-il.
Hayate leva vers lui un regard abasourdi.
– Toi ? Dit-elle, incrédule.
Shin lui adressa un regard dépité et ses épaules retombèrent.
– Je suis si peu crédible ? Dit-il.
– Ce n'est pas ça...
Ils étaient arrivés à l'entrée d'un petit parc pour enfants déserté pour l'hiver et Hayate laissa courir sa main sur le muret couvert de neige, au bord du trottoir.
– C'est juste que... Reprit-elle.
Non, il n'y avait rien à faire. Elle n'arrivait pas à imaginer Shin en chef de gang suivi par tout une bande de bōsōzokus à l'air menaçant.
Ses doigts façonnèrent machinalement une boule avec la neige et ses pensées s'évadèrent.
– Je te crois, hein ? Dit-elle enfin. Mais c'est assez... surprenant.
Shin, lui, ne pensait déjà plus à ces histoires de gangs.
Les yeux brillants, il contemplait la boule de neige entre les mains de Hayate.
– Tu penses à ce que je pense ? Dit-il la seconde suivante en lui montrant le parc recouvert par une couche de neige immaculée.
Tous les deux s'élancèrent au milieu des jeux. C'était à celui qui ramasserait le plus de neige.
Shin fut le plus rapide et Hayate dut se baisser pour éviter une première salve de boules de neige. Elle profita ensuite de ce qu'il refaisait le plein de munitions pour répliquer.
Lorsqu'il repassa à l'attaque, des boules de neige plein les bras, Hayate s'enfuit en riant.
– On ne s'en prend pas à une femme ! Criait-elle. On ne s'en prend pas à une f...
Elle ne put finir sa phrase, une boule de neige lui explosa en pleine figure et elle resta un instant figée de surprise.
Shin la rejoignit en deux pas.
– Désolé, dit-il, je me suis laissé emporter. Ça va ?
Quand il fut à proximité, elle l'attrapa par le revers de sa veste et fourra dans son col la poignée de neige qu'elle tenait à la main avant de prendre la fuite en riant.
– J'ai gagné ! S'exclama-t-elle.
Ils reprirent le chemin de la station de métro transis et frissonnants, mais heureux.
Tandis qu'ils attendaient la rame suivante, Shin remarqua que Hayate avait les mains rougies par le froid.
– Attends... Dit-il en prenant ses doigts.
Il les ramena entre les siens et souffla dessus pour les réchauffer. Hayate frémit.
– Tu sais, dit-elle, c'était la plus belle journée de ma vie.
Le cœur de Shin fit une embardée dans sa poitrine.
– Oui, dit-il. Pour moi aussi.
Ce ne fut qu'au moment où ils montaient dans le métro avec les autres passagers que Hayate s'aperçut qu'ils n'avaient pas une seule fois parlé moteurs ou voitures.
✽
NDA : Franchement, elle n'a pas tort, qui pourrait croire que Shin était le boss du Black Dragon quand on le voit à côté de quelqu'un comme Benkei ? Je veux dire, Benkei il a la carrure, les tatouages et tout... Shin il est tout mims à côté !
৻(≧ᗜ≦৻)
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