6 - Hayate Koji
Hayate le regarda une seconde, interloquée.
– Vous voulez regarder ? Dit-elle. Me regarder travailler ?
Shin hocha la tête.
– J'aime tout ce qui touche à la mécanique ! Dit-il. Je pourrais en parler à longueur de journée !
Il est sérieux ? Se dit-elle. Non, il veut juste me surveiller parce que je suis une femme.
Son visage se ferma.
– Faites comme vous voulez, lui dit-elle en se détournant, mais ne me dérangez pas.
Elle l'aurait bien flanqué à la porte de l'atelier...
Mais Horitaka n'apprécierait pas que je jette dehors un de ses clients.
Shin'ichirō s'installa contre le mur non loin, un sourire sur le visage, et il fit mine de fermer sa bouche à clé.
– Je serai sage ! Dit-il. Promis !
Quelques minutes plus tard, il reprit.
– En tout cas, c'est une surprise de vous retrouver ici, je ne m'y attendais pas !
Hayate était en train de purger le circuit d'arrivée d'air, elle releva la tête.
– Me retrouver ? Dit-elle. Comment ça ?
– J'étais au col de Tochimoto la semaine dernière pour la course ! Lui apprit-il.
– Oh.
La note irritée dans la voix de Hayate lui échappa totalement. Il faut dire qu'elle tranchait tellement avec l'excitation ravie qu'il ressentait.
Hayate ramena les yeux sur le moteur.
– Je m'appelle Shin'ichirō Sano, reprit-il, mais tout le monde m'appelle Shin !
Hayate lui jeta un nouveau regard.
– Hayate Koji, répondit-elle enfin. Et généralement, on ne m'appelle pas.
Shin n'aurait pas su dire si elle plaisantait.
Elle se remit au travail et il se mit à la détailler.
Elle était grande. Pas aussi grande que lui ou Draken, mais tout de même drôlement grande pour une fille.
Beaucoup plus qu'Emma ou Chiyo...
Chiyo était la petite amie de Wakasa, un des garçons avec qui il avait fondé le Black Dragon. C'était une ancienne boxeuse au caractère trempé. Leurs prises de bec à Wakasa et elle les faisaient toujours rire. Chiyo avait beau être petite, face à elle Waka n'en menait pas large.
Hayate Koji portait ses cheveux noués n'importe comment sur la nuque et plusieurs longues mèches lui tombaient régulièrement sur le visage. Elle devait les repousser du dos de la main, laissant sur ses joues des traces noires de cambouis.
C'est la première fois que je vois une fille en bleu de travail !
Jusqu'à aujourd'hui, jamais Shin'ichirō n'avait croisé de femme qui aurait accepté d'être vues en combinaison de travail informe, les cheveux en pagaille et des traces noires sur le visage.
Même Emma, je ne l'ai jamais vu sortir sans maquillage ou sans choisir sa tenue avec soin.
Mais dans le cas de sa petite sœur, Shin savait que tous ces préparatifs étaient destinés à Draken. Emma était amoureuse du grand garçon au tatouage de dragon sur la tempe depuis qu'elle était petite et elle avait passé des années à essayer d'attirer son attention. En vain. Shin ne comptait plus le nombre de fois où elle était rentrée à la maison déçue parce qu'il n'avait pas remarqué sa nouvelle coiffure ou son nouveau chemisier.
Elle n'aurait pas dû s'en faire. Quelques années plus tôt, Manjirō avait avoué à Shin que Draken était amoureux d'Emma lui aussi. Simplement il ne se trouvait pas assez bien pour elle.
Finalement, c'était elle qui avait pris les choses en main. Shin ne savait pas vraiment comment ça s'était passé, mais Emma avait décidé qu'elle en avait assez d'attendre et Draken et elle étaient ensemble depuis trois mois maintenant.
C'est le plus mignon petit couple que je connaisse...
Sous le capot de la kei-car, Hayate lui jeta un regard à la dérobée tout en travaillant.
La semaine précédente, elle avait bien croisé au restaurant un groupe qui ne ressemblait pas aux clients habituels.
Sur le moment, elle n'y avait pas prêté attention. Mais elle n'avait pas pu ignorer les voitures sur le parking, la Mazda jaune vif avec son aileron et le logo Project D sur le flanc en particulier.
Il était avec eux ?
Elle n'arrivait pas à s'en souvenir.
S'il fait partie de ces fanas de tuning, se demanda-t-elle, comment ça se fait qu'il vienne me demander de lui changer son filtre à huile ? Il ne sait pas le faire lui-même ? Ou bien alors il n'a pas envie de se salir les mains dans ce genre de voitures parce qu'elle n'est pas assez classe ?
Elle se renfrogna.
Les types comme ça l'insupportaient.
Elle revint au moteur de la kei-car.
Ces petites voitures avaient été rendues plus compactes en réduisant la place occupée par le moteur. Cela voulait dire malheureusement que pour accéder aux pièces, il fallait se contorsionner voire même parfois démonter une partie du mécanisme alentour.
– Et donc, reprit-elle sans lever les yeux, vous êtes un de ces coureurs ?
Elle avait craché le mot avec mépris.
– Moi ? Dit Shin. Non, pas du tout ! J'étais juste là en spectateur ! J'accompagnais mon petit frère qui devait rencontrer quelqu'un !
– Hmm, dit-elle.
Dans son esprit, les spectateurs ne valaient pas mieux que les pilotes.
Ces imbéciles s'agglutinent au bord de la route sans penser à leur sécurité, tout ce qui les intéresse, c'est de croiser leurs idoles...
Elle abandonna la voiture du grand-père de Shin'ichirō pour aller chercher un filtre neuf dans son emballage.
Shin, lui, ne s'était pas départi de son sourire.
– Et vous, reprit-il, ça fait longtemps que vous êtes dans la mécanique ?
C'était la première fois qu'il croisait une fille mécano. Il trouvait ça génial de pouvoir partager sa passion avec quelqu'un d'autre qu'un homme.
Hayate ne répondit pas tout de suite.
Shin'ichirō Sano l'énervait. Mais la vérité, c'est que ce n'était pas seulement lui. Tous les hommes l'insupportaient.
À ses yeux, ils n'étaient que des manipulateurs qui ne pensaient qu'à conquérir le plus de femmes possibles. Pour eux, elles n'étaient que des jolis objets, des trophées, et jamais un être qui était leur égal.
Cette haine, Hayate Koji l'avait développée au fil des années et aucun homme n'y échappait.
Elle souffla.
– Je ne suis pas vraiment dans la mécanique, répondit-elle en revenant vers la voiture. Je fais juste ce job pour arrondir mes fins de mois. Le reste du temps, je travaille dans l'entreprise de livraison de mon oncle...
– Oh, Koga Express ! S'exclama Shin. Comme sur la voiture !
– C'est ça, confirma-t-elle.
– Alors samedi soir, vous faisiez une livraison ? Demanda Shin.
Hayate se retint de soupirer. Il ne se taisait donc jamais ?
– Oui, je m'occupe des courses urgentes.
– Vous êtes super douée au volant ! Tous les gars qui étaient là ont dit la même chose !
– J'ai presque fini, dit-elle en changeant de sujet. Le temps de remonter les pièces et la voiture sera à vous.
Elle avait hâte de le voir partir. Ce type la mettait mal à l'aise.
– Déjà ? Dit-il en se redressant, un brin déçu. C'était super rapide...
Elle pivota vers lui, les sourcils froncés.
Nous y voilà, se dit-elle.
– Je n'ai pas bâclé le travail si c'est ce que vous insinuez, lui répliqua-t-elle, acerbe.
Surpris par l'agressivité de son ton, Shin écarquilla les yeux.
– Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Se défendit-il en agitant les mains devant lui. Pas du tout !
Hayate se détourna.
C'est cela oui, se dit-elle.
– Allez m'attendre dans la boutique, dit-elle. Je vous l'amène dès que j'ai fini.
Elle lui tourna le dos pour lui faire comprendre que la conversation était terminée.
Un raclement de pieds lui apprit que Shin n'était pas parti.
– Je suis désolé, dit-il, j'ai l'impression qu'on est parti sur de mauvaises bases tous les deux. Moi, je voulais juste qu'on discute mécanique. C'est ma passion à moi aussi alors je suis toujours content quand je rencontre des gens comme vous. Est-ce que ça vous dirait qu'on aille boire un café pour parler moteurs ?
Hayate attrapa rageusement un chiffon et s'essuya les mains avant de lui montrer la porte de l'atelier d'un mouvement du menton.
– La caisse, dit-elle, c'est par là.
Casse-toi !
Puis elle retourna s'occuper de la voiture.
✽
NDA : Pour ceux qui se demandent qui est Chiyo, c'est juste un autre de mes OC que je me suis permise d'intégrer, celui de la fanfiction sur Wakasa.
Tokyo Revengers manque un peu de présence féminine, surtout de l'âge de Shin, et ça me simplifiait le récit de l'introduire ici...
... En plus, je l'aime bien !
(*ノ▽ノ)
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