28 - Défi

          Hayate éclata d'un rire nerveux en regardant Shin'ichirō et son oncle fumer côte à côte au coin du bâtiment.

Mais ils font quoi tous les deux ? Ce sont des clowns ! Ils sont faits dans le même moule !

Bunta et Shin échangèrent un regard et Bunta lui lança de loin :

– Ça y est ? Tu as fini par devenir zinzin ?

Hayate reprit son souffle et elle les rejoignit.

– Exactement ! Dit-elle.

Elle se sentait mieux tout à coup. Le fait de rire ainsi avait effacé un peu de la colère qui s'était emparée d'elle quand elle avait découvert le message laissé dans la voiture de son oncle.

Elle lui montra le papier.

– Tu vas faire quoi avec ce torchon ? Demanda-t-elle.

– Rien, lui dit-il. Comme tu dis, c'est un torchon. Il ne mérite pas qu'on y accorde d'intérêt. Sans compter que c'est sans aucun doute un piège.

Il a raison, songea Hayate.

Maintenant qu'elle était calmée, elle le voyait clairement. Les gens capables de faire ça ne lançaient pas des défis honnêtes.

– C'est quoi ? Demanda Shin, intrigué.

Hayate lui tendit la feuille.

– Tu te souviens des types qu'on a rencontrés à Shinjuku ? Lui dit-elle. Apparemment, ce sont eux qui ont fait ça.

Shin examina le message et fronça les sourcils.

– Et maintenant ils veulent que tu les affrontes ? Dit-il.

– Plus vraisemblablement, répondit-elle, ils veulent attirer le propriétaire de la Civic dans un coin paumé pour lui tomber dessus. Mais je ne suis pas assez stupide pour me jeter dans la gueule du loup. Ils n'auront qu'à aller se cailler là-haut tout seuls.

Bunta hocha la tête.

– Sage décision, dit-il.


Shin et Hayate reprirent la route, les caisses contenant les durites de Shin bringuebalant à l'arrière de la fourgonnette.

– C'est dingue quand même cette histoire, dit Shin. Ces gars nous collent une dérouillée et en plus ils te tendent un piège ? Ils n'en ont jamais assez ou quoi ?

– Techniquement, reprit Hayate, ils te tendent un piège.

– Hein ?

Viens te battre si t'es un homme, lui récita-t-elle. Ils s'imaginent que le propriétaire de la voiture, c'est toi. Une fille ne peut pas avoir ce genre de voitures, c'est ce qu'ils m'ont dit ce soir-là avant que tu arrives. Et comme tu es venu à mon secours, ils pensent que tu es le vrai propriétaire.

Shin la regarda, abasourdi. Puis il explosa de rire.

– Alors eux, ce sont vraiment des abrutis ! Dit-il. Quelle bande de débiles ! Ils sont à des années-lumière de la vérité ! Je suis un zéro au volant !

Hayate rit à son tour.

En temps normal, l'idée que ces types n'aient vu en elle rien d'autre que la petite amie d'un homme qui aimait les voitures lui aurait mis les nerfs à fleur de peau.

Mais pas aujourd'hui.

Pas en compagnie de Shin'ichirō Sano.

Pour la première fois, elle riait de bon cœur de la bêtise de ceux pour qui les filles n'arrivaient pas à la cheville des garçons.


Arrivés à Shibuya, elle aida Shin à décharger les caisses dans la boutique.

Lorsqu'elles furent toutes empilées à l'intérieur, Hayate essuya le voile de sueur qui s'était posé sur son front et Shin revint de l'arrière-boutique où il avait commencé à faire de la place pour entreposer ces nouvelles pièces détachées.

– Tu veux monter chez moi boire un café ? Lui dit-il. Je voudrais te remercier.

– C'est gentil, dit-elle. Mais je suis crevée. Je vais ramener la camionnette à Horitaka et rentrer me reposer.

L'après-midi était bien entamée.

– Merci d'être venue m'aider alors que c'était ton jour de congé, lui dit Shin. C'était vraiment sympa !

– Pas de problème, répondit-elle, tu me revaudras ça.

Elle se dirigea vers la porte et Shin lui emboîta le pas en la regardant du coin de l'œil.

Elle semblait avoir la tête ailleurs tout à coup.

Hayate se hissa dans la cabine de la fourgonnette et Shin vint rejoindre la portière.

– Dis, hésita-t-il, je peux te poser une question ?

– Hmm...?

Elle ne l'écoutait qu'à demi.

– Tu n'as pas l'intention de relever ce défi, n'est-ce pas ?

Elle haussa un sourcil, sourit et répondit :

– Bien sûr que non.






Shin'ichirō regarda la fourgonnette s'éloigner dans un rugissement avant disparaître au bout de la rue. Des sentiments mitigés lui agitaient le cœur.

Bien sûr que non, avait-elle dit. Mais ses yeux disaient le contraire. Il l'aurait juré.

Il soupira et tourna les talons pour aller ranger les caisses à l'arrière de la boutique.

Je me trompe sûrement... Se dit-il en repoussant les pensées inquiètes qui lui étaient venues.






Tandis qu'elle roulait vers Arakawa et le garage Shiohata, Hayate se remit à penser au message laissé par les vandales.

Viens te battre si t'es un homme !!!

Ces mots tournaient dans sa tête et, en dehors de la présence de Shin ou de son oncle, ils lui semblaient chargés de venin.

– Je ne suis pas un homme connard... Murmura-t-elle. Et je n'ai pas besoin d'en être un pour t'exploser la gueule. La seule raison pour laquelle je ne viendrai pas à votre petit défi, c'est parce que vous êtes des minables qui n'en valent pas la peine... Voilà... C'est ça...

Malgré tout, l'idée de clouer le bec à cette bande de pauvres types faisait son chemin dans son esprit.

Non... S'efforça-t-elle de se ressaisir. Oncle Bunta a raison, c'est sûrement un piège. Si j'y vais, ça finira mal, c'est certain... Cela dit... je pourrais juste passer voir. Une fois là-bas, si je me rends compte que c'est un traquenard, je n'aurais qu'à faire repartir... Ce ne sont pas ces gars qui me rattraperont...

Elle secoua la tête.

– Non, s'intima-t-elle fermement. Je ne suis pas débile à ce point ! En plus, même s'il s'agissait bien d'une course, je n'ai jamais donné là-dedans, je ne vais pas commencer aujourd'hui !

Ou alors juste une fois... Juste une... Pour leur apprendre à qui ils ont affaire... Pour leur montrer que les filles ne sont pas ce qu'ils s'imaginent.

Parvenue à Arakawa, Hayate n'avait toujours pas réussi à se sortir cette idée de la tête.

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