• C H A P I T R E 3 •

Comment connaît-il mon prénom ? Et mon numéro ? Mon esprit tourne en boucle, obsédé. Ça fait une semaine depuis ce déjeuner, une semaine depuis ma rencontre avec ce Nikolas, une semaine que mon cerveau ressasse cette journée.

Quelque chose cloche. Je ne sais pas comment cet homme a pu obtenir ces informations, et cela m'inquiète profondément. Normalement, mon père est le seul à dévoiler des informations à sa guise, mais cette fois, Nikolas est une énigme pour lui.

J'ai résisté à l'envie d'appeler ce numéro inconnu, mais l'interrogation persiste.

Demain, le premier dîner seule avec John Tyre m'angoisse plus que tout. Cet homme est un inconnu, et l'idée de me retrouver seule avec lui, envoyé par mon père, me donne des frissons.

Il est près d'une heure du matin, mes parents doivent être endormis. Sans réfléchir, j'enfile un jean, un grand pull, mon long manteau noir, attrape mes clés de voiture et mon téléphone, puis je me glisse hors de ma chambre.

Je m'assure que tout le monde dort encore, et en me dirigeant vers la porte d'entrée, je découvre un homme en costume noir, droit comme un piquet, qui m'observe.

— Bonsoir, dis-je en souriant.

— Mademoiselle Lawson. Votre père m'a confié de ne laisser personne sortir sans son autorisation à partir de vingt heures.

Je ris nerveusement. C'est une blague, j'espère. Il ne manquerait plus qu'il me colle un GPS. Je n'ai plus quinze ans.

— Je vais sortir, avec ou sans votre autorisation. Écartez-vous de mon chemin, tout de suite, dis-je sèchement.

Son expression reste imperturbable, mais ma détermination ne faiblit pas.

— Si vous n'obéissez pas, vous me forcez à employer d'autres moyens pour assurer votre sécurité, ajoute-t-il avec un calme déconcertant.

Son attitude renforce mon irritation. Ma vie privée n'est pas un terrain de jeu pour les pantins que mon père envoie à ses ordres.

— J'aimerais voir comment vous comptez faire ça, répliqué-je, un sourire sarcastique sur les lèvres.

Il reste impassible, je décide alors de le contourner mais il me rattrape fermement par le bras. Je ne cherche pas à comprendre, je vise ses parties. Il émet un mouvement en arrière et je ne réfléchis pas, je cours. Si j'ose ne serait-ce que tourner ma tête en arrière, je suis fichue. La fraîcheur nocturne m'enveloppe finalement lorsque je passe la porte et je cours vers ma voiture.

Une fois à l'intérieur, je saisis mon téléphone sans hésiter et envoie un message.

« Vous dormez ? »

Plusieurs minutes s'écoulent avant sa réponse. Entre-temps, j'ai eu le temps de m'éloigner davantage de chez moi.

« Il y a un problème ? »

Je décide de me garer au coin d'une route pour me concentrer sur mon téléphone.

« Je dois vous voir, c'est urgent. »

« Savez-vous à qui vous parlez ? »

« Oui, Nikolas et j'ai besoin de réponses »

« Je vous envoie mon adresse. »

Mes yeux s'écarquillent. Cet homme est complètement audacieux. Je ne comprends pas comment il peut se comporter comme si nous nous connaissions déjà.

« Non. Je ne rentre chez personne. »

"Je descendrai. La voici : 235 East 46th Street, New York."

Je dépose mon téléphone sur le côté passager et entre l'adresse dans le GPS. Il ne me faut que quelques minutes pour y être. Je me gare un peu plus loin de l'adresse, ne voulant pas attirer l'attention puis décide de continuer à pied.

En m'approchant de l'adresse, la ville grouille encore de monde à cette heure-ci. Cette ville ne dort jamais.

Et puis, je l'aperçois. Il est là, adossé contre le mur en béton d'un grand bâtiment. Les bras croisés, son regard vers le ciel. Je suis son regard, essayant de comprendre ce qu'il observe, mais je ne vois que le noir de la nuit. Quand je reporte mon regard sur lui, je remarque qu'il porte un survêtement décontracté, mais je n'arrive pas à distinguer le bleu de ses yeux de cette distance. Puis, de nouveau, il reporte son regard sur son téléphone et semble y magnifier quelque chose.

Le frémissement de mon téléphone dans ma poche attire mon attention.

« Je sais que vous m'avez vu, je ne vais pas vous manger, vous pouvez sortir de votre cachette. »

Lorsque je relève les yeux, mon cœur rate un battement. Il est juste en face de moi.

- Bonsoir, lâche-t-il d'une voix grave.

- Mais vous êtes qui, putain ! M'énerve-je.

Oui, je perds patience. Cet homme connaît tous mes faits et gestes. Il sait où je vais manger, il connaît mon nom, il a les yeux partout, et c'est flippant. Pourtant, il reste impassible, calme.

Il baisse le regard vers moi, et ses yeux affichent de nouveau ce bleu intense.

- Nikolas More. Enchanté.

Il me tend sa main en attendant que je fasse de même. Mon regard fait des allers-retours entre sa main et son visage tandis que mon cerveau tente de réfléchir.

Il semble comprendre que je ne le toucherais pas, alors il laisse retomber sa main le long de son corps.

- Écoutez, je comprends. Un inconnu qui connaît votre nom, votre numéro, ça peut paraître assez flippant, mais je vous assure, Sarah, je suis pas un malade. Je suis juste là pour vous aider.

J'émets un pas en arrière, le cerveau toujours mêlé entre curiosité, intrigue et peur. Parce que oui, c'est exactement ce que dirait un malade.

- Comment vous savez tout ça sur moi ? Répondez ! J'ai pas le temps pour vos énigmes et votre fausse courtoisie. Je veux des réponses, tout de suite.

Il plonge son regard dans le mien, comme s'il cherchait à y déceler une réponse cachée.

- Je suis agent du FBI. Je travaille sur une enquête impliquant votre père.

Une bouffée d'incrédulité me traverse. Agent du FBI ? Mon père ? L'idée même semble tirée d'un scénario de film. Pourtant, le sérieux dans son regard me laisse perplexe.

- Quoi ? C'est une blague, c'est ça ?

— Je suis parfaitement sérieux.

Il me toise toujours ne détournant pas son regard du mien.

— Pourquoi devrais-je vous croire ? Mon père est peut-être complexe, mais le FBI ?

Nikolas soupire, semblant anticiper ma réaction.

- Je comprends que ça puisse paraître difficile à croire. Mais votre père est lié à des affaires...sensibles. Et, j'ai besoin de votre coopération pour démêler certains points.

Quoi ?

- Pourquoi moi ? Pourquoi impliquer sa propre fille ?

Nikolas prend une pause, comme s'il pesait ses mots.

- Vous êtes la clé pour accéder à des informations. Bien sûr, votre sécurité restera ma priorité.

Je fais un pas en arrière, et cette fois-ci, c'est à mon tour de lever la tête vers le ciel. J'y crois pas. J'y crois pas ! Il fallait que cet homme apparaisse maintenant et qu'il me demande de comploter derrière le dos de mon père.

— Pourquoi je ferais une chose pareille ? Cet homme est mon père, je vous signale. Je ne vais pas trahir mon propre sang, peu importe ce qu'il a fait.

Nikolas reste serein, une aura mystérieuse émanant de lui, comme si ma réponse n'était qu'une brise légère.

— Donc vous êtes aussi prête à vous marier avec un homme que vous n'aimez pas ?

Je rêve ou il me propose d'envoyer mon père en prison en échange de me libérer de ce mariage avec John ? Je m'approche alors de cet homme, maintenant que je sais qu'il n'est pas dangereux. Je me sens un peu plus en sécurité.

— Nikolas More. Allez bien vous faire foutre, vous et votre putain d'équipe du FBI, j'ai été claire ?

Je ne lui laisse pas le temps de répondre, faisant demi-tour, prête à aller récupérer ma voiture. Mais je sens mon bras revenir en arrière lorsqu'il me retient et me bloque le passage en s'interposant en face de moi.

— Lâchez-moi.

Nikolas maintient son emprise, son regard intense plongé dans le mien. Malgré ma tentative de rester stoïque, une pointe d'appréhension s'insinue en moi.

— Sarah, je ne suis pas ici pour vous menacer. Mon but est de vous protéger. Vous n'avez rien à perdre. Croyez-moi.

Je tente de me libérer de sa prise, mais sa poigne reste ferme.

— Je n'ai rien à perdre ? Vous me proposez de détruire l'empire que mon père s'est construit, Nikolas.

Il relâche doucement sa prise, mais son regard persévérant demeure.

— Réfléchissez à ce que je vous dis, Sarah. Je sais que vivre sous l'emprise d'un père comme le votre n'est pas ce qu'une femme désire. Il vous contrôle. Et je pensais que vous étiez pas du genre à vous laisser faire mais... je peux me tromper.

Mon regard se verrouille au sien, ma respiration devenant haletante. L'adrénaline doit probablement avoir pris le contrôle sur moi.

— Je n'ai pas besoin de super-héros. Je suis la seule responsable de mon avenir et je n'ai pas besoin d'aide, surtout pas de la vôtre. Lâchez-moi maintenant. Je doute que violenter une civile fasse partie de votre mission.

Nikolas esquisse un sourire, comme s'il appréciait ma répartie.

— Vous avez raison. C'est à vous de décider mais sachez qu'avec ou sans vous, je finirais par coincer votre père, Sarah. Mais si vous acceptez ma proposition, vous me serez tout aussi utile que je le serais pour vous. C'est gagnant-gagnant.

Il se détache de moi avec une aisance déconcertante et recule d'un pas, laissant planer dans l'air une étrange atmosphère.

Je le regarde sévèrement en essayant de reprendre le contrôle.

— Je refuse. Je lâche alors sans vraiment réfléchir.

Nikolas tourne légèrement la tête, ses yeux bleus intensément fixés sur moi. Un sourire subtil étire ses lèvres.

— Alors, bonne chance dans votre nouvelle vie. Vous et votre mari vivrez une vie pleine d'amour, j'en suis certain.

Il s'éloigne lentement, me laissant seule, mon cœur battant encore plus fort. Les paroles de Nikolas résonnent dans ma tête, et malgré ma volonté de les rejeter, une part de moi se questionne sur cette vie qu'il a évoquée.

Je reste là, dans l'obscurité de la ville qui ne dort jamais. La silhouette de Nikolas disparaît peu à peu dans la nuit, mais son impact persiste, laissant derrière lui comme une empreinte indélébile.

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