Chapitre 12



• CHAPITRE 12 •








Le dîner se déroule sans accroc. John, élégant comme toujours, semble vraiment s'intéresser à moi, posant des questions sur mes passe-temps, mes goûts. Il a l'air sincère, et pourtant, une part de moi refuse d'y croire. Mon destin ne peut pas être lié à lui, même si tout semble être déjà écrit.

Je refuse de croire que je vais échouer et laisser mon père s'en sortir impunément. J'ai besoin de découvrir la vérité, et malgré tous les efforts que John déploie pour se rapprocher de moi, je sens au plus profond de moi qu'il n'est pas l'homme qu'il me faut. En réalité, aucun homme ne l'est. Mon rêve d'enfant d'un amour pur, sincère, n'est rien de plus qu'une illusion. La réalité est bien différente.

Je ne veux pas d'une relation où je serais blessée, vulnérable. Je ne veux pas partager chaque pensée, chaque faiblesse avec quelqu'un. Tout cela me terrifie, plus que je ne veux l'admettre. La faiblesse, c'est l'ennemi. Je ne peux pas me permettre de l'être.

— Sarah ?

Je relève les yeux vers John, son sourire est... étrange, comme s'il cherchait à me percer à jour.

— Si jamais tu as besoin de quelqu'un à qui parler, pour te confier ou simplement pour t'appuyer sur une épaule, sache que je peux être cette personne. Tu peux me faire confiance.

Je suis son geste du regard alors qu'il pose doucement sa main sur la mienne. Mon cœur se serre, et une vague de malaise m'envahit. Je ne peux pas faire semblant avec lui. Pas comme ça. Je ne peux pas maintenir cette façade, celle d'une fille parfaitement à l'aise dans cette situation, alors qu'en réalité, chaque fibre de mon être me crie de fuir.

Je retire lentement ma main et la pose sur ma cuisse, rompant ainsi le contact. Le regard de John s'assombrit un instant, mais il reprend la parole, plus doucement cette fois.

— Je suis désolé, Sarah. Ce n'était pas mon intention de te mettre mal à l'aise.

— Ce n'est rien... C'est juste que... c'est un peu rapide, tout ça.

— Je comprends, dit-il en hochant la tête, essayant de me mettre à l'aise. Parle-moi un peu de ton enfance, alors. J'ai entendu dire que tu avais grandi à Atlanta, et que tu aimais beaucoup cette ville. Tu y es retournée depuis que tu es ici ?

Il tente de changer de sujet, de détourner la tension, mais je ressens toujours cette distance, cette réticence en moi. Atlanta. Mes souvenirs y sont beaux, mais ils sont aussi le point de départ de tout ce qui a mal tourné dans ma vie. L'idée de partager ces moments avec lui, de lui ouvrir une partie de moi, me semble insupportable. Après tout, sa famille est la raison pour laquelle mon père est devenu cet homme, froid et impitoyable. John, même s'il paraît bien intentionné, est peut-être tout aussi dangereux.

— Non, je n'y suis jamais retournée, dis-je simplement.

— C'est dommage. Si tu veux, je pourrais t'y emmener un jour. Nous avons une entreprise là-bas, je m'y rends régulièrement. Ça pourrait te faire du bien, tu sais, changer d'air.

L'idée de retourner à Atlanta me frôle un instant, mais l'ombre de mon père plane toujours sur mes souvenirs.

— Je vais y réfléchir. Merci, dis-je d'une voix neutre, presque distante.

John acquiesce, sans insister. Nous terminons notre dîner dans un silence plus posé. Il semble avoir compris que me presser ne mènerait à rien. Une fois le repas fini, il propose de me raccompagner, mais je décline poliment.

— C'est gentil, mais je préfère rentrer à pied. J'ai besoin de prendre un peu l'air.

— D'accord, répond-il sans insister. Fais attention à toi, alors.

Il me lance un dernier sourire avant de s'éloigner vers sa voiture. Je le regarde s'en aller, et dès qu'il disparaît, je relâche un soupir de soulagement. Mes épaules se détendent enfin. Malgré son attitude prévenante, quelque chose en moi reste en alerte. Peut-être est-ce simplement ma méfiance habituelle, ou peut-être y a-t-il réellement quelque chose de plus sombre derrière ce sourire poli.

Je me mets à marcher, le vent froid de la nuit s'insinuant sous mon manteau, comme pour rafraîchir mes pensées embrouillées. Chaque pas semble résonner au même rythme que le tumulte dans ma tête. Atlanta, cette photo de mon père armé, et puis une nouvelle image qui s'incruste de plus en plus souvent dans mon esprit : moi, en robe de mariée, avançant vers John. Je sens la panique monter en moi. C'est comme si tout se refermait autour de moi, m'étouffant.

Je continue de marcher, perdue dans mes pensées. Alors que je m'apprête à traverser la rue, un bras surgit, me retenant brusquement en arrière. Sur le moment, je ne comprends pas ce qui se passe. Une seconde plus tard, une série de voitures défilent à toute allure devant moi, me frôlant presque. Le souffle court, je tourne la tête pour comprendre ce qu'il vient de se passer.

Mon regard remonte lentement le long de la silhouette de l'homme qui m'a retenue, et c'est alors que je croise ce regard familier. Un regard que je n'ai pas vu depuis une éternité, ou du moins c'est ce que ça me semble.

— Je sais que c'est une période compliquée pour vous, mais de là à ignorer la circulation, ça devient inquiétant, dit-il d'un ton léger.

Je cligne des yeux, encore un peu sonnée.

— Nikolas ?

Il retire son bras doucement, comme s'il ne voulait pas brusquer la situation, mais ses yeux ne me quittent pas. Son regard est attentif, presque trop pénétrant.

— Qu'est-ce que vous faites là ? Je ne peux m'empêcher de demander, encore sous le choc.

— C'est plutôt à moi de vous poser cette question, répond-il calmement. Vous semblez prête à vous jeter sous une voiture, Sarah.

Son ton est un mélange de reproche et de préoccupation, mais je perçois aussi un léger sourire sur ses lèvres.

— J'étais juste... Je marchais. Je... réfléchissais, bredouillai-je, essayant de reprendre contenance.

— À quoi, au point d'en oublier la route ? Il hausse un sourcil, curieux.

Je n'ai pas envie de lui raconter ce qui se passe dans ma tête, du moins pas tout de suite. Alors, je prends une grande inspiration et détourne légèrement le regard, fixant un point vague dans la rue.

— Plein de choses. Des choses compliquées. Enfin vous savez.

Il me fixe encore un instant, comme s'il pesait mes mots, avant de soupirer.

— Je m'excuse de ne pas vous avoir répondu plus tôt dans la journée. J'ai lu votre message. Vous dites avoir découvert quelque chose.

Je me crispe. Oui, je lui ai envoyé ce message, mais maintenant que je suis face à lui, les mots semblent peser une tonne. L'image de la photo que j'ai prise la nuit dernière me revient en mémoire. Mon père. Une arme. Et cette rue d'Atlanta.

— Oui... je... j'ai trouvé une photo, dans le bureau de mon père. C'était lui, il y a une vingtaine d'année, avec une arme à la main, dans une rue que je connais. Une rue d'Atlanta.

Je sens ma voix trembler légèrement, mais Nikolas reste calme, ses traits se durcissant à peine. Nous continuons notre marche cette fois-ci, je reste un peu plus prudente.

— Une arme ? demande-t-il doucement.

J'acquiesce.

— Il n'était pas seul. Une ombre se tenait derrière lui... quelqu'un d'autre était là, mais je ne sais pas qui. C'est juste une photo, mais elle semble tellement...

— Suspecte, complète-t-il pour moi.

Je hoche la tête, l'angoisse grimpant à nouveau en moi.

— Nous devons approfondir ça, dit-il enfin. Avez-vous la photo ?

— Oui, je peux vous l'envoyer...

Il m'interrompt avant que je puisse finir.

— Non, montrez-la-moi directement.

Je sors mon téléphone et le lui tends sans réfléchir. Après quelques minutes d'examen, il reprend la parole.

— Je vois. Avez-vous d'autres éléments ?

Je pense à ma mère, qui semble en savoir plus que je ne l'imaginais, mais je préfère garder cette information pour moi. Elle est fragile, et je ne veux pas l'impliquer dans cette enquête. C'est une affaire qui concerne mon père.

— Non, je n'ai que ça. Et, à propos, le mariage est prévu dans trois mois.

Sans que je m'en rende compte, nous sommes déjà à quelques pas de chez Nikolas.

— Cela signifie que nous avons trois mois pour rassembler un maximum de preuves. C'est insuffisant.

L'espoir que j'avais nourri commence à s'évanouir. Je réalise que je ne peux pas mettre toute mon énergie sur Nikolas et cette enquête. Il est également possible que je finisse par épouser John, et que ma mère passe ses jours aux côtés d'un homme qu'elle déteste.

Le souffle me manque, et mes yeux s'embuent, mais je me ressaisis et relève la tête, arborant un sourire tout en croisant à nouveau le regard de Nikolas.

Son visage est grave, et son regard préoccupé.

— Alors, comment puis-je vous aider ? dis-je.

Les secondes s'écoulent alors qu'il me fixe intensément, puis il reprend soudainement la parole.

— Un café.

Je crois avoir mal entendu.

— Pardon ?

— Ça vous dit de prendre un café chez moi ? On pourra discuter des détails plus tard.

Hffmbx.

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