Chapitre 11




• CHAPITRE 11•










Cette nuit-là, j'ai patienté, immobile dans ma chambre, écoutant chaque bruit dans la maison. J'ai attendu que toutes les lumières s'éteignent une à une. Que les domestiques soient descendus à l'étage inférieur, occupés dans leurs tâches de fin de soirée. Puis, enfin, j'ai entendu la porte d'entrée se refermer doucement. Mon père était parti pour son dîner d'affaires.

C'était le moment.

Ma mère, à cette heure tardive, devait déjà être dans sa chambre, probablement endormie. Je me suis levée sans faire de bruit, mon cœur battant la chamade, presque douloureusement, comme s'il voulait s'échapper de ma poitrine. La maison semblait engloutie par le silence, un silence oppressant.

Quand je me tiens enfin devant la grande porte massive du bureau de mon père, je sens la panique monter en moi. Mon cœur bat à un rythme désordonné, comme si je venais de plonger en eau profonde sans savoir comment respirer. Mais je n'ai pas le temps de céder à la peur.

Je tourne lentement la poignée, priant pour que la porte ne grince pas. Elle s'ouvre dans un léger souffle. L'intérieur est sombre, l'odeur du cuir et du bois ciré m'enveloppe instantanément. J'ose à peine avancer, les yeux ajustés à la pénombre. Il est hors de question d'allumer la lumière. Je ne peux pas risquer d'être vue de l'extérieur, même si la pièce est vaste et les fenêtres imposantes.

Ok. Par où commencer ?

Je balaye la pièce du regard, mes yeux scrutant chaque meuble, chaque étagère. Le bureau trône au centre, imposant, orné de quelques dossiers soigneusement empilés. Mais c'est la grande bibliothèque qui attire mon attention. Il doit forcément cacher quelque chose ici.

Je m'approche des étagères en bois sombre, et je commence à examiner les livres. En fouillant un peu, je découvre un volume poussiéreux, mal placé. Je le tire doucement et, derrière, une photo glisse au sol.

Je me baisse pour la ramasser, mon cœur s'emballe en reconnaissant immédiatement le visage. C'est mon père, mais il doit avoir environ vingt ans de moins. L'image le montre avec une arme à la main, le regard intense, comme s'il se tenait prêt à faire face à un danger imminent.

Ce qui me frappe encore plus, c'est l'arrière-plan : une rue familière, un vieux bâtiment qui évoque mon enfance à Atlanta, en Géorgie. Mais ce qui attire vraiment mon attention, c'est une ombre derrière lui, une silhouette dissimulée qui semble observer son geste.

Nikolas avait raison... Mon père est un criminel.

C'est difficile à accepter, mais un bruit provenant de l'étage inférieur me fait sursauter. Je me précipite, prends rapidement une photo avec mon portable, puis replace la photo dans le livre avant de le remettre à sa place.

Je quitte le bureau en hâte, le cœur battant, et file rejoindre ma chambre.

Le lendemain, je ne résiste plus. Après une semaine sans nouvelles de Nikolas, l'impatience et l'angoisse me poussent à agir. Si cela continue ainsi, je finirai mariée avant même d'avoir pu faire tomber mon père.

Je tape rapidement un message :

« Je crois que j'ai découvert quelque chose qui pourrait vous aider. Pourrait-on se voir dans la journée ? »

Après l'envoi, je file prendre ma douche, essayant de chasser le stress qui me ronge. Une fois prête, je descends les escaliers, comme à mon habitude. Sans surprise, mon père est absent – encore une fois –, mais ma mère est là, prenant son petit déjeuner calmement. Je m'approche et m'assois à côté d'elle, cherchant un peu de réconfort dans sa présence tranquille.

— Comment tu vas ce matin, maman.

— Bien. Marina nous a cuisiné des œufs brouillés. Tu devrais prendre une assiette tu as l'air toute pâle.

Je souris à ma mère, un sourire forcé pour masquer mon trouble. Je prends une assiette et me sers un verre de jus de fruits. 

— Maman... 

— Oui ? 

J'hésite un instant, une vague de doutes et de questions me submergeant, mais je décide de me lancer. 

— Je ne t'ai jamais posé la question, ni à toi ni à Papa. Mais... tu sais pourquoi nous avons déménagé à New York ce soir-là ? Qu'est-ce qui s'est passé pour que Papa trouve un travail chez les Tyre aussi rapidement ? 

Je sens immédiatement ma mère se raidir à mes côtés. J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose d'étrange dans cette histoire, mais j'avais espéré, contre toute logique, que mon père ne trempait pas dans des affaires illégales. 

— Ton père travaillait dans une petite agence immobilière à Atlanta, et tu sais très bien qu'il n'a jamais vraiment trouvé sa place là-bas. Il a toujours été ambitieux. Il a rencontré Max Tyre, et il a tout de suite vu son potentiel. 

Ma mère parle d'une voix douce, presque trop calme, mais elle évite soigneusement de croiser mon regard. Quand elle sourit, elle fixe la fenêtre au lieu de moi. C'est à cet instant que je comprends : elle me ment. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Elle a peur. 

— Maman, tu ne t'entends plus avec Papa depuis des années... Pourquoi rester auprès de lui ? Je ne comprends pas. Il a parfois été violent... pas seulement dans ses paroles. Pourquoi rester ? 

Cette fois, ma mère repose lentement sa fourchette et tourne la tête vers moi, son regard plus dur, plus direct. 

— Et toi, Sarah, qu'est-ce qui te prend de me poser toutes ces questions tout à coup ? 

Je recule légèrement, surprise par sa réponse sèche, presque défensive. Je m'apprête à dire quelque chose quand mon téléphone vibre sur la table, faisant apparaître le nom de John. 

— Tu devrais répondre, il est temps que tu apprennes à connaître ton futur époux, non ? 

Une boule se forme dans ma gorge. C'est comme si mes questions avaient fait basculer quelque chose en elle, une barrière que je ne m'attendais pas à franchir. 

— Le mariage est fixé dans trois mois. Si j'étais toi, j'éviterais de perdre du temps. Après tout, ton rêve de petite fille pourrait enfin se réaliser. 

**

Le soleil est à peine levé, diffusant une lumière douce sur l'eau qui scintille à peine. Mes pieds battent le sol à un rythme régulier, mais mon esprit, lui, est en désordre. La conversation de tout à l'heure tourne en boucle dans ma tête. Ma mère, son changement d'attitude soudain, son mensonge évident... Pourquoi refuse-t-elle de dire la vérité ? Pourquoi rester dans cette prison dorée avec un homme comme mon père ?

Je pousse mes jambes à aller plus vite, comme si je pouvais fuir ces questions, mais la vérité me rattrape à chaque foulée. Mon père, n'a jamais été un homme ordinaire, je le sais maintenant. Ce qu'il s'est passé à Atlanta, ce soir-là, quand j'avais huit ans... Pourquoi ce déménagement précipité, ce silence, et cette richesse soudaine ?

Mon regard balaie la rive opposée de l'Hudson, cherchant une réponse que je ne trouve pas. Le bruit de l'eau m'apaise à peine, et je sens la frustration monter en moi. Nikolas. John. Le FBI. Mon mariage arrangé. Tout cela s'entremêle dans ma tête, formant un nœud que je suis incapable de défaire. Je ralentis, mes jambes commencent à brûler, mais ce n'est rien comparé au poids que je ressens à l'intérieur.

Je m'arrête enfin, essoufflée, les mains sur mes hanches, face à l'immensité du fleuve. Le courant, calme en surface, cache sûrement des remous en profondeur, tout comme ma vie. À quel point ma mère sait-elle ce que mon père fait réellement ? Et moi, dans tout ça, comment pourrais-je sortir de cette spirale ?

Alors que je reprends mon souffle, je sens la vibration de mon téléphone dans ma poche. Mon cœur se serre.

Est-ce Nikolas ?

Non, c'est John, encore une fois. Je soupire légèrement, mais décide de lire son message malgré tout. Peut-être qu'il a quelque chose d'important à dire, ou peut-être qu'il est simplement là pour vérifier si je suis toujours dans les clous. Je prends une grande inspiration et lis son message.

« Sarah, j'ai pensé que ça pourrait te changer les idées de sortir un peu. Si tu es libre aujourd'hui, que dirais-tu d'un déjeuner ensemble ? Ça n'a pas besoin d'être formel. Juste toi et moi, histoire de faire plus connaissance avant... tu sais, avant tout ça. »

Je reste un instant immobile, les yeux fixés sur l'écran. Un déjeuner avec John, encore. La perspective me semble à la fois oppressante et inévitable. Après tout, il est censé devenir mon mari, et j'aurais sans doute tout intérêt à apprendre à le connaître un peu mieux. Mais l'idée de passer du temps seule avec lui me met déjà mal à l'aise.

Cependant, John m'a couvert auprès de mon père la dernière fois. Peut-être qu'il n'est pas aussi... mauvais que je le croyais. Peut-être qu'il est tout autant pris au piège que moi dans cette histoire.

Je tape une réponse rapide : 
« Pourquoi pas. Où est-ce que tu veux qu'on se retrouve ? »

Quelques secondes plus tard, sa réponse apparaît sur mon écran : 
« Il y a un restaurant au bord de l'Hudson que j'aime bien. À midi ? Je peux venir te chercher. »

Je regarde autour de moi, la vue sur le fleuve m'apaisant légèrement. Peut-être que voir John dans un autre cadre que celui de nos familles, me permettra de comprendre un peu mieux qui il est vraiment. Mon père a ses yeux et ses oreilles partout, mais j'ai besoin de prendre quelques risques si je veux tirer quelque chose au clair.

Je commence à marcher lentement, mon rythme de course désormais remplacé par une réflexion calme et mesurée. Je ne suis pas dupe, et je ne vais pas me laisser berner par une simple sortie décontractée. Si John fait partie du problème, il est peut-être aussi la clé pour mieux comprendre ce qui se passe réellement.

Le vent frais de l'Hudson continue de balayer mon visage, et malgré tout ce qui m'entoure, une petite voix au fond de moi murmure que je suis plus forte que tout ça. Plus forte que mon père. Plus forte que les mensonges qui m'ont enfermée toute ma vie.

À midi, je serai prête.

Hffmbx.

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