33. F.R.I.E.N.D.S

Il y a des choses qu'on n'oublie pas.

Des souvenirs qui restent gravés dans notre mémoire tant ils nous ont marqués, modelés même.

L'image de ma mère, recouverte de bleus sur tout son corps me donnant le bain en pleurant.

Le regard de James alors qu'il me commandait de l'exécuter pour épargner ma mère.

Le premier sourire qu'Adam m'a offert. Le frémissement du corps d'Heidi alors qu'elle me confiait son innocence.

La douleur que j'ai ressentie lorsqu'Adam m'a trahi.

La terreur qui a saisi mon grand-père quand je lui ai montré que je porte très bien son nom et comme j'ai bien retenu ses leçons de sadisme.

Les baisers et les larmes brûlantes de Violet sur mon visage.

Et maintenant, le souvenir de la nuit dernière.

Cela fait bien deux heures que je me suis réveillé, deux heures que les moments les plus insolites de la nuit dernière repassent dans mon esprit.

Les baisers.

Les râles.

Les encouragements.

La chaleur étouffante.

L'ivresse.

Adam qui me regarde droit dans les yeux tout en s'adonnant à des obscénités sans nom.

Heidi se refermant sur nous deux pour sceller notre union à tous les trois.

Maintenant que je suis sobre, j'ai du mal à me figurer comment la soirée a pu déraper au point d'avoir un plan à trois avec mon ex et mon petit frère.

Quand James me disait que je partagerais tout avec Adam, je ne crois pas qu'il parlait de ce genre d'activité. Je sais que de là où il est, il est choqué, sans mots, peut-être même traumatisés par ce qu'il s'est passé hier.

— Bordel.
Je préfère ne pas y penser.

Je casse de nouveaux œufs, les autres ayant brûlé à cause de mon inattention. Je termine enfin de cuisiner et comme hier, je dresse la table.

Lorsque je vais au salon, je trouve Heidi assise sur le dos d'Adam, en train de compter les pompes qu'il exécute. Je les laisse continuer jusqu'à ce qu'Adam s'écroule au bout de quelque 90 répétitions.

Ils remarquent enfin ma présence et je leur annonce que la table est servie. Lorsqu'ils viennent pour manger, Adam remarque que je n'ai fait la table que pour deux personnes. Il me questionne du regard.

— Tu ne manges pas avec nous ?

— Non.

— Pourquoi ?

— J'ai des choses à faire. Jay m'attend.

— Oh...

Adam semble vraiment déçu. C'est la deuxième fois que je refuse de déjeuner avec lui. Je m'en veux, mais il faut vraiment que j'y aille. Et puis je ne veux pas qu'ils se sentent mal à l'aise à cause de moi.

Je les laisse dans la salle à manger et retourne dans la chambre d'Heidi récupérer le pull que je ne me suis pas donné la peine de mettre ce matin. Quand je finis de l'enfiler, la porte de la chambre d'Heidi s'ouvre, mais c'est Adam qui s'y tient.

Il me fixe longuement, les bras croisés.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Je soupire.

— Rien.

Je cherche à prendre ma montre sur la commode, mais il retient mon bras.

— C'est à cause d'Heidi ?

— Bien sûr que non. Si vous voir ensemble me dérangeait, je n'aurais pas tout fait pour vous caser l'année dernière.

Menteur.

— Quoi alors ?

Je sens ma gorge se nouer et inspire profondément.

— J'ai peur.

Il fronce les sourcils.

— De ?

— J'ai peur que nous nous détruisions. J'ai peur qu'elle te choisisse... et de finir par te détester. J'ai peur qu'elle me choisisse et que tu m'en veuilles. Parce que la nuit d'hier était super... ce matin aussi, vraiment. Mais...

Je lève les yeux, espérant qu'il comprenne ce que je n'arrive pas à lui dire. Il hoche la tête.

— Moi non plus. Je ne veux la partager avec personne. Même pas toi. Mais tu es mon frère. Je ne t'en voudrai jamais d'être heureux et je sais que toi non plus. Et je serai toujours là pour toi, même lorsqu'il faudra te consoler quand elle me choisira.

J'écarquille les yeux, surpris par sa conclusion, puis m'esclaffe. Je ne m'attendais pas à cela, mais ça lui ressemble tellement. D'un coup, mon inquiétude s'envole et je suis rassuré.

Qu'importe le choix d'Heidi, j'ai déjà les deux amours de ma vie près de moi. Et cette fois-ci, rien ne nous séparera.

— D'accord.

Il me relâche enfin et je termine de mettre ma montre.

— Tiens, ton... sac ?

Je me tourne et le trouve tenant mon sac grand ouvert, sourcils froncés. Puis il me dévisage et je comprends qu'il les a vues. Il ouvre la bouche, plonge la main dans le sac, les extirpe et les compte. Ses yeux malicieux reviennent à moi.

— Dis donc, t'y vas pas de main morte... Tu sais qu'une seule suffit, non ?

Le rouge me monte jusqu'aux oreilles et je fonce sur lui, les lui arrache, les enfonce dans le sac que je referme avant de m'éloigner de lui.

— Tu n'as rien vu.

Il éclate de rire et lève les bras.

— Je n'ai rien vu.

Seulement alors, mon cœur ralentit-il. Ne pouvant supporter ses railleries, je fais volte-face et ouvre la porte.

Heidi, qui devait écouter à la porte, déboule dans la chambre et manque de tomber. Adam et moi la fixons.

— C-c'est pas ce que vous croyez je-

Je lève les yeux au ciel et la contourne. Alors que je vais à l'entrée me chausser, je l'entends demander à Adam :

— Il a quoi ?

— On s'en fout, viens-là.

J'entends un cri, puis les rires d'Heidi et finalement des baisers avant de fermer la porte derrière moi.

Je sors de l'immeuble et vois la voiture de Jay qui m'attend devant celui-ci. Je balance mon sac à l'arrière et vais m'assoir devant.

— Bonjour.

Pas de réponse. Je me tourne vers lui et subit son regard inquisiteur.

— Tu as passé la nuit chez elle, je suppose ?

Je sens un soupçon de jalousie dans sa question.

— Oui.

— Et vous avez...

— Oui, dis-je en lui souriant.

Il fronce les sourcils.

— Quoi ? Tu es jaloux ? Dois-je te rappeler que tu as eu ta chance et que tu y as renoncé ?

La gêne le gagne quand je lui rappelle cet épisode.

— Quoi ?! Non ! Je ne suis pas jaloux ! C'est juste que...

Je me penche vers lui pour rapprocher nos visages et susurre :

— Juste que ?

— La localisation d'Adam m'indique qu'il a aussi passé la nuit ici.

J'ouvre grand les yeux en réalisant mon erreur, ce qu'il remarque immédiatement. Je m'éloigne de lui et détourne le regard.

— Ricci ?

— On y va.

— Ne me dis pas que-

Il lit l'aveu de culpabilité sur mon visage et sa mâchoire se décroche.

Jay m'a déjà vu m'adonner à toutes sortes d'ignominies, notamment lorsque je torturais des gens, mais je crois que c'est la première fois que je le laisse totalement sans voix.

— Vous êtes... tellement tordus. J'abandonne.

— C'est pas ce que tu crois, on-

Il m'arrête d'un geste de main..

— La personne que j'étais il y a cinq minutes me manque déjà, n'en rajoute pas. Je ne veux pas savoir les détails sordides de vos délires de timbrés.

Je me retiens de rire alors qu'il démarre pour nous conduire à notre lieu de rendez-vous.



Je crois que je me suis un peu trop emballée.

Je croyais qu'après la nuit qu'on a passé la semaine dernière, qui soit dit en passant était la meilleure nuit d'amour de ma vie, je n'aurais plus à me torturer l'esprit avec ce dilemme.

Adam ou Leo.

On était si bien, en parfaite symbiose. J'étais aux anges dans les bras des deux hommes que j'aime et tous les deux semblaient parfaitement dans leur élément, leur performance sexuelle optimisée par la présence de l'autre.

Et puis le matin, notre réveille m'a donné un avant-goût d'une vie à trois qui m'aurait convenue : la grasse matinée que nous nous sommes accordées à nous échanger des tendresses, notre douche commune qui a fait remonter la température, Leo qui cuisinait pour nous pendant qu'Adam supervisait mes levés de poids ou essayait de m'impressionner avec ses pompes.

Mais après les avoir épiés, je sais que même s'ils ont apprécié me partager, ce n'est pas ce qu'ils veulent au fond. Peut-être l'ont-ils même fait seulement pour me faire plaisir.

Ils veulent que je choisisse.

Et mon problème ne se trouve même pas au niveau du choix.

Il y a longtemps que j'ai choisi.

Ce que je redoute, c'est blesser l'autre... perdre l'autre. Je les ai entendus se promettre que mon choix ne changera rien entre eux, et je suis heureuse, il ne manquerait plus que je retourne deux frères l'un contre l'autre.

Non, moi ce que je crains, c'est que les choses ne soient plus comme avant avec l'un d'entre eux.

Mais c'est trop égoïste de ma part de ne pas leur donner de réponse alors qu'ils ont été si patients.

Il faut que je lui dise.

Alors je me suis préparée à sortir pour aller le voir et lui dire ce que je ressens. Sauf que quand j'ouvre la porte de chez moi, Adam se tient devant cette dernière, prêt à toquer.

Mon cœur trépigne.

En me voyant toute vêtue, il hausse les sourcils, son regard amoureux me dévorant. Son sourire me contamine comme toujours.

— Salut.

— Salut.

— Tu sors ?

— Euh... oui... je comptais sortir. Tu fais quoi ici ?

— Oh... moi je rentre d'un entraînement et je voulais passer la soirée avec toi... mais si tu sors, je vais y aller-

— Non, attends ! m'exclamé-je en le retenant de partir.

Je déglutis et lève les yeux vers lui.

— C'est toi que j'allais voir, en fait. Je voulais te parler.

Quand je lui dis cela, son visage s'illumine. Il entre, ferme la porte derrière lui, laisse tomber son sac de sport au sol et s'approche de moi jusqu'à me coincer entre lui et le mur.

De si près je sens l'odeur de son gel douche et une douce flamme prend vie dans mon bas ventre.

— Et bien je suis là, ma Reine. Qu'avez-vous à me dire ? Ordonnez et j'exécuterai, dit-il tout bas en me baisant la nuque.

Déjà la fièvre me prend, et l'ivresse avec. Je pousse un premier gémissement, mais un éclair de lucidité me ramène à moi. Alors qu'il mordille encore la chaire de mon cou, mes doigts fondent dans ses repousses encore trempées de sa douche et mes lèvres effleurent son oreille.

— Je t'ai choisi, murmuré-je.

Il s'arrête.

Recule sa tête.

Cligne des yeux.

— Pardon ?

Je lui souris et caresse son visage.

— C'est toi que j'ai choisi, Adam. Depuis que je t'ai rencontré... j'étais un peu confuse, mais j'ai toujours su que c'était toi.

Il y a un long silence.

Au lieu de l'enthousiasme que j'attendais, la confusion prend le contrôle de ses traits.

— M-moi ?

— Oui.

— Pas Leo ?

— Toi, Adam, ricané-je.

— Mais- c'est ton premier.

— Et ?

— Vous étiez ensemble 4 ans.

— Je suis au courant.

— Il ferait tout pour toi.

À mesure qu'il énumère des arguments en faveur de Leo, mon sourire disparaît.

— Pas toi ?

— Si ! Si ! Je ferai tout pour toi ! Mais... pourquoi moi ? Tu ne l'aimes plus ?

Je soupire.

— C'est pas que je ne l'aime plus. Je l'aime encore, au moins aussi fort que je t'aime toi. Mais avec toi, j'estime qu'on ne s'est pas donné une réelle chance. On n'a même pas fait un an ensemble, pourtant c'était des mois magiques.

Il ne semble toujours pas convaincu, alors j'ajoute :

— Leo est super, mais tellement distant, tellement secret. Jusqu'à il y a peu je ne savais rien de celui qu'il est vraiment, et même aujourd'hui, je sens que je ne sais pas qui est cet homme dont je suis tombée amoureuse autrefois. Alors que toi...

Je colle mon front contre le sien.

— Toi je te connais Adam, c'est pour ça que je peux affirmer sans le moindre doute que je t'aime. J'aime celui que tu es, j'aime ta transparence, j'aime ta confiance, ton assurance, la sensation de pouvoir te suivre dans les plus folles aventures. Adam, je t'aime.

— Heidi...

Il saisit mon visage et m'embrasse. Je lui rends son baiser avec autant de passion.

Mais quand nos lèvres se séparent et que je vois son expression, mon cœur se fissure avant même qu'il ne dise les mots.

— Je suis désolé, Heidi. Je peux pas...

— Hein ?

— Leo... je... je peux pas le lui faire ça.

— Lui faire quoi ?

— Lui prendre la seule femme qui compte pour lui une deuxième fois.

— Mais... l'autre jour encore tu me demandais de te choisir... Je t'ai choisi !

— Je sais... et tu n'imagines même pas à quel point ça me réjouit. Parce que moi aussi je t'aime Heidi. Si tu savais les choses que j'ai faites par amour pour toi... je t'aime tellement...

Son pouce se promène sur ma joue, et je ressens la sincérité dans ses mots et ses gestes.

— Mais ? demandé-je, parce que son visage dit qu'il y en a un.

— Mais je crois que... je crois que mon amour pour mon frère surpasse ce que je ressens pour toi.

Mes épaules s'affaissent.

J'ai passé la semaine à me torturer l'esprit pour finalement l'élire propriétaire de mon cœur, tout ça pour qu'il me recale parce qu'il aime plus son rival que moi ?!

C'est une vaste blague ?!

Comme il voit la colère et les larmes de frustration se former sur mon visage, il me prend dans ses bras et là je fais déjà le deuil de l'amour le plus pur que je n'ai jamais vécu.

Mon cœur est en miettes.

Pas celui de l'adolescente qui est tombée amoureuse de la seule figure masculine à laquelle elle avait accès, mais celui de l'adulte, la femme qui est tombée éperdument amoureuse d'Adam. Et qui doit maintenant renoncer à lui.

Blottie contre lui, les souvenirs de notre trop courte histoire affluent dans mon esprit :

Notre rencontre. La terreur qui m'a saisi quand il s'est introduit dans ma chambre. La première palpitation du désir alors qu'il me déshabillait pour qu'on simule le coït.

L'adrénaline qu'il m'a fait goûter pour la première fois en me prenant en otage et en me confiant sa vie. La manière dont cet inconnu que je savais pourtant si dangereux m'a captivée, fascinée.

Son sourire rayonnant lorsqu'il s'est présenté à toute la classe, sa présence dans ma vie, son soutien, sa bonne humeur, sa manière respectueuse de flirter avec moi alors qu'il me savait déjà prise.

Nos balades en moto, ses compliments quand il venait me chercher pour une mission, sa façon de veiller de moi en mission et de me défendre face aux autres membres et Jérôme.

Sa chaleur, sa force et sa vulnérabilité.

Adam qui me console d'abord me serre plus fort contre lui et me rejoint dans les larmes, sans doute lui aussi submergé par les souvenirs et la douleur. Alors que je sanglote, lui s'excuse de me briser ainsi le cœur.

Après plusieurs minutes à pleurer dans les bras de l'autre, Adam met de la distance entre nous, sèche mes larmes et prend mon visage dans ses mains avant de me regarder avec un air grave.

— S'il te plaît. Je t'en prie, choisis-le.

— Mais-

— Si tu savais la vie injuste qu'il a eu Heidi... il n'a connu que la douleur, la trahison et la solitude. Tous ceux qu'il aimait et à qui il tenait sont soit morts ou l'ont abandonné... même moi, je l'ai trahi. Toi, tu es sa seule raison de vivre. Alors par pitié, pitié, choisis-le. Aime-le.

Malgré ma peine, je comprends ce qu'il dit. Il ne m'a jamais dit pourquoi, mais c'est à peu près la seule chose que je suis sûr de savoir sur Leonardo Ricci IV :

Il souffre.

Je renifle une dernière fois et hoche la tête à contrecœur. Le soulagement détend ses traits. Il me sourit et dépose un tendre baiser sur mon front.

— Merci, infiniment Heidi. Pour tout, merci de m'avoir fait vivre mon premier amour... et d'être devenue ma meilleure amie.

Son amie... c'est tout ce que je serai maintenant.

Je lui souris en retour et nous nous prenons à nouveau dans les bras l'un de l'autre. Alors que je savoure ma dernière étreinte passionnée avec lui, son téléphone sonne.

Il ignore l'appel.

Mais bientôt, la sonnerie reprend. Adam sort son téléphone de sa poche et en voyant le nom de Leo, il décoche immédiatement.

— Allo-

— Adam ! Tu vas bien ?! Tu es où là ?!

Surpris par cet accueil brusque, Adam prend un moment avant de répondre, l'inquiétude dans ma voix :

— Euh... oui... Je suis chez Heidi-

— Heidi ?! Vous êtes ensemble ?!

— Oui ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Dieu merci ! Quittez son appartement immédiatement, ils arrivent !

— Qui ça ?

— Les hommes de Matteo.

Un grand bruit nous parvient à travers le téléphone.

— Bordel, ils sont déjà là... souffle Leo à travers le combiné.

Adam et moi nous regardons, alarmés.

— Leo, ils sont combien ?! Donne-moi ta position, j'arrive-

— Non ! Non ! Ils font un raid. Ils nous ont tous visés. Ils se dirigent chez Heidi, chez ta mère aussi. Toi et Heidi vous devez aller chez ta mère ! Serena est déjà en route vers chez elle, mais j'ai peur qu'elle n'y soit pas à temps.

— Mais... et toi ?

— On s'en fout. Allez sauver ta mère !

Un échange de coups de feu résonne et Leo pousse un cri après avoir été atteint.

— Leo-

— C'est un ordre ! aboie-t-il, sa voix suintant le désespoir. C'est trop tard pour moi. Va sauver maman et protège Heidi. Je t'en supplie, dis-lui que je l'aime et que-

L'appel est coupé.

Adam et moi nous regardons, paniqués.

— Tu as ton kit de crise ?

Un kit de crise est un sac contenant tout ce dont nous aurions besoin dans l'éventualité d'une embuscade à domicile ou si le besoin d'être en cavale se présentait, après que nos identités soient révélées par exemple.

Ils contiennent armes, appareils de communication sécurisée, papiers pour entrer dans une dizaine de pays, de quoi soigner des blessures superficielles, de l'argent comptant.

— Oui, il est dans ma penderie.

Adam disparaît dans ma chambre et ressort avec le sac et une arme en main. Pendant ce temps, je tente de rappeler Leo, mais ça ne répond pas.

L'angoisse me ronge à l'idée de le perdre de nouveau.

Après nous être rapidement préparés, Adam et moi sortons. Alors que nous courons, il repère les hommes venus nous chercher dont Leonardo nous parlait.

Ils sont au nombre de 6, sortant de leur véhicule pour aller chercher des armes d'assaut dans les coffres arrière.

Adam et moi changeons de trajectoire pour éviter la rencontre avec eux et ce n'est que lorsqu'ils sont entrés dans le bâtiment où je réside qu'il approche sa moto. Il se hâte à porter son casque et me tend le mien, mais au moment de le porter, j'hésite.

— Heidi, dépêche-toi, quand ils verront que tu n'es pas chez toi, ils vont sortir !

« Je t'en supplie, dis-lui que je l'aime. »

Ce n'est que maintenant que je suis secoué par la réalisation de ce que ces mots voulaient dire.

Je t'aime.

Adieu.

La dernière fois qu'il m'a dit qu'il m'aime avec tant de souffrance dans la voix, il savait qu'il allait mourir. Ma gorge se noue en repensant à ce que j'ai ressenti quand on m'a effectivement annoncé son décès.

Non... je refuse de revivre ça.

Je secoue la tête et redonne le casque à Adam.

— Je dois aller le sauver, dis-je, les larmes aux yeux.

— Non Heidi. Il a été très clair, je dois veiller sur toi et on doit sauver ma mère. Dépêche-toi !

Je suis sur le point de revenir à la raison et de lui obéir, d'obéir à Leonardo. Mais sa voix résonne encore en moi.

« Moi tu m'as terriblement manquée, Pinocchio »

Je secoue de nouveau la tête.

— Je peux pas... toi vas-y. Moi je vais aller sauver Leo-

— Hei-

— JE N'AI PAS BESOIN QUE TU VEILLES SUR MOI ! J'ai arrêté d'avoir besoin de toi le jour où tu es partie sans me donner de nouvelles. Mais Leo, lui...

Je ne trouve pas les mots pour exprimer mon désarroi. Alors je le regarde dans les yeux.

— Tu m'as demandé de le choisir, de ne pas l'abandonner... alors, laisse-moi le faire. Fais-moi confiance.

Je vois bien qu'Adam n'est pas d'accord, ce n'est pas tout à fait ce qu'il entendait par là, mais lui aussi voit mon expression, ma détermination et bien vite, il renonce à me convaincre.

Il prend ma tête dans ses mains.

— D'accord. Je te fais confiance, dit-il, la voix vacillante. Je m'occupe de ma mère. Va sauver mon frère, s'il te plaît.

J'opine du chef. Il dépose un baiser sur mon front et démarre. Moi je retourne dans le bâtiment au moment même où les hommes qui redescendaient sortent de l'ascenseur. Ils me voient, me reconnaissent et se mettent à ma poursuite.

Je n'ai rien pour me défendre, c'est Adam qui a mon kit de crise. Alors ma seule option est de courir vers le parking sous-terrain où se trouve ma voiture. Je gagne du temps, l'accès y étant limité par carte d'accès.

Je monte à bord, démarre, ouvre la porte du garage à distance et sors du parking au moment où ils parviennent à défoncer la porte y menant.

Je fonce, consciente qu'ils seront bientôt à mes trousses et que l'heure tourne pour Leo. Je défonce toutes les limites de vitesse en parcourant la route menant à l'appartement où j'ai rejoint Leo à deux reprises depuis son retour. S'ils ont fait une attaque ciblée, c'est qu'ils l'y ont trouvé.

Je remercie intérieurement Leo de m'avoir partagé sa passion pour la F1 et les courses de vitesse, je maîtrise le véhicule comme s'il était une extension de mon propre corps : zigzaguant entre les voitures dans les voies étroites, effectuant des virages prononcés.

Une voiture de police se mets à ma poursuite, puis deux, mais je ne m'en embarrasse pas. Quand enfin j'arrive sur la rue où réside Leo et que je vois le double des berlines noires qui m'attendaient devant chez moi, mon cœur rate un battement.

— Non...

La peur que je sois venue trop tard me fait perdre ma concentration ainsi que le contrôle du volant. Je fais une collision frontale avec une voiture civile qui venait dans l'autre sens et ma voiture plus légère est projetée dans les airs avant de faire une dizaine de tonneaux et de terminer sa course contre un lampadaire. Ce dernier ne tient pas le choc et s'écroule sur mon véhicule, le broyant de tout son poids et me manquant de justesse.

Puis, enfin, le calme se fait dans l'habitacle déformé. Je suis totalement désorienté, du sang s'échappe de ma tête et j'ai plusieurs contusions et entailles sévères. Une douleur comme je n'en ai jamais ressenti me lance le long du corps, j'ai la tête qui tourne et du mal à respirer.

Je tente de bouger, mais n'y parviens pas. Mes muscles s'engourdissent et mes paupières s'alourdissent. Les sirènes de police me parviennent au loin. Je combat l'appel de ma mort en pensant à lui, à ma mission.

Je dois le sauver.

— Leo...

Mais malgré mes efforts, le monde s'éteint autour de moi et la froideur m'enveloppe.

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