29. As good as dead

— Quoi ?!

Je tourne ma tête vers Leo, certaine d'avoir mal entendu, espérant avoir mal entendu, mais Leo ne corrige pas l'énormité qu'il vient de sortir. Il ne me regarde même pas. C'est Adam qu'il fixe, un grand sourire aux lèvres.

Buongiorno, luche dei miei occhi. Ti sono mancato ? demande-t-il sur un ton sombre bien qu'espiègle.

Je ramène mon attention vers Adam, dans l'espoir d'avoir une explication de lui, mais ce dernier aussi n'a d'yeux que pour Leo. Il fait la même tête que je devais faire hier quand j'ai réalisé que c'était bien Leo qui était avec moi dans mon bain et non une autre hallucination.

Mais au-delà de la surprise, une terreur abyssale habite son regard d'ordinaire si lumineux.

— Comment...

Adam se met à trembler et recule d'un pas. Sa réaction semble amuser Leo. Je m'apprête à leur demander qu'est-ce qu'il se passe et qu'est-ce que c'est que cette histoire de Serena quand la concernée prend la parole, rompant la tension.

— Alors c'est ça Heidi ?

Quand j'entends la voix de la fille accrochée à Adam, c'est vers elle que mes questions se portent. C'est qui cette fille, cette Serena ? Pourquoi semble-t-elle connaître Adam et Leo ? Pourquoi lui a-t-elle bondi dessus ? Pourquoi Adam l'a-t-il embrassée en retour ? C'est quoi cette histoire de petite amie et de rivale et est-ce qu'elle vient de me qualifier de « ça » ?

Elle lâche finalement Adam et se place devant lui, bras croisés, yeux bleus et menaçants braqués sur moi.

— Qu'est-ce que vous lui trouvez ? demande-t-elle d'un fort accent italien en me toisant. Qu'est-ce qu'elle a de plus que moi ?

Hein?

Absolument rien, répond Leonardo. Tu es tellement plus belle. T'es pas d'accord, Adam ?

Adam sursaute quand Leo prononce son nom. Cette Serena se tourne vers lui, lui communiquant avec tout son non verbal qu'elle attend sa réponse à la question de Leo. Pour la première fois depuis l'arrivée de Leo, il me regarde enfin lorsque son regard alterne entre elle et moi.

— Euh...

Je ne lui laisse pas le temps de donner son verdict. J'en ai marre de ne pas comprendre ce qu'il se passe.

— Quelqu'un peut m'expliquer ce qu'il se passe ? C'est quoi cette histoire de petite amie ?

— Je peux t'expliquer, commence Adam. Déjà, Serena n'est pas ma petite amie.

— Je suis la femme de sa vie.

— Exact- Non ! Non ! C'est faux.

— Tu as commencé à sortir avec une autre fille pendant notre break ?! m'énervé-je.

— Mais non ! Je-

— Break...? Cosa significa "break"? demande-t-elle à Leo.

Separazione di prova, répond Leo.

Separazione di prova ?! s'indigne-t-elle. Mi hai detto che tra voi due è finita ! s'énerve-t-elle.

Mon italien est loin d'être aussi au point que celui de Leo ou Adam, mais je comprends très bien ce qu'elle vient de dire là. Je fusille Adam du regard.

— Serena, tente de la faire taire Adam.

Mais au lieu de comprendre le message, elle me regarde droit dans les yeux et fait l'effort de revenir à l'anglais pour l'enfoncer un peu plus.

— Quand tu étais saoul, tu m'as dit que tu ne pourrais jamais lui pardonner sa trahison et qu'elle te dégoutait et que c'était la putain de Leonardo.

— Aie, aie, aie ! s'exclame Leonardo. Il t'a dit ça ?

— Oui ! Au bar, en Italie.

Je fixe Adam qui ne fait que secouer la tête, sans démentir ce qu'elle vient d'affirmer.

— Mais non... et quoi d'autre ? demande Leo qui n'est clairement là que pour jeter de l'huile sur le feu ardent de ma colère.

— Juste après à l'hôtel on-

Adam plaque sa main sur sa bouche pour la faire taire.

— Mais la ferme !

Serena qui se débattait pour pouvoir continuer de révéler ce qu'Adam a dit sur moi finit par se calmer. C'est alors qu'Adam la quitte du regard pour constater l'ampleur des dégâts, et à voir l'inquiétude sur son visage, il craint que j'aie compris ce qu'elle vient de dire. Ce que ça implique.

En voyant mon expression, sa crainte est confirmée, car un mot m'a fait oublier mon courroux.

— En Italie... ?

— Heidi...

— C'est là-bas que tu es parti pendant tout l'été ?

— Et là, c'est le drame, commente Leo d'une voix de narrateur.

Il est le seul que la situation amuse. Adam est en totale panique. Il semble vouloir nier, vouloir démentir, mais il est comme pris au piège. Ses épaules s'affaissent, il se rend.

— Oui. J'étais en Italie.

Mon cœur commence à battre plus vite quand je repense aux images diffusées dans le QG.

Non... c'est pas possible. L'Italie c'est vaste... et puis... et puis c'est très touristique. Plein de gens vont en Italie. Donc...

— Où en Italie ? questionné-je, espérant qu'il infirme l'hypothèse en train de se former dans mon esprit.

— Oui, Adam. Où étais-tu en Italie ?

Ses yeux erratiques alternent entre Leonardo et moi et sa poitrine se soulève de plus en plus vite. Il baisse la tête.

— À Capri.

Non...

— Adam...

Il garde les yeux baissés, incapable de m'affronter. Cela ne fait que solidifier sa culpabilité.

— Qu'est-ce que tu foutais à Capri, Adam ?

— Ouais, qu'est-ce que tu foutais à Capri, Adam ? répète Leo en appuyant bien sur son prénom.

Adam secoue la tête, le regard toujours absorbé par celui de Leo.

— Je...

Il cherche ses mots, ou le mensonge qu'il va me sortir cette fois, mais ça ne semble vraiment pas naturel chez lui. Surtout que Leo qui doit connaitre la vérité est là pour le contredire.

— Adam, qu'est-ce que tu faisais en Italie ? insisté-je.

— Soit tu lui dis, soit c'est moi qui lui dis, le presse Leonardo.

— Tais-toi, ordonne Adam en faisant un pas menaçant vers lui.

Leo prend peur et se cache derrière moi. L'agressivité d'Adam me surprend et me confirme qu'il me cache bien quelque chose. Il prend sa tête dans ses mains et respire comme s'il était en pleine crise de panique. Adam ferme les yeux, l'air de rassembler son courage. Puis il les ouvre de nouveau et les plante dans les miens, pleins de sincérité pour la première fois depuis son retour.

— Je t'ai menti. C'était moi qui étais derrière le massacre de Capri. Je... et c'est moi qui-

— Adam m'a sauvé la vie.

Un ange passe.

Nous nous tournons tous vers Leo qui vient de prononcer cette phrase.

— Quoi ?

— Quoi ? réverbère Adam.

— Hm ? marmonne Serena qu'Adam tait toujours, elle aussi confuse.

Leo qui se servait de mon corps comme bouclier me lâche enfin et fixe Adam.

— Adam était mon complice pendant le massacre, mais ça ne s'est pas passé comme prévu. Nous avons sous-estimé le nombre des hommes de mon père, j'ai failli y passer et c'est Adam qui m'a sauvé.

L'horrible scénario que j'étais en train de me faire, celui où Adam était responsable de la mort de Leonardo s'écroule lorsque Leo révèle une vérité que je n'aurais jamais soupçonnée. Nous sommes tous suspendus à ses lèvres, même le concerné.

Quand il voit cela, son regard brille de cette lueur féline qu'il a quand il s'apprête à vous dévorer tout cru, un rictus plie les commissures de ses lèvres.

— N'est-ce pas, Adam ?

Adam a l'air aussi perdu que moi, il le dévisage, mais quand il se rend compte que j'attends sa confirmation, il hoche lentement la tête, sans lâcher Leo du regard, telle une proie craignant qu'un seul moment d'inattention le mène dans la gueule du lion.

Mais à voir le regard sadique de Leo, quelque chose me dit que ses crocs sont déjà bien enfoncés dans la nuque d'Adam.

Quand il réalise que j'ai lu en lui, que j'ai senti son aura nauséabonde envelopper Adam de frissons, Leonardo me sourit pour se montrer rassurant.

— Bon, je crois que vous êtes déjà en retard, on y va Serena.

— Non, je n'ai pas fini de-

— On y va, dit-il avec plus de fermeté.

Elle râle et le suit. Leo passe son bras autour des épaules de cette fille dont je ne sais toujours pas d'où elle sort, tous les deux s'éloignent et entrent dans la voiture de Leonardo et je me retrouve seule avec Adam.


— Pourquoi ?

Je quitte la route des yeux pour regarder Serena qui est assise dans le siège passager où Heidi était ce matin. Je la questionne du regard, ne comprenant pas exactement ce qu'elle me demande.

— Pourquoi est-ce que tu as menti ? Pourquoi est-ce que tu as dit qu'il t'a sauvé alors que c'est lui qui a essayé de te tuer ?

Oh...

Je repense au choix que j'ai fait il y a quelques minutes. Depuis l'incident de Capri, je me suis rejoué des centaines de fois le moment où je reverrais Adam, ainsi que ma vengeance. Je comptais tout lui prendre, révéler ce qu'il a fait à Heidi pour qu'elle lui en veuille tellement qu'elle le plaque sur place. Ça aurait été si facile de saboter leur petite réconciliation, mais quand j'ai vu la détresse dans son regard je n'ai pas pu...

Je n'ai pas pu faire du mal à mon petit frère, même après ce qu'il m'a fait. Alors j'ai changé d'approche.

— Le contrôle.

Elle fronce les sourcils.

— Si je contrôle le narratif, je contrôle tout le monde, toutes mes marionnettes, tous mes pions. S'il y a quelque chose que je sais sur mon frère, c'est qu'il a les plus grosses couilles que je n'ai jamais vu. Absolument rien ne lui fait peur, ce qui en fait quelqu'un de difficile à manipuler. Quand j'ai compris qu'il n'avait pas eu les couilles d'avouer à Heidi ce qu'il m'a fait à Capri, j'ai su par quoi je pourrai le tenir. En lui faisant assumer le rôle du héros alors que lui comme moi savons qu'il est le vilain, je l'ai mis dans la situation délicate où la vérité sera encore plus douloureuse et plus difficile à admettre. Ainsi, je peux le faire chanter et même lui faire faire ce que je veux. Il est littéralement à ma merci.

Je regarde Serena qui me dévisage. Elle semble désarçonnée par ma malice.

— Et moi qui croyais que les disputes avec mes frères étaient moches... pauvre Adam, de tout le monde il a fallu que ce soit toi son grand frère.

Elle m'arrache un sourire.

— Quoi ? Vous ne vous égorgez pas entre frères dans ta famille ?! Vous manquez quelque chose.

Elle affiche une grimace de dégoût. Dommage, Heidi aurait été tordue de rire. Heidi aime mon humour noir.

— Tu les as tous décimés, je te rappelle.

Je songe à ce qu'elle me dit.

— Tu m'en veux ? demandé-je.

Elle prend le temps de réfléchir à ma question.

— Non... au fond, j'ai toujours rêvé de les voir disparaître, mais... je n'ai plus de famille maintenant, dit-elle, le regard triste vers sa fenêtre.

Je glisse ma main dans la sienne, ce qui attire son attention.

— Moi, je n'ai plus de famille depuis que j'ai quatre ans, alors je sais ce que c'est. Mais toi... on a grandi ensemble, Serena... tu es ma toute première amie... tu es ma famille. Et je suis la tienne.

Elle me sourit faiblement avant de retirer sa main de la mienne.

— Pourquoi tu penses que je t'ai sauvé ? T'es un connard, mais tu es aussi mon premier ami. Me touche pas comme ça, seul Adam a le droit de me toucher.

J'éclate de rire.

Ce soudain changement d'obsession me perturbe encore. Qu'est-ce qu'Adam lui a fait pour qu'elle me jette comme une chaussette usée après avoir été amoureuse de moi presque toute sa vie ? Violet, Heidi et maintenant Serena, qu'est-ce qu'ils ont ces Coles pour que les femmes les choisissent toujours ?

— On fait quoi maintenant ? demande-t-elle en réappliquant du rouge à lèvres.

Je me reconcentre sur la route.

— On trouve mon cousin et on le bute.


— N'oubliez pas d'inscrire votre binôme de laboratoire sur le forum de classe pour que les techniciens puissent planifier les séances.

Nous acquiesçons tous.

— Très bien, ce sera tout pour moi. On se revoit la semaine prochaine pour reprendre où l'on en était. Bonne journée.

Notre prof de méthode expérimentale nous libère après trois longues heures de cours durant lesquelles je n'ai absolument rien suivi de l'information qui m'a été donnée tant j'étais absorbée par ce qu'il s'est passé en moins de 24h.

Nous avons trouvé le 21.

Violet est le Roi.

Adam et moi avons décidé de nous accorder une deuxième chance.

Leonardo est de retour des morts.

Adam est le complice du massacre de Capri.

Pendant tout notre périple à Vegas, je me doutais bien qu'il me cachait quelque chose, qu'il me mentait. J'en avais même la certitude. Mais j'étais loin de m'imaginer que ça avait un quelconque lien avec le massacre de Capri.

Après avoir pris les coordonnées de ma partenaire de laboratoire, je récupère mes affaires et sors de la classe. Alors que je franchis la porte en mettant mes AirPods, je vois Adam qui attend devant la classe. Il consulte son téléphone, quelque chose doit l'amuser puisque ses adorables fossettes creusent ses joues. Quand il m'aperçoit, il se redresse et tente un sourire.

— Hey..., lâche-t-il timidement.

On a décidé hier de se donner une seconde chance. C'est-à-dire réessayer de nous plaire, mais surtout de nous faire confiance et voir si ça peut aboutir à ce qu'on avait avant... normalement, j'aurais trouvé mignon qu'il m'attende après mon cours, mais là, je suis vraiment en colère.

Je soupire, tourne les talons et me dirige vers la sortie. Je n'ai pas envie de parler avec lui. Mais lui ne l'entend pas de cette oreille. Il me suit bientôt. J'accélère d'abord, mais voyant que c'est inutile vu le gouffre de taille entre nous, je me retourne vers lui, bras croisé, le regard en flamme.

Adam stoppe net et analyse mon non verbal.

— Je sais que tu es en colère, mais je peux tout t'expliquer, je-

— Comment t'as pu me faire ça ?

— Je sais.

— Tu m'as laissée croire qu'il était mort.

— Je suis désolé.

— L'es-tu ?

Il fronce les sourcils.

— Tu comptais me le dire quand ?! Puisque tu ne m'as rien dit quand tu es revenu, puisque tu ne m'as rien dit quand j'étais en train de faire le deuil d'un ami cher, tu ne m'as rien dit quand je t'ai posé des questions à ce sujet. Hier, on s'est dit qu'on pouvait réessayer, sans mensonge cette fois et encore là tu ne me l'as pas dit- en fait, tu avais l'air étonné de voir Leo, je suppose, donc que tu n'avais aucune intention de me le dire d'ici tôt !

Il reste bouche bée. Sans doute lui ai-je coupé l'herbe sous le pied à quelconque excuse du style « je comptais te le dire. »

— Ok. C'est vrai. Tu as raison, je ne comptais jamais te le dire.

— Pourquoi ?!

— J'étais jaloux, ok ?! Je ne supportais pas l'idée qu'il soit ton premier, qu'il se soit imprimé à toi de telle sorte que quand je te touche, je le ressens. Alors je- alors je me suis dit- je me suis dit que si tu le croyais mort, je pourrais enfin occuper dans ton cœur la même place que tu occupes dans le mien, c'est-à-dire l'entièreté. Je devais le sortir de l'équation, pour ne pas te perdre, pour ne pas perdre... parce que s'il y a une chose que j'ai comprise, c'est qu'on ne gagne pas contre lui ! Je n'avais pas le choix.

Il reprend son souffle après s'être livré de la sorte. Il semble même surpris d'avoir sorti ça.

— « On a toujours le choix. »

Il lève la tête.

— C'est ce que tu m'as dit quand j'ai essayé de t'expliquer pourquoi j'avais fait cet arrangement avec Leonardo.

— C'est pas la même chose.

— Ah non ?! En quoi c'est différent ?! Je t'ai menti, par amour pour toi, pour te protéger toi, et toi tu m'as menti pour ne pas me perdre. J'ai cru que je pouvais m'occuper de lui toute seule et je me suis plantée en beauté et c'est la même chose pour toi.

Il ne répond rien, mais je vois de l'empathie naître dans ses yeux où il n'y en avait jamais eu pour ce que Leo m'a fait. Il secoue la tête.

— Je ne voulais pas te mentir... je... je sais pas qu'est-ce qui m'a pris...

Je soupire.

— C'est Leo. Il est comme ça... je- je ne sais pas comment il s'y prend, mais il a le don de faire ressortir le pire des gens. Pour lui, tout le monde est un pion. On ne peut pas gagner contre lui.

Adam baisse de nouveau la tête.

— Pas seuls.

Son regard revient à moi.

— Mais pour ça, on doit se dire la vérité. Écoute, je suis prête à te pardonné de m'avoir caché ton séjour en Italie et ton implication dans le massacre seulement parce que tu as sauvé Leo. Mais plus de mensonges. Promis ?

Il hésite un instant, ouvre la bouche et la referme.

— Promis..., dit-il, peu convaincant et peu convaincu.

— Très bien, commençons : c'est qui cette Serena ?

Il blêmit.

— Personne, débite-t-il.

— Ce n'est pas l'impression que j'ai eue quand tu l'as embrasée ce matin.

Il soupire longuement et jette sa tête vers l'arrière.

— Je ne l'ai pas embrassé, elle m'a sauté dessus.

— Et bien tu n'as pas eu l'air de ne pas apprécier. On a dit plus de mensonges. Alors, c'est qui ?

Il évite mon regard.

— Adam.

Il souffle.

— Elle- elle était à Capri avec Leonardo et moi. C'est là-bas que je l'ai rencontrée.

— Définis « rencontrée ».

Il me fixe quelques secondes sans rien dire comme s'il attendait de moi que je déduise ce qu'il n'arrive pas à avouer.

— Tu as couché avec elle ?!

Il baisse le regard et hoche la tête, honteux.

— Donc tu me jettes comme une merde, tu pars rejoindre mon ex à l'autre bout de la terre, tu me mens, mais en plus pas un mois plus tard tu te tapes une petite Italienne ?!

Il ne trouve rien à rétorquer. Je lui tourne le dos et commence à m'éloigner en furie. Il me rattrape.

— Attends Heidi. C'était une erreur, j'étais pas bien, on n'était plus ensemble-

— Depuis moins de deux mois ! s'indigné-je. Ça ne faisait même pas deux mois que tu m'avais mis à la porte, Adam. Et dans tout ça, tu es rentré me supplier de nous accorder une autre chance, sans me dire que pendant que j'étais anéanti par notre séparation et ton départ, toi tu te consolais au soleil avec les blondes locales !

— Je suis désolé...

J'essuie ses larmes, renifle et le regarde droit dans les yeux.

— Moi aussi.

À mon expression, il comprend que je ne veux plus. Je ne veux plus en parler. De longues et douloureuses secondes de silence s'étendent. Pour le rompre, il me demande :

— Tu... tu veux que je te ramène chez toi ?

Je prends une grande inspiration, me calme, ouvre la bouche pour accepter quand je reçois un message. Je le consulte et fronce les sourcils.

« Tu es sortir de cours ? On doit discuter. 1492, rue Everest, 18h00. Viens seule. »

— Heidi ? me demande Adam en me montrant mon casque.

— Euh... je... je dois aller quelque part avant.

— Quelque part ?

— Oui.

Le doute traverse son regard. Il a bien vu que c'est ce message qui me perturbe et qui me fait refuser son invitation à me déposer chez moi. Il fixe mon téléphone dont j'ai dissimulé l'écran, suspicieux.

— C'est qui ?

Je ne répond pas. Ça semble le blesser et je sais que son « c'est qui ? » voulait en fait dire « c'est Leonardo ? ».

Mais il ne me pose pas la question. Il soupire et remet mon casque dans le coffre de sa moto avant de porter le sien. Mais avant de démarrer et de partir, il me tourne la tête vers moi.

— Je peux te faire confiance ? demande-t-il finalement.

Je regarde le message une dernière fois, puis lui, j'opine.

— D'accord. Je te fais confiance. Préviens-moi si ça ne va pas.

Je hoche la tête.

— Adam.

Il ne se retourne pas vers moi.

— Merci d'avoir sauvé Leo.

Silence. Il resserre sa prise sur le guidon.

— De rien.

Il démarre et s'éloigne.

Lorsqu'il est suffisamment loin, je commande un Uber pour me rendre au plus vite à l'adresse qui m'a été indiquée, car l'heure du rendez-vous approche et c'est à l'autre bout de la ville. Avec les bouchons, j'arrive presque une heure plus tard, avec un retard de 10 minutes.

Il m'attend déjà, assis dans ce café où il m'a conviée.

J'hésite d'abord à m'y rendre, ne sachant pas à quoi m'attendre, mais je m'arme de courage et entre dans le café. Je me rends jusqu'à sa table et m'assois en face de lui.

Il lève ses yeux verts de son café et les braque sur moi. C'est bien la première fois que je le vois sans lunettes, et c'est la première fois également que ses cheveux roux ne sont pas dans cette sage coiffure de premier de classe dont j'ai l'habitude et qui lui confère son apparence antipathique.

Là, on pourrait le prendre pour n'importe quel étudiant.

— Bonsoir Heidi, dit-il sans me lâcher du regard.

Je sais que je vais passer un mauvais quart d'heure, je le vois dans son regard sévère. Seulement cette fois, contrairement aux autres, je ne me laisse pas intimider.

— Bonsoir, Jérôme.

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