28. Missed you, darling
La pièce est plongée dans un silence religieux alors qu'elle tient sa main, regardant le sang de la plaie que je viens de lui causer tomber à grosses gouttes dans l'eau devenue rose. Cette dernière se reflète à merveille sur son teint caramel rougi par la chaleur de l'eau dans laquelle nous baignons tous les deux.
Quand la réalisation que la blessure n'est pas imaginaire, un peu comme lorsqu'on se pince pour vérifier qu'on ne rêve pas, trouve enfin le chemin de son esprit simple, ses yeux s'arrondissent.
Elle se met à trembler en levant les yeux vers moi.
— Le-Leo... ?
— Il était temps, soupiré-je en laissant tomber le morceau de verre m'ayant servi à prouver mon existence près des autres débris. Je t'ai manqué ? demandé-je en lui souriant.
Moi qui croyais que comprendre que je ne suis pas dans sa tête, mais bien là, la ferait réagir plus que tout à l'heure, je me suis gouré. Elle est immobile, paralysée par le choc... et la peur.
— Tu me regardes comme si j'étais un revenant, plaisanté-je.
Je sais, c'est de bien mauvais goût, surtout dans cette situation, mais son regard paniqué commence à me rendre nerveux.
— Pinocchio ?
Quand je tente de lui toucher le visage, elle repousse ma main en criant et se recroqueville à l'autre extrémité de la baignoire. Sa poitrine se soulève rapidement, ses yeux s'ouvrent encore plus grand et elle se met à bégayer.
— Co-co-co-co-comment ? n-n-n-n-non, c'est impo-po-po-possible- tu es m-m-mort.
— Bah non puisque je suis là.
— M-m-m-m-m-mais- tu-
— Hey, arrête-moi ça, je ne parle pas Neandertal.
Elle tente de contrôler sa respiration. Cela prend près d'une minute, mais sa poitrine se soulève moins vite et on dirait que l'ordre commence à s'établir dans ses pensées.
— Ils m'ont dit que tu étais mort...
Enfin.
— Qui ça ?
— The Players ?
— Oh...
En fait, je ne suis pas vraiment surpris. Très peu de gens savent que j'ai survécu au massacre de Capri. Seuls ma mère, Violet, Jay, Serena qui m'a sauvé la vie et maintenant Heidi sont au courant.
Mon petit frère aussi, le moment venu.
— Non, j'ai survécu. À peine..., marmonné-je pour moi-même en touchant mon cou encore en train de cicatriser.
— Mais- pourquoi tu ne l'as dit à personne, tu es dans la liste des victimes. Ils en ont même parlé aux nouvelles.
— J'ai estimé que ce n'était pas plus mal qu'on me croit mort. Après tout, les gens savent que j'étais derrière ce massacre. Annoncer que je suis en vie aurait été du suicide. De plus, maintenant que Leonardo Ricci est mort, je peux être celui que je veux et faire ce que je veux.
— Ce que tu veux ?
Je la regarde et lui sourit. Heidi rougit quand mes yeux détaillent son corps et comme si elle venait de réaliser que nous sommes tous les deux nus dans la baignoire, elle couvre le haut ce de celui-ci avec ses mains.
J'ai toujours maintenu une certaine distance émotionnelle avec elle, de peur que mon affection pour elle la mette en danger. Maintenant que je suis « mort », je peux l'avoir comme j'ai toujours voulu l'avoir.
Elle et tous ses vices.
— Que s'est-il passé ? finit-elle par demander. Pourquoi avoir tué tout ton clan ? Qui t'a fait ça ? enchaine-t-elle en touchant son propre cou.
Alors Adam ne lui a pas dit ce qu'il a fait... intéressant.
Je soupire.
— Longue histoire. J'ai pas envie d'en parler, ce dont j'ai envie c'est...
Je me penche un peu pour attraper son poignet et l'attirer à moi. Surprise, elle pousse un couinement dont l'écho rebondit contre le carrelage de sa salle de bain. Puis, je l'assois entre mes jambes, son dos reposant contre ma poitrine avant d'envelopper son corps de mes bras.
Aussitôt, elle tente de se défaire de moi.
— Leo, qu'est-ce que tu fais ?!
— Quoi ? Je ne t'ai pas manqué ?
— Non, pas du tout, ment-elle en se tortillant. Même que j'étais contente que tu sois mort-
Quand je resserre ma prise autour d'elle et que j'approche mes lèvres de son oreille, elle fige.
— Menteuse, susurré-je.
Ses oreilles tournent au cramoisi et elle baisse la tête. Mon sourire regagne mes lèvres, j'aime quand son corps parle pour elle, j'aime lire en elle comme dans un livre ouvert.
Je dépose un baiser sur son épaule.
— Moi tu m'as terriblement manqué, Pinocchio.
Elle frémit et ses ongles qu'elle avait plantés dans mes avant-bras se relâchent, elle fond littéralement dans mes bras. La tête toujours baissée dans le vain espoir que je ne vois pas le trouble sur son visage (pas de bol, il y a un miroir en face de nous), elle me demande :
— Ce que tu m'as dit... avant de partir...
Oh...
— Quoi ?
— Tu sais...
Je souris l'espace d'une petite seconde.
— Non, je vois pas de quoi tu parles.
— Mais-
Elle lève la tête et voit notre reflet dans le miroir. Puis la déception apparaît sur son visage.
— Laisse tomber, j'ai dû m'imaginer des choses. J'ai cru que tu m'avais dit...
Elle ne finit pas sa phrase et baisse la tête, couverte de honte cette fois.
— Je t'aime.
— Oui, c'est ça-
Elle redresse sa tête et ancre de nouveau son regard dans le mien à travers le miroir.
— Attends, redis-le ?
— Je t'aime, répété-je en la regardant à travers la glace, en la regardant droit dans les yeux pour la première fois.
Un petit sourire se dessine sur son visage et elle laisse sa tête retomber sur mon torse et ferme ses yeux. On dirait un mourant qui a entendu ce dont il avait besoin pour partir en paix. En parlant de mourant, elle a l'air au bout de sa vie, épuisée par de longs mois d'angoisse. Ça a dû être difficile, elle qui s'est toujours reposée sur moi, a toujours été immature, un peu conne et insouciante parce qu'elle savait que d'une manière ou d'une autre je gérais, elle a dû prendre des responsabilités du jour au lendemain. Elle a même emménagé seule.
Alors, pour lui communiquer que je suis là maintenant, qu'elle peut se reposer sur moi comme avant, je me saisis du savon, mousse son gant de bain et entreprenant de laver son corps meurtri moi-même.
— Où étais-tu ? demandé-je en frottant délicatement ses bras.
— Vegas, répond-elle les yeux toujours fermés.
Vegas ?
— Avec Adam ?
— Oui.
— Vous l'avez trouvé ? Le 21.
Elle hoche la tête.
— Il a joué ?
— J'ai joué.
Oh...
— Et ?
— J'ai gagné.
Mon visage se fend d' un sourire malgré moi quand je me rappelle comme il avait été difficile de venir à bout de Jack. J'ai toujours su au fond qu'Heidi était loin d'être stupide. Elle a juste choisi de déconnecter son cerveau parce que je réfléchissais déjà pour deux.
— That's my girl.
Elle sourit, les yeux toujours fermés. Alors que mes mains se promènent sur son corps, je constate comme il a changé. Elle a maigri depuis la dernière fois qu'on s'est vu, elle a pris du muscle, elle s'est coupée les cheveux, avant ils lui arrivaient aux fesses quand ils étaient mouillés.
Elle a changé.
Mes mains remontent son corps jusqu'à ses seins que je prends dans mes mains et caresse tout en lui baisant la nuque. J'ai envie d'elle. J'ai besoin d'elle.
Mais elle ne réagit pas à mes attouchements.
— Pinocchio ?
Je tourne son visage vers moi et constate qu'elle s'est assoupie.
Le pire sentiment, c'est de se réveiller d'un beau rêve et réaliser que ce n'était que ça ; un rêve.
C'est ce que je ressens quand j'ouvre les yeux, réveillée par de chauds rayons de soleil perçant mes rideaux. Je suis dans mon lit froid et non dans les bras chauds de Leonardo.
Me revient alors l'envie de pleurer, mais aussi de me recoucher pour retourner là-bas, dans le pays des songes, là où Leo n'est pas mort. Sentant l'angoisse et la détresse croître en moi, je me lève et vais chercher une cigarette pour me calmer.
Habituellement, je ne fume pas à l'intérieur de peur d'embaumer l'habitacle, mais ce rêve m'a mise dans un tel état de douleur que j'ai besoin d'apaiser ma souffrance au plus vite.
Quelques bouffées et déjà, la nicotine se répand dans mes veines, mon rythme cardiaque ralentit, mon cœur cesse de me faire mal.
La porte de ma chambre s'ouvre soudainement. Dans mon état psychologique, je n'ai pas le temps de réagir de manière à me défendre contre l'intrus, je ne fais que tourner la tête pour voir de qui il s'agit.
Leo.
Leo vivant.
Leo surpris.
Leo en colère.
Leo qui fonce vers moi et me retire la cigarette de la bouche.
— Hier, je n'ai rien dit parce qu'il y avait plus important, mais c'est quoi ça ?! Ça tourne pas rond dans ta tête ou quoi ?! Qui t'a autorisée à fumer ? Combien de fois est-ce que je t'ai dit qu'ils mettent toutes sortes de saloperies dans ces trucs ? demande-t-il en brandissant la cigarette qui se consume entre ses doigts, relâchant sa fumée toxique. C'est mauvais pour tes poumons, tu peux choper une tonne de cancer avec ça ! Et on en parle de l'odeur ?! Tu veux empester la cheminée, c'est ça ? En plus, ça va te vieillir et rendre tes dents jaunes, et tu seras accro. Putain Heidi, je suis juste parti deux mois, pourquoi faut-il que tu sois toujours aussi-
Quand il lève enfin les yeux de la cigarette pour me regarder, il constate que mon visage est trempé de larmes, ce qui le trouble.
— Conne...
La seconde d'après, je dévore la distance entre nous et me jette à son cou en réalisant que je n'ai pas rêvé... Leo est bien vivant, toujours aussi chiant, mais vivant.
Il est pris par surprise, coupé en plein sermon, alors il prend quelques secondes avant de refermer ses bras autour de ma taille. Je resserre ma prise autour de lui, et il me laisse sangloter dans le creux de son cou. Mes larmes imbibent son bandage, je le sens même trembler, mais il ne me lâche pas.
— S'il te plait, me fais plus jamais ça...
— Plus jamais, promet-il.
— Ne pars plus comme ça...
— D'accord.
— Ne me laisse plus.
— Promis.
Je ne sais plus quoi lui reprocher, alors je lui dis ce que je n'ai pas osé lui dire hier, car je baignais encore dans mon orgueil.
— Tu m'as manqué, Leo.
— Toi aussi, tu m'as manqué Pinocchio.
Il finit par me déposer au sol et regarde sa montre.
— Je t'ai fait à déjeuner, mais je n'ai pas eu le cœur de te réveiller, alors le temps a passé, tu as cours dans 20 minutes.
Mon sourire s'évanouit. Leo après avoir tué ce moment magique qu'on était en train de partager me tourne le dos pour aller enfiler un t-shirt. Je regarde le tatouage de lion qui recouvre tout son dos, puis le motif en plus petit sur mon doigt et un sentiment de sécurité m'envahit. Je m'approche de lui et lui fait les yeux doux.
— On peut faire une exception. On peut déjeuner ensemble... passer la journée ensemble.
Il enfile son t-shirt dans son jeans et attache sa ceinture.
— Hors de question. La deuxième année est plus difficile que la première. Tu ne manqueras pas un seul cours tant et aussi longtemps que je respire.
Je râle. Je râle, mais même ça, ça m'avait manqué.
Leo se tourne vers moi, s'approche et prend mon menton avant de caresser mes lèvres de son pouce
— Mais si tu veux, je peux te déposer à l'université. Je viendrai te chercher ce soir et on pourra passer du temps ensemble.
Je fais un pas, de manière à coller ma poitrine contre la sienne.
— Et on fera quoi, docteur Ricci ?
Il éclate de rire quand je l'appelle par son nouveau titre. Leonardo Ricci IV, docteur en astrophysique. Il se penche et chuchote :
— On regardera un film.
Je dois tenir mes ovaires en laisse pour ne pas lui bondir dessus quand je comprends le sous-entendu. Leo me presse pour que je me dépêche de me préparer. 10 minutes plus tard, je suis dans ce que je devine être une nouvelle voiture, assise dans le siège passager alors que Leo conduit, lunettes de soleil aux yeux.
Avant c'était pour éviter qu'on découvre notre couple.
Maintenant, c'est pour éviter qu'on découvre qu'il est en vie.
Moi ça me va, ça le rend sexy.
— Tu vas arrêter de me fixer comme ça ? J'ai l'impression d'être un bout de viande.
— C'est juste que... c'est comme avant. Tu n'as pas changé.
— Toi tu as beaucoup changé. Que t'est-il arrivé ? ajoute-t-il en jetant un coup d'œil sur mon corps.
— Je me suis donnée à corps perdu dans l'entrainement et les missions alors j'ai fondu un peu.
— Mais... tes adorables joues... et ton ventre et tes cuisses- je vais dormir où moi maintenant ?! Attends, tu as perdu combien de poids ? demande-t-il, dévasté.
— 10 kilos.
— 10...
Il blêmit, son regard se perd sur l'horizon, comme s'il vient de se dissocier de lui-même. Une larme, une seul roule le long de sa joue droite. Je n'ai jamais vu Leonardo pleurer de toute ma vie, alors en voyant ça, l'angoisse commence à monter en moi.
— Leo-
Il me repousse quand je tente de le toucher et tend le bras pour me maintenir à distance.
— Ne me touche pas... je suis en deuil, dit-il d'une manière théâtrale comme s'il s'agissait d'une tragédie.
Je me retiens de rire, roule les yeux et lui laisse le temps de faire le deuil de mes 10 kilos, mes joues et mes coussinets intégrés.
— Alors c'est fini ? demandé-je pour changer de sujet.
— Hm ?
— La première nuit... à l'hôtel, quand on a conclu notre accord. Tu avais dit que tu avais des ennemis qui t'empêchaient de vivre l'esprit en paix. Maintenant que tu as tué ta famille et leur associé, c'est fini ?
Il soupire.
— Non. Pas encore. J'ai échoué, j'ai laissé un survivant me filer entre les doigts, probablement le pire parmi eux, après mon grand-père.
— Matteo Ricci.
Il descend son regard dissimulé derrière les verres fumés sur moi, intrigué.
— Oui... comment tu sais ?
— The Players nous a informés que seules deux personnes avaient survécu à l'attaque, dont Matteo. Et puis on l'a croisé à Vegas.
Leo pâlit et manque de rentrer dans la voiture devant nous.
— Quoi ?!
— Il était aussi sur la piste de Jack. Il a joué avec nous. Adam et lui ont même eu une altercation au sujet de James et de toi.
— De moi ?
— Oui... il a dit qu'il t'avait trahi et que ça avait causé la mort de James et Giulietta. Mais après, il s'est mis à lâcher des inepties, il parlait d'une catin.
— Bordel de merde.
Il serre le volant dans ses mains et ses veines gonflent à vue d'œil.
— Qu'est-ce qu'il y a ? m'enquiers-je, n'étant pas habitué à voir Leo hors de lui.
— Adam est en danger.
— Quoi ?
— Si Matteo sait qu'Adam est le fils de James, alors il a compris qu'il a un lien avec ton organisation. C'est sûr qu'il est en train de le traquer en ce moment même. Merde... en fait, c'est sur qu'il sait que vous êtes tous les deux des Players.
— Non, on a utilisé de fausses identités.
— Il sait.
— Comment ?
— Quand je vous traquais encore pour mon père, on est tombé sur une scène de crime suite à un de vos assassinats.
Je cherche dans ma mémoire et me rappelle de la sensation du fil de fer creusant mes mains, de sa lutte pour l'oxygène, de la vie qui a quitté son corps petit à petit.
— Les Hunters ?
— Oui... merde ! J'ai donné une description détaillée de toi au FBI, mais Matteo était présent. Si en plus il vous a vu sur la moto d'Adam, c'est sûr qu'il a compris.
— T'as fait quoi ?!
— Longue histoire. J'avais pas le choix. Est-ce qu'il y a autre chose qui pourrait le faire trouver votre trace ?
— N -non... je crois pas. Nous avons utilisé de fausses identités et-
Je m'arrête en plein propos quand je me rappelle d'un détail. Leo à qui rien n'échappe remarque la panique naissante en moi. Il s'arrête dans un des stationnements temporaires qui bordent l'université et se tourne vers moi.
— Quoi ?
— Oh oh...
Il me prend par les épaules et me secoue.
— Quoi Heidi ?!
Je lève les yeux vers lui.
— J'ai dit à Jack que j'avais déjà gagné contre toi au poker. Matteo était là.... Oh non... Tu crois qu'il a compris que nous sommes proches ?
Leo tombe des nues.
— « Tu cRoiS qU'Il A coMpRIS QuE NoUS SoMmES PRocHeS ? », m'imite-t-il d'une voix caricaturale, pour que j'entende moi-même comme ma question est débile. À ton avis ?!
— Euh...
Je ne trouve rien à répondre pour ma défense. Sur ce coup, j'ai vraiment merdé. Leo, plus excédé que jamais enchaine avec une pique comme toujours :
— T'as beaucoup changé, mais niveau bagage intellectuel je vois que tu voyages toujours aussi léger.
J'ouvre la bouche pour m'offusquer mais quand il retire ses lunettes et que son regard sévère croise le mien, je baisse la tête.
— Toutes ces années passées à te protéger, toutes ces nuits sans sommeil pour que tu- Je t'ai laissée un été sans surveillance, un seul, Heidi.
Il soupire, s'écroule dans son siège et tient son visage dans sa main. Le silence devient pesant, de même que ma culpabilité.
— Désolée..., vacille ma voix.
Il me regarde, se tourne de nouveau vers moi et cueille la larme qui avait commencé sa course sur ma joue.
— Ça va. Je sais que tu as fait de ton mieux. Je vais m'en charger, ne t'en fais pas.
— Vraiment ?
Il hoche la tête et s'excuse de m'avoir crié dessus.
— Et Adam alors ? Il faut le prévenir.
Il semble réfléchir, regarde droit devant lui, fronce les sourcils et un rictus chatouille le coin de sa lèvre. Il pointe devant lui du doigt.
— Oui, mais pour l'instant, Adam a un problème bien pire que mon cousin sur les bras.
Elle touille, touille et touille encore son thé dans sa tasse, sans le boire, sans rien dire, le visage serein. Je n'ai pas arrêté de la détailler ce matin, comme si je regardais une totale inconnue.
Comme si je ne regardais pas ma propre mère.
Je ne sais même pas par où commencer, j'ai tant de questions et l'intime conviction qu'elle fera tout pour ne pas me donner de réponse claire. Mais elle doit savoir non ? Elle doit avoir compris que j'ai eu ce que je suis allé chercher, que je sais.
Fatigué de jouer au roi du silence, je prends la parole.
— Tu comptais me le dire quand ?
— Jamais.
Je suis étonné par la rapidité de sa réponse, à croire qu'elle l'a prédit, qu'elle a prédit toute la conversation qu'on va avoir. Elle est en total contrôle et ça se sent.
— Alors... tu savais depuis le début...
— Bien évidemment, dit-elle en portant son thé devenu froid à ses lèvres.
— C'est pour ça que tu ne me questionnais pas quand je m'absentais.
— Précisément.
— Pourquoi tu n'as rien dit ?
— Jérôme m'a conseillé de ne pas le faire.
Quand elle prononce son nom, les bras m'en tombent, même s'il fallait s'attendre à ce qu'elle connaisse toutes nos identités. Cet enfoiré de Jérôme. Il se fout de moi depuis le début. Même elle, ma propre mère, aveugle qui plus est, m'a fait tourner en bourrique pendant près de 4 ans. Je n'en reviens pas.
— Est-ce que-
— Tu vas être en retard à l'école non ? me coupe-t-elle.
— Oui mais-
Elle se lève.
— Va en cours, on parlera ce soir, ordonne-t-elle, le regard dans le vide.
Elle se rend jusque dans la cuisine, lave sa tasse et retourne dans sa chambre.
Je soupire.
Super, j'ai fait tout ça pour avoir plus de réponses et maintenant que j'ai plus de questions que jamais, elle continue d'être une tombe.
Bon, mine de rien, elle a raison. Je vais être en retard si je ne quitte pas maintenant. Peut-être que je devrais faire comme Heidi et me trouver un logement étudiant près du campus. Je n'aurais pas à me lever à 4h du matin tous les jours.
Je termine de déjeuner, récupère mon sac et mon casque et sors de chez moi pour me rendre à l'université.
Après l'heure et demie de route, j'arrive à l'université. Je descends de ma moto que j'ai stationnée entre deux voitures. L'avantage, c'est que je n'ai pas à payer de place de stationnement, il me suffit de me glisser entre deux voitures.
Je retire mon casque et m'étire. Mes blessures résultant de la course poursuite avec Jack à Vegas me font encore mal, car je me suis servi de mon corps pour protéger Heidi et absorber tous les impacts. Je n'arrive pas à croire qu'hier encore je jouais à côté d'un tigre et ce matin je dois aller en cours d'informatique.
Ma vie ne fait vraiment aucun sens.
Je me demande si Heidi est déjà là.
J'étais tellement obnubilé par l'interrogatoire que je préparais à ma mère que je ne lui ai pas envoyé de message ce matin. Je sors mon téléphone et la cherche dans mon historique avant de lui demander si elle est déjà arrivée et si elle veut que je passe au café coop pour lui prendre un café, car je sais qu'elle a du mal à se réveiller le matin.
— Adam ! s'exclame une voix féminine derrière moi.
Certain qu'il s'agit d'Heidi, je me tourne, mais reste sans voix quand je vois celle qui se tient en face de moi, cheveux blonds encadrant élégamment son visage, un grand sourire aux lèvres, les yeux bleus en cœur.
— Serena ?
Son visage pétille quand je prononce son nom et elle me saute dessus, scellant nos lèvres. D'abord, je me crispe, surpris, dans l'incompréhension totale. Je referme mes bras autour de sa fine taille et lui rend son baiser avant de mettre un peu de distance entre nous. Je la regarde, perdu, troublé et elle bat des cils, comme une ravie de la crèche.
— Qu- qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je suis venue pour toi, affirme-t-elle comme si c'était une évidence.
Les pensées s'embrouillent dans mon esprit. J'ai déjà ma mère à gérer et maintenant elle...
— Co-comment tu m'as trouvé.
Au lieu de me répondre, son sourire passe d'innocent à calculateur.
— Tu croyais que tu pourrais m'échapper ?
Un frisson me parcourt.
— Mais-
— Adam ?
Oh non...
Serena toujours dans mes bras, je lève le regard pour apercevoir Heidi que je n'avais pas vue s'approcher. Elle nous regarde étrangement Serena et moi et à en voir le choc sur son visage, elle a dû tout voir.
— C'est qui cette fille ? me peste-t-elle, déjà énervé.
J'ouvre la bouche pour m'expliquer, mais ne trouve pas les mots. Mes yeux ne font qu'alterner entre Serena qui me tient de toutes ses forces et Heidi qui semble blessée par ce qu'elle est en train de voir.
— Je... c'est....
C'est alors que derrière Heidi apparait quelqu'un. Il pose son bras autour des épaules d'Heidi et retire ses lunettes. Mon sang se refroidit dans mes veines.
Qu'est-ce que...
Quand il voit que je l'ai reconnu, un sourire des plus malsains fend son visage. Il répond alors à la question d'Heidi à ma place.
— Heidi, je te présente, Serena ; la nouvelle petite amie d'Adam. Serena, voici Heidi ; ta rivale.
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