22. Falling Again
La claque me prend par surprise, tant elle était soudaine et forte, m'arrachant un hoquet couplé à un sursaut. Je n'ai même pas le temps de m'indigner que la porte est claquée derrière moi.
Espèce de...
Me traîner dans le club comme un objet c'est une chose, mais ça, c'est juste inacceptable. J'aurais dû le mettre K.O en même temps que Bailey.
Je soupire, reprend mes esprits, rassemble mon courage et avance. Dis comme ça, c'est une tache aisée, mais pas du tout.
Je me suis entraînée en mettant mon corps à l'épreuve de condition extrême de force et de flexibilité avec comme objectif principal le combat rapproché, pas le striptease en talons hauts et en petite tenue qui s'enfonce dans toutes les craques de mon corps.
Comme si ça ne suffisait pas, je dois maintenir le plateau rempli d'alcool, de verres et de glace en équilibre jusqu'à la table qui pourrait être à l'autre bout de la terre que la tâche serait tout aussi pénible.
Mes jambes tremblent, mes muscles stabilisateurs que je n'ai pas l'habitude de solliciter mis à rude épreuve. Je marche lentement, mon regard alternant entre mes pieds de peur de tomber et le plateau qui tangue dans les mains. Je sens une grosse goutte de sueur rouler le long de ma tempe.
De peine et de misère, je parviens enfin jusqu'à la table sans trop me faire remarquer. L'attention des six hommes est soit sur la danseuse assise sur les jambes du troisième en partant de la droite, soit sur la danseuse qui se produit sur un poteau monté sur une scène au rythme d'une musique sensuelle.
Lorsque je dépose lourdement le plateau sur la table, nos invités me remarquent enfin. Quelques-uns de leurs regards lubriques se posent sur mon corps. Je perds alors mon assurance. J'ai toujours eu très confiance en moi, mais jamais je n'ai été disséquée tel un morceau de viande fraîche par six hommes que je sais armés et qui appartiennent sûrement à une organisation criminelle italienne.
Je déglutis.
Je m'apprête à m'introduire quand je sens une main froide mais douce se poser sur mon épaule nue.
— Bailey-
Je me tourne et vois la fille qui dansait sur le poteau qui se tient derrière moi. Quand elle me voit de près, elle me dévisage, voyant que je ne suis pas Bailey.
— Oh... pardon, je t'ai prise pour Bailey.
— Bailey est rentrée, elle ne se sentait pas très bien.
— Je vois... t'es nouvelle ?
— Oui.
— Ok, bah tu dois me remplacer, dit-elle en pointant la scène derrière elle.
Mon regard alterne entre le poteau au métal brillant sous les spots rouges et violets et elle.
— P-pardon ?
Sans me donner d'autres réponses, elle s'approche du comité restreint et se met à ouvrir une des bouteilles que j'ai ramenées avant de servir l'alcool à nos invités. Alors qu'elle fait couler le liquide ambré dans un verre, son regard légèrement menaçant me somme de m'exécuter.
Je dois danser.
Je reprends ma démarche du bébé faisant ses premiers pas sur mes vertigineux talons. Comme si je n'avais pas déjà le vertige à cause de la hauteur, le trac vient me saisir à l'idée de devoir performer, devant public et risquer de griller ma couverture. La musique de bien mauvais goût fini de me donner la nausée alors que je monte les marches menant à la scène.
Une fois sur celle-ci, je suis aveuglée par les projecteurs de couleur braqués sur moi. Je vois à peine à plus d'un mètre. J'arrive avant devant le poteau que je prends dans mes mains.
Il est plus glissant que ce que je croyais. Je me suis toujours imaginé que ces poteaux étaient faits d'un métal spécial, suffisamment rugueux pour permettre aux danseuses de s'y tenir aussi facilement. Du tout, ce sont des poteaux de métal, tout ce qui a de plus normal, et ces danseuses qui font paraître leurs performances si faciles sont en réalité des athlètes.
Okay, faut que je me calme. Je vais y arriver, c'est juste une barre de métal. C'est exactement comme les entraînements de gymnastique à la barre que tu fais avec Senri... sauf que là, la barre est verticale, il n'y a pas de tapis au sol pour amortir une potentielle chute et je dois le faire en talons.
Bordel.
Je me ressaisis, consciente que mon échec ferait tout foirer. Prudemment, je commence à tourner autour du poteau, exécute quelques déhanchés vulgaires et sans doute un peu clichés sur le rythme de la musique, balance ma tête en arrière de temps à autre. Puis avec le temps, je me laisse emporter par la musique et y mets un peu plus de cœur, un peu plus de cul aussi.
Je fais même un grand écart avant de me relever et de me hisser sur le poteau. Usant de toute la force dans mes jambes, je laisse le haut de mon corps descendre pour me retrouver tête en bas sur le poteau.
Bien qu'à l'envers, je vois un peu mieux ce qu'il se passe en face de moi. La première fille qui était assise sur l'un des hommes n'est plus dans la salle. La danseuse de tout à l'heure a pris sa place et semble répondre aux questions des hommes qui ne me portent que très peu attention. D'ici, je n'entends pas ce qu'ils disent, mais je peux voir que celui qui semble être leur leader est frustré.
Sans doute n'ont-ils, comme nous plus tôt, rien trouvé en questionnant les danseuses qui ont défilé à tour de rôle. Aucune danseuse n'est entrée après moi. Je dois être la dernière qui n'a pas encore passé leur interrogatoire.
Trop concentrée à essayer de saisir tout ce qu'il se passe de leur côté de la salle, je fais un faux mouvement, la force dans mes muscles se relâche et je tombe la tête la première contre le sol de la scène en poussant un cri.
Au sol, je me tords de douleur en geignant après ma chute de près deux mètres. Je regarde mon avant-bras donc je me suis servie pour protéger ma tête au moment de l'impact et j'y vois une énorme marque.
— Aouch...
Une fois que le choc et la douleur se résorbent un peu, je me rappelle que je suis tombée d'un poteau, que je suis sur une scène et que j'ai un public. Public qui a à présent tous les yeux rivés sur moi après ma bourde.
Oh non...
Je suis catastrophée, non seulement d'avoir échoué et attiré l'attention pour de mauvaises raisons, mais en plus parce que c'est totalement la honte. Je n'ose même pas me relever.
La musique s'arrête d'un coup et j'entends alors les voix des hommes qui parlent en italien. Leur leader indique à la danseuse qu'ils ont questionnée pendant tout mon fiasco de spectacle de quitter la pièce.
Elle semble confuse, mais ne se le fait pas demander une seconde fois. Elle s'enfuit, me laissant seule avec les six hommes qui n'ont à présent d'yeux que pour moi dans ma misérable position, dans ma misérable tenue.
— Toi.
Je frissonne.
— Approche.
Je me relève en m'aidant du poteau traître avant de descendre très lentement les escaliers et de tituber jusqu'à eux. Ils semblent amusés par mes déboires.
Les hommes aiment voir les femmes souffrir, ça leur procure un plaisir sexuel. En particulier les femmes qu'ils font souffrir eux-mêmes ou qui les supplient de mettre fin à leur souffrance. C'est pour cela que la demoiselle en détresse est leur type de femme préféré, c'est pour ça qu'ils veulent sortir avec des femmes jeunes qui n'ont pas encore été détruites par d'autres hommes, pour avoir eux-mêmes l'honneur de les détruire, c'est pour ça que certains d'entre eux sont violents au lit et que le viol est une catégorie de porno populaire.
En tout cas, mes grimaces de douleur causée par les talons et ma chute semblent les ravir. Je ne sais pas quoi dire, alors quand je vois qu'il ont vidé leur verre, je m'affaire à les resservir. Alors que je fais la tournée, interrompue quelques fois par des mains baladeuses et calleuses, leur leader me fait signe que ça suffit. Je dépose la bouteille et me redresse.
Il doit faire la fin quarantaine, blond aux yeux bleus. Les autres sont tous bruns, un seul a les yeux bleus comme lui alors que les autres ont les yeux sombres.
— Bonsoir, je ne me suis pas encore introduite, mon nom est Bailey.
Le leader me fixe, son regard perçant me déstabilise un peu.
— Bailey... es-tu aussi gourmande que ton nom ? commente celui à sa droite en caressant le site de son sexe.
Les autres se mettent à rire, tous sauf le leader que je n'ai pas vu sourire une seule fois de la soirée. Seul lui semble prendre sa mission au sérieux.
Je me retiens de lever les yeux au ciel, accablé par la lourdeur de son commentaire.
— C'est peut-être parce qu'elle est trop gourmande qu'elle est tombée du poteau.
Les rires gras reprennent.
Je me sens rougir quand ils remettent mon humiliante chute sur le tapis, baisse la tête et couvre mon corps de mes bras par manque d'assurance.
— Le prochain qui se moque d'elle aura affaire à moi.
Je lève la tête, surprise d'entendre leur leader prendre ma défense. Lui ne m'a toujours pas lâchée du regard, mais cette fois, c'est sur mes avant-bras marqués par ma chute qu'il s'attarde.
— Vous vous êtes fait mal ?
L'étonnement me laisse muette. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se souci de mon état.
— Euh... un peu. Mais ce n'est rien... j'ai l'habitude.
— De chuter ? demande-t-il perplexe.
Je réalise mon erreur. Si je suis une danseuse, je ne devrais pas avoir l'habitude de chuter. Je tente de me rattraper.
— Oui... je suis nouvelle. C'est seulement ma deuxième semaine.
— Je vois. Mademoiselle...
— Bailey, lui rappelé-je.
— Mademoiselle Bailey. Vous m'avez l'air un peu jeune pour travailler dans un endroit comme ça, non ?
— Vous trouvez ? Avant j'étais serveuse dans un des restaurants d'un hôtel de luxe, mais ça ne payait pas assez bien.
Il m'examine toujours, l'air peu convaincu, mais se détend un peu.
— Bon, je ne vais pas vous retenir longtemps. Mes hommes et moi sommes à la recherche d'un casino clandestin.
— Il y en a pas mal ici.
— On sait, mais celui-là est tout particulier. On dit que c'est le seul casino où les sommes atteignent des montants inégalés ailleurs, qu'on peut même y parier autre chose que de l'argent, tel que des biens de collection, des informations et même des gens, se serait l'endroit où les plus grands mercenaires du monde vont se divertir et seuls ceux ayant eu un accès peuvent y entrer.
— Hum... j'avoue que ça ne me dit pas grand-chose...
L'homme le plus à droite soupire.
— Tu vois Vito ? Je te l'avais dit qu'on ne pourrait rien tirer à faire le tour des clubs de danseuses.
Leur leader, Vito, lui ne semble pas perturbé.
— On dit aussi que le patron du 21 organise les fêtes les plus démentielles durant lesquelles son casino devient un lieu de débauchent où argent, alcool et femmes coulent à flots. Bien évidemment, il engage des danseuses exotiques qui viennent sans doute d'autres institutions comme celle-ci. Mais si vous êtes nouvelle, je suppose que vous ne vous êtes jamais produite à un de ces événements.
Je secoue la tête. Lui aussi semble désespéré maintenant.
— En avez-vous déjà entendu parler, par l'entremise d'une collègue ou d'un de vos clients par exemple ?
— D'une collègue, non. Les conversations que nous avons avec nos clients sont plutôt de l'ordre de l'intime. On parle de leurs désirs en plus de les assouvir, parfois quand ils sont saouls, ils nous parlent de leurs vies personnelles, de leurs femmes qu'ils sont en train de tromper, mais pas de casino.
Vito soupire, dépose son verre et se lève.
— Bien, nous en avons donc fin-
— Par contre dans mon ancien boulot de serveuse les conversations que j'interceptais étaient comment dire... un peu plus pertinentes.
Il s'arrête dans son élan et se retourne vers moi. J'ai capté son attention.
— Qu'entendez-vous par pertinentes.
— Eh bien souvent des hommes se retrouvaient pour parler affaire autour d'un dîner. Parfois, c'était pour les petits commerces du coin et parfois c'était de gros investisseurs et bien sûr beaucoup de patrons de casinos.
Vito se rassoit et croise ses jambes.
— Continuez.
Je regagne un peu en assurance. Danser et faire des acrobaties, je ne peux pas, mais mentir et inventer des histoires, ça je sais faire.
— Maintenant que vous le dites, je me rappelle qu'une fois un groupe d'hommes s'était réuni pour parler d'un événement similaire à celui que vous m'avez décrit. Un événement dans un casino spécial.
— Un casino spécial ?
— Oui... le nom du casino c'était... oh c'était le 21 si je me souviens bien.
À la mention du nom de l'endroit que nous recherchons tous, leurs visages s'illuminent.
— Qui étaient-ce, ont-ils mentionné des noms ? Des endroits ? De quoi avaient-ils l'air ?!
Oulah...
Ok, bon j'ai pu capter leur intérêt, il faut que je le maintienne sans faire de faux pas. Il faut que je leur serve le mensonge parfait et la recette c'est un soupçon de vérité.
— Hum... j'avoue que je n'ai pas trop fait attention aux noms, mais je crois avoir entendu le nom Cole. Est-ce que c'était Cole ? Je suis plus trop sûre.
Après avoir lâché le nom, je les vois se crisper d'excitation. C'est sans doute la première vraie piste qu'ils sont de leur séjour. Enfin... « vraie piste ».
— Et puis pour leur apparence, ils avaient tous le physique de vieux hommes blancs riches. Cheveux grisonnants. Un parmi eux semblait être le patron du 21.
Je dis vraiment n'importe quoi, mais comme le nom de famille d'Adam semble les avoir intéressés, je poursuis sur cette lancée.
— Il était blond, les yeux bleus, plutôt grand et athlétique malgré son âge. Je me souviens qu'il portait une tenue colorée contrairement aux autres hommes qui était vêtue de noir. Il avait laissé un généreux pourboire.
— Jack..., souffle Vito.
Jack ?
— Vous le connaissez ?
— Non, mais c'est le patron du 21. Sauf que très peu de personnes savent de quoi il a l'air et où le trouver, seul son nom fait sa réputation, me répond Vito. Mais c'est la première description physique que nous avons.
Alors le patron s'appelle Jack... et James Cole doit avoir un lien avec le 21 pour que le nom leur sonne une cloche.
— C'est tout ?
— C'est à peu près tout ce que j'ai entendu oui.
Il hoche la tête l'air d'enregistrer l'information. Puis il se lève de nouveau et tous les autres l'imitent avant de se diriger vers la sortie. Je reste seule avec Vito qui sort sa main de sa poche et dépose d'une liasse de billets sur la table. Un pourboire.
Mes yeux s'écarquillent, il doit y avoir pas moins de 5000 dollars.
— C'est pour vous, merci pour vos précieuses informations, dit-il en prenant ma main avant d'y déposer un baiser. Bonne fin de soirée, mademoiselle Bailey.
Ses yeux espiègles passent sur mon corps et il sourit avant de sortir. Aussitôt qu'il est dehors, je retourne dans la loge de Bailey et reprends mes vêtements avant de sortir. Dehors, je retrouve Adam qui regarde les berlines noires s'éloigner dans le street.
— Adam, t'étais où ?
Il se tourne et me remarque.
— J'ai profité du fait qu'ils étaient à l'intérieur pour pirater le système informatique d'une des berlines et leur coller un traceur. Toi ?
— Je dansais.
Il ricane.
— Ne me dis pas que j'ai manqué ça. Moi aussi j'aurai droit à un show privé ?
Je croise les bras.
— Si tu trouves le Roi.
Il passe sa main sur ma hanche, me présente son téléphone où un petit point rouge se déplace sur une carte et me chuchote en se penchant :
— Compte sur moi.
L'Hotel Wynn de Las Vegas
C'est la dernière adresse émise par le traceur que j'ai installé sur la voiture d'un des hommes. Nous les avons suivis à bonne distance et sommes arrivés dans le stationnement sous terrain de l'hôtel il y a à peine 5 minutes.
Heidi descend de la moto et retire son casque avant de bâiller et de s'étirer.
— Fatiguée ?
— Je suis crevée.
— Pas trop j'espère, tu as un show privé à m'offrir.
Elle sourit et lève les yeux au ciel avant de me lancer son casque que je range dans le compartiment arrière de ma moto. Comme nous sommes directement partis à la poursuite des mafieux italiens, nous n'avons pas pu discuter de ce qu'elle a pu recueillir comme informations. Alors pendant que nous quittons le stationnement et nous dirigeons vers l'hôtel, Heidi me résume la demi-heure qu'elle a passé avec ces hommes.
— Leur employeur n'était pas parmi eux mais il y avait un homme qui semblait être le leader. Il s'appelait Vito. Il semblait en savoir pas mal sur le 21. Plus que nous.
— Quoi par exemple ?
— Il sait qui est le patron du 21. Enfin, plutôt il connaît son nom.
— Quel est son nom ?
— Un certain Jack. Ça te dit quelque chose ?
Je réfléchis longuement.
— Non rien.
— Quand je lui ai fait une description de ce dont pourrait avoir l'air ton père aujourd'hui, c'est le nom qu'il a sorti.
— Mon père ?
— Oui. Je ne sais pas comment, mais ton père est lié à tout ça.
Mais il est mort... Leonardo m'a assuré qu'il était mort. Soit il m'a menti, ce qui est tout à fait son genre, soit il ignorait que mon père est vivant...
Cette nouvelle information me motive encore plus à aller au fond de cette histoire, du mystère autour du Roi, du mystère autour de mon père.
Nous montons et nous retrouvons au rez-de-chaussée.
— Attends-moi ici, je vais trouver dans quelle chambre leur chef reste.
Heidi opine et m'attend dans un coin discret du couloir dans lequel nous nous trouvons. Je reviens un petit quart d'heure plus tard, avec l'information que j'étais parti chercher et une carte magnétique ouvrant la chambre en question. Quand je me représente devant elle, Heidi sourit.
— Va falloir que tu me dises comment tu t'y prends pour te déguiser aussi bien, dit-elle un indiquant l'uniforme de réceptionniste que j'ai sur le dos.
— On ne devient pas le Maître du déguisement en une nuit, c'est des années d'entraînement.
— Le Maître accepterait-il de prendre une disciple ?
— Seulement si tu te déguises en infirmière sexy.
Elle lève les yeux vers moi et je lui offre un sourire complice qui je crois, la fait flancher puisqu'elle serpente vers moi, pose sa main sur ma joue et se met à la caresser. Je me sens déjà bander.
— Adam ?
— Oui, ma Reine ? dis-je en passant ma main sur ses reins, prêt à approfondir le baiser que je sens venir.
Sa main passe de ma joue au postiche que je porte comme moustache et elle me l'arrache d'un coup sec.
— Aouch !
Elle éclate de rire avant de s'éloigner et de coller la moustache sur son propre visage. Ses yeux pleins de malice ne lâchent pas les miens et me font fondre. Je perds le fils et oublie d'être en colère, pris au piège, définitivement amoureux. Elle aussi, je sens qu'elle retombe peu à peu amoureuse au fil des jours.
— Alors ?
— Ils sont dans la 1344, répondis-je en touchant mes babines irritées.
Elle sort son téléphone et semble analyser le plan de l'hôtel.
— Ok, l'hôtel a une forme en U, donc la chambre en face est la 1378.
— La chambre en face ?
— Fais-moi confiance.
Elle quitte la petite cachette et s'engage dans le couloir jusqu'à l'ascenseur menant au treizième. Nous montons, descendons à l'étage 13 et marchons. Nous passons même la suite 1344 avant de tourner et de nous retrouver devant la 1378.
— Comment tu comptes entrer ? J'ai pris la carte pour la chambre 1344 moi.
Elle se contente de toquer très fort en criant « service aux chambres ». Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre. Un homme apparaît dans le cadre de celle-ci et sans la moindre forme de cérémonie, Heidi l'assomme avant de s'introduire dans la chambre.
Ok...
À mon tour, j'entre, traîne le corps de sa victime vers l'intérieur et referme la porte derrière moi. Je trouve Heidi en train de s'affairer près de la baie vitrée donnant vue sur la façade de l'hôtel qui fait face à la chambre dans laquelle nous nous trouvons. Elle fait des aller et retour entre la baie devant laquelle elle a installé un petit appareil et l'ordinateur auquel l'appareil est connecté. Elle tapote sur un ordinateur que je devine être celui de l'homme étalé au sol.
Je m'approche.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je cherche à entendre ce qui se dit dans la chambre 1344. Les agresser ne nous donnera pas les informations dont on a besoin.
— Je vois. Mais ça n'aurait pas été plus simple d'entrer dans une des chambres à côté ?
— Trop risqué. Et puis les murs de ce genre de suite ont probablement un isolement acoustique, pour l'intimité des clients.
— Je vois mal comment tu entendras mieux d'ici, à plus de 30 mètres de distance
— Avec ça, dit-elle en appuyant un bouton sur l'appareil d'où un petit faisceau vert jaillit.
— C'est quoi ?
— Un laser.
Comme je ne comprends toujours pas ce qu'elle a derrière la tête, elle précise.
— Le son c'est des vibrations et la lumière est très sensible à toute perturbation de son champ électromagnétique, notamment les vibrations.
— Ok ?
— En projetant un laser directement sur là baie vitrée de la chambre 1344, on captera la moindre vibration causée par le son qui y est émis. Le laser va littéralement transformer le son en vibrations. Ensuite, il suffira de retransformer les vibrations du laser en vibration sonore.
Je comprends ce qu'elle veut dire, mais ça me semble quand même un tout petit peu tiré par les cheveux.
— Et comment tu t'y prends pour la reconversion ?
Elle me présente son ordinateur. J'y vois un site internet où un graphique montrant des ondes est visible.
— C'était un des trucs que Leo faisait pour le plaisir ou quand il s'ennuyait. Il construisait des télescopes de A à Z, faisait des petites locomotives, et une fois il m'avait parlé d'un système qu'il mettait en place pour écouter avec un faisceau laser. À l'époque, ça ne m'intéressait pas et je n'avais rien compris.
— Oh... c'était un putain de génie.
— Oui... mais j'ai compris ce qu'il m'expliquait grâce à toi.
— À moi ?
— Quand on révisait pour le contrôle de physique sur les ondes et que tu m'as expliqué le fonctionnement des vibrations et leurs interactions avec le champ électromagnétique, ça a tilté et c'est resté dans un coin de ma tête. Et voilà...
Elle augmente le volume de l'ordinateur. Des voix nous parviennent alors, certes un peu étouffées et difficilement distinguables, mais nous entendons bien les conversations que les gens de la 1344 sont en train d'avoir.
Parmi les voix, j'en reconnais une que j'ai entendue une seule fois dans ma vie, en Italie. Celle de celui qu'ils appellent leur chef.
Matteo Ricci.
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