18. Happier than ever

Le puissant moteur vrombit, faisant vibrer les poignées du guidon autour desquelles mes mains sont. Je le coupe et le grondement de ma moto laisse place au calme de notre paisible quartier de banlieue.

Au loin, une tondeuse se fait également entendre, d'où l'effluve d'herbe fraîchement coupée. Notre voisine qui porte un large chapeau de paille est en train de jardiner, des enfants jouent au basket dans la vue et un couple passe en rollers.

Cette vision me fait un bien fou, car elle confirme que je suis bien de retour chez moi.

Je descends de ma moto, retire mon casque, secoue mes cheveux trempés de transpiration due à la canicule, récupère mon sac de voyage, retourne le signe de main que ma voisine me lance et me dirige vers l'entrée de chez moi. Alors que je m'apprête à insérer la clé pour y avoir accès, la porte s'ouvre d'elle-même.

Ma mère apparaît au pas de celle-ci, frénétique.

— Adam...

Au son des trémolos de sa voix, je comprends que son empressement à m'accueillir n'est pas dû au bonheur seul de me revoir, mais à la peur qui l'a rongée pendant mon absence.

Celle de m'avoir perdu.

Au cours des deux derniers mois, je ne suis entrée en contact avec personne : pas Heidi, pas mes amis, mes coéquipiers et même pas elle. Maintenant que j'y pense, j'étais tant obnubilé par ma vengeance que je n'ai pas pris le temps de lui faire des adieux convenables.

Elle qui m'a toujours traité comme si chaque jour était mon dernier sur terre à cause de je ne sais quelle menace a dû frôler la crise de nerfs quand les semaines sans nouvelles ou signe de vie de ma part se sont enchaînées.

— Maman...

L'alerte laisse place aux larmes sur son visage à l'entente de ce mot. Elle ouvre la bouche l'air de vouloir dire quelque chose, mais les émotions la submergent, les mots ne viennent pas, seulement les larmes et les tremblements de sa lève inférieure. Cela me fend le cœur, de la voir ainsi, constamment à ce soucier de mon intégrité physique.

Une mère doit s'inquiéter de comment se porte son fils, oui, mais une mère de devrait jamais toujours craindre pour la vie de son enfant au point d'en perdre la tête.

Je lâche mon sac qui tombe lourdement au sol et l'enlace pour qu'elle me sente autour d'elle, pour qu'elle entende mon cœur battre à travers mon torse et que ma chaleur l'enveloppe. Elle me serre désespérément contre elle alors que je me retiens de craquer.

— Mon dieu, où étais-tu ?! Je croyais que tu partais pour quelques jours, pourquoi tu ne m'as pas appelée, je me suis imaginé le pire, je croyais que-

Elle ne parvient même pas à formuler son pire cauchemar et s'effondre contre moi, son fils ingrat qui ne mérite pas qu'elle perde le sommeil à cause de lui. À mesure qu'elle pleure et remercie le ciel de mon retour dans mes bras, je suis accablé de culpabilité.

Comment ai-je pu l'oublier alors qu'elle ne respire que pour moi?

Mon besoin de vengeance étant si pesant que tout le reste était insignifiant. Je n'en dormais plus la nuit. L'idée que celui qui s'était joué de moi, qui avait manipulé et fait chanter Heidi et qui en savait beaucoup trop sur The Players se promenait librement me rendait malade.

La sage décision aurait été d'en parler à The Players, mais j'aurais mis Heidi sous le feu des projecteurs pour sa responsabilité dans la catastrophe. Elle aurait payé de sa vie en même temps que Ricci. Et puis je ne voulais pas que Senri ou Moïse aillent à sa chasse, je le voulais pour moi. Je voulais l'exécuter moi-même pour me défaire du gout amer de la trahison qu'il a laissé après m'avoir fait croire que nous étions amis.

Heidi avait raison. Leonardo Ricci a cette manière très particulière de vous corrompre et de vous obséder. Je lui ai reproché d'avoir essayé de maitriser Leonardo toute seule, sans m'en parler à moi ou à The Players et au final j'ai fait la même erreur.

Mais moi j'ai réussi.

— Je suis désolé. J'avais des choses importantes à faire.

Elle fronce les sourcils, l'air de se demander ce que j'avais de si important à faire pour ne plus lui donner de nouvelles pendant plus d'un mois. Je pourrais lui dire, mais j'ai l'impression que ce ne serait pas équitable.

Elle me cache énormément de choses. Même si j'ai eu les réponses à plusieurs de mes questions avec les révélations de Leonardo, je lui en veux un peu de m'avoir gardé des informations sur mon père.

Avant qu'elle ne me questionne, je me défais d'elle, à son plus grand désarroi, me penche, récupère mon sac et entre dans la maison. Je descends dans ma chambre où je saute sous la douche et échange mes vêtements d'extérieur pour ceux d'intérieur. Je retrouve mon portable sur ma table de chevet et suis accueilli par une averse de messages lorsque je l'allume pour la première fois en plus d'un mois.

La majorité vient de mes amis m'invitant à des événements, puis me demandant de mes nouvelles et certains s'inquiétant de mon silence prolongé et inhabituel. Je prends le temps de les rassurer en évitant les questions.

J'ai bien sûr les centaines d'appels de ma mère en une semaine à peine, appels qui ont dû prendre fin quand elle s'est rendu compte que j'avais laissé mon téléphone.

Puis je cherche Heidi dans mes correspondances, car tout ce que je désire c'est d'entendre le son de sa voix et de discuter avec elle. Je me rappelle que je l'avais bloquée, cherche à la débloquer pour constater qu'elle a fait de même.

Elle m'a bloqué.

J'avoue être confus. Pourquoi avoir fait ça ? Aux dernières nouvelles, elle était en train de tout faire pour entrer en contact avec moi et s'excuser. Elle s'est même servie du compte Netflix que nous partageons et de la messagerie de l'université pour entrer essayer de me parler. Et maintenant, c'est elle qui me bloque. Pourquoi ?

J'estime la possibilité de la joindre avec un numéro masqué ou avec les appareils jetables qui me servent normalement pour les missions, mais tout bien pensé, je n'ai pas vraiment envie qu'on ait cette conversation au téléphone ou par message. Je veux qu'on soit face à face pour régler nos différends et nous réconcilier.

Le souci, c'est que je n'ai rien à faire et faute d'occupation, c'est elle qui occupe mon esprit. Elle a dû s'inquiéter elle aussi de mon absence. Elle est même sûrement revenue pour me parler, après que je sois déjà parti traquer son pervers d'ex.

Ma mère pourra me dire quand est la dernière fois qu'elle l'a vue et dans quel état elle était. Ainsi je serai plus outillé pour l'aborder après ce break long d'un été.

Je me redresse, enfile un t-shirt et monte au rez-de-chaussée où je trouve maman en train d'achever la confection de ce qui s'apparente à un sorbet au citron. En m'entendant m'approcher, elle s'empresse d'essuyer les larmes qu'elle versait silencieusement. Je tire une des chaises de l'îlot et m'installe en face d'elle. Je demeure silencieux quelques secondes, analysant son allure et sa gestuelle, ses yeux rougis par la crise de larmes que mon retour a provoqué et ses reniflements alors qu'elle fait de son possible pour dissimuler combien elle est bouleversée.

J'ai vraiment merdé sur ce coup-là.

— Maman...

Elle ne me répond pas et continue ses manipulations du dessert que personne ne réalise aussi bien qu'elle. C'est sa spécialité, les desserts aux agrumes, surtout l'été.

— Quand je partais, je pensais en avoir pour deux semaines tout au plus.

Toujours rien. Alors j'abandonne et m'en remets au temps pour la faire décolérer. Je reste tout de même avec elle, car elle m'a énormément manqué, sa présence, sa cuisine, sa façon de tâter les surfaces à la recherche des objets de sa convoitise.

Elle est tellement belle.

— Au bout d'un moment, j'ai cru que tu t'étais suicidé.

Je lève les yeux de la cuillérée de sorbet que j'essayais de choper lorsqu'elle avait le dos tourné pour la trouver adossée à l'autre extrémité d'un comptoir les bras croisés.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Et bien Heidi et toi veniez de vous laisser, tu déprimais depuis des semaines, tu ne me parlais plus, tu t'es coupé les cheveux, tu es parti sans rien dire de tes plans et tes amis n'ont pas cessé de m'appeler parce qu'eux aussi commençaient à se faire du mauvais sang pour toi. Je me suis imaginé que... je me disais qu'à tout moment on me ramènerait ta dépouille.

De nouveau, sa lèvre inférieure reprend les soubresauts qui m'ont précédemment anéanti.

— Maman...

— Je sais, c'est stupide.

— Oui ce l'est. Tu sais que je ne ferais jamais ça. Je ne t'abandonnerai jamais, maman.

Mes mots exacerbent ses pleurs plutôt que de la rassurer.

— Ne me fais plus jamais ça.

— Promis. Je peux me servir maintenant ou je suis privé de dessert ?

Je lui arrache un sourire et elle quitte son coin de la cuisine pour fouiller dans les armoires et les tiroirs avant d'en sortir deux coupes et deux petites cuillères en bois pour nous servir tous les deux. Elle égaye nos deux boules d'une fleur de violette qui contraste magnifiquement avec le jaune pâle du citron.

— Où étais-tu ? demande-t-elle au bout d'un moment de silence.

Je lèche lentement ma cuillère, jaugeant s'il est avisé de lui dire la vérité. Je décide que si je veux obtenir des réponses de sa part, il faut qu'elle comprenne que j'en sais beaucoup plus que ce qu'elle pense.

— En Italie. À Capri.

Elle s'arrête quelques secondes, puis elle amène la cuillère à sa bouche.

— Pour quoi faire ?

— Me charger des Ricci.

Cette fois, elle ne réagit pas. Elle a déduit que si j'étais à Capri, c'est que ça avait un lien avec eux.

— Qu'entends-tu par « te charger » ? demande-t-elle calmement.

— Tu sais très bien, réponds-je, refusant de jouer à son jeu d'innocence.

Elle est loin d'être innocente. Elle a tué Giulietta.

— Je vois.

Sa réponse provoque en moi une colère que je m'explique mal.

— C'est tout ?

— Qu'y a-t-il d'autre ?

— Rien, mais... c'est tout ce que tu as à dire sur ce que j'ai fait ?

Elle soupire longuement.

— Si tu t'étais donné la peine de me parler de tes intentions avant ton départ j'aurais pu réagir plus brusquement, être choquée, terrifiée, te dire de ne surtout, surtout pas provoquer ces gens là... mais ce qui est fait est fait. J'espère simplement que tu sais ce que tu fais. Quand on prend aux Ricci, il nous prenne en retour et au centuple.

Je fronce les sourcils face à sa dernière phrase et trouve l'insolence de lui demander :

— Et toi, que t'ont-ils pris quand tu leur as pris Giulietta ?

Ses yeux d'un gris laiteux se posent directement sur moi. Elle ne répond pas et mais je comprends avec horreur ce qu'ils lui ont pris. Ma glace m'apparaît soudain plus acidulée à l'idée qu'ils s'en soient pris à elle.

— Ne t'en fais pas. Aucun d'entre eux ne me prendra quoi que ce soit.

Ils sont tous morts, je les ai tous tués jusqu'au dernier. Je n'ai épargné qu'un enfant.

Sans commentaire, elle se charge de laver la vaisselle que nous venons d'utiliser et s'apprête à quitter la cuisine, mais moi je n'en ai pas fini avec elle.

— Il y a autre chose.

Elle s'arrête.

— J'ai posé les questions auxquelles tu n'as jamais voulu répondre.

Un ange passe.

— Et tu as eu des réponses ?

— De bribes de réponses. J'espère que tu répondras au reste. Je sais que mon père est vraiment mort exécuté. Et que c'est Giuletta qui l'a tué, avec une des armes de sa collection après l'avoir trahi... je sais ce qu'un homme, un vrai.

— Et que veux-tu savoir d'autre ?

— Qui est le Roi ? Je croyais que c'était James.

Elle arque un sourcil.

— La personne qui a répondu à tes questions n'a-t-elle pas pris la peine de te le dire ?

Je fouille dans ma poche, me lève et vais me placer en face d'elle pour déposer la carte à jouer que Leonardo Ricci m'a donnée.

— C'est la seule réponse qu'il m'a donnée.

Ses doigts se promènent sur la carte alors qu'elle imprime les reliefs de son touché chirurgical et un faible sourire se dessine sur ses lèvres.

— C'est une carte du 21...

Elle touche la carte, l'air fascinée et la manipule entre ses doigts pâles avec une agilité déconcertante qui ne manque pas de me rappeler que j'en sais si peu sur elle.

— Alors ? demandé-je, la sortant de son émerveillement.

Elle me fixe, puis fixe la carte avant de me la tendre.

— Je n'ai pas de meilleure réponse que cette carte à ta question. Elle t'en apprendra plus que je ne pourrais jamais le faire, répond-elle avant de me contourner et de se diriger vers sa chambre.

Je soupire. Je déteste les gens évasifs.

— Adam.

Je me tourne quand elle m'interpelle. Son visage fantomatique encadré par sa chevelure noire qui lui arrive aux genoux semble m'implorer.

— La personne qui t'a donné cette carte... qu'en est-il d'elle ?

Je baisse la tête.

— Je l'ai butée, et c'est très bien comme ça.

Elle reste immobile un court instant, hoche la tête et me tourne le dos avant de disparaître dans sa familière obscurité, me laissant dans celle de mes questions éternellement sans réponses.





Je fais basculer l'interrupteur et la lumière illumine l'entrée. Je me déchausse lentement, savourant le contact de mes pieds nus avec la céramique froide après des heures en talons hauts.

Mes clés s'entrechoquent alors que je contourne un des cartons de déménagement que j'ai volontairement laissé au beau milieu du couloir pour m'obliger à le vider, lui et tous ceux qui reposent encore sur le sol de mon nouvel appartement.

Je devais finaliser mon installation aussitôt mon mobilier livré, histoire d'être prête pour la rentrée, mais on m'a proposé une mission d'assassinat et j'étais d'humeur alors j'ai accepté.

C'était il y a une semaine.

16 nouvelles personnes ont rejoint mon tableau de chasse, 17 si la personne que j'ai laissée à moitié morte ne survit pas.

Je traverse mon salon, vais à la cuisine me servir un grand verre d'eau et bifurque vers ma chambre où je le balance mon sac sur le lit. Je suis sur le point de me laisser tomber d'épuisement dessus lorsque je remarque une tache de sang ayant échappé à ma toilette expresse suite à mon embuscade.

Je geins, car cela fait des jours que je rêve de retrouver mon lit.

Je sors de ma chambre et vais dans la salle de bain pour prendre une douche. J'arrive face au miroir au-dessus de mon lavabo, sors les produits démaquillants de ma pharmacie et amorce ma besogne en prenant le temps de m'ausculter.

Je porte des traces des combats que j'ai menés. Une petite entaille marque le dessous de mon œil que j'aurais perdu, n'eût été mes réflexes, mon maquillage dissimule quelques ecchymoses ça et là et j'arbore les vestiges du manque de soleil et du taux élevé de cortisol des deniers jours.

Mais c'est ainsi que je me trouve la plus jolie. Victorieuse et portant fièrement les traces de mon labeur.

De peine et de misère, j'enlève mes bijoux et ornements, retire ma robe moulante noire, défais mon très strict chignon. Mes cheveux demeurent en l'air à cause de tout le gel dont je me suis servie pour les dompter dans un plaquage de grade militaire.

Je ne voulais pas risquer que des mèches de cheveux s'échappent et que mes adversaires s'en servent contre moi comme la dernière fois. Ça réduit également le risque que je laisse des cheveux derrière moi. Maintenant que je sais que le FBI a mon ADN, je suis plus vigilante que jamais.

La ville a fait une campagne de don de sang et de plasma, comme toujours, ma mère qui est très sensible à cette cause y a participé. Mais cette année, elle m'a invitée à venir avec elle et je l'aurais fait, mais je me suis rappelé du risque que ce serait de donner mon ADN sous ma vraie identité à une entité gouvernementale.

Je me glisse sous la douche et ouvre le jet d'eau qui commence à me laver du sang et de la seur, mais pas du crime et de la fatigue.

Pas de mon amertume et de ma rage.

J'en sors quelques minutes après, enfile un pyjama et vais au salon pour essayer de terminer de vider au moins un des cartons de déménagement.

J'avais grandement besoin de changement lorsque je me suis enfin décidé de vivre ma vie comme si Adam et Leonardo n'en avaient jamais fait partie et n'en feraient plus jamais partie.

Je me suis débarrassée de toutes mes possessions venant d'eux, les photos, les cadeaux, les bijoux, les peluches, les vêtements et même les appareils.

Mais ce n'était toujours pas assez. J'avais toujours l'impression de les avoir tous les deux dans la peau, rien que lorsque je me couchais sur mon lit où j'avais donné mon innocence à Leonardo et où je faisais du peau contre peau avec Adam durant des heures.

Ma chambre me rappelait les moments où Leonardo sautait de son balcon au mien pour inspecter silencieusement ce que j'écrivais sur mes devoirs au collège ainsi que la première fois Adam y est entré par effraction, car il fuyait la police.

Croiser Marina à l'entrée de nos maisons, entendre ma mère me questionner sur l'absence d'Adam avec qui elle était devenue si complice.

Bref, j'avais besoin de changer d'air, ne serait-ce que pour manifester le changement que je voulais dans ma psyché. Et puis je suis à ma deuxième année d'université, beaucoup d'étudiants quittent la maison de leurs parents pour des colocations plus près du campus.

Ça m'évite aussi d'avoir à expliquer mes déplacements à ma mère.

Alors que je fournis les étagères de ma bibliothèque des livres demeurés en boîte, mon téléphone sonne sur le comptoir de la cuisine, amenuisant le son de la musique sortant de mon système de son.

Je me redresse et me rends jusqu'à lui, lis le nom sur l'afficheur et coupe la musique.

— Allo Archie ? réponds-je en retournant m'accroupir près de la boîte de livres.

— Bonsoir, Heidi. J'espère que je ne te dérange pas.

— Non, non ! Tu as encore besoin de moi ?

Bon nombre des missions d'assassinat que j'ai fait m'ont été confiées par Archibald par le biais de The Players. La politique est une discipline bien plus sanguinaire qu'il n'y paraît et comme Adam n'était pas joignable, on m'a donné ma chance.

— Pas pour l'instant, je t'appelais pour te poser une question.

— Je t'écoute ?

— Qu'est-il arrivé à Leonardo Ricci ?

Je m'arrête quand il prononce le nom que je suis bien heureuse de ne pas avoir entendu depuis plus d'un mois.

— Comment ça ?

— Ça fait deux semaines que je n'ai plus de retours de signes vitaux du système implanté dans son organisme.

La pression redescend.

— Deux semaines ?

— Oui, l'équipe qui l'a mis au point m'a dit qu'il pouvait avoir des soucis de connexion, mais ils ne sont toujours pas parvenus à avoir de retours aux signaux qu'ils envoient.

Je soupire.

— Il est parvenu à s'en défaire.

— Tu crois ?

— C'est sûr...

— Comment ? Ils m'ont assuré que c'était littéralement impossible, pas sans déclencher le système. Tu crois que c'est ce qu'il s'est passé ?

— Possible... mais j'en doute fort. Il n'est pas idiot. J'ignore comment il s'y est pris mais il a réussi.

J'entends Archibald souffler.

— Et tu n'as toujours pas de nouvelles de lui ?

— Aucune.

Et c'est très bien comme ça.

— Tu vas en parler à The Players ?

— Non. S'il est mort tant mieux. Sinon, je compte sur toi pour te charger de lui.

— Tu es sûre ?

Je marque une pause, légèrement insultée par sa question.

— Pourquoi je ne le serais pas ?

Il doit sentir mon irritation puisqu'il n'approfondit pas son commentaire.

— Entendu. Bon, je voulais seulement te prévenir de l'état de la situation. Comment s'est passée ta dernière mission ?

— J'ai failli perdre un œil et les cocktails étaient succulents.

Son rire viril me donne le sourire.

— Contente que tu te sois amusée et merci encore pour le petit service.

Un petit service de 17 têtes.

— De rien, bonne soirée Archie.

— Bonne soirée Heidi.

Il raccroche et la musique reprend à plein volume. Je regarde les tas de livres encore dans la boîte, mais ma motivation s'en est allée.

Je pense à présent à comment cette enflure de Leonardo s'y est pris pour déjouer un système aussi sophistiqué et disparaître des radars. Il avait pourtant consenti à l'entente avec Archibald. Il a menti.

— Quel connard.

Il me tend à toujours parvenir à ses fins. Ça veut également dire qu'il va bientôt revenir et c'est la dernière chose que je veux.

Je sais qu'Adam est de retour. Certains de nos amis communs m'ont dit qu'ils leur avaient enfin répondu, pensant peut-être que la nouvelle me réjouirait. Ça va bien faire deux semaines aussi et il ne m'a toujours pas contactée.

J'en déduis qu'il est encore en colère contre moi. Il me déteste. Pour lui, je suis la putain de Leonardo.

Contrairement à il y a deux mois, je ne vais pas le supplier de me pardonner, le supplier de me croire que c'est lui que j'aime, que c'est lui que j'ai choisi. Il peut penser ce qu'il veut de moi, je ne m'humilierai plus pour aucun d'entre eux.

Mon téléphone vibre de nouveau et cette fois, c'est Sky qui essaie de me rejoindre.

Tout le monde au QG dans deux heures.

Assurez-vous de ne pas être suivis.

Je geins de nouveau. J'avais pour ambition de me reposer après avoir vidé une boîte parmi les dix qui traîne encore. En plus, le QG est hyper loin.

Mais je ne fais pas de chichi et me lève. C'est la deuxième fois depuis que j'ai intégré le groupe que je reçois ce type d'alerte et ça ne peut vouloir dire qu'une chose.

La sécurité du groupe et/ou d'un membre est engagée.

Déjà, je cherche la raison. La seule qui me vient en tête serait comme la dernière fois, ceux qui cherchent à s'en prendre à nous, les Ricci.

Avec Leonardo qui est parvenu à se défaire de l'épée de Damoclès que j'avais suspendue au-dessus de sa tête, ma menace est donc toujours d'actualité.

Et moi je suis à court de solutions.

Peut-être que je ferais mieux de tout dire aux Players. Je vais certainement être réprimandée à cause de mon silence concernant la possession de l'information de nos identités par un membre d'un clan mafieux ennemi, mais il est temps que je fasse face à mes responsabilités.

Je suis la Reine et si je dois mourir pour The Players alors je le ferai.

Je leur dirai tout ce soir.

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