15. Plan B

— Bonsoir Coach, je vous ai manqué ?

Il ne répond rien. Les lèvres entrouvertes et les yeux toujours écarquillés d'un étonnement serti de pure panique, Leonardo Ricci me regarde comme si j'allais le bouffer.

Sans savoir que je vais faire tellement pire. Ou peut-être le sait-il ? Tant mieux.

— A-Adam...

Je ne l'ai jamais vu tétanisé, je ne l'ai jamais entendu bégayer. Normalement, il a toujours cet air suffisant et condescendant, celui de quelqu'un qui a gagné au jeu depuis longtemps, mais s'amuse quand même à vous regarder essayer de le battre.

Plus maintenant.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ?!

— À ton avis, enfoiré ?

Comme il semble toujours dans l'incompréhension, je précise.

— Je suis venu de buter. Exactement comme ma mère l'a fait avec la tienne.

Quand je mentionne la mort de sa mère, son expression change du tout au tout. Il détourne carrément ses yeux de moi. Je suis son regard pour voir qu'il l'a dirigé vers un homme qui se tient un peu plus loin, entouré d'autres hommes vêtus de noir.

Je reconnais l'homme qu'il nous avait présenté lors de la soirée organisée pour leur anniversaire commun. Son père.

Leonardo Ricci troisième du nom.

Mon regard croise le sien et il plisse les yeux avant d'afficher le même effroi que son fils. Il ne m'avait pas encore reconnu avec mes cheveux courts, mais maintenant, nul doute qu'il a vu James sur mon visage. Un jour, je m'occuperai de le cuisiner pour savoir ce qu'il a fait à mon père pour avoir aussi peur de lui, vingt ans après. Mais d'abord, c'est la tête de son fils que je veux.

Après avoir établi la ressemblance, notre hôte se détache de son groupe d'associés de la pègre italienne et marche jusqu'à nous. Ricci se tend aussitôt.

— Bonsoir Adam, me dit le père d'une voix mesurée.

Je ne réponds pas et fixe plutôt son fils. Il porte son regard vers Leo.

— Tu ne m'avais pas dit que tu avais de nouveau invité ton... ami, Leonardo.

De même, Ricci fils ne répond pas, ses yeux également dans les miens. Sentant la tension entre nous le père toussote pour que nous lui prêtions enfin attention.

— Je ne fais qu'accompagner Serena, finis-je par dire en italien. Je suis son cavalier.

Ricci père semble agréablement surpris que je me sois exprimé dans sa langue.

— Ah bon ? Je croyais que c'était Leonardo... oh...

Il regarde son fils, un sourire fourbe aux lèvres.

— Ne me dis pas qu'il te l'a volée elle aussi...

La mâchoire du concerné se resserre et son père éclate de rire avant de lui tapoter l'épaule.

— Ah ces Cole... Bon, excuse-nous Adam, mais mon fils et moi avons à nous entretenir. Profite bien de la soirée, conclut-il sur un ton menaçant.

S'entretenir?

Il prend son fils qui le suit sans un mot. Je crois d'abord qu'il parle de s'entretenir avec lui seul à seul, mais alors qu'ils s'éloignent de moi, Ricci fait un signe en direction de quelques hommes. Ces derniers se rendent jusqu'à d'autres hommes, des hommes influents de la mafia italienne, leur soufflent quelques mots et ils quittent leur conversation pour se rendre vers la sortie.

Il ne compte pas s'entretenir seul à seul avec son fils. Et tous ces hommes vêtus de noir n'ont même pas hésité à suivre les hommes de main de Ricci... ils savaient que ça allait arriver.

Un ralliement.

J'ai le pressentiment que quelque chose ne va pas, mais alors pas du tout. Je croyais qu'il s'agissait d'une simple soirée... mais on dirait surtout un excellent prétexte pour réunir sous son toit les noms les plus craints du pays et même du continent.

Pourquoi ?

Pourquoi les faire venir ?

Pourquoi ont-ils tous répondu présents ?

— Il est l'heure, monsieur Busato. Je dois vous conduire vers la salle de réunion, intercepte mon oreille.

Du coin de l'œil, je vois un autre homme de main de Ricci informer un homme d'une soixantaine d'années qui se tenait non loin de moi.

La salle de réunion...

Je ferme les yeux et essaie de me rappeler le plan de la bâtisse que j'ai mémorisé en prévision de mon infiltration. Je ne prévoyais pas entrer par la porte principale, au bras d'une jolie blonde qui n'a pas la moindre idée de ce que je réserve à l'homme qu'elle aime.

Il faut que j'arrive dans cette salle avant eux tous.

Mon œil averti scanne les alentours et je vois une autre sortie que celle qu'ils ont tous prise. Je me fraie un chemin parmi les corps et les verres de champagne, et quitte la salle de réception. Je cours dans le couloir dans lequel je me suis retrouvé, puis je m'arrête.

La salle de réunion devrait être juste au-dessus de ma tête. Seulement le seul escalier est à l'autre bout de la villa, là où ils sont tous.

Je me tourne vers la fenêtre derrière moi, l'ouvre et y glisse mon corps. Je m'assure qu'aucun garde ne passe par là. Me servant de mes aptitudes d'escalade, je grimpe sur la moulure et saute pour attraper le bord de la fenêtre au-dessus. Je me hisse pour que mes genoux reposent sur le bord, ferme le poing et casse la vitre pour entrer.

Je grince des dents en voyant mon poing en sang, et espère que le bruit n'a pas été assez fort pour alerter qui que ce soit. Sans tarder, j'entre dans la fameuse salle de réunion.

Elle ne ressemble pas tout à fait à ce que j'avais en tête. J'imaginais une salle de conférence, avec une grande table ronde au centre, de la paperasse. Mais là, on dirait plus un club, avec des fauteuils, des bancs. Des armes sont accrochées au mur, ce qui ressemble à un mini bar, des dizaines de bouteilles d'alcool hors de prix, ainsi que des photos de ce que je devine être les membres importants de l'histoire de la famille Ricci.

Une odeur de cuir italien et de cigare flotte également dans l'air.

— Une man cave? Sérieux ?

J'entends des voix et des pas qui m'indiquent que les personnes conviées ont atteint l'étage et s'approchent d'ici. Je m'empresse de ramasser la vitre par terre, la laisse sur le rebord avant de tirer le rideau pour dissimuler mon effraction.

J'inspecte la pièce, à la recherche d'un endroit où me dissimuler et opte pour la pièce attendant à celle dans laquelle je me trouve. J'ouvre la porte qui y mène et découvre que ce n'est pas vraiment une pièce, ça s'apparente plus à un cellier. Je déduis qu'ils rangent ici le surplus d'alcool du bar. Avec de la chance, son contenu devrait leur suffire.

J'y entre et referme la porte au moment même où celle qui donne au couloir s'ouvre. Dans entrebâillure de la porte, je constate que c'est Ricci père qui entre en premier dans sa mojo dojo casa de rêve, suivi de son fils.

— Suis-je vraiment obligé d'assister à votre réunion ? demande Ricci d'une voix lasse.

— Tu es mon héritier. Tu ne peux pas être en tain de batifoler avec la petite Albertini alors qu'une menace terroriste repose sur mon empire ; ton empire.

À la mention du mot terroriste, je comprends qu'il fait référence à la cible que The Players a mise sur la pègre italienne et donc forcément les Ricci. J'avais demandé à Sky pourquoi nous nous en prenions à des organisations aussi dangereuses alors que par le passé nous ne nous étions pas attardés sur leurs affaires. Fidèle à elle-même, elle m'a répondu :

« Ordre du Roi. »

Et on ne discute pas les ordres du Roi, sous peine de sévères représailles.

— Et puis ta présence ici, avec moi renvoie une image forte, celle d'une famille puissante et unie qui compte sur ses membres.

— Mais c'est juste une image. Je ne compte pas sur toi et tu ne comptes pas sur moi. Tu n'as pas confiance en moi. Sinon tu n'aurais pas fait venir Giulietta ici, alors que tous les hommes les plus recherchés d'Italie sont là.

— Je tenais simplement à te rappeler de faire attention. Chaque fois qu'il te vient l'envie de te rebeller contre moi, pense à elle, à Heidi et ta tante. Tu as bien plus à perdre que ce que tu essaies de faire croire.

Je suis un peu perdu, car d'ici, j'entends à peine leur conversation pour lui donner un minimum de sens. Mais je suis convaincu d'avoir entendu le nom de Heidi.

Il vient de menacer de s'en prendre à elle...

Leonardo serre la mâchoire en fusillant son père du regard alors qu'il verse du cognac dans un verre. Le père sourit et s'approche du fils avant de lui tendre le verre.

— Tu es peut-être un génie sur les bancs d'école, mais l'art de la guerre s'apprend à la guerre. Ta stratégie n'est pas mauvaise, crois-moi, j'admire ton intelligence et créativité, mais tu manques d'expérience et c'est pour ça que tu finiras toujours par perdre ; comme ce soir, comme lorsque tu as tenté de me doubler en te servant du FBI et comme il y a vingt ans.

Le fils baisse la tête et fixe son verre, comme s'il devait contenir sa colère en plus de la liqueur ambre. Son père tapote sa joue.

— Alors, assiste à cette réunion, parle avec ceux qui seront tes alliés quand je ne serai plus de ce monde, impose-toi comme le digne héritier que tu es et aide-moi à éliminer nos ennemis. Prouve-moi que je peux te faire confiance.

Le silence règne d'abord dans la pièce, troublé uniquement par les pas des autres hommes qui sont sur le point d'entrer. Puis, le fils prend le verre que son père lui tend.

Bravo, Leonardo, dit son père au moment où la porte s'ouvre.

Il accueille ses associés, les invitant à prendre place. Chacun est accompagné par un garde du corps, ou sa main droite. Certains même de leur héritier à eux, comme les Ricci.

Je les écoute converser en italien, boire, fumer et même jouer aux cartes, prenant des nouvelles de chacun et traitant de sujet plus ou moins sérieux, mais mon attention est dirigée vers Leonardo qui lui garde le silence depuis leur entrée. Puis, après plus d'une heure, le sujet qui les a réunis ici est abordé.

The Players.

— Comme vous savez, je vous ai tous réunis ici, parce que je me retrouve face à un ennemi puissant, influent et anonyme qui plus est. Je vais avoir besoin de mes alliées si j'espère en venir à bout.

Les hommes présents hochent la tête. Je sais qu'il y a dans la mafia, en plus des pactes de non-agression entre clans, des ententes, des coalitions en quelque sorte. L'ennemi de l'un est automatiquement l'ennemi de tous les autres.

— Tu viens de dire qu'ils sont anonymes, comment est-on censés se défendre contre eux si l'on ne sait même pas qui ils sont.

Ricci ouvre la bouche pour répondre, mais son fils le coupe.

— Sauf qu'on sait qui ils sont.

La surprise générale se fait entendre dans la pièce. Même moi, cette déclaration aurait pu m'estomaquer si Heidi ne m'avait pas prévenu qu'il nous avait tous démasqués, jusqu'au dernier.

— Dès que j'ai su que The Players nous avait pris pour cible, j'ai confié la mission à mon fils et Matteo de les traquer, explique le chef de clan.

— Et tu veux nous faire croire qu'il est parvenu à les identifier alors que les renseignements secrets du monde entier se font ridiculiser par eux ?

— C'est bien cela, répond le fils.

— Qui sont-ils ? Pour quel clan travaillent-ils ?

Leonardo regarde son père qui lui donne la permission de dévoiler ce qu'il sait à ses associés. Mon rythme cardiaque accélère.

— Premièrement, ils ne travaillent pour aucune famille, aucun clan que ce soit de la mafia, de la bratva ou d'aucune autre organisation criminelle. Il s'agit d'un groupe parfaitement hétérogène, formé d'hommes, de femmes et même de deux enfants.

Ok, Heidi ne rigolait pas, il sait vraiment tout.

Les hommes dans la pièce se regardent, tous plus confus les uns que les autres.

— Des femmes et des enfants ?! s'indigne un des hommes aux cheveux poivre et sel.

Des rires moqueurs s'élèvent dans la pièce. Il est vrai que les femmes n'ont pas vraiment un rôle prédominant dans leur milieu. Elles ne sont que des épouses, des ménagères ou des prostituées.

C'est le cas de Serena.

— Ricci, dis à ton fils de refaire son enquête. Il veut nous faire croire que ce sont des femmes et des enfants qui m'ont fait déplacer jusqu'ici ?

Ricci senior ouvre la bouche pour défendre son fils, mais Leonardo quitte le mur où il était adossé et va se poster juste en face de l'homme qui est intervenu.

— Si tu as quelque chose à me dire, adresse-toi directement à moi ou ferme-la.

L'autre semble rapetisser sous le regard menaçant de junior.

— Je... ce que je veux dire c'est que j'ai du mal à croire qu'une organisation qui fait trembler le monde entier est composée de femmes et d'enfants.

— Moi aussi, commente un autre homme.

Leonardo cesse de mettre un coup de pression à celui qui a moqué ses conclusions et fait face au reste de l'assemblée.

— Même si c'est difficile à concevoir pour vous, ça ne change rien aux faits.

— Qui sont-ils alors ? Combien sont-ils ? Où se cachent-ils ? D'où leur vient leur pouvoir, leurs ressources financières et militaires ?

Leonardo s'approche d'une table basse où reposent des cartes ayant servi à une partie de poker. Il les rassemble avant de faire face aux hommes présents.

— Ils sont 14 membres au total, représentant chacun une figure d'un jeu de cartes.

— D'où leur nom, complète son père.

— Effectivement. Ils sont repartis dans le monde, bien que la majorité d'entre eux sont basés aux États-Unis. Ce sont des assassins, des militaires, des pirates informatiques, des politiciens, des fils et filles de riches dirigeants, des athlètes et des étudiants. Autrement dit, ils sont tout le monde et personne à la fois.

— On a leurs noms ?

— J'ai pu trouver l'identité de 12 d'entre eux.

— Qui ? demande son père.

Il tire l'As de pique du paquet de cartes et le présente à son auditoire.

Oh non...

— L'As est un chimiste canadien du nom d'Ashton Norquay.

Présentant la carte portant l'inscription 2, il poursuit.

— Le Numéro 2, leur membre le plus dangereux, est une femme, Senri Kawaguchi. Je suppose que le nom vous est familier.

À la mention de son nom, l'étonnement se voit de nouveau sur le visage de tous quand ils réalisent à qui ils ont affaire. Son père décroise carrément ses bras.

— Kawaguchi... c'est des yakuza...

Ricci hoche la tête.

— Le Numéro 3 est également une femme, une assassin, Maya Komenko. Elle a été envoyée par eux pour s'infiltrer dans ma vie en prévision de leur offensive.

Quoi?

— Le Numéro 4 est un ou une pirate informatique, son implication est exclusivement numérique alors je ne suis pas parvenu à trouver sa trace. Le Numéro 5 n'est nul autre que le secrétaire de la défense américaine en fonction : Archibald Yong. Le Numéro 6 est une adolescente surdouée, Mika Rousseau, fille de diplomates français et le Numéro 7 est un pilote de Formule 1, Diego Henriquez. Le Numéro 8 est une femme, Latifah bint Mohammed Al Maktoum et elle est la fille de l'actuel dirigeant d'Arabie Saoudite. Kimi Rousseau, le numéro 9 est le frère du Numéro 6, dit-il en jetant les cartes sur la table à mesure qu'il révèle nos identités. Leur Numéro 10 est un ancien Navy Seal, Moïse Hayes. J'ignore qui est le Valet, je n'ai trouvé aucune identité rattachée à ce membre.

Bien sûr, Sky n'est pas une personne. Il ne sait donc pas absolument tout...

— La Reine-

— Heidi.

Mon cœur cesse de battre lorsque son nom est prononcé, non pas par lui, mais par son père. Les autres hommes présents se tournent vers lui. Leonardo lui-même semble surpris.

— Quoi ? Tu pensais pouvoir me cacher ça ?

Tous deux se fixent longuement.

— Non... répond-il avant de montrer la carte de la Reine. Comme l'a dit mon père, Heidi Katerina Mäkinen est leur Reine, pour ce qui est du fameux Joker...

Un frisson me parcourt quand il porte son regard vers la pièce où je me trouve, vers moi.

Il m'a vu.

— Il s'agit d'Adam Cole qui, aux dernières nouvelles, est le cavalier de ta fille, Albertini.

Le concerné écarquille les yeux.

— Il est ici ?

— Il est partout, souffle Leonardo sans me lâcher du regard. Ils sont absolument partout.

Mon cœur bat trop vite, trop fort. Je crains qu'à tout moment il ne révèle ma position, mais il ne dit rien.

— Et quant à leur Roi...

Cette fois, c'est vers son père que son regard se porte, mais il laisse sa phrase en suspens pendant quelques secondes. Secondes où le visage de son père se décompose quand il comprend.

Et moi je comprends que Leonardo Ricci III connaît intimement le Roi vu comme il blêmit.

— Non...

— Oh que si, confirme Junior en déposant la carte du roi sur la table.

Ricci père se lève d'un coup, l'air préoccupé.

— Cette rencontre est terminée.

Il se dirige vers la sortie quand l'un des hommes intervient.

— Quoi ?! Mais il ne nous a pas dit qui est le Roi à nous.

— Cette information ne sera pas partagée avec vous, tranche le père que la rage a gagné depuis qu'il sait qui est le Roi. D'ailleurs, vous en savez déjà trop... Leonardo.

— Oui, père.

— Assure-toi que personne ne quitte cette île. Je veux le Joker et je le veux mort.

— Entendu.

Sans se soucier des protestations des autres, Ricci quitte la salle. Ses associés s'indignent, mais se calment vite quand une vingtaine d'hommes armés se présentent dans la pièce pour les escorter dehors. Les gardes du corps qui tentent d'intervenir sont promptement abattus. On dirait que Ricci ne veut plus faire équipe avec eux.

C'est devenu personnel à présent.

La salle se vide, seul Leonardo s'y trouve encore. Il donne des ordres au téléphone depuis un moment.

— Aucun bateau n'entre, aucun bateau ne sort. Toute personne suspecte doit être signalée. Si quelqu'un ne se plie pas à la règle, tuez-le. Fouillez la villa de fond en comble.

— M-même vos quartiers ?

— Non, la règle ne change pas, personne ne s'approche de mes quartiers.

— Oui, monsieur Ricci, répond son interlocuteur.

Après avoir donné des instructions pour son embargo de l'île, il coupe l'appel et demeure-là, silencieux, et ce pendant de longues secondes. Ne voyant plus l'intérêt de me cacher, je sors.

Quand il me voit, il sourit. Je marche jusqu'à aller me planter devant lui. Il ne recule ni ne tique pas. On dirait même que ça l'amuse.

— Tu n'as pas peur qu'on t'attrape ?

— Bien sûr que non. Personne ne peut m'attraper. Ce n'est pas votre ridicule blocus qui m'empêchera de quitter cette île.

— Hmmm... l'insaisissable Joker... dans ce cas, tu ferais mieux de te dépêcher de quitter l'île pendant que les hommes de mon père sont encore désorganisés. Va prévenir tes copains que mon père sait qui ils sont et où les trou-

— Je ne quitterai pas cette île sans avoir fait ce pour quoi je suis venu.

— Et pourquoi es-tu venu ?

Pour seule réponse, je sors mon pistolet et le braque sur sa tête. Il tente de la dissimuler derrière son air composé, mais je la vois trembler dans ses yeux.

La peur.



L'aiguille de l'horloge accrochée au-dessus de ma tête rythme les longues secondes durant lesquelles, Adam maintient son arme verrouillée sur moi. Je croyais qui croyait qu'il exagérait tout à l'heure quand il disait qu'il était venu me tuer. Mais il a l'air on ne peut plus déterminer à le faire.

— Comment tu as pu ?

— Faire quoi ?

— Révéler l'identité de Heidi.

— Je ne comptais pas le faire, il l'a déduit.

— Et la mienne alors ?

— Il aurait fini par la déduire, ça fait deux fois qu'il te prend à t'introduire chez lui sans invitation... mon père n'est pas un idiot. Toi par contre... à quoi tu pensais en venant ici ?

— À tête trouée d'une balle.

Il soupire.

— Tu commets une grave erreur. La détonation les ferait tous débarquer ici, tenté-je de le prévenir.

— Peut-être bien. En fait, ce ne serait pas plus mal que ça. Avant de prévenir The Players de ce que tu viens de faire, je tiens à laisser un message à ton père.

Ok... la menace ne fonctionne pas avec lui. Je vois qu'il a confiance qu'il peut me tuer, quitter l'île sans problème, avertir The Players et se charger des Ricci. Et quelque part, je sais qu'il a les compétences pour.

Il ne perd absolument rien à me descendre.

Son regard ne quitte pas le mien. Il me donne des sueurs froides, car je ne décèle pas l'hésitation que j'avais vue dans les yeux de Heidi. Elle n'est pas une tueuse de sang-froid. Le Joker, oui.

Il n'a pas un mandat d'arrêt international pour rien ; ses victimes se comptent par dizaines. Faute de le trouver, je tente d'instaurer le doute en lui.

— Tu n'oseras pas me tirer dessus.

Il arque un sourcil et pose le canon froid sur mon front. Je déglutis.

— Adam-

Il retire le cran de sûreté, alors je me tais. Je dompte ma panique interne, mais mon cerveau lui tourne à plein régime pour trouver un moyen de me sortir de ce bourbier. Mais je ne trouve rien, rien qui pourrait le convaincre de ne pas m'exécuter...

Et puis je trouve la réponse. S'il est venu pour me tuer, c'est pour conforter son ego blessé.

— Très bien. Accomplis ta vendetta, Cole. Mais sois le digne fils de James et affronte-moi à armes égales, comme un homme.

Il me fixe, l'air désintéressé par ma provocation ou même la mention de son père. Je crois d'abord que ça aussi, ça ne suffira pas l'empêcher de me coller une balle entre les deux yeux, mais il finit pas baisser son arme et la jeter à sa droite ; avec la nonchalance d'un homme qui sait qu'il me tuera avec ou sans.

Mon dernier vrai corps à corps remonte à plus d'une année. Je me suis bien battue avec Heidi pour l'entraîner, mais elle ne compte pas. Je parle de la dernière fois que je me suis retrouvé face à quelqu'un capable de me tuer.

Face à elle.

Mais mes instincts sont toujours là, mes réflexes et mes capacités d'analyse de mon adversaire également. Adam est plus grand et plus costaud que moi, il me suffit d'être plus agile et plus rap-

Je sens un courant d'air, quelque chose heurter mon visage, vois la pièce tourbillonner avant de me retrouver au sol. Je me redresse difficilement, vois du sang couler de ma lèvre alors que je comprends ce qu'il vient de se produire.

Il m'a assené le premier coup.

Je ne l'ai même pas vu faire, pourtant je le regardais. Ébahi, je regarde mon sang s'égoutter sur le sol quand j'entends le bruit de ses pas. Je tourne la tête juste à temps pour le voir lever le poing. Je roule au sol, esquivant son coup de peu. Son poing va s'écraser au sol et fait trembler le meuble sur lequel j'ai pris appui pour me relever. Il se redresse, regarde ses jointures déchiquetées avant de porter son regard vers moi.

Putain... c'est quoi ce monstre?

Je me mets en position de garde, plus alerte que jamais car je ne pourrai même pas compter sur la vitesse pour le vaincre. Il m'imite avant de se jeter sur moi. L'ayant vu en action, je sais à présent à quoi m'attendre niveau vélocité et puissance des coups, alors je m'adapte.

J'esquive ses coups de poing et ses coups de jambes et tente de les lui rendre, mais il en profite toujours pour trouver une faille dans ma garde et me porter un coup.

Et chacun d'entre eux me fait vibrer mes os qui menacent de se rompre. Je parviens également à porter quelques rares coups, mais je prends immédiatement mes distances de peur qu'il se serve de la proximité pour me porter le coup fatal. Lui au contraire, enchaîne les attaques sans jamais reculer, si bien que notre combat nous fait parcourir la pièce, moi à reculons et lui à ma poursuite. L'affrontement est d'autant plus pénible qu'il mélange plusieurs arts martiaux qu'il maitrise à la perfection.

Cela fait à peine deux minutes que nous nous battons, mais l'intensité de ce combat est tellement plus élevée que tous les combats que j'ai pu avoir dans ma vie que je suis déjà essoufflé.

Essoufflé, bien sonné et le nez ensanglanté.

Lui n'a presque pas de dommage sur son corps et on dirait à peine qu'il revient d'un jogging léger. Alors que je reprends mon souffle, il défait ses boutons de manchette et relève ses manches de sa chemise blanche tachée de mon sang avant de se remettre en position.

À sa posture et son regard, je comprends que pour lui, l'échauffement est terminé.

Putain-

Il balance sa jambe et je n'ai pas le temps de quitter ma position, alors je protège mes organes internes avec avec mes bras. Le choc résonne dans la pièce, suivi de mon cri alors que je rase le sol. Je peine à me relever avec mes bras qu'il vient de réduire en miettes, alors je panique quand mon corps quitte le sol contre mon gré.

Le col de ma chemise m'étrangle alors qu'il s'en sert pour me soulever comme si je ne pesais rien. Sans attendre, il m'inflige un coup, puis un autre et encore un autre avant de fermer sa main géante autour de mon cou et m'accrocher au le mur, à quelque centimètres d'un tableau de moi plus jeune. Le manque d'air me fait perdre le sens de l'orientation et sa prise autour de ma trachée fait un mal de chien. Je cherche bien à me libérer de sa prise, mais comme mes pieds ne touchent pas le sol, je n'ai pas d'appui pour donner la force à mes mouvements.

— Comme un homme tu disais ? me demande-t-il, me tenant toujours en hauteur.

— Va te faire voir...

Il me plaque contre le mur sur lequel il m'avait épinglé avec une telle force que j'en ai le souffle coupé.

Je peux littéralement sentir une veine de mon œil éclater. Sa compression de mon corps sur le mur a vidé tout l'air dans mes poumons. Je sens le sang résultant de mes organes internes blessés envahir ma bouche. Je m'étouffe avec le liquide au goût métallique et tousse.

— Je t'ai pas entendu, t'as dit quoi ? me provoque-t-il.

Même si j'avais encore voulu faire preuve de témérité, je ne l'aurais pas pu avec ma bouche pleine de sang. Alors je relève la tête et entrouvre la bouche avant de cacher tout le sang que j'ai accumulé dans ma bouche sur son visage. Mon projectile gicle jusqu'à ses cibles, ses yeux.

Adam mugit et ferme les yeux avant de me relâcher et de reculer pour essuyer le sang qui doit les lui brûler. Dès que mes jambes touchent terre, je ne demande pas mon reste et prends mes jambes à mon cou.

— RICCI ! l'entends-je crier alors que je quitte la pièce.

Bordel, il a la rage.

Les poumons brûlants et le corps endolori, je sprint à travers les couloirs de la villa, en direction de ma chambre. Là-bas je pourrai me réfugier, trouver une arme. Ça, c'est s'il ne défonce pas la porte.

Quand j'entends ses pas me coursant, mon sang se refroidit. Je jette un rapide coup d'œil pour déterminer sa position. Lui que j'avais laissé dans la pièce se rapproche dangereusement de moi. C'est alors que je me rappelle que je n'ai jamais gagné à la course contre lui lors des entraînements de football.

Je pousse mon corps à aller plus vite, plus vite, mais j'ai l'impression de courir dans un rêve et les dégâts qu'il m'a infligés n'aident en rien ma situation. Dans le désespoir, je jette un autre coup d'œil pour évaluer notre distance, et constate avec horreur qu'elle est nulle.

Adam me ramasse de ton son poids, nous propulsant sur une des fenêtres qui bordent le couloir. Elle cède sous l'impact et éclate, nous projetant à l'extérieur. Nous chutons de quelques mètres avant d'atterrir dans la cour arrière, non loin de ma chambre. Une tonalité aiguë résonne dans les oreilles après le choc, tout me semble au ralenti alors que je me redresse.

Mais bientôt, lui aussi se relève, comme si nous ne venions pas de chuter d'un étage.

Non, mais sérieusement, qu'est-ce que cet enfant mange pour être aussi résistant?

Ni une ni deux, je m'éloigne de lui pour espérer reprendre la fuir vers la seule option quand j'entends les vagues s'écraser sur les rochers.

Non...

Je me retrouve à ma limite. L'endroit que je n'ai jamais été capable de dépasser, coincé entre lui qui veut m'exécuter et le souvenir de l'exécution de ma mère ici même. Le vide que je fuis à quelques mètres seulement de moi. Mes jambes flanchent sous la pression, ma cage thoracique se comprime et je commence à étouffer.

— Quoi, tu n'essaies même pas de sauter ? l'entends-je demander alors qu'il s'approche en marchant.

Le corps saisi de tremblements, je lui révèle mon visage. En lisant l'effroi sur ce dernier, Adam semble surpris. Son regard alterne entre le bord, bien trop près, et moi alors que les connexions se font d'elles-mêmes.

— Ne me dis pas que tu as peur...

J'ouvre la bouche répliquer, mais ma panique cause ma gorge de se refermer sur elle-même. Il s'accroupit avant de prendre mon visage en sueur, en larmes et en sang dans sa grande main. Il retrouve cette expression parfaitement antipathique alors qu'un sourire carnassier se dessine sur ses lèvres.

— C'est ici qu'elle est morte ?

Une autre vague s'écrase tout en bas, le coup de feu retentit, son sang gicle sur moi et elle disparaît, avalée par la mer agitée. Et j'entends sa voix qui me hante depuis toutes ses années.

« Tout ça, c'est de ta faute. »

Prisonnier de mon traumatisme, je ne réagis pas quand Adam se remet à me rouer de coups. Je ne sens plus la douleur, chaque coup me parait même exquis, comparé à la torture du souvenir. Ma vision se flou alors que ma tête balance de gauche à droite avec ses crochets, le tunnel se referme et je me laisse emporter par la noirceur.

C'est ici que je vais mourir.

Enfin...

Cette falaise nous aura eus tous les deux.

Je perds le contact avec la réalité et me retrouve ailleurs, chez ma tante, sur le point de sortir. Je me souviens de ce jour. Je devais rentrer en Italie à ma 18e année. J'avais croisé Heidi rentrant chez elle, des sacs de magasinage dans les mains.

— Bonsoir Leo ! s'était-elle exclamée.

— Salut Pinocchio.

— Tu pars en vacances ? m'avait-elle demandé, remarquant la valise dans ma main.

— Si on veut...

— Comment ça si on veut ?

J'avais avisé s'il était sage de lui dire la situation dans laquelle je me trouvais.

— Je ne suis pas sûr de revenir.

Elle avait froncé ses jolis sourcils avant de rigoler.

— Pourquoi tu ne reviendrais pas ?

— Parce que j'ai des choses importantes à faire. Et toi, tu reviens des boutiques ? m'étais-je empressé de demander pour éviter qu'elle creuse plus.

— Oui ! J'y étais avec des amies. Tu veux savoir ce que j'ai acheté ?

Pas vraiment non.

— Dis-moi.

— De nouveaux sous-vêtements, chuchota-t-elle comme si nous n'étions pas seuls dans la rue.

C'était mon tour de froncer les sourcils.

— Les autres font trop gamine, précisa-t-elle.

Je me rappelais alors qu'elle venait d'avoir 14 ans, c'était cet âge où elle se plaisait à imiter les adultes et rejetait l'enfant qu'elle était. En tout cas, c'est à cet âge que les filles avaient commencé à se vêtir de vêtement plus révélateur et de lingerie pour que nous les garçons les remarquions. C'est aussi à cet âge que les surveillants avaient commencé à les renvoyer chez elle pour entrave au code vestimentaire.

Sans doute Heidi avait-elle commencé à fréquenter un garçon du lycée, peut-être même qu'ils étaient passés à l'étape suivante et elle voulait lui plaire avec quelque chose de plus sexy.

Tant mieux pour elle, me dis-je.

— Et puis ils ne sont plus à ma taille, regarde comme mes seins sont gros maintenant :

Sans crier gare, elle avait soulevé son t-shirt, m'exposant sa poitrine en pleine rue. J'avais paniqué et avais abaissé le vêtement avant de regarder autour de nous pour m'assurer que personne n'avait assisté à ça.

— Non, mais ça va pas ?!

Elle avait éclaté de rire en me voyant rougir.

— Ça t'a plu ?

— Non, bien sûr que non ! T'es folle ou quoi ?! Ne refais plus jamais ça !

Elle avait levé les yeux au ciel, avait ramassé ses sacs au sol avant de reculer vers sa maison, un sourire espiègle aux lèvres.

— Reviens-vite, je t'attends~

Puis elle avait couru jusque chez elle.

J'ai honte de le reconnaître, mais ce jour-là l'image de son corps à l'aube de la maturité s'était imprimée dans mon esprit et Heidi n'a plus jamais été cette voisine un peu envahissante et mignonne.

Elle est devenue l'objet de mon désir.

Ma seule raison de rester en vie. Quand je me sentais faiblir face à mes pulsions suicidaires, il suffisait que je me rappelle ce jour, son rire, ses yeux pétillant de malice et cette phrase :

Reviens-vite, je t'attends.

J'ouvre les yeux juste au moment où Adam lève le bras pour me donner le coup ultime. Mon corps se meut de lui-même, j'attrape sa chemise, recroqueville mes jambes et m'en sers pour porter son corps pesant et le propulser vers l'arrière.

Je tourne sur mon flan, crache le sang dans ma gorge au sol et reprend mon souffle avant de m'essuyer la bouche avec mon poignet. Je me redresse, prêt à reprendre le combat.

Cependant, Adam a disparu.

Seul devant moi se tient le bord de la falaise. Une autre vague s'écrase alors que je réalise ce que j'ai fait. J'ai poussé Adam.

Non... non, non... s'il vous plaît non...

Je suis sur le point de laisser cours à la panique et la folie quand j'entends un grognement sourd en provenance du précipice. J'essuie mes larmes et aperçois une main accrochée au bord, sa main.

Elle est en train de glisser.

Je me précipite vers le bord pour la prendre juste avant qu'il ne lâche et chute. Adam pend à présent dans le vide, accroché uniquement à ma main.

— Je te tiens !

Je déploie toute ma force pour ne pas le lâcher, bein que nos mains soient glissantes à cause du sang. Il lève la tête vers moi qui suis en train de tirer pour le hisser sur la terre ferme. Puis il regarde l'eau, moi et encore l'eau avant de braquer ses yeux sur moi et d'étirer ses lèvres dans un sourire tout ce qu'il y a de plus malveillant.

Mon cœur chute dans ma poitrine.

Il est fou.

— Adam non-

D'un coup sec, il se défait de ma prise et se laisse tomber, sans me lâcher du regard et sans perdre son foutu sourire de fou à lier.

— ADAM ! hurlé-je avant de me jeter à mon tour dans le vide pour le rattraper.

Nos corps plongent simultanément dans l'eau dure comme du béton vu la hauteur de notre chute. L'eau nous submerge quelques secondes, le temps que mes poumons réalisent l'absence d'air avant que je ne nage vers la surface. En sortant la tête de l'eau, je ne prends même pas la peine de reprendre mon souffle en ne voyant pas Adam émerger. Je regarde partout, mais il n'est pas là. Puis, dans l'eau noire comme la nuit, je vois son corps, porté par une vague qui va se fracasser sur une roche. Il disparaît de nouveau.

Alors je plonge, nageant à l'aveugle en estimant sa position. Quand enfin mes mains touchent son corps inerte dans l'eau, je remonte à la surface pour voir une autre vague sur le point de nous écraser. Je noue mes bras autour d'Adam et replonge avant de nager vers la berge. Ma tâche est pénible, non seulement parce que je traîne le corps d'Adam avec moi, mais également parce que tout ce mouvement d'eau l'a rendue trop aérée et presque non flottante.

De peine et de misère, je parviens à gagner le sable où je tousse les tasses que j'ai bues.

Adam...

Il est couché, inconscient. Mon cœur accélère dans ma poitrine alors que je me positionne au-dessus de lui.

— Adam... Hey !

Aucune réponse. Je me penche pour sentir son souffle, mais rien, même chose avec son cœur. Aussitôt, je me mets à pratiquer la manœuvre de réanimation que j'ai apprise lors des cours de premiers soins requis pour être coach.

Je compresse sa poitrine et lui fais le bouche-à-bouche jusqu'à ce qu'à son tour, il recrache l'eau salée et se remette à respirer de lui-même. Alors seulement, je me laisse tomber à sa droite et souffle quelques minutes, rassuré de ne pas l'avoir perdu lui aussi.

Lui demeure toujours inconscient, le visage en partie recouvert de sable, l'air paisible, comme s'il ne s'était pas jeté vers une mort quasi certaine. C'est sans doute la routine pour lui, ce type de cascades insensées.

— Enfoiré de Joker...

Je me redresse avec peine pour m'asseoir sur le sable. Le son des vagues fouettant toujours la falaise me ramène à la réalité et je réalise ce qu'il vient de se produire : j'ai sauté.

J'ai sauté de la falaise.

Je suis d'abord sous le choc, ayant de mal à croire que je l'ai fait, moi qui jusqu'ici ne parvenait même pas à m'approcher du bord sans faire une syncope. Quand je l'ai vu chuter, je n'ai même pas hésité.

Je lâche d'abord un ricanement hésitant, puis plus assumé et finis par me tordre de rire malgré la douleur lancinante dans ma cage thoracique. Je ne saurais l'expliquer, mon sang bout encore et mon cœur ne s'est toujours pas remis de toute cette action.

Je ressens même l'envie de le refaire ; de ressauter et nager contre le courant. Je suis totalement ivre d'adrénaline. Quand mon hilarité prend fin, je me lève et soulève Adam avant de le jeter sur mon épaule droite.

Il pèse une tonne, une tonne de formidables muscles contre lesquels je n'avais pas moindre chance. Je note de ne jamais chercher à le provoquer en duel à l'avenir alors que je contourne la falaise pour monter la colline menant à la demeure des Ricci. Par chance, elle se trouve du côté de l'aile qui m'est réservée, alors je ne croise aucun des hommes qui ratissent le reste de la demeure.

Personne n'entre dans ce périmètre sans ma permission, même pas mon père.

Je gagne ma chambre où je trouve Jay assis devant un ordinateur.

— Ah, Leo-

Il s'arrête quand il me voit.

— Mon Dieu... qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

C'est vrai que la dernière fois qu'on s'est parlé, je sirotais du champagne en conversant avec ma cousine.

— J'ai pris la raclée de ma vie et je me suis jeté de la falaise.

— Pardon ?

J'ignore ce qui le choque le plus, que je me sois battu ou que j'ai sauté la falaise maudite. Sans lui donner plus de détails, je dépose le corps d'Adam sur mon lit. En le voyant, Jay fronce les sourcils.

— Est-que- est-ce que c'est Adam ?!

Je hoche la tête.

— Qu'est-ce qu'il fiche ici ?!

— Il est venu me tuer, dis-je en passant mon pouce sur ma lèvre fendue. Et il a bien failli y arriver.

Il m'inspecte, ses yeux passant sur les plaies, mes contusions et mon œil rougi de sang. L'inquiétude lave ses traits.

— C'est lui qui t'a fait ça ?

Je hoche la tête alors qu'il touche mon visage tuméfié.

— Quoi ? Mais c'est quoi ce- uggghhhh. Ta cousine et maintenant lui, ça fait trop d'imprévus. Je crois que même ton plan B tu peux l'oublier, dit-il en me lâchant.

Je fixe Adam qui dort paisiblement et un sourire retrouve le chemin de mes lèvres alors que je le pointe.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Il est juste là, mon plan B.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top