10. Love and thunder

— À plus !

— Bonne nuit !

— À demain.

— Salut, dis-je à mon tour au groupe de joueurs de mon équipe quittant le terrain après une de nos routinières pratiques du soir.

Aujourd'hui, elle a duré plus longtemps que d'ordinaire. Je m'apprête aussi à partir quand j'aperçois le coach Ricci du coin de l'œil en train de ramasser son matériel au sol. Il nous a fait l'honneur de jouer avec nous ce soir.

Chaque fois, c'est un pur bonheur de voir du talent à l'état pur. Ces moments où vous comprenez pourquoi les coachs sont coach. Il m'a donné pas mal de fil à retordre, bien que je sois plus rapide et saute plus haut que lui. Il est plus endurant. Il compensait notre écart d'agilité par la stratégie, tirant le meilleur des joueurs de sa formation.

— Eh coach !

Il se tourne juste à temps pour attraper le ballon que j'ai lancé à pleine force dans sa direction. Le son du ballon avec sa main gauche résonne, témoignant de la puissance de l'impact.

— Ça fait quoi de perdre ?

Il retire ses yeux du ballon et les lève vers moi. Je suis légèrement plus grand que lui, quelque cinq centimètres.

— Ça donne envie de gagner.

Il y a un court silence, puis nous nous sourions.

— Tu ne rentres pas chez toi ?

Je secoue la tête.

— Non, trop loin, il est tard et je suis crevé. Je dois aller chez ma copine.

— Ah... d'accord.

— Vous ?

— Normalement, je serais rentré bosser sur mes recherches, mais non... pas ce soir.

— Normalement ? Vous avez autre chose de prévu.

Il me fixe, sans répondre. Avec le temps, j'ai appris à comprendre que ça veut dire qu'il ne souhaite pas aborder le sujet. Comme le silence s'étire, et le malaise avec, je pince mes lèvres.

— Bon... hum... Heidi doit m'attendre, je vais-

— Tu as déjà vu Jupiter ?

— Euh...?

— La planète. Pas sur un modèle réduit ou un écran. La vraie, dans le ciel, dit-il en pointant vers le haut.

— Non. Jamais-

— Ça te dit de voir Jupiter ?

Il l'a demandé si vite, presque trop vite, comme s'il n'attendait que ça.

— Hum... oui... mais...

Je lève les yeux vers le ciel où quelques points lumineux sont à peine visibles. Pas de grosse planète en vue, le seul astre se démarquant est la lune, familière, ennuyeuse.

— Pas ici. Suis-moi.

Sans attendre de réponse de ma part, il porte son sac de sport et se dirige vers la sortie du terrain de football américain. C'était bel et bien un ordre.

J'emboîte le pas et le suis à travers l'aller qui mène au bâtiment Stokes, puis avec sa carte du personnel, nous empruntons l'ascenseur qui leur est réservé et arrivons au 8e. Une porte nous mène vers une autre qui elle donne sur la terrasse sur le toit du bâtiment.

Une fraiche brise de nuit de fin de printemps nous accueille, de même que les bancs et la pelouse artificielle avec l'enseigne de l'école.

— Attends-moi ici.

Il disparaît derrière la porte qui donne accès au toit, me laissant là, perdu, mais curieux. Je dépose mon sac au sol, m'étire, avant de m'asseoir sur l'un des bancs pour patienter. Il réapparaît 10 minutes plus tard avec un autre sac, bien plus gros à l'épaule et deux bouteilles de bière dans une main. Quand il m'en passe une, elle est bien froide, tout droit sortie d'un frigo. Il a dû aller dans son bureau ou une salle du personnel.

Alors que je m'affaire à ouvrir nos bouteilles sans décapsuleur, il se met à sortir les pièces de ce que je devine être un télescope. Je le regarde d'abord faire, puis lui prête mainforte en suivant ses instructions pour l'assemblage.

— Désolé, les télescopes normaux sont beaucoup plus simples à assembler.

— Qu'est-ce qu'il a de spécial celui-ci ?

— Je l'ai fait moi-même, il y a deux ans.

— Oh... vous aimez beaucoup Jupiter !

Il ricane.

Au fond, ce n'est pas si étonnant qu'il ait fabriqué un télescope, l'espace semble être un centre d'intérêt pour lui et il poursuit quand même un doctorat en astrophysique.

— Oui... elle et toute l'immensité qui l'entoure. L'infinie. Et voilà, il est monté et... voici Jupiter, dit-il après avoir dirigé l'appareil et l'avoir réglé.

Je m'en approche et observe l'astre, bien plus clair que je pensais qu'un télescope artisanal puisse la montrer. Je vois ses ternes nuances, sa tâche caractéristique et combien elle est lumineuse, alors qu'elle est si loin.

— Wow !

— C'est cool hein ? l'entends-je dire, non peu fier. Si tu décales légèrement comme ceci et que tu règles cette vis... tu verras Saturne.

L'astre aux anneaux m'apparaît bientôt et je le contemple, émerveillé. J'en ai fait des choses dans ma vie, surtout en tant que Joker, mais jamais je n'avais mis les yeux sur des planètes en temps réel.

— Ici, tu peux appuyer et prendre des photos similaires à ce que toi tu vois.

Quand je le fais, il les reçoit directement sur son téléphone et me les envoie.

— Tu les montreras à ta copine ce soir avant de lui faire voir les étoiles à ton tour.

Je souris timidement en venant m'asseoir sur le banc près de lui pour trinquer avec lui. Nous discutons un peu de la saison à venir, de moi, de Heidi. Le coach ne parle presque jamais de lui, pourtant il semble adorer m'écouter parler.

Un homme peu bavard, élève exceptionnel qui a une passion pour l'espace et les corps célestes. Je ne comprends pas du tout comment une famille comme les Ricci a pu engendrer un nerd.

— Pourquoi vous ne parlez jamais de vous ?

— Parce qu'il n'y a pas grand-chose à dire sur moi. Rien d'intéressant vraiment. Je ne suis pas quelqu'un d'intéressant...

— N'importe quoi, tout le monde est intéressant ! En tout cas, moi, vous m'intéressez, ou plutôt vous m'intriguez.

— Ah oui ?

— Oui ! Vous êtes réservé, silencieux, mystérieux... ça m'intrigue beaucoup. Je me demande qui est vraiment Leonardo Ricci au-delà du coach, du prof, des bannières et des distinctions.

Il soupire et je me sens un peu mal d'avoir posé la question qu'il ne semble pas apprécier. Ce n'est pas qu'il n'est pas intéressant, il n'aime pas qu'on s'intéresse à lui. Mais je sens qu'au fond il voudrait bien, sinon pourquoi m'inviter ici, me montrer le ciel de nuit d'été, m'offrir une bière alors que le règlement de l'université interdit l'alcool dans l'établissement.

Je sens qu'il veut parler, me parler.

— Qu'est-ce que tu veux savoir sur Leonardo Ricci ?

Alors je ne me retiens pas et déchaine les questions qui me brûlent les lèvres depuis que je le connais.

— Qu'est-ce que vous aimez ? Qu'est-ce que vous détestez ? Qu'est-ce que vous désirez secrètement ? Quelles sont vos aspirations ? Quelle est la chose la plus horrible que vous n'ayez jamais faite et pourquoi ? Avez-vous des regrets ? Quel est le pire ? Quelle est votre plus grande angoisse ? Est-ce que vous aussi vous faites pipi dans la piscine quand l'envie vous vient ?

Il grimace avant de pouffer de rire, pris au dépourvu par ma dernière question.

— J'aime mes études, la solitude, le silence, observer les étoiles, j'ai découvert que j'aime bien enseigner... ma famille, enfin, une partie seulement, j'aime encore mon ex, mais ça elle ne le saura jamais, et toi... je t'aime bien toi aussi.

Mon estime se fait pousser des ailes quand il m'inclut à sa pauvre liste.

— Je déteste... mes études parce que c'est dur parfois, la solitude, le silence, enseigner à des cancres, une bonne partie de ma famille, mon ex parce qu'elle m'a trompé et toi... il m'arrive de te détester.

Il termine sa phrase avec beaucoup d'amertume dans la voix. Le regard qu'il me lance alors me donne froid dans le dos. Comme si de rien n'était, il enchaîne :

— J'espère secrètement que mon meilleur ami m'abandonne, j'aspire à me venger, la chose la plus horrible que j'ai faite a été de tuer quelqu'un que j'admirais, parce qu'il me l'a demandé. J'ai pas mal de regrets, mais le pire est d'avoir cherché à être un homme alors que je n'étais encore qu'un enfant. Ma plus grande angoisse est de perdre la femme que j'aime. Et non, oui, j'ai déjà uriné dans une piscine publique, mais je ne les fréquente plus justement parce que tout le monde le fait.

Il ponctue ses confidences par une gorgée de bière fraîche avant de lâcher un « ahhh ! » de satisfaction. J'ai encore les yeux grand ouverts après ces révélations. Il vient quand même d'avouer au moins un meurtre comme si de rien n'était.

— Pourquoi sembles-tu surpris ? Tu sais à quelle famille j'appartiens, non ? Puisque tu étais à mon anniversaire.

Un frisson me parcourt et mon corps se met en état d'alerte. Ses yeux me disent qu'il sait, qu'il sait tout, qu'il sait trop. Je commence à planifier comment je vais le jeter par-dessus la rambarde pour que sa mort passe pour un accident, pour projeter mon identité et celle des autres. Il plisse des yeux et suit mon regard vers le bord du toit avant de ramener le sien vers moi. Un sourire chatouille le coin de ses lèvres, puis il s'inflige une tape dans le front.

— Ah non... suis-je bête! Tu as simplement été invité par un ami, tu ne savais pas que tu venais chez moi... c'est bien ça ?

Mon rythme cardiaque se stabilise. Pendant un instant, j'ai cru qu'il savait que j'y étais dans le cadre de notre attaque contre son clan. Le soulagement me regagne.

— O-oui...

Il me sourit de plus belle avant de prendre une autre gorgée et de lever la tête vers le ciel.

— Satisfait ?

— Non.

— Quoi d'autre ?

— Votre ex.

J'ai capté son attention, car il me regarde.

— L'autre jour, vous m'avez appelé pour me dire de qui il s'agissait, mais vous avez coupé l'appel.

— Ah...

— Alors ? Qui est-ce ? Vous avez dit que c'était une étudiante. Je la connais ?

— Peut-être... c'est également une première année.

— Quel est son nom ?

Il m'étudie un instant, semble contempler sa réponse.

— Katerina.

Puis il attend que je trouve dans ma mémoire de qui il s'agit, mais je ne connais pas de fille qui s'appelle Katerina en première année.

— Connais pas. Vous avez des photos ?

Il souffle un rire mal contenu.

— Rien qui ne se partage entre amis.

Nous échangeons un sourire pour marquer le sous-entendu. Le reste du temps, nous le passons sans dire un autre mot, savourant la brise quasi estivale, une récompense après nos efforts sur le terrain. Puis, le coach Ricci ouvre ses yeux qu'il avait gardés fermés de longues minutes pour se délecter du silence de la nuit.

— Ne devais-tu pas rejoindre Heidi ?

Ça m'était sorti de la tête. J'étais tellement absorbé par mon observation des étoiles que j'ai oublié qu'elle m'attend chez elle depuis au moins deux heures. Je bondis pour me retrouver sur mes deux jambes, prends mon sac et mon casque. Lui reste assis, les yeux vers les étoiles, le regard mélancolique.

— Merci pour l'observation coach.

Il ne répond pas. Je ne m'en vexe pas et tourne le dos avant de quitter la terrasse, mais juste avant de passer la porte, je l'interpelle.

— Coach !

Il se tord pour me faire face.

— Si vous l'aimez encore... dites-lui.




Il ferme la porte derrière lui après m'avoir dit cela, comme s'il me laissait avec une tâche à accomplir, une mission, un devoir.

Je prends une grande inspiration, essayant de ne pas y penser. Je suis venu ici avec lui justement pour ne pas penser à Heidi et à tout le reste. Et pendant les deux heures que ça a duré, ça a marché, j'ai vidé mon esprit et j'ai simplement conversé avec lui.

C'était un moment assez agréable. J'aime bien venir ici, la nuit, de temps en temps pour observer le firmament. Quand on s'intéresse à l'espace et qu'on réalise combien il est inconcevablement vaste, on relativise beaucoup. On réalise combien insignifiants sont les choses du monde, les soucis, les frustrations, les peines, nous.

La mort.

La réalité devient plus facile à digérer. D'ordinaire, je viens seul, parce que plus personne ne traîne à l'université à cette heure et Heidi, les étoiles et les planètes, bah ça ne l'impressionne pas. Ce qu'elle aime elle, c'est l'aviation.

Mais avec Adam, c'était bien. Ça m'a rappelé une époque où, comme moi avec lui, James m'apprenait à cartographier le ciel de nuit d'été, me montrant les perséides en aout. Je suis sûr qu'il aurait voulu faire de même avec son fils.

Je soupire avant de regarder l'heure tardive. Bientôt minuit. Jay m'a envoyé quelques messages pour me demander si je suis prêt pour demain. Je lui réponds que oui.

Maintenant, je suis prêt.

Je me lève, range mon télescope, rassemble mes affaires et rentre chez moi. Cette nuit encore, je ne parviens pas à fermer l'œil, mais pas pour les raisons habituelles. Pas parce que je redoute une attaque, mais parce que j'en prépare une. La plus grosse de ma vie... sans doute celle qui me coûtera la vie.

J'ai beau essayé toutes les techniques pour m'endormir, mon esprit retourne constamment à eux, les mon père, Heidi et Adam.

Alors j'assiste au levé du soleil, m'extirpe du lit et me prépare, au téléphone avec Jay.

— Je passe chez toi à vers midi. Soit prêt.

— Oui, maitre.

Je jette un coup d'œil vers la fenêtre pour constater que l'averse de tout à l'heure s'est transformée en véritable orage. Un coup de tonnerre me le confirme. Le ciel est gris et fréquemment déchiré par des éclairs.

C'est si déprimant... comme si la nature faisait déjà mon deuil.

«Dites-lui.»

— En fait... pourrais-tu passer me prendre sur le campus à la place ?

— Pourquoi ?

— J'ai quelque chose à récupérer dans mon bureau, mentis-je.

Si je mentionne Heidi, il me fera la leçon. Et c'est vrai que j'ai quelques trucs à prendre dans mon bureau. J'aimerais aussi dire au revoir à Lutz et le remercier.

— D'accord. À midi tapante.

Il coupe l'appel.

Il est déjà 10h13. Je devrais me dépêcher si je ne veux pas déchainer sa colère sur moi. Je prends un imperméable par-dessus mes vêtements, charge mes valises dans ma voiture et quitte mon appartement. Quelques minutes plus tard, je suis sur le campus qui semble désert à cause de la pluie battante. Pas d'étudiant qui dine sur les tables de paniques, pas de couples s'échangeant des tendresses sur la pelouse.

Je vais dans mon bureau récupérer tout ce que je n'ai pas eu le temps de ramasser. Puis je passe dans celui de Lutz que j'avais prévenu de mon départ uniquement par courriel, car il était en déplacement. Il me couvre d'éloges, me demande constamment la raison de mon départ, sans recevoir la moindre réponse de ma part.

— Bon, je comprends. Sache qu'à l'avenir, si tu as besoin de moi de quoi que ce soit, n'hésite pas à me contacter. Tu es de loin l'élève le plus brillant que je n'ai jamais supervisé.

Je le remercie de m'avoir autant appris, de m'avoir donné tant d'opportunités. Puis, quand il me laisse enfin partir, je cherche Heidi dans l'école. Je connais son emploi du temps, elle est présentement en cours d'algèbre linéaire. Adam aussi.

Je m'approche de la porte à la vitre carrée qui donne une vue sur l'amphithéâtre. La voix de leur chargé de cours qui explique un exercice en prévision des finaux de la semaine prochaine à travers un micro pour qu'on l'entende même au fond. Je cherche Heidi des yeux avant de la trouver, assise auprès de son Adam, comme toujours.

Ce dernier somnole, sans doute épuisé après la partie d'hier, la soirée à regarder les étoiles ensemble et probablement à coucher avec Heidi. Heidi, elle, est si concentrée, les sourcils adorablement froncés, cherchant à saisir le concept expliqué. Je ne peux m'empêcher de sourire en les voyant tous les deux comme ça et renonce à faire ce que j'étais venu faire.

Elle n'a pas à savoir ce que je ressens. Elle est très bien comme elle est, avec lui. Et puis ce n'est pas une bonne idée de la troubler à une semaine de ses examens alors qu'elle semble encore perdue.

Au moment où je décide de partir, ses yeux qui ont finalement quitté le tableau croisent les miens. Elle lève les sourcils, étonnée, intriguée. Je lui souris avant de lever la main pour lui faire un signe. Elle fronce de nouveau les sourcils, cherchant la signification de ma présence, de mon geste. Je sens ma gorge se serrer, mon cœur s'alourdir, alors je lui tourne le dos et m'élance vers les escaliers. J'arrive à la réception et sors du bâtiment. Au loin, je vois la voiture de Jay. Il m'attend déjà ce maniaque.

— LEO !




Il s'arrête enfin.

J'halète, essoufflée après avoir couru dans les escaliers pour le rattraper. Il se tourne vers moi. Une partie de son visage est dissimulé par la capuche de son imperméable noir sur lequel la pluie frappe comme sur un tambour. Après avoir repris mon souffle, je quitte l'abri au-dessus de ma tête et avance dans la pluie qui commence à me tremper, jusqu'à me retrouver à quelques centimètres de lui.

— Retourne en cours, tu vas attraper fro-

— C'était quoi ça ?

— Quoi ?

— Ça ! Là, tout à l'heure... on aurait dit... on aurait dit des adieux.

Il se tait quelques secondes, ses yeux verts me sondant. J'y lis une forme de douleur qu'il se force à ne pas exprimer.

— C'en était.

Quoi?

— Je pars, Heidi. Je ne suis pas sûr que je reviendrai... du moins pas vivant. Je tenais à te dire au revoir. C'est fait.

Comment ça il part? Comment ça pas vivant?

Il se tourne à nouveau et s'éloigne, mais je le poursuis et le retiens.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Où vas-tu ? Pendant combien de temps et comment ça tu ne reviendrais pas ?

Il soupire et me fait face.

— Je ne peux pas t'en parler, Heidi.

Leo laisse tomber son sac, enlève son manteau et me le met sur les épaules avant de me mettre la capuche pour me protéger de la pluie. C'est à présent lui qui prend une vraie douche. La douceur de son geste m'ébranle.

— Non... tu ne peux pas juste partir comme ça... sans rien me dire, protesté-je, des trémolos dans la voix.

Je ne sais même pas pourquoi je pleure, pourquoi je l'ai suivi, pourquoi mon cœur me fait aussi mal alors qu'il me dit que c'est peut-être la dernière fois qu'on se voie.

— Tu-

Il pose son pouce sur mes lèvres pour me faire taire.

— Ne complique pas les choses s'il te plait. J'ai besoin... j'ai besoin que tu me promettes de ne rien faire de stupide et de dangereux. Si tu as un problème, parles-en à Adam. Lui saura veiller sur toi à ma place. C'est clair ?

Mais qu'est-ce qu'il raconte?! Non! Je devais avoir le contrôle maintenant. Je devais avoir l'emprise, pourquoi ?!

Les questions tourbillonnent dans ma tête, mais au lieu de les poser, je hoche la tête. Ses bras m'enlacent, fort, si fort... comme s'il ne voulait pas partir, partir et me laisser.

— Je suis désolé, Pinocchio.

J'ignore s'il s'excuse parce qu'il part ou pour tout ce qu'il a pu me faire. Je ne sais pas quoi lui dire, mais je sais que je ne parviendrai pas à le retenir. Alors tout ce que je fais, c'est lui rendre son étreinte. Nous restons ainsi de longues secondes, puis il dépose un baiser sur mon front, regarde par-dessus moi, surpris par je ne sais quoi. Ses lèvres se déforment dans un sourire calculateur alors qu'il fixe l'horizon.

— Une dernière chose, dit-il en ramenant ses yeux vers moi.

Ses mains quittent mes hanches, glissent le long de ma taille, jusqu'à mes épaules. Il se met à se pencher, alors je ferme les yeux.

Mais au lieu du baiser que j'attendais, il me fait pivoter sur moi-même. Confuse, j'ouvre les yeux.

Mon cœur chute dans mon ventre quand nos regards se croisent. Le son du déluge autour de moi s'amenuise, comme si l'on m'avait bouché les oreilles, tous disparaît comme s'il n'y avait plus que nous trois sur terre après l'apocalypse. Seulement, elle est sur le point de se produire ; l'apocalypse.

Adam fronce les sourcils, ses traits crient le choc et l'incompréhension, ses yeux demandant déjà une explication, une raison, sans l'obtenir. J'ignore si c'est la pluie ou si ce sont des larmes qui roulent le long de ses joues.

Je tente de bouger, de me dégager, de m'enfuir, de me réveiller, mais Leo me retient. Il me force à le regarder dans les yeux alors que ses lèvres effleurent mon oreille.

— Je t'aime, Heidi.

Le ciel rugi, lui-même stupéfait d'entendre ces mots qu'il n'a jamais prononcés.

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