05. Poker face

Plus que quelques secondes.

L'odeur et le crépitement des matières grasses sont en train de me faire saliver depuis 10 minutes. Déjà dans mon lit j'en rêvais... des œufs au plat avec du bacon, du jambon et deux gaufres faites maison bien dorées.

La cuisson terminée, je mets les quatre tranches de bacon dans l'assiette avec le reste, attrape des raisins et le pamplemousse que j'ai précédemment coupés en tranches avant d'aller m'asseoir à table et de déguster.

Je ne mange pas aussi lourd le matin d'ordinaire. Je me contente de quelques fruits, du yaourt s'il en reste, et de barres protéinées. Mais aujourd'hui, n'est pas un jour ordinaire. Aujourd'hui, je peux faire un écart sur mon régime, faire la grasse matinée comme je l'ai faite ce matin, prendre soin de moi-même. Parce qu'aujourd'hui nous sommes le premier avril.

C'est mon anniversaire.

Quand l'umami de mon sandwich improvisé fond dans ma bouche, mes yeux se révulsent de pur plaisir et j'échappe un gémissement de complaisance. Il ne manque qu'Heidi pour que cette journée soit vraiment la meilleure de toutes.

Et elle le sera. On a prévu de se voir pour fêter ensemble avec quelques amis, elle a dit qu'elle se chargeait de tout. J'ai hâte d'être à ce soir, peu importe ce qu'elle a prévu, j'ai juste hâte d'être avec elle.

Quand nous venions de nous mettre en couple, je savais que j'aimais Heidi. Beaucoup. Mais ces quelques mois avec elle m'ont fait encore plus tomber amoureux d'elle, que ce soit Heidi Mäkinen ou la Reine. Elle est comme le soleil un rude jour d'hiver ; un soulagement, un créateur de félicité. Toujours à l'écoute et attentive, généreuse, elle me soutient dans tout ce que j'entreprends, viens me voir à quasiment toutes mes pratiques et tous mes matchs, m'encourage à me surpasser. Elle est aussi résiliente, déterminée et tellement, tellement belle.

En particulier quand elle est perchée sur ma queue.

L'avoir pour moi tout seul comme ça... je réalise à peine la chance que j'ai. Quand je pense à son ex, l'imbécile personnage qui n'a même pas pu voir l'or qu'il avait entre les mains, qui l'a fait se sentir petite et invincible pendant trois longues années, ça me dépasse.

Mais moi, moi, je ne la laisserai jamais tomber. Elle est à moi et je veux qu'elle sache que je suis à elle, tout à elle. C'est pour ça que je lui ai offert le collier de ma mère la semaine dernière ;

Pour être auprès d'elle-même quand je ne suis pas là.

— Comme ça sent bon !

Alors que je mâche, je lève le regard vers ma mère qui vient de faire son apparition. Je ne l'ai pas entendue descendre les escaliers, j'étais trop absorbée par mon déjeuné calorique et elle se déplace littéralement comme un fantôme.

— Bonjour maman. Si tu veux, je t'en ai fait un plat. Il est sur le comptoir.

Elle va récupérer son plat et vient s'asseoir près de moi et « regarde » dans ma direction, sourire aux lèvres.

— Joyeux anniversaire mon cœur, dit-elle finalement.

Je lui rends son sourire, prends sa main et la pose sur ma joue pour qu'elle puisse le sentir.

— Merci maman.

Elle en profite pour toucher mon visage et les larmes lui montent aux yeux.

— Oh, mon bébé, à présent un homme... le temps passe si vite...

Et elle se lance des récits émotifs sur combien j'étais petit avant, à quel point je pleurais bébé, comment je la réclamais, répète qu'elle regrette que je ne sois plus son petit garçon. Elle fait souvent ça, s'étonner du fait que je grandisse. Seul à seule, c'est long, mais quand elle le fait en la présence de Heidi, je suis toujours tellement embarrassé.

— Ça va, j'ai grandi, tout le monde grandit, ce n'est pas si exceptionnel.

— Ce l'est pour moi.

Je ricane.

— À t'écouter, on croirait que tu pensais que j'allais mourir avant l'âge.

Son sourire disparaît et le sérieux lave son visage. Je comprends alors que quelque part c'était sans doute le cas. Avec ce que j'ai appris sur mon père, le fait qu'il ait été assassiné et il y a quelques mois, reconnu en moi par un mafieux, ma mère a peut-être eu à craindre pour ma sécurité autrefois. Peut-être même que c'est encore le cas.

Je saute sur l'occasion pour lui poser la question que je n'ose pas lui poser depuis des années, de peur de réouvrir les plaies du deuil. J'ai cherché mes réponses, mais je n'arrive à rien. Tout ce que j'ai c'est ce que le Roi a bien voulu me dire.

— Qui a tué mon père ?

Je m'attendais à de la surprise, celle qui suit une question inattendue, du déni, de la panique, mais rien de tout ça. Elle fige simplement, comme si elle attendait cette question, comme si elle savait que j'allais un jour finir par la poser.

— Ton père est-

— Mort d'une maladie cardiaque. Je sais, je connais le conte de fées. Maintenant, c'est la vérité que je veux, maman.

Elle secoue la tête, mais cette fois ne tente pas de nier ce que j'avance.

— Donc il a bien été assassiné.

— Adam...

— Tu l'as toi-même dit, je ne suis plus un enfant à qui tu dois mentir ou même que tu dois protéger. À présent, je suis un homme, c'est à moi de te protéger... mais pour ça je dois savoir de quoi je dois te protéger, de qui... je dois savoir.

Elle soupire et je comprends que je n'obtiendrai rien d'elle, pas aussi facilement.

— Bon, alors je vais te dire ce que moi je sais, parce que j'en sais plus que ce que tu crois.

Son attention est captée quand je lui dis cela.

— Je sais qu'il a été exclu de son université à cause des affaires illégales dans lesquels il trainait plus jeune. Je sais qu'il était une sorte mercenaire. Plutôt célèbre même dans son milieu. À part ça, absolument rien sur lui. Il était un fantôme qu'on ne voyait apparaître que dans quelques occasions très rares.

Elle sourit faiblement.

— Pourtant il n'y avait pas plus rayonnant que lui. Il apparaissait souvent... mais sous diverses identités. C'était plus un caméléon qu'un fantôme.

Je la regarde, attendant qu'elle m'en dise plus, mais elle se range dans ce silence qui est le sien depuis des années.

— Sauf pour Leonardo Ricci. Celui à la tête du clan.

Elle lève la tête quand je prononce le nom du père du coach Ricci.

— D'où tu sais ça ?

— On s'est rencontré lui et moi.

La terreur prend possession d'elle et je sais que je viens de toucher un point sensible.

— Quoi ?! Quand ça ? Où ça ?

— Il y a quatre mois, chez lui.

Son visage se désagrège quand je lui dis cela.

— Il m'a immédiatement reconnu- enfin non, il a reconnu James en moi. Alors j'en déduis qu'à lui, James était bien James Cole. Ça peut vouloir dire deux choses ; soit ils étaient proches, soit de véritables ennemis. Quoique l'un n'exclut pas l'autre... alors ? Qu'est-ce que c'était ?

— Ne t'approche plus des Ricci. Ils sont dangereux.

Elle ignore mon questionnement pour me mettre en garde, alors j'ignore sa mise en garde pour avancer mes connaissances.

— Assez dangereux pour l'avoir tué ? Leonardo Ricci a tué mon père ?

Elle baisse la tête tout en la secouant, comme pour rejeter ce que je lui dis ou pour chasser des souvenirs de sa tête. Les larmes qu'elles retenaient finissent par couler. Je sais... je sais que je devrais m'arrêter là, me contenter des informations que son langage corporel m'a fournies ; les Ricci ont quelque chose à avoir avec la mort de mon père et en sont sans doute les responsables, si tant est qu'il est véritablement mort, mais je veux des réponses, alors je tente une toute dernière question.

— Qui est G. Mancino ?

Là, son regard s'assombrit, une haine que je n'ai jamais vue chez elle apparait. Elle serre son verre de jus d'orange si fort qu'il se fissure dans sa main, sans toutefois rompre.

— Ne prononce plus jamais ce nom.

— Pourquoi ? Qui est-ce ? Quel est son lien avec le Roi ? Quel est son lien avec The Players ?

Je prends un risque en posant cette question, mais il est clair que ma mère en sait plus que ce qu'elle veut me le faire croire sur The Players. D'ailleurs, non seulement elle semble comprendre la signification de ce que je lui dis, mais surtout elle n'est pas surprise que je sois au courant. Au fond, j'ai toujours su qu'elle se doutait de quelque chose, mais comme elle n'en parlait pas...

— C'est à cause d'elle qu'il est mort. Tout est de sa faute, crache-t-elle, le poing serré, la rage dans la voix. Elle l'a tué.

— Elle ?

G. Mancino est une femme ?! Apparemment oui et maman lui voue une haine sans nom.

— Qui est-elle ? Comment ça, c'est à cause d'elle ? Maman-

Elle donne un coup sur la table et se lève.

— Quelle importance ? Je l'ai butée, et c'est parfait comme ça.

Et sans un mot de plus, elle remonte et va s'enfermer dans sa chambre, laissant son assiette qu'elle n'a même pas touchée. Le silence du samedi matin, troublé seulement par le ronflement du frigidaire et le son lointain de la tondeuse d'un voisin m'enlace de nouveau. Ma propre assiette est encore à moitié, mais je n'ai plus faim.

Je suis trop excité par toutes les réponses que j'ai eues, malgré le refus de ma mère de m'en dire plus. Je comprends alors pourquoi je ne trouvais absolument rien en cherchant sur les Mancino.

Je cherchais un homme. Mais s'il se trouve, la personne à l'origine de tout cela, tous ces secrets, tous ces mensonges, The Players peut-être même est une femme.

- G. Mancino...

Une rapide recherche me permet de trouver que le prénom est Giullieta. Je reconnais la femme qui posait dans certaines des photos où mon père apparaissait auprès de Leonardo Ricci il y a deux décennies. Je me donne quelques coups en réalisant que mon sexisme internalisé m'a fait passer à côté d'une telle information. Je découvre qu'elle a une sœur encore vivante et qui habite...

L'appartement directement à côté de celui de Heidi.

— Putain...

Le hasard fait bien les choses. Je vais pouvoir la rencontrer d'ici peu et lui poser mes questions sur ce nouveau nom qui m'obsède.

Giullieta Mancino.



Je crois qu'on peut dire que cette fête est une réussite. Adam a été très surpris par l'ampleur de la « petite soirée » dont je lui avais parlé. Petite soirée qui en réalité en est une énorme, dans un des clubs les plus fréquentés de la ville. Je lui ai dit de profiter un peu, d'aller voir ses amis, le temps que je parle logistique avec propriétaire. Ça fait un moment que je suis revenue, mais je suis restée à l'écart, pour le regarder parler, enlacer tous ceux qui se sont déplacés pour lui, rire et s'amuser. Rien que cela vaut tous les tracas que je me suis infligés pour l'organisation de cette soirée. Vraiment l'événementiel, ce n'est pas fait pour moi.

Je sens une présence près de moi, alors je tourne la tête. Leo se tient à ma droite, les mains dans les poches, le regard vers Adam. On dirait qu'il vient d'arriver.

— Il a l'air de s'éclater...

Je reporte mon regard vers Adam.

— Oui.

Il y a un long silence amplifié par la musique crachée par les enceintes.

— Merci.

— De ?

— De m'avoir aidée.

Quand j'ai eu l'idée d'organiser une fête pour Adam, j'en ai parlé à notre petite bande, pour qu'on fasse un truc entre amis, rien de bien gros, un resto et une petite soirée chez mon père. Lui et sa copine étaient d'accord pour nous laisser la maison pour la soirée.

Mais, et j'aurais dû m'en douter, le mot c'est répandu. Kyle, qui fait aussi partie de l'équipe de football américain, en a parlé à ses deux de ses coéquipiers qui sont venus me voir pour me demander s'ils pouvaient venir. J'ai accepté. Deux de plus, ce n'était rien. Puis c'était deux autres, deux autres encore, puis cinq autres. Avant que je ne m'en rende compte, toute l'équipe voulait célébrer l'anniversaire de leur capitaine avec lui.

Bon, c'est sûr qu'inviter une vingtaine de joueurs de football souvent immature, intense et violents dans la maison que mon père me prêtait était risqué. J'ai déjà vu des fêtes où ils avaient fait pas mal de dégâts matériels en se croyant sur le terrain. Mais c'était pour Adam, je savais qu'il serait ravi de nous avoir nous et son équipe avec lui.

Le problème c'est que plus de monde était au courant, plus ils en informaient d'autres. Les cheerleaders ont commencé à venir me voir une à une, parfois en groupe. Je ne pouvais pas leur refuser, elles font en quelque sorte partie de l'équipe. Puis certaines voulaient ramener leurs amies (pour celle qui me l'ont dit). J'ai réalisé alors combien Adam était apprécié de tous. Il connaissait tout le monde, tout le monde le connaissait et l'aimait beaucoup et voulait être là pour son anniversaire.

Sauf que je ne pouvais pas ramener tout ce monde chez moi à moins de le cacher à mon père qui avait accepté parce que je lui ai dit que ce serait un petit événement et surtout tout le monde ne rentrerait pas.

Felix m'a donné l'idée de réserver une salle ou un club pour une soirée. C'était une bonne idée. Il y aurait de l'espace, de l'ambiance, je n'aurais pas à gérer les boissons et les gens se tiendraient mieux que quand ils vont chez les autres.

Le problème c'est que déjà pour y entrer, consommer et surtout réserver tout le club, il faut être majeur, avoir 21 ans. Et moi je n'en ai toujours que 19. C'est aussi le cas de nos amis, personne ne dépasse 20 ans.

Deux solutions s'offraient à moi : demander à un des amis d'Adam qui avait l'âge ou falsifier le mien. J'avais opté pour la deuxième option, ne voulant pas donner la responsabilité d'un tel événement à une tierce personne.

Alors qu'on venait de se voir Leo et moi, je lui avais exposé mon problème et mon plan. Il se proposa aussitôt pour faire la réservation en son nom et même payer.

J'ai refusé, bien évidemment. S'il y a une chose que je ne veux pas, c'est lui être redevable.

Il n'avait pas insisté, alors je me suis dit qu'il avait compris que je ne voulais rien venant de lui. Mais c'était mal le connaître. Le lendemain, quand j'avais appelé pour réserver le club, on m'informait qu'un certain Leonardo Ricci avait déjà réservé pour la soirée.

Il a été plus rapide que moi.

J'ai bien été tentée d'annuler la fête, du moins dans ce club, histoire qu'il ait fait ça pour rien et que ça lui serve de leçon, mais je me suis dit que c'était puéril. C'était pour l'anniversaire d'Adam et mon conflit avec Leo ne devait pas venir obscurcir ce jour. J'ai donc jeté l'éponge.

Leo a gagné, encore.

— Ah... c'est rien... c'est son anniversaire.

On dirait qu'il pense comme moi.

— Oui mais tu n'avais pas à le faire-

— Si. Je le devais.

Sa voix est sérieuse, légèrement sévère même.

— Ok... mais sache que ça ne change rien à notre situation, peu importe ce que tu fais pour moi.

— Je ne l'ai pas fait pour toi. Tu n'es pas le centre du mon-

Il fronce les sourcils en regardant en direction de ma clavicule. Puis sa main droite voyage jusqu'à mon cou.

— Leo- qu'est-ce que tu fais... pas ici...

— Où est-ce que tu as eu ça ?

C'est mon tour d'exprimer ma confusion, puis je baisse le regard vers sa main qui tient la violette à mon cou. Mon rythme cardiaque ralentit. L'instant d'une seconde j'ai cru qu'il allait tenter quelque chose en public.

Je donne un coup à sa main pour l'éloigner de moi.

— Bas les pattes ! Adam me l'a offert.

Il s'apprête à répliquer quand la musique change et que des cris féminins hauts perchés résonnent dans toute la salle. Leo et moi rompons le duel pour attribuer le vacarme aux filles de l'équipe de cheerleading qui ont reconnu l'air d'une de leur dernière routine, Single Ladies. Naturellement, elles se cherchent, s'assemblent, se mettent en position et commencent à en exécuter les pas rudimentaires, sans les saltos et les portés qu'elles avaient effectués lors du dernier match, c'est-à-dire la semaine dernière.

Encouragée par la foule, de en plus d'entre elles se dégêne et rejoignent les autres. Puis, Paige, la capitaine qui dansait à l'avant, repère Adam, court, le harponne par le bras malgré ses protestations et l'entraîne dans la formation. Ce dernier résiste un peu, secoue la tête, tente de s'enfuir, mais dès que le refrain arrive, il se met à exécuter la routine qu'il avait fini par retenir à force de voir les filles s'entraîner pendant ses entraînements à lui. Lors du dernier match, il s'était joint à elles après leur victoire.

J'adore ce côté de lui, totalement décomplexé, si confiant en sa masculinité que ça ne le dérange pas de tourner les reins avec les filles et de faire des manières pour amuser la galerie. Je comprends alors mieux pourquoi tant de gens ont voulu venir le célébrer aujourd'hui. Avec lui il n'y a pas la place pour les tracas, les insécurités ou même l'angoisse, que du fun.

Il est le Joker de The Players, mais le nôtre également

— Décidément, ils sont pareils...

Je me tourne vers Leo dont j'avais oublié la présence, absorbée par le magnétisme d'Adam.

— Hein ?! crié-je, ma voix enterrée par celle de Beyoncé.

Il baisse le regard vers moi. Ses lèvres bougent, mais je ne perçois rien de ce qu'il dit.

— QUOI ?!

Il lève les yeux au ciel et me fais signe de laisser tomber. Au même moment, des étudiants crient le nom de Leonardo et, reconnaissant les gens de sa cohorte, Leo va les rejoindre.

Parfois, j'oublie que lui aussi est un étudiant d'à peine 24 ans.

Quand la chanson se termine, les filles se dispersent. Adam semble scanner la salle à la recherche de quelque chose, puis quand ses yeux atterrissent sur moi, son visage retrouve le sourire. Il vient me trouver.

— Contente de voir que tu t'amuses !

Il ricane, m'entoure de ses bras qu'il pose sur mes reins et se penche pour m'embrasser.

— Merci, t'es la meilleure ! crie-t-il près de mon oreille. Comment tu as fait pour convaincre autant de monde de venir ?!

— Comment j'ai fait ?! C'est toi ! Dès que le mot s'est répandu qu'il y aurait une fête pour ton anniversaire, tout le bahut est venu me demander d'en être. Il y a même des gens qui ne sont pas censés être là !!

— Oh !

On dirait qu'il découvre qu'il est populaire. C'est une autre des choses que j'adore chez lui ; son innocence à la limite de l'ingénuité.

Nous allons retrouver notre cercle d'amis proches installés autour d'une table où ils discutent autour de shooters de divers alcools reposant sur la table. La majorité n'ont même pas l'âge légal, mais il y a longtemps que cette transgression a été effectuée pour chacun d'entre nous.

Vers 22h, des barmaids arrivent avec un petit gâteau orné de cierges créant une pluie d'étincelle dans la pièce sombre. Les gens sortent leur téléphone et les braques sur ce dernier ainsi que le fêté alors qu'il souffle l'unique bougie sur le gâteau. Après quoi, la fête reprend où elle en était. Les heures passent et je commence à songer à rentrer, pour n'avoir Adam qu'à moi seule. Sauf qu'il est introuvable depuis un moment. La dernière fois que je l'ai vu, il était avec la bande de Leo et des plus vieux joueurs de l'équipe. Mais eux aussi se sont volatilisés.

Alors que je le cherche dans la salle, je sens des mains se poser sur mes hanches et des baisers dans mon cou.

C'est lui.

— Adam ! Tu étais où ?

— Viens, me dit-il en m'entraînant avec lui.

Je pense à lui demander où, mais je comprends vite ce qu'il veut. M'emmener dans un endroit reclus, privé pour qu'on baise. Alors je serre son bras et le suis, impatiente d'y être. Nous descendons au sous-sol et avant d'ouvrir la porte en bois devant nous, il s'assure que personne ne nous a vus.

Il ouvre et à peine entrée, je me jette sur lui, l'embrassant tout en essayant de défaire sa ceinture.

— Att- Attends Heidi... Heidi !

— Quoi ? m'impatienté-je.

— On n'est pas ici pour ça...

— Pourquoi alors ?

Il s'apprête à répondre, mais une voix derrière moi se fait entendre.

— Oh non, Adam ! Tu nous gâches le spectacle !

Je tressaute et me tourne pour constater que pas une, mais dix personnes, les doyens de l'équipe de football américain, dont Leo, ont les yeux rivés sur nous. Ils sont tous réunis autour d'une table de poker, cartes, verres et joints en mains pour certains.

Oh putain...

— Continuez, faites comme si on était pas là ! ricane l'un d'entre eux.

Oh la honte! TUEZ-MOI!

— Je... désolée...

J'ai envie de pleurer tant je suis morte de honte. Je me tourne pour m'enfuir, mais Adam me retient avec son torse.

— Attends. Je voulais que tu viennes jouer avec nous. Je suis désolé, j'aurais dû te le dire avant...

Ouais, tu aurais dû me le dire avant que je me tape la honte devant les mecs les plus populaires du putain de campus!

— Adam c'est la honte, chuchoté-je.

— Je sais, se moque-t-il. Mais on s'en fiche de ce qu'ils pensent. Allez, viens jouer avec moi.

Sans attendre ma réponse, il prend ma main et m'entraîne avec lui jusqu'à la table.

— Les gars, je vous présente Heidi, ma copine, Heidi voici-

— Je sais. Je les connais.

Je les connais tous. À la table, deux ont déjà été capitaines les années précédentes, certains sont d'anciens joueurs comme Leo et d'autres font encore partie de l'équipe. Qui ne les connaît pas ? Ce sont des célébrités locales. Ils forment une petite clique, très sélecte et on dirait qu'Adam est le dernier admis dans leur panthéon.

Adam va s'assoir sur la seule place vacante avant de tapoter sa cuisse pour m'indiquer de m'y asseoir.

Étant la seule fille présente, et surtout parce que Leo est là, cela me gêne un peu, mais je finis par le faire. Il glisse alors sa main sous mon haut pour attirer mon dos contre son tronc.

— Regardez-le qui se pavane avec sa petite amie, commente un des types à table avant d'être rejoint dans les moqueries par les autres. On avait dit entre mecs.

Je me sens rougir. Je n'arrive pas à croire qu'ils disent ça devant moi. J'ai envie de me lever et de les laisser jouer entre hommes autant qu'ils le souhaitent, mais quand j'essaie de bouger, la prise d'Adam autour de ma taille se resserre pour me maintenir sur lui, contre lui.

— Heidi est mon porte-bonheur. Je ne joue pas sans elle.

Il conclut sa phrase d'un baiser sur mon épaule qui m'électrise et fait se redresser tous les poils de mon corps.

Il y a d'abord un court silence et puis les autres râlent alors qu'une forme de jalousie s'installe, ce qui amuse Adam.

— Ark, un romantique !

— Orhhh ! Pas de ça ici !

— Le canard !

— Vous êtes juste jaloux, ricane Adam en continuant de caresser la peau de mon flanc, libérant des milliers de papillons dans mon ventre.

— Laissez-le, il est amoureux.

— Moi aussi je peux ramener ma meuf alors ?

— Non, tranche Leo.

— Pourquoi lui il peut ?

— Heidi a organisé la fête. Elle peut rester. Et puis c'est l'anniversaire d'Adam, ce soir on se plie à sa volonté, répond-il en mélangeant les cartes. On commence ?

Après de brèves protestations à ma présence, Leo distribue les cartes et la partie commence. Au cours de celle-ci, ils discutent, rient aux éclats, se resservent des verres et plus de fumée s'élève dans la pièce. Les basses de la musique d'en haut nous parviennent, ajoutant à l'ambiance particulière de la pièce. Au début, je ne me sens pas à ma place dans leur men's club, mais je finis par trouver cela agréable.

Je découvre qu'ils aiment autant les commérages que nous les filles et apprends pas mal de choses qui auraient dû rester secrètes sur des gens que je connais et d'autres que je ne connais pas. Deux ou trois blagues salaces se glissent dans la conversation, mais somme toute, elle demeure assez... civile. De l'argent est bien évidemment parié, créant des tensions entre deux. Tout du long, j'ignore le regard que je sais lourd de Leo sur moi.

Puis, vers une heure du matin, Malcom, celui assis à la droite de Leo se lève.

— Bon les mecs, et la demoiselle, ce fut un plaisir de jouer avec vous, mais j'ai une entrevue pour un stage demain, dit-il en ramassant l'argent qu'il a gagné. À plus.

Il salue tout le monde d'un bref contact physique, me serre la main avant de s'éclipser.

— Tu veux jouer Heidi ?

Je tourne la tête vers un des mecs qui vient de m'interpeler, Jaime je crois.

— Oh euh...

Il tire la chaise vide à sa gauche pour m'indiquer de prendre la nouvelle place. La vérité, c'est que je ne veux pas quitter le corps chaud d'Adam et ses douces mains et surtout, je ne veux pas me retrouver assise aussi près de Leo, en présence d'Adam, mais j'ai l'impression que ce serait ingrat de ma part.

Déjà qu'on m'a laissée rester, en plus ils m'invitent à jouer avec leur espèce de FC Testostérone, ce serait vache de refuser.

Alors je demande Adam si ça ne le dérange pas et avec son accord, je me lève de sur lui et fais le tour de la table. Je sens le regard de tous sur moi, sur mon corps alors que je marche et que je prends place.

— C'est qu'il a bon goût Cole, commente Jaime, t'aurais pas une sœur à me présenter ?

— Non, mais j'ai un frère qui je suis sûr serait ton genre... après lui n'aime pas les hommes et n'est pas trop fan des monosourcils, mais on peut s'arranger. Tu payes, je le leurre, je l'attache et je te le laisse pour la nuit.

Son sourire disparaît alors que tous se moquent de lui. Leo ne fait que sourire.

— Du répondant... j'aime... si tu te lasses d'Adam-

Adam se saisit de son verre à moitié plein et le balance dans la direction de Jaime qui l'esquive. Au début, je crois qu'il est vraiment en colère, mais vu les rires, je comprends que c'est probablement quelque chose qu'ils font entre eux, être violents. Alors je me détends et ris avec eux. J'arrête net quand je sens une main sur ma cuisse.

Celle de Leo.

Je fige, ne sachant pas quoi faire.

Non... pas ici... pas maintenant!!

— Un peu de tenue, messieurs, les rappelle-t-il à l'ordre. Heidi ne tromperait jamais Adam pour aucun d'entre nous, non ? demande-t-il, sa main se baladant toujours sur ma peau.

À quoi il joue?!

Les regards braqués sur moi me forcent à garder mon calme.

— Jamais.

Il place son bras sur mon épaule.

— D'ailleurs, ça va faire combien de temps que vous êtes ensemble ?

— Cinq mois, répond Adam en jetant une carte au centre.

— Cinq mois déjà !

— Et toi Leo ? Ça fait combien de temps que tu es avec ta copine ? demande Eric.

Leo soupire, prend son verre, boit une gorgée de sa liqueur et le redépose sur la table.

— Ça allait bientôt faire quatre ans.

— Allait ?

— Elle m'a plaqué il y a quelques mois pour un autre.

— Aouch...

— La salope...

Oh mon dieu... je veux disparaître...

— Hm. Les femmes sont si cruelles... toutes des menteuses et des manipulatrices qui abusent de notre confiance et brisent nos cœurs sans le moindre scrupule.

L'ambiance se tend, le malaise s'installe à table.

Leo sourit. Je donnerais tout pour être partout sauf ici.

— À l'exception de Heidi bien sûr ! ajoute-t-il en posant son bras sur mon épaule. Hein Heidi ? Toi tu ne briserais jamais le cœur d'Adam, non ?

J'ose enfin lever la tête pour voir qu'Adam attend ma réponse, ils attendent tous ma réponse. La prise de Leo se resserre pour me presser de répondre. Je dois rassembler toutes mes forces pour ne pas fondre en larmes, garder la poker face alors que je réponds encore par la négative.

— Adorable. Je suis jaloux maintenant. Tu ne voudrais pas me la prêter par hasard ?

Il y a un silence, puis lui, Adam et tous les autres rigolent. Leur humour me dépasse, mais ils font toujours ce genre de blagues déplacées entre joueurs et on dirait c'est une habitude que Leo n'a pas perdue. Sa main caresse toujours ma cuisse sous la table.

— T'en fais pas Heidi. Adam aussi est fidèle, de toute façon on l'a à l'œil, me rassure un autre, sans savoir que c'est le dernier de mes soucis.

Mon regard se porte vers Adam qui me sourit timidement. Mais les caresses de Leo sous la table gâchent tout de ce moment entre nous. Il faut que je le fasse arrêter, je vais perdre la tête.

— Adam, viens t'asseoir à côté de moi... s'il te plaît... pour m'aider...

La main de Leo creuse ma peau pour m'exprimer son mécontentement, mais je n'en ai rien à foutre. Il arrêtera de me toucher si Adam peut le surprendre.

Ayant été à demi-mot chassé, Jaime mime un cœur brisé, se lève et échange de place avec Adam et comme prévu, Leo s'empresse de retirer sa main. Adam s'installe et m'embrasse avant de se mettre à m'expliquer des règles que je connais déjà.

Il faut savoir quand jouer l'idiote de temps en temps.

Après son bref tutoriel, la prochaine partie commence. Je fais semblant d'être débutante pour coller à mon mensonge. Sans surprise, Adam cherche à me toucher sous la table, à l'abri des regards. Sa main qui entourait ma taille descend vers ma cuisse droite.

— Adam... soufflé-je.

— Oui, ma Reine ? susurre-t-il au creux de mon oreille.

Oh putain!!!!

Heureusement, les autres croient qu'il me souffle les cartes à mettre alors qu'il ne fait que me dire des obscénités qui m'embrasent.

Et alors que je pense que je ne peux plus tenir, la main de Leo revient se placer sur mon autre cuisse. J'écarquille les yeux de surprise.

Mais quel connard! Adam pourrait le voir!

Je lui jette un regard de panique, mais ça ne fait qu'attiser sa malice. Un, je pouvais encore gérer, mais tous les deux...

Le pire c'est que j'aime ça ! Le risque que Adam prend en me touchant si près de ses amis, le risque que Leo prend en me touchant près de mon petit ami, le risque que je prends en les laissant, chacun une main sur une cuisse.

Fuck!

Je sens ma culotte s'humecter, ma tête chauffer, une pellicule de sueur se former sur ma peau, mon souffle se faire plus lourd, mon cœur s'emballer comme jamais. En plus de me concentrer sur la partie en cours, je dois maintenir une expression stoïque.

Adam se penche de nouveau pour m'intimer quelque chose :

— Petite perverse... tu aimes ça hein ?

Oui! Oui j'adore ça! Continuez, bordel!

Je hoche faiblement la tête, de peur d'exprimer trop de contentement. Il tire une de mes cartes et la place au centre de la table quand vient mon tour, avant de revenir contre mon oreille.

— Donne-moi ta culotte.

Oh mon dieu!

— Je peux pas...

La main de Leo est toujours sur moi et il y a tout ce monde !

— Tu as sauté d'un avion en vol, tu peux me donner ta culotte.

C'est pas ce que je voulais dire ! Je sais qu'il sait que ce n'est pas ce que je voulais dire... mais l'idée de me plier à son caprice, d'augmenter le risque m'excite plus que je ne pouvais me l'imaginer.

Alors je retire la main de Leo et commence à me tortiller sous la table pour me défaire de ma culotte, et une fois dans mes mains, je la glisse dans celle d'Adam avant de prendre la main de Leo et de la remettre sur ma cuisse.

Cette fois, ce sont les deux qui se penchent et qui me susurrent simultanément :

— Bonne/vilaine fille.

Et ça suffit à me liquéfier et à me faire pousser un couinement de bonheur qu'eux seuls perçoivent, parce que c'est ça que je veux !

Être la bonne fille d'Adam et la vilaine fille de Leo.

Je ne suis même plus capable de jouer tant leurs attentions me rendent fiévreuse, c'est Adam qui place mes cartes depuis quelques minutes alors que son autre main se glisse sous ma jupe, entre mes cuisses, passant si près que celle de Leo que je fais une petite crise cardiaque. Puis c'est celle de Leo qui s'introduit dans ma jupe. Des frissons de terreur et de plaisir me traversent, mais quand je sens que leurs mains sont sur le point de se rencontrer contre mon intimité, je me lève d'un coup, surprenant tout le monde.

— Euh... je... je vais aller voir si tout va bien en haut. Merci de m'avoir laissée jouer avec vous.

— Je crois qu'elle est fatiguée, Adam tu devrais rentrer avec elle-

— NON !

Ils me regardent tous étrangement à présent.

— Non... je vais bien... continuez à jouer.

Et sans adresser le curieux regard d'Adam ou le sourire de Leo, je fais demi-tour et sors en vitesse. Une fois derrière la porte, je respire enfin. Mon entrejambe cogne encore avec fureur sa frustration de ne pas avoir pu pleinement profiter de leurs doigts qu'il sait experts.

— Mais qu'est-ce que tu fais Heidi ?

Je suis maintenant en putain de chaleur, sans dessous dans un club rempli et je viens de passer à deux doigts de la catastrophe, littéralement. Mais surtout je réalise avec horreur ce qu'il vient de se produire :

Là, dans cette pièce, je les voulais tous les deux.

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