04. Sweet violet
NDA :
Désolée pour le retard... bonne lecture !
———————————————————————————
Un homme seul dans une pièce rempli de femmes est l'homme le plus heureux qu'il soit, et qu'une femme dans une pièce pleine d'hommes a d'excellentes raisons de craindre pour sa sécurité et même sa vie. Qu'en est-il d'une terroriste membre d'une des organisations les plus recherchées, seule dans une pièce pleine d'hommes, tous employés des gouvernements américain et chinois, appartenant aux forces spéciales, baraqués pour la majorité, entrainés et tous armés ?
Je vous le donne dans le mile : elle est sur le point de se chier dessus, je suis sur le point de me chier dessus.
D'autant plus qu'étant la seule femme, la seule à faire moins 1m80, tous leurs regards sont braqués sur moi et mon tailleur de bureaucrate. Ce n'est pas que je n'aime pas être le centre de l'attention, c'est juste que j'aurais préféré que ce ne soit pas le cas alors que ma vie est en jeu, à l'autre bout du monde. Pourtant il ne faut aucunement que je laisse transparaître le stress que ma situation m'inflige. Ces gens ne sont pas les dirigeants des multinationales, les criminels ou même les policiers que j'ai l'habitude berner. Je le vois rien qu'à leur langage corporel, ils sont à l'affut de tout danger, toute anomalie, toute fausse note :
Rien ne leur échappe.
Mais se montrer trop rigide, trop immobile de peur de révéler ma couverture peut aussi me desservir. Après tout, j'ai usurpé l'identité d'une interprète qui bosse pour le gouvernement américain. Annie Wong, la femme que nous avons séquestrée pour réaliser cette imposture doit avoir l'habitude de ce genre d'austérité.
Alors quand je croise l'œil sévère d'un de ses hommes, je m'efforce de me montrer décontractée, esquisse un sourire poli qu'ils me rendent tout aussi poliment, me détendant un tout petit peu.
La seule porte donnant accès à la pièce s'ouvre enfin après bientôt une demi-heure d'attente et deux hommes y entrent. L'un est gigantesque, chauve et porte une oreillette reliée à un cordon qui descend dans son dos qui m'indique qu'il est de la sécurité. L'autre est donc celui à protéger.
Je le reconnais immédiatement.
Archibald Young, le secrétaire de la défense fraichement assermenté des États-Unis d'Amérique, l'homme pour qui je dois jouer les interprètes pour cette mission. Il est plus grand qu'il n'y paraît lors de ses discours et apparitions publiques ou sur les photos des dossiers le concernant pour la mission. Il dégage aussi quelque chose de plus menaçant, de plus imposant. Dès qu'il entre dans la pièce, les hommes qui me faisaient me sentir minuscule il n'y a même pas quelques secondes le deviennent à leur tour.
Un des hommes, appartenant au gouvernement chinois, réagit le premier et l'approche pour lui tendre la main en s'introduisant en anglais. C'est une des choses qui m'a surprise, normalement toutes les personnes que nous allons rencontrer sont bilingues, je ne vois pas trop en quoi une interprète est nécessaire. Mais puisqu'ils en ont quand même une au cas où, nous avons sauté sur l'occasion.
Le secrétaire Young examine son interlocuteur, se présente brièvement avant de se tourner vers l'équipe américaine.
— Bonsoir à tous, veuillez m'excuser pour mon retard.
Je décide moi aussi de l'approcher pour me présenter.
— Bonsoir, monsieur le secrétaire, ne vous en faites pas, nous n'avons pas attendu longtemps.
Quand je parle, c'est comme s'il se rendait compte que j'étais devant lui depuis plusieurs secondes déjà, il me dévisage, ayant sans doute remarqué que je ne ressemble pas au genre de personne qui doit être ici.
— Et vous êtes ?
— Adriana Simons, j'ai été envoyé par l'ambassade pour vous servir d'interprète pour votre visite.
— Interprète ?
— Oui, monsieur le secrétaire.
— Ce ne devait pas être Annie ? Annie Wong.
Oh non...
J'étais convaincu, vu son poste et la manière condescendante dont il a de me regarder qu'il n'était pas le genre d'homme à garder en mémoire le nom d'employés qu'il ne rencontre que quelques heures à l'occasion de ses déplacements diplomatiques.
— Madame Wong a eu un empêchement et a demandé à être remplacée.
Il me toise encore, et au fond de ses yeux je vois comme je vois parfois dans ceux de Leo qu'il ne semble pas convaincu. Mais il finit par soupirer, ferme les yeux et secoue la tête.
— Pardonnez mon caprice, je ne suis pas friand des changements de dernière minute, ils le savent pourtant. Mais ce n'est pas de votre faute. Je comprends. Bon, mon vol retour part dans moins de trois heures, et si on le débutait cet échange ?
Il semble épuisé. Ce n'est probablement pas son seul déplacement de la journée. Avec un peu de chance, il aura tellement hâte de rentrer qu'il baissera sa garde tout au long de la mission.
Dans son principe, elle est simple. Nous devons voler les plans d'une nouvelle technologie militaire qui n'a toujours pas été commercialisée dans ce laboratoire chinois.
Des dizaines de génies, les plus brillants esprits de Chine sont réunis ici et développent des armes toujours plus précises, toujours plus rapides, toujours plus puissantes et toujours plus petites, ce qui rend leur transport et leur utilisation facile.
Leurs uniques clients sont le gouvernement chinois, qui a le contrôle sur absolument tout et les gouvernements des pays alliés, principalement les pays communistes tels que la Russie.
Certainement pas le gouvernement américain.
La seule raison pour laquelle les États-Unis doivent repartir avec une copie de cette technologie, c'est parce qu'ils ont fait pression pour mettre la main dessus. Il y a de cela deux ans déjà, le directeur et fondateur de ce laboratoire, ainsi que certains des éminents chercheurs qui le composent ont été arrêtés en sol canadien, extradés aux États-Unis où ils ont été condamnés pour espionnage.
Deux ans durant, des négociations entre les deux puissances militaires se sont tenues toutes infructueuses. Pourtant la Chine n'a jamais lâché l'affaire, elle voulait absolument récupérer ces prisonniers, car ils représentent l'épitome du savoir militaire et des milliards de yuans.
Alors le gouvernement américain a accepté de les rapatrier, à condition d'avoir les plans du dernier projet sur lequel ils travaillaient. Un pari risqué pour la chine qui a estimé qu'il valait mieux faire une croix sur cette technologie et utiliser les esprits qui l'ont développée pour concevoir des armes encore plus performantes.
En effet, s'il y a quelque chose qui vaut plus qu'une brillante invention, c'est le cerveau derrière cette celle-ci.
Côté américain, je suppose qu'ils ont eux l'intention d'améliorer cette invention ou d'en faire de nouvelles capable de rivaliser. Gagnant, gagnant.
Il se trouve juste que nous voulons également notre part du gâteau.
Normalement, nous serions venus chercher ce que nous voulons ici, mais il s'avère que ce lab est un bastion imprenable. C'est littéralement mission impossible, même pour The Players. Sont regroupées ici les armes les plus redoutables, les personnes les plus intelligentes et la sécurité la plus renforcée que je n'ai jamais vue.
Si Jerome essayait de pirater leur système informatique, un agent de la cybersécurité chinois tout aussi doué que lui s'en rendrait compte. Nous ne pouvons rien faire sans risquer de nous mettre à dos le gouvernement chinois. Surtout qu'on est en Chine. Si l'on parvenait à sortir de cet établissement, rien ne nous garantit que nous serions en mesure de sortir du pays en un seul morceau.
Alors nous allons voler le département de la défense des États-Unis à la place. On attend que le secrétaire américain rencontre ses homologues chinois, que l'échange se fasse, qu'il parte avec la carte contenant les plans et on la leur subtilise une fois hors du pays, en mer internationale.
Pour se faire, il faut que nous puissions embarquer sur le vol qui doit ramener le secrétaire Young, et donc être parmi le cortège américain. Les agents de sécurité forment une équipe, ils se connaissent tous, impossible de les infiltrer, même chose pour les diplomates qui sont collègues. Il ne restait que le ou la traductrice qui est amené•e à changer d'un dossier à l'autre, selon les pays.
Facile me direz-vous ? Absolument pas, parce que c'est le seul rôle qui demande une participation active, une maîtrise des deux langues et mes quelques bases de mandarin ne me permettent pas de remplir ce rôle aussi facilement qu'Adam
En fait, les personnes les plus qualifiées pour cette mission auraient été les jumeaux. Ils sont polyglottes et ont vécu une partie de leur enfance en Chine, mais ils sont trop jeunes pour se faire passer pour qui que ce soit. Kimi a encore de l'acné et sa sœur porte des broches.
Senri aussi parle mandarin, mais encore une fois, son physique de délinquante ne colle pas avec le rôle d'employée bien rangée du gouvernement. Adam a de plus en plus la carrure d'un joueur de football, ce qui aurait soulevé des doutes quant au fait qu'il soit simple traducteur.
Je me retrouve donc à être l'agneau sacrificiel.
J'ai commencé à apprendre pas mal de langues pour pouvoir un jour être aussi à l'aise qu'Adam lors de mission, mais mon mandarin est encore loin d'être au point, surtout dans ce contexte.
Mais j'ai la chance d'avoir Mika avec moi, dans mon oreille pour être exacte.
Comme je ne porte pas mes cheveux dans leur plein volume, professionnalisme oblige, j'ai dû dissimuler l'oreillette derrière un faux implant cochléaire. Ça me permettra aussi de passer les détecteurs de métaux sans attirer des soupçons, une idée que j'ai eue à la dernière minute.
— Allons-y, ordonne Young
— Oui, monsieur, répondons-nous en cœur.
Les gardes américains et chinois emboîtent le pas du secrétaire. Au départ, je reste un peu à l'écart, un parce que mes petites jambes sur talons ne me permettent pas de suivre tous ces géants et leur grandes enjambés d'hommes occupés et deux parce que le secrétaire m'intimide.
La manière dont il m'a regardé tout à l'heure... il m'a à l'œil et la moindre faute me sera fatale. Vaut mieux que je ne me fasse pas trop remarquer.
— Mademoiselle Simons.
Je hoquette quand il m'appelle par mon pseudonyme.
— Oui, monsieur le secrétaire ?
— J'aime quand la seule personne qui est ma bouche et mes oreilles reste près de moi.
Fuck.
— Bien sûr, monsieur.
Je presse le pas pour arriver à son niveau. Je sens son regard sur moi et commence déjà à analyser mes possibilités de fuite pour le moment où il révèlera mon imposture.
— Dites-moi, mademoiselle Simons.
— Hm ?
— Comment vous êtes-vous retrouvée ici ?
— Comment ?
— Toutes les traductrices auxquelles j'ai affaire sont soit natives du pays, soit issues de l'immigration, soit métisses, avec un parent originaire du pays en question, ce qui explique le choix de carrière. Mais vous ne me semblez aucunement chinoise, ni même asiatique.
Mais qui s'en fout ??!!!
Pas lui apparemment.
C'est vrai que toutes les vraies traductrices de l'ambassade sont chinoises, sino-américaines ou ont la double nationalité. Étant moi afro-américaine, je fais tache.
— Hum...
Allez, Heidi, pense ! Pense !
— Je suis malentendante.
Son regard passe vers mon faux implant.
— Oh... je disais que-
— Non ! Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je vous ai très bien entendu, grâce à ça, ricané-je pour détendre l'atmosphère. Pendant une bonne partie de mon enfance, j'étais presque sourde.
Je vérifie s'il accroche au début de mon mensonge et le voit hocher la tête, son attention captée. Il écoute comme quelqu'un déterminé à ne pas oublier ce que je vais lui dire. Je comprends alors quel genre de personne il est.
Rigoureux, a le souci du détail, valorise ses interactions avec tout le monde qu'il rencontre, n'oublie rien. Je n'ai pas le droit à l'erreur, surtout avec lui.
— Et puis à l'âge de 7 ans on m'a posé mon premier implant... au début j'étais terrifiée comme émerveillée, d'entendre tous ses bruits, ces sons.
Il hoche de nouveau la tête.
— Mais j'ai fini par prendre l'habitude et apprécier le monde bruyant. Avant je n'étais que signante. J'ai donc commencé mon apprentissage du langage verbal et c'était magique, de parler, d'entendre les différentes voix, intonations, de deviner l'état ou même la provenance d'une personne rien que dans la manière dont il s'exprime, son accent. Mais surtout, j'avais à présent accès à la diversité du langage parlé. Ça me fascinait, toutes ces façons différentes de dire bonjour, merci, je t'aime, va te faire voir...
Il sourit.
J'ai fait sourire le secrétaire de la défense !!
— Alors j'ai fait des études de linguistique, au départ je m'étais orientée vers les langues germaniques, mais j'ai fait un cours de mandarin et je suis tombée amoureuse de la langue. Elle est si imagée dans son fond et même dans sa calligraphie, pour moi qui suis malentendante, il est important pour moi d'entendre mais aussi de voir les concepts pour pleinement les saisir. J'ai d'abord débuté dans le tourisme, puis j'ai fait des études ici pour finir traductrice au service de mon pays.
Je termine mon récit juste au moment où nous arrivons devant les détecteurs de métaux. Le secrétaire m'examine de longues secondes, mais n'ajoute rien. Il se dirige vers le portillon et donne son identification. Nous nous faisons tous fouiller et passons le détecteur de métal.
Sans surprise, quand vient mon tour, l'alarme sonne à cause de l'oreillette. Un des hommes chinois de la sécurité approche pour me questionner.
— Elle porte un implant, vous le voyez bien.
Nous nous tournons tous vers le secrétaire. Je suis étonnée qu'il intervienne, mais ravie qu'il ait gobé mon mensonge.
— Dites-leur, le métal, dans la tête, ajoute-t-il en pointant sa propre tête.
Mika traduit et je répète, expliquant que mon implant est à l'intérieur de moi. On me laisse alors passer. Je retourne auprès du secrétaire.
— Merci.
— De rien, dit-il avant de recommencer à marcher très vite.
J'accélère pour garder la cadence.
L'échange s'est fait sans accroche. Les prisonniers ont été relâchés dès que nous avons été en possession des plans. La tension entre Chinois et Américains a de suite baissé. J'ai fourni ma meilleure performance d'interprète.
Nous avions passé des jours et des jours à m'exercer à la répétition. Au début, c'était difficile d'écouter Adam me parler en anglais, Mika en mandarin et répéter les mots, avec le bon débit, le bon accent, les bonnes intonations, sans hésiter, sans gaffer, sans me mélanger dans cette soupe linguistique. Mais toutes ces heures de pratique de diction ont porté leurs fruits.
La phase deux du plan est donc achevée. Ne reste plus que la phase finale.
Nous avons quitté le sol chinois il y a de cela une petite heure maintenant. Je suis dans le jet qui file en direction du Pentagone avec le reste du convoi américain. Tout serait parfait si le secrétaire Young n'avait pas choisi de venir s'asseoir en face de moi et de me faire la conversation.
Moi qui le pensais épuisé, j'ai eu tort, il ne semble pas du tout sur le point de s'assoupir ou même de baisser sa garde. Il me fixe en me bombardant de questions, comme s'il cherchait quelque chose, un secret, la supercherie. L'impression que j'ai eue au début de la mission revient, celle qu'il se doute que je ne suis pas celle que je prétends être. Sinon il ne me surveillerait pas comme ça.
Mais je garde mon calme, je réponds à ses questions et lui en pose également sur lui, sa carrière qui force l'admiration, il est le plus jeune secrétaire de la défense de l'histoire américaine après tout. J'apprends également que lui et sa femme attendent leur troisième enfant, un garçon après deux filles.
— Je suis en position, tu as 120 secondes, m'informe Adam sans mon oreillette.
Je me lève et me tourne pour me diriger vers les toilettes, à l'arrière de l'appareil.
— Où allez-vous ?
Je ferme les yeux quand j'entends la voix de Young, mais regagne l'expression que je dois avoir.
— Aux toilettes.
Il me fixe longtemps, puis il détourne le regard. Sur ce drôle d'échange, je me dirige vers l'arrière de l'avion. Sur mon chemin, je repère la petite valise contenant la carte que je dois voler. J'entre dans la cabine et sors le matériel que j'ai dissimulé plutôt dans le trajet.
Je regarde ma montre, 40 secondes se sont déjà écoulées, le gaz devrait avoir commencé à faire effet.
Comme pour confirmer mon hypothèse, des quintes de toux en provenance de l'extérieur me parviennent, ainsi que la cacophonie d'une panique, puis le silence.
J'ouvre la porte pour sortir, mais pousse un cri quand je me retrouve face à face avec Young. Contrairement aux autres, le gaz soporifique n'a pas fait effet sur lui, il s'est improvisé un masque.
— Vous ! Je savais que quelque chose clochait...
Il tousse, car son masque en reste un de fortune. Comme il sait qu'il ne tiendra pas bien longtemps, il sort une arme qu'il a dû prendre à un de ses hommes de gardes inconscients.
Mais je suis plus rapide que lui. En une fraction de seconde, je le désarme, le pousse et cours dans l'allée vers la valise que j'attrape juste au moment où il tire une balle dans ma direction après avoir repris l'arme au sol.
Je roule au sol et me cache derrière un siège qui amortit la prochaine balle qui autrement m'aurait touchée. Je jette un coup d'œil dans sa direction pour savoir où il est et me voyant, il lève le bras pour tirer à nouveau, mais ses paupières se ferment d'elles-mêmes et il finit par s'écrouler.
Alerté par les coups de feu, le pilote sort de sa cabine pour venir voir ce qu'il se passe. Je retire l'arme d'un des agents de sécurité et le pointe vers lui.
— Retournez dans votre cabine, tout de suite !
Il lève les mains et obéit à mon ordre. Dès qu'il ferme la porte, je la condamne. Il ne faut pas que le gaz se rende jusqu'à l'autre côté le temps qu'il retombe au sol.
Une fois cela fait, je mets mon sac sur mon dos, trouve une sortie de secours, l'ouvre et me retrouve hors de l'appareil en plein vol.
— Ok, Heidi... calme-toi... c'est comme on a répété...
Après m'être motivée, je prends une grande inspiration et me jette tête première dans le vide. Je gagne en vitesse à vive allure et dès que j'atteindrai celle que je vise, je me repositionne pour ralentir, bras et jambes ouvertes. Le vent fouette mon visage alors que je perds en altitude et je manque de m'évanouir à deux reprises, mais je parviens à ouvrir mon parachute dans la fourchette de temps où je devais le faire.
J'entame alors ma lente descendante vers le vaste océan atlantique, m'assurant de donner mes coordonnées à Adam toutes les secondes. J'amerris quelques minutes plus tard et Adam à bord d'un bateau de l'organisation vient m'extraire de l'eau glacée moins d'une minute plus tard.
Je retire mon masque et me change avec les vêtements qu'il me donne et nous prenons le chemin des côtes de la Floride. Pendant ce temps, Adam extrait les informations contenues dans la carte l'aide du logiciel pirate de Jerome. Je le regarde faire, ne essayant de commprendre comment il s'y prend.
— À quoi ça va nous servir ? Cette carte.
— Pas mal de choses. Mais surtout pour faire pression, pour nos revendications et pour appuyer nos alliés. Ce n'est pas une seule arme, c'est un ensemble. J'ignore pour quelle raison précise le Roi les veut, mais on est toujours mieux bien équipé.
— C'est quoi comme arme ?
— Principalement des armes biologiques. De nos jours, on peut créer des poisons et même des maladies sur mesure avec l'ADN des gens, très efficace quand on vise une personne en particulier.
Oh...
— Wow... ça fait peur un peu...
— Pas quand c'est nous qui la possédons, me dit-il souriant. On arrive bientôt. Je vais aller m'assurer que le bateau n'éveillera pas les soupçons de la garde côtière.
J'acquiesce et il se lève avant de sortir de la pièce. Alors que j'attends son retour, je regarde les fichiers qui sont transférés dans le système de The Players. J'en ouvre deux ou trois et survole les concepts de ses armes, impressionnée par le génie et la dangerosité de celles-ci.
Je jette un coup derrière moi pour m'assurer qu'Adam n'est pas déjà revenu. Comme il ne semble pas être là, je fouille dans le sac qu'il a amené avec lui et trouve une autre clé, simulacre à celle qu'il utilise pour extirper les données. Je la branche à l'autre port libre et commence le téléchargement dans cette clé-là aussi.
À mesure que le temps avance, je vérifie qu'Adam n'est pas là. Sauf qu'il finit par revenir avant la fin du téléchargement. N'ayant pas le choix, je retire la clé et la glisse dans mes poches avant de me tourner vers lui.
— Le téléchargement est fini.
— Parfait. La mission est officiellement terminée, dit-il en me présentant sa main pour que je lui donne une tape, inconscient que je viens de voler des données à The Players.
Nous arrivons une vingtaine de minutes plus tard, au large d'une plage privée. Adam m'aide à descendre du bateau et nous nous rendons dans la demeure derrière le quai, car il est prévu que nous y passions la nuit avant de rentrer demain.
Alors qu'Adam prépare le dîner pour ce soir, je contacte Leo pour l'informer de mon retour et répondre à tous ses messages que j'ai ignorés pendant la mission.
Moi : Je suis de retour.
Il répond instantanément, à croire qu'il n'attendait que ça.
Leo : Tu n'es pas chez toi.
Moi : Comment tu sais ?
Leo : Tu es où ?
Moi : Comment tu sais que je ne suis pas chez moi ?
Leo : Pas de tes oignons. Tu as dit que tu rentrais ce soir, tu es où ?
Moi : Pas de tes oignons.
Il a consulté mon message mais il ne répond pas, sans doute pris au dépourvu d'avoir à gouter à son propre traitement. Puis, finalement, les bulles sautillent de nouveau.
Leo : Puisque tu es aussi insupportable que d'habitude, je suppose que tu vas bien.
Je me surprends à sourire.
Leo : Fais attention à toi. Plus que d'habitude. Surveille tes arrières.
Je fronce les sourcils. Pourquoi devrais-je surveiller mes arrières ?
Moi : Pourquoi ?
Leo : Fais-le c'est tout. Dépêche-toi de rentrer.
Et le revoilà qui me donne des ordres. Je décide de ne pas lui répondre. S'il pense qu'il peut me remettre dans la position dans laquelle où il m'avait mise quand ont était en couple, celle où je devais lui obéir au doigt et à l'œil et ne pas poser de questions, il se plante.
C'est fini. Il faut que je lui fasse comprendre. Et que je mette fin à ce qu'il se produit pour me concentrer sur la seule personne qui mérite mon attention.
La porte d'entrée s'ouvre.
Adam est à la cuisine alors je m'inquiète. Je me redresse sur mes gardes et quand je vois qui entre, la panique me prend. Nos regards se croisent et aussitôt, je saute à l'autre bout du salon, saisit mon arme sur la petite table près du sofa, la braque sur lui et tire une balle qui va se loger dans la porte derrière lui, à quelque centimètre de son visage.
— La prochaine va entre tes deux yeux si tu bouges d'un seul millimètre, le menacé-je, le temps de réfléchir à quoi faire.
Adam, alerté par le coup de feu, sort de la cuisine et arrive au salon en panique pour me trouver armée et Archibald Young qui n'a même pas cillé.
Le secrétaire siffle.
— Ça c'est du réflexe !
Quoi ?
— N'est-ce pas ? J'adore la voir en action, dit Adam en s'approchant de lui, nullement perturbé par le fait que c'est l'homme qu'on volé il y a quelques heures.
— Adam recule, c'est le secrétaire ! m'affolé-je face à tant d'imprudence de sa part.
Il se tourne vers moi, fronces les sourcils avant d'ouvrir la bouche.
— Oh... j'allais oublier... Heidi, je te présente le Numéro 5 de The Players, Archie, voici Heidi, la nouvelle Reine.
Hein ?
— Nu... 5 ?
J'écarquille les yeux et Adam hoche la tête. Les connexions ne se sont pas encore faites dans mon esprit alors je garde l'arme braquée sur lui. Ça ne l'empêche pas de faire quelques pas dans ma direction et de me tendre sa main.
— On s'est déjà rencontrés. C'est donc elle notre nouvelle Reine. Enchanté de faire ta connaissance, Heidi.
WTF !!!!
Je remarque tardivement que mes mains tremblent. Comment ça Numéro ?! C'est un putain de membre du gouvernement, comment ?!!
Au bout d'un certain temps, ma langue se délie.
— Numéro 5 est le secrétaire de la défense ?!!
— Depuis peu seulement, répond-il alors qu'il remet sa main dans sa poche après que j'ai omis de la lui serrer.
Je regrette immédiatement mon impolitesse.
— Surprise ? demande Adam.
— Mais oui ! Comment c'est possible ?!
— The Players est partout. Pour mener à bien nos missions, nous avons des membres et des associés répartis dans toutes les sphères de la société ; armée, affaires, crime organisé, gouvernement américain et étranger, services secrets. En fait, il n'y a que toi et moi qui sommes de simples étudiants.
Wow...
Je contemple Archibald Young qui se tient toujours devant moi, réalisant alors pourquoi il me regardait comme ça tout un long de la mission. Il savait. Il savait que je lui mentais ; il m'observait. Personne ne me l'a dit, moi je croyais que c'était vraiment une cible comme les autres, pas un des nôtres. Les questions tourbillonnent dans mon esprit quant à cette révélation.
— Mais... pourquoi un membre du gouvernement serait un Player-
Je mets ma main sur ma bouche quand je me rappelle qu'une des règles est de ne pas poser de questions sur la vie personnelle des membres et ça inclus les raisons de leur adhésion au groupe.
— Désolée, m'empressé-je de formuler, intimidée par son regard transperçant et son statut.
— Pas de problème, mais en effet, je ne suis pas à l'aise de parler de mes raisons. En tout cas, c'est un plaisir de faire la connaissance d'un nouveau membre. D'ailleurs mes félicitations pour ta performance de ce soir.
— Me-merci...
Putain, je ne suis absolument rien...
Adam passe son bras par-dessus l'épaule de Archibald et pose sa main sur la poitrine de ce dernier.
— Profite bien de tes quelques secondes avec lui, tu ne le verras pas avant un bon bout de temps.
Je fronce les sourcils.
— Je suis... très occupé, précise Archibald.
— Avec son poste, il n'est presque jamais disponible. La dernière fois que je l'ai vu remonte à presque huit mois. Lui, Numéro 3 et le Roi sont nos membres fantômes.
Archibald sourit sobrement et lève les yeux au ciel avant de les reporter vers moi.
— C'est vrai. Mais si tu as besoin de moi, n'hésite pas à me contacter, je me libérerai pour ma Reine.
Je me sens rougir. Ça me fait tout drôle que des gens aussi importants, lui, un élu du gouvernement et même une vraie princesse m'appellent comme ça. Même si mon rôle n'affecte pas ma place dans la hiérarchie, ça me gêne un peu.
— Compris.
— Tu ne devrais pas être en train de nous rechercher activement ? demande Adam alors qu'il retourne au fourneau.
— On a cherché votre trace pendant des heures, même les satellites n'ont pas pu vous repérer. J'ai une équipe qui tente encore de trouver votre trace, mais moi je me suis libéré pour la soirée. Ils pensent que je suis renté auprès de ma famille, mais j'ai filé en douce.
— Ah, d'accord.
— Vous avez pu extraire les plans ?
— Bien évidemment.
— Excellent.
Il regarde sa montre.
— Bon, je vais devoir y aller avant que mon absence ne se fasse remarquer. Je voulais juste me présenter comme il se doit à notre Reine.
— À dans un an alors !
— Très drôle Adam.
Il me tend de nouveau la main et cette fois, je m'empresse de la serrer. Ça l'amuse.
— À bientôt, Heidi. Ravi d'avoir fait ta connaissance et bienvenue parmi nous.
— Hum... à bientôt. Merci encore.
Et comme il est venu, Archibald Young, le Numéro 5 de The Players s'éclipse. Je suis encore sous le choc. Je n'avais pas réalisé combien l'organisation avait le bras long. Elle a des cartes partout.
Le syndrome de l'imposteur vient s'imposer à moi. Tous ces gens sont si importants, si impressionnants... même Adam qui n'est qu'étudiant comme moi, il est littéralement la mascotte du groupe. Vais-je moi aussi arriver à être un membre aussi important ? Une carte maîtresse ?
Ou m'auront-ils tué avant quand ils découvriront que je les ai trahis ?
— C'est prêt.
Je secoue la tête pour chasser l'angoisse qui est mienne depuis des mois. Non, non ! Je ne les ai pas trahis... je vais... je vais y arriver.
Je vais éliminer la menace Ricci moi-même.
Je me lève et vais rejoindre Adam à la salle à manger pour partager le repas qu'il a concocté. Après avoir dîné, nous allons faire une marche, pieds nus le long de la plage.
Puis, comme toujours, Adam a une idée et deux heures plus tard, nous sommes nus, nos corps entrelacés sur une couverture, sous une lune blanche et ronde, bercées par le son des vagues et nous délectant de l'air salin.
Cela fait plusieurs minutes que je contemple ses yeux qui ont pour seule concurrence l'océan derrière nous tandis qu'il fait de même, en me caressant les cheveux, le regard le plus amoureux que je n'ai jamais vu au fond de ses yeux.
Adam me sourit, un de ses sourires niais qui n'apparaît qu'après nos séances de coït, à croire que son cerveau a été vidé de matière grise et n'est que pur bonheur. Toutefois, cette fois, il est différent, quelque peu malicieux, secret aussi. Ma curiosité piquée, je lui pose la question.
— Quoi ?
— Tu as vraiment assuré lors de cette mission.
Je le suis alors qu'il continue sa ronde autour de ma personne.
— Bien sûr ! Tu pensais que je ne serais pas à la hauteur.
— Oh non ! Non ! Loin de moi l'idée de te sous-estimer. Ce que je veux dire c'est que tu as dépassé mes attentes. Tu trouves toujours une solution à tout, tu t'adaptes à n'importe quelle situation en si peu de temps. J'avais peur que quelque chose tourne mal, que ton parachute ne se déploie pas... mais tu as tout géré comme une pro. C'était impressionnant, vraiment.
Il me contamine de son sourire, mon cœur bat plus fort et mes joues se réchauffe malgré l'air qui lui s'est refroidi. Adam m'embrasse.
— On devrait rentrer avant que tu prennes froid.
J'accepte de le suivre à l'intérieur. Nous nous rhabillons et juste quand j'attache la bretelle de ma robe, Adam passe ses mains autour de mon cou avant d'y attacher quelque chose.
Un collier.
Je pose ma main sur la clavicule et y sens le relief d'une pierre pendant au collier qu'il vient de me mettre. La pierre se révèle en fait être des pétales de fleurs. La lune se reflète sur cette dernière, lui donnant un subtil éclat violet.
— C'est du saphir violet et la fleur en est une également. Mon père l'avait offert à ma mère, mais il y a longtemps qu'elle ne le porte plus, alors je lui ai demandé si je pouvais te l'offrir à mon tour. Bon, ton prénom n'est pas Violet, mais la couleur te va à ravir.
À mesure qu'il parle, mes yeux se voilent de larmes. Je sais qu'Adam en sait très peu sur son père et n'a rien qui lui appartenait, rien si ce n'est ce collier dont Violet m'avait parlé une fois, les étoiles dans les yeux nostalgiques d'un amour comme on a connait qu'une fois dans sa vie.
Et il a choisi de me l'offrir...
— Adam... il est magnifique...
Il me sourit avant de me porter dans ses bras jusqu'à la maison où nous remettons ça. Quand Adam finit par tomber d'épuisement contre moi, je fixe le plafond, caressant du bout des doigts la violette à mon cou, ses cheveux de mon autre main, élaborant mon plan.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top