28. Hunted hunters

Lors des jours qui ont suivi, Adam et moi avons pris l'habitude de quitter l'université très tôt pendant l'après-midi pour nous entraîner à deux. Les jours où nous pouvions, nous nous rendions à l'école de Moïse nous entraîner avec lui ou d'autres instructeurs comme Daniel.

Avec le temps, j'ai commencé à comprendre un peu les bases. Je n'ai pas encore réussi à mettre Moïse au tapis pour me venger de ce qu'il m'a fait la première fois, mais maintenant je tiens près de deux minutes debout avant qu'il ne me maîtrise.

Toutefois, avec Daniel ou Adam, je me débrouille bien. Bon, je crois que les deux me ménagent soit parce que je suis une fille ou parce que je leur plais bien, mais bon, je compte le charme comme une arme au même titre que les fusils et les poignards.

En parlant de fusils et de poignards, Senri a elle aussi accepté de me donner quelques leçons de tire. Et même si j'ai beaucoup aimé les leçons de tire au pistolet, ceux de lancé de poignard sont de loin mes préférés, ils sont plus techniques, requièrent plus de concentration.

Je n'ai jusqu'ici pas encore atteint une cible, mais j'y suis presque !

D'ici un an, je serai opérationnelle.

Oh ! J'oubliais ! Leo aussi m'a pas mal aidé à la salle. J'ai failli mourir écrasée par les poids parce que je suis allée en soulever alors qu'il avait le dos tourné et il m'a fait la leçon pendant près de dix minutes. Maintenant, je suis autonome dans une salle de sport, mais parfois on se retrouve au troisième pour les sports de combat. Tout ce temps qu'on passe ensemble m'a presque fait oublier son abandon d'il y a quelques semaines. On dirait qu'il souhaite vraiment se racheter auprès de moi.

Moi qui me sentais pencher vers Adam tant on était proche, je retrouve en Leo l'homme dont je suis tombée amoureuse. Mais je mentirais si je disais que ce qu'Adam me fait ressentir a disparu. Je sais que je lui plais un peu, physiquement au moins vu son choix de stimulation quand il... vous voyez.

Aussi, j'ai l'impression que depuis un temps il ne cherche même plus à le cacher. La manière dont il me regarde et me touche, sans dépasser les limites parce qu'il sait que je suis prise, il veut que je sache ce qu'il ressent.

Et bordel, ça me fait de l'effet, beaucoup, beaucoup d'effet. Je me surprends même parfois à le contempler un peu trop longtemps, en cours parfois même et une fois Leo prise sur le fait.

Moi qui ai toujours cru que mon cœur ne battrait que pour Leo, je me retrouve tiraillée entre les deux.

— J'ai remarqué que toi et Adam êtes souvent absents en cours ces derniers temps.

— On lit les cours après, ne t'en fais pas.

— C'est pas ça mon souci.

— Quel est-il alors ?

— Vous faites quoi ?

Je joue à son jeu et le regarde sans rien dire. Quand il comprend, il sourit.

— ... Bien, ça ne me regarde pas. Plus fort !

Je déteste ça, mais cette manie de tout balayer du revers de la main que Leonardo a m'arrange. Il ne pose pas trop de questions et il n'envahit pas ma vie. Ce serait problématique s'il était... attentionné. Incompatible avec mon mode de vie actuel.

— Tu t'es beaucoup améliorée. Mais tu sais que l'auto-défense, c'est pour la défense. Tu me sembles plus sur l'offensive. Tu en veux à quelqu'un ? J'espère que ce n'est pas moi.

— Quoi, tu as peur de moi ? demandé-je pour détourner le sujet de conversation.

— Peur ? De toi ? Il faudrait que je te punisse juste pour cet affront.

Une idée me vient en tête. C'est l'occasion parfaite d'évaluer ma progression. Je sais que je ne peux pas gagner contre Moïse ou Senri, mais contre Leo j'ai mes chances. Et une fois que je l'aurai ratatiné, il sera à mes pieds, je ferai de lui ma salope.

— Toi, contre moi. Sur le tatami, maintenant.

— Arrête, tu vas te faire mal.

— Je ne croirais pas. Tes années de gloire dans l'équipe de lutte du lycée sont terminées et puis tu te fais vieux.

Il décroise ses bras et penche la tête. Je sais comment l'irriter véritablement, il suffit que je m'en prenne à l'ego démesuré de ce narcissique notoire.

— Répète pour voir ? me défie-t-il en serrant la mâchoire.

— Tu te fais-

En une fraction de seconde, mes pieds ne touchent plus sol. Je réalise dans les airs qu'il vient de me balayer et j'atterris violemment sur le tapis. Il s'accroupit et me surplomb de sa silhouette, cachant une partie de la lumière, telle une éclipse solaire.

— Toi et moi, sur le tatami, maintenant. Lève-toi. Si tu perds, tu rentres avec moi cette nuit.

— Et si je gagne ? articulé-je, le souffle coupé.

— Je te demande en mariage, à genoux, devant la terre entière.

— Deal.

Je me lève et le suis jusqu'à l'aire de corps à corps. Il demande à deux personnes de nous prêter un tatami « le temps de mettre une raclée à la demoiselle ».

Voilà comment je me retrouve en position de combat en face de mon copain.

— Prête à mordre la poussière ?

— Prêt à te mettre à genou ?

Il n'ajoute rien et se place en position de garde. C'est moi qui attaque la première. Sans surprise, il se défend bien, mais semble avoir de la difficulté à suivre. Seulement, c'est quand il réplique que je vois qui a gagné toutes ces bannières de lutte qui décorait l'aile des sports de l'école. Il n'est pas non plus étranger aux autres types d'arts martiaux. Il ne retient pas ses coups et me blesse sérieusement.

— Aouch!!! Tu m'as frappé le visage !!!!

— Ce n'est pas grave. On le fera les lumières éteintes.

J'ouvre grand la bouche quand je comprends son allusion. Je remarque que quelques curieux se sont approchés pour observer, alors je reprends mon calme et me rappelle les conseils de Moïse et Adam. J'ai été trop gentille parce que je l'aime, mais lui ne se soucie guère de ne pas me faire du mal alors c'est fini.

Je vais l'attaquer avec l'intention de refroidir son sang.

Je lui bondis de nouveau dessus. Encore une fois, Leo réplique, seulement pendant cette attaque, je vois une faille, si infiniment petite, mais une faille quand même. J'attrape son avant-bras et donne le plus puissant coup de pied que je peux à ses côtes gauches. Il pousse une plainte. Je profite de cet instant de faiblesse pour pivoter sur ma jambe d'appui et attraper sa nuque dans le creux de ma jambe en l'air. J'utilise mon poids l'entraîner vers le sol.

Le moment où son crâne cogne le tapis, semble surréel, le son est juste jouissif et son expression torturée et surprise, mon dieu, son expression ! Je vendrais mon âme pour la voir à jamais.

Avant même que je ne puisse me réjouir, il se défait de ma prise avec une facilité déconcertante et il me soulève comme si j'étais une plume. Je comprends alors l'erreur que j'ai faite ; avec un peu de distance, j'avais une chance, mais s'il m'attrape, là c'est son domaine. Je reconnais immédiatement sa signature, celle par laquelle il clôturait la plupart de ses combats en compétitions.

— Non, non, non, Leo !! Ne fais pas ça-

Il m'abaisse avec une vitesse folle et son genou droit, celui qu'il devait poser par terre pour la demande en mariage, me fracasse ce qu'il reste de mon dos. Mon corps, que j'ignorais si flexible, se pli en deux autour de son genou et mes talons viennent cogner l'arrière de ma tête. Je finis comme un linge en train de sécher sur une corde, l'impression d'avoir été empalée.

Je pousse un cri effroyable et la foule se jette sur le tatami quand je tombe au sol pour voir comment je vais. Leo lui me regarde de haut, un sourire satisfait collé au visage. La douleur est telle que je ne peux retenir mes pleurs et mes cris. Des cris à en déchirer le cœur. Monsieur dégage le passage avant de se s'accroupir.

— Tu as mal au dos Heidi ? Tu commences à te faire vieille ?

J'ai si mal que je ne prête pas attention à sa moquerie et continue de hurler à la mort, pleurant, morvant, salivant. Il lève les yeux au ciel puis me porte dans ses bras jusqu'à l'infirmerie de la salle.

Le kiné présent m'ausculte.

— Il n'y a rien de cassé, mais l'impact étant puissant ! Son dos est totalement violacé. Je n'ai jamais vu ça de ma vie, du moins pas causé par un humain. Qui a bien pu lui faire un truc pareil ?

— Bonne question, répond calmement Leo.

— Heureusement, vous allez vous en remettre mademoiselle, mais il vous faut du repos pour les jours à venir. Voire les semaines à venir.

— Non, je ne peux pas !

Le 26, c'est demain. La mission c'est demain. Je ne peux pas me reposer.

— Pourquoi ? Ce n'est pas comme si tu ne manques pas déjà les cours, intervient Leo qui ne peut juste résister à me narguer.

— Ferme-la.

Le kiné semble mal à l'aise.

— Quelqu'un peut vous ramener chez vous ? me demande-t-il.

— Je vais m'en occuper, se propose en me souriant malicieusement.

— Très bien.

Ce supposé médecin quitte la salle, l'impression d'avoir aidé.

— Je t'avais dit que tu allais te faire mal.

— C'est bon, j'ai compris. Je ne me battrai plus jamais contre toi.

Leo se penche au-dessus de moi pour m'intimer :

— J'avais l'intention de briser ta colonne, mais je suppose que tu as les os aussi durs que tu as la tête dure. Tu me dois une nuit, dos en compote ou pas. On y va.

Il me porte à nouveau, mais sur son dos cette fois. Nous discutons de tout et de rien sur le chemin du retour. Une fois chez lui, nous prenons notre douche ensemble avant de terminer la soirée comme le couple qu'on est censé être.

Adieu ma demande en mariage...





Nous y sommes. Dimanche le 26 octobre, 21h50.

L'opération début dans dix minutes. Nous sommes tous dans le fourgon qui doit nous ramener à la piste de décollage quand tout ceci sera fini et nous achevons les derniers préparatifs.

Pour l'occasion, nous sommes tous vêtus de combinaisons de combat noires, de masque pour dissimuler nos visages et de casques, même moi. Chaque tenue vient avec un ensemble de base : pistolet chargé, armes blanches à la cuisse. Les autres ont en plus de cela des fusils d'assaut.

Dans le fourgon, Jérôme ne me lâche pas du regard, mais il n'a rien dit à mon sujet depuis qu'on s'est croisé au hangar, mais je peux sentir son animosité. Il est convaincu que la mission sera un échec à cause de moi.

— Ne lui prête pas attention.

Je regarde Adam surprise que ce soit lui qui me dise ça. Je ne peux pas voir sa bouche à cause de sa cagoule, mais je devine qu'il me sourit. Mon cœur s'emballe, alors pour mieux respirer, je baisse ma cagoule l'espace de quelques secondes.

Je ne devrais pas aussi perturbée pour si peu et surtout pas par lui.

J'aime Leo et Leo seulement. Adam n'est qu'un bon ami, clairement mon ami le plus proche au point où j'en suis, mais on est juste ami.

C'est ce que je me dis, mais je repense à la dernière fois quand il était chez moi. Quand il s'est ouvert à moi et qu'il était si vulnérable, lui, le Joker. J'ai eu envie de le serrer dans mes bras pour l'éternité. Et dans ce placard j'ai eu envie de l'embrasser passionnément et même plus.

Le truc c'est que je ne me comprends pas. La plupart du temps, c'est juste mon bon pote, mon coéquipier, mais quand je suis seule avec lui, proche de lui et qu'il me dévore des yeux comme seul lui sait le faire, mon corps tout entier le désire et ça me fait peur.

Comme maintenant dans cette combinaison, il est sexy à se damner et heureusement qu'on est en public, j'ignore si j'aurais résisté, seule à seul avec lui.

Leo, Heidi! Leo!

— Préparez-vous à vous introduire la propriété, ordonne Sky dans nos oreillettes.

Je met de côté mes problèmes sentimentaux et me concentre sur la mission. Même si elle est simple, ma tâche est cruciale, l'obscurité est la clé du succès de cette opération. De plus, je dois être discrète pour ne pas sonner l'alarme avant le temps. Je commence à angoisser de porter une telle responsabilité, leur vie en quelque sorte.

Quand nous descendons et approchons le manoir où doivent se rencontrer les Hunters, je sais trois choses :

Il va falloir que je règle mon trouble intérieur concernant Adam et ce que je ressens pour lui.

Je n'ai pas droit à l'erreur.

Mon dos me fait affreusement souffrir.

— La caméra thermique du drone indique qu'ils sont réunis au deuxième étage, dans le bureau du manoir. Ils sont bien dix. Dès que les lumières s'éteignent, tout le monde passe en vision nocturne. Souvenez-vous bien des cibles qui vous ont été attribuées.

— Bien reçu, répond Moïse. On entre à l'instant, dit-il alors que je me glisse dans la résidence.

Moïse atterrit dans la pièce quelques secondes plus tard.

— Bon, bonne chance à chacune, soyez prudent.

Nous opinons et nous dispersons. Eux quatre montent à l'étage pour aller faire un massacre et moi je demeure au premier.

En faisant bien gaffe de ne pas me faire repérer par du personnel, parce qu'il y en a, je navigue dans les couloirs à la recherche de la salle de courant. Je croise un employé qui me voit, mais le maîtrise presque aussitôt avant de lui administrer le puissant sédatif que l'As nous a fourni.

Je le traîne pour dissimuler son corps et retourne chercher cette salle qui selon le plan du bâtiment devrait se trouver-

Là !

Il y a un boîtier digital pour ouvrir la porte. Je m'accroupis devant ce dernier.

— Tu le vois, Valet ?

— Oui. Je suis en train d'analyser l'usure des touches pour déterminer lesquelles forment le code et de passer les combinaisons possibles. Analyse terminée. Essai 8831.

Prudemment, mon index ganté va composer le code, le petit boîtier sonne doucement et un témoin lumineux vert s'allume. C'était le bon code. J'entre, trouve le panneau électrique et sors le matériel que Diego a conçu.

Et je patiente.

— Je suis en position, déclare Moïse.

— Je suis en position, annonce Diego quelques secondes plus tard.

— Nous aussi, entends-je venant de Senri.

— Moi aussi, dis-je maladroitement.

— Parfait. Le réseau est coupé, informe Jérôme.

— Bien. Extinction des feux dans 5, 4, 3, 2, 1...

J'appuie sur le détonateur, une petite explosion se fait entendre, puis le bâtiment est plongé dans le noir total. Comme indiqué dans le plan, je déclenche également la bombe à impulsion magnétique qui doit paralyser tout object électrique dans un rayon de 500 mètres, au cas où ils auraient des appareils. Les nôtres sont protégés contre l'onde.

— Début de l'opération.

Une salve de coups de feu retentit dans mon oreille. J'entends des gens s'affairer dehors, c'est la cohue. Puis alors que je suis cachée, un homme entre dans la salle d'électricité avec une bougie, sans doute pour rétablir le courant. Je parviens à m'approcher et à lui injecter une seringue dans le bras.

Il a à peine de crier qu'il est déjà paralysé au sol.

Wow, c'est Ash qui a synthétisé ça?

— Ivan et Elaine sont abattus, annonce Senri. Yelena m'a échappée, je suis sur sa trace.

Déjà??!

— Dmitri et Youri sont abattus, informe Diego. Je viens en renfort Numéro 2.

— J'ai tué Karl et Stephano, ajoute Moïse, mais Nikolaï a pu s'armer, il a son arme sur moi-

Un coup de feu.

— Nikolai et Sergei sont à terre, dit Adam qui vient de porter secours à Moïse.

— Si je résume, Yelena et Mikaël sont quelque part dans la demeure. Il faut faire vite avant qu'ils ne s'arment ou ne fuient. La Reine doit immédiatement sortir, l'un d'entre eux pourrait chercher à rétablir le courant.

— Compris.

Je me dépêche et range le matériel dans mon sac que j'accroche à mon dos. Prudemment, je sors de la salle de courant et mets mon casque de vision nocturne pour trouver la sortie.

Alors que je suis sur le point d'arriver dans ma pièce où nous sommes entrés par effraction, j'entends le cliquetis d'une arme.

Je fige.

Un premier coup de feu sonne, mais il me manque. Je sais alors que ce n'est pas un des miens qui me vise, c'est un des Hunters.

— C'était quoi ça ?

— Pas moi ou Numéro 7, on cherche encore Yelena.

— Pas moi.

— Pas moi.

Il y a d'abord un silence.

— La Reine, s'exclament-ils d'une seule voix paniquée quand ils comprennent que je suis face à une Hunter.

— Fuck ! jure Adam

Je voit très bien la Hunter à présent, Yelena, mais elle, n'étant pas équipée, semble me chercher dans l'obscurité.

— Je sais que tu es là. Bande de lâches. Nous prendre en traite. Je vais te buter.

Elle me menace, mais j'entends le tremblement dans sa voix, elle craint vraiment pour sa vie. Pense-t-elle que je représente un danger pour elle ?

Les autres me demandent tous ma position dans la maison, mais je ne peux leur répondre, au risque qu'elle me répète avec ma voix. Je réfléchis à toute vitesse et conclus que l'affrontement est inévitable.

Alors, le plus silencieusement possible, je longe le mur et quand je suis suffisamment près, je me jette sur elle et lui prends son pistolet. Je le pointe sur sa tête et appuie sur la détente, mais rien ne se produit. Je l'entends rire.

— C'était ma dernière balle.

Putain, c'est pour ça que sa voix tremblait. Elle n'avait plus de munitions.

J'ai à peine le temps de le réaliser qu'elle prend le dessus et me retire mon casque. Je perds littéralement ce qui me donnait l'avantage. J'ai un pistolet, mais je n'y vois rien.

Je me retrouve sans défense, plongée dans l'obscurité totale, à devoir affronter un assassin.

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