19. Death kiss
Quel désastre...
Je traîne mes pieds hors de la salle d'examen où je viens de me faire défoncer par un contrôle de dynamique de l'ingénieur. Je n'ai pas encore la note, mais je peux déjà prévoir qu'elle ne sera pas très reluisante dans mon carnet de notes. J'ai pourtant révisé pour cet examen.
Non... c'est faux. Oui, j'ai révisé, mais c'était de la révision de surface, juste pour ne pas culpabiliser, j'ai passé le reste de mon temps à retenir le plan pour la mission et à sortir avec Adam et mes amis.
En soi, ça va, c'est n'est que mon premier examen de toutes mes études universitaires, ça ne présage pas nécessairement que les autres se dérouleront ainsi... non ?
Putain !
Quand Leo va l'apprendre, putain quand Leo va l'apprendre ! Je vais en entendre parler pendant au moins un mois et il va me questionner sur ce que je faisais, pourquoi je ne suis pas allée lui demander de l'aide si je ne comprenais pas la matière et blablablablalba.
— Quelle tête tu fais !
Je lève les yeux de mes pieds pour voir Adam, adossé sur un mur. Il m'attendait. Lui est sorti de la salle d'examen à peine une heure après le début de celui-ci, confiant, m'offrant un clin d'œil pendant que mon cerveau surchauffait sur la deuxième question.
— Alors, ça s'est passé comment ?
Je soupire et secoue la tête.
— Je ne pense même pas avoir D... Toi ?
— Oh... moi ça va, il était plus facile que je ne le pensais.
Ugghh, je déteste les petits prodiges pour qui tout est si facile, j'en ai déjà un, je n'en veux pas un autre.
— Pff, fais chier...
Adam déchiffre mon expression et comprends que le sujet ne me met pas tout en joie, tout le contraire. Il essaie de me remonter le moral.
— Tu te rattraperas au second contrôle, je t'aiderai si tu veux.
— Hm...
— Allez, souris ! Ce soir, c'est la fête après tout.
Quand il mentionne l'événement organisé par The Players pour marquer mon intégration au groupe, mon cœur devient plus léger et ma piètre performance académique devient un pâle souvenir. Quand il voit mon sourire, le sien s'élargit. Je ne sais toujours pas ce qu'ils me réservent, aucun d'eux n'a voulu parler et mon départ un peu précipité à cause de l'annonce de la mort de deux personnes m'avait sorti le sujet de la tête.
D'ailleurs, apprendre que j'étais impliqué dans la mort de deux personnes innocentes, deux personnes qu'on ne visait pas, m'a beaucoup secouée. J'étais rentrée chez moi, l'impression de ne pas être moi, comme si ma conscience était partie de balader ailleurs, pour échapper à la réalité. Je n'ai pas grand souvenir de cette soirée.
J'étais chez moi, dans le cellier avec la clé qui devait le condamner, pour que maman ne retombe pas dans ses travers d'après divorce. Elle m'avait confié la clé de sa guérison et je m'en étais servi pour trouver du réconfort dans le fond des bouteilles, comme elle autrefois.
J'ai bu un verre, puis deux, puis trois, puis suffisamment pour ne plus savoir comment compter sur mes doigts. Puis, parce que je voulais parler, j'avais besoin de parler, je suis sortie, j'ai pris ma voiture (je sais, j'ai extrêmement honte) et je suis partie chez Leo, va savoir pourquoi. J'ai toqué et...
Plus rien.
Je ne sais pas ce que j'ai fait, ce que je lui ai dit, rien. Je me suis réveillée dans son lit dans la matinée le lendemain matin. Leo s'habillait qui pour sortir m'a saluée, embrassée et a poursuivi sa routine sans mentionner ma consommation d'alcool, lui qui est pourtant tellement opposé à ce que je vois avant ma majorité, mes 21 ans. Couchée dans ses draps, j'espérais ne pas avoir échappé une information sur The Players où l'attaque qui m'avait mise dans cet état au départ, observant les muscles qui définissent son dos et l'énorme tatouage de tête de lion, le même que je m'étais fait contre ses recommandations.
Il est contradictoire parfois.
Il s'était énervé, mais la semaine d'après, il était allé se faire faire le même, en vingt fois plus gros, mais à l'encre blanche, si bien qu'il n'est perceptible que de près. Pour le taquiner, j'avais commencé à le surnommer « mon lion blanc. » Ringard, je sais, c'était le but. Je m'en suis lassé et je suis revenue à Leo tout court, c'est la même chose de toute façon.
— Donne-moi au moins un indice, qu'est-ce qu'on fera, où on ira ? Pourquoi c'est secret ?
Adam rit, ça l'amuse de titiller ma curiosité. Il refuse de me dire ce qu'est ce « baptême », mais persiste à m'en parler pour que ça reste dans mon esprit. Je n'ai pas arrêté d'y penser... ce doit être une des raisons de mon échec à cet examen.
Me voilà qui cherche déjà des excuses.
— Tu verras, ce sera super amusant, rien que d'y penser j'ai les poils qui se redressent.
— Adam !! Dis-moi !!! ordonné-je en le secouant alors qu'il rit.
— Te dire quoi ?
Avec cette phrase, un vent du nord balaie le couloir. Adam et moi arrêtons de nous chercher pour apercevoir Leonardo que je n'avais pas vu s'approcher se tenir là. Le frisson me parcourt.
— Leo-
— Vous sortez d'un examen ? me coupe-t-il.
Adam racle sa gorge et se redresse. Il fait toujours ça quand Leo est là, parce que c'est son coach.
— Oui. Dynamique, répond-il.
— Ouh... c'est toujours un massacre celui-là, compatit-il en en serrant la boîte qu'il tient dans ses mains. Il s'est bien passé ?
— Oui très bien, répond fièrement Adam.
Leo hoche la tête en lui souriant. Ses yeux félins s'abaissent ensuite sur moi, il perd son sourire.
— Et toi ?
— Hum... pareil. Ça s'est très bien passé.
Il plisse les yeux.
Il sait ?
Si c'est le cas, il n'en montre pas le moindre signe, il se contente d'acquiescer.
— C'est super ça. Adam, j'avais besoin de te parler d'une ou deux choses. D'abord concernant certaines de tes absences aux entrainements. Y a-t-il une raison à cela ?
Je sens Adam se crisper à ma droite.
— Euh...
Mon regard alterne entre Leo et Adam. Adam, qui d'ordinaire trouverait une excuse pour ses absences, semble figé. Il transpire le stress et la panique interne même s'il garde un minimum de composition. Alors, quand le silence s'étire et que Leo semble s'impatienter, j'interviens.
— Sa mère est non-voyante, les mardis elle a... danse de salon... c'est bien ça ? dis-je en lui effleurant la main pour le ramener à nous, à moi.
Adam écarquille les yeux, réalise que je lui demande d'appuyer mon mensonge avant de hocher la tête. Puis, poussé par mon intervention, il prend le relai.
— C'est moi qui l'y conduis, termine-t-il.
Là, c'est Leo qui nous examine à tour de rôle, nous et notre contact physique.
— Je vois, c'est vrai tu m'avais parlé de la condition de ta mère. Je comprends. Si tu as un souci de ce genre, ne le garde pas pour toi, c'est très mal vu de manquer des pratiques sans motivation. C'est bon, j'expliquerai cela au coach en chef.
— Merci, répond sobrement Adam.
— De rien. Oh ! J'allais oublier ; tiens.
Leonardo lui donne la boîte aux couleurs de l'école qu'il tenait. Adam lève les sourcils pour le questionner quant à son contenu.
— Ton uniforme, pour les matchs. La fédération a approuvé ton dossier.
Adam donne un sens à l'expression « les étoiles dans les yeux », tout son visage s'illumine et il prend Leo dans ses bras avant de réaliser que c'est son coach et de s'en séparer en s'excusant. Leo qui déteste habituellement ce genre de démonstration d'affection publique ricane et le félicite en lui tapotant l'épaule d'une manière presque fraternelle. Il lui donne quelques indications pour la suite dans l'équipe avant de nous laisser.
Pas un mot, ni même un regard ne m'est adressé. Il n'a eu d'yeux que pour Adam pendant près de cinq minutes où je me suis transformée en simple décoration.
Adam meremercie de lui avoir trouvé une excuse. Je songe à le questionner pour savoirpourquoi il n'est pas parvenu à en trouver une alors que d'ordinaire ça luivient assez naturellement, mais décide de ne pas le faire. Des moments destress, ça arrive. De toute manière tout ce à quoi je veux penser à présent,c'est ce baptême.
Je jette un dernier coup d'œil derrière moi pour voir Heidi et Adam, bras dessus, bras dessous prendre la direction des escaliers avec d'autres étudiants sortis d'examen. Quand je m'approchais, je les ai entendus évoquer un événement qui doit avoir lieu ce soir, quelque chose de secret apparemment.
Je n'apprécie pas de trop de ne pas savoir précisément ce qu'Heidi fait, où elle est et avec qui, mais comme Cole est impliqué, je suis rassuré.
C'est un jeune homme vaillant, il a un bon cœur et mets tout le monde de bonne humeur. Et puis Heidi semble lui plaire, je sais qu'avec lui elle ne risque rien.
Je récupère mes affaires dans mon bureau de rentre chez moi. Sur le chemin du retour, Jay me contacte pour me faire état de ses recherches et informations. Il me rapporte l'avancée de Matteo concernant The Players. Apparemment, même s'il a demandé les vidéos de surveillance de tous les bâtiments entourant l'usine, toutes celles de cette date, de 14 à 17h ont été supprimées, envolées.
Classique. Ils ne laissent jamais de trace d'eux.
— Il est très frustré. Ton père aussi.
Je soupire en ouvrant la porte du lobby.
— Dis-lui de laisser cette piste, on a déjà une info précieuse. Attendons leur prochain coup pour en recueillir plus et mieux les cibler.
— D'accord, mais je doute qu'ils aient la patience.
— Ils peuvent s'impatienter autant qu'ils veulent, ce n'est pas ça qui les fera trouver The Players.
— En effet. Oh, concernant ce que tu m'as demandé de chercher, sur Maya.
Au moment où Jay commence à parler, je vois une personne assise au pas de ma porte. Au loin, je ne parviens pas à mettre de visage sur la personne, mais lorsque je m'approche, je reconnais Maya, assise, les genoux contre ses seins, la tête enfouie dans ses bras.
Elle dort.
— Je te rappelle.
— Quoi ? Mais-
Je coupe l'appel et la fixe un moment. Puis je m'accroupis et passe délicatement la mèche qui était tombée sur son visage derrière son oreille, ce qui l'a réveille. Ses yeux marron prennent un peu de temps à s'habituer aux DEL du couloir, mais elle finit par me reconnaître.
— Ah, Leo ! Quelle heureuse coïncidence de se croiser ici !
Attends, elle me prend pour un con ou ?
— Je ne crois pas aux coïncidences et encore moins à celle-ci. Bien évidemment que je suis là, j'habite ici. Je peux voir que toi aussi tu es là. D'ailleurs, on peut savoir pourquoi?
Elle me sourit.
— Sois galant et invite-moi d'abord à boire un verre de ton alcool hors de prix comme la dernière fois, on parlera après.
Je lève un sourcil, surpris par tant de confiance. J'hésite un instant à lui ouvrir la porte de chez moi, mais fini par pousser les clés dans la serrure. D'un geste de main, je l'invite à entrer. Elle pénètre chez moi et se déchausse. Elle gambade ensuite en chantonnant jusqu'à mon mini bar et se sert.
Ok.
— Je vais aller prendre une douche.
— D'accord, je t'attends, répond-elle sans me lâcher des yeux alors que je me dirige vers ma chambre. J'y prends une serviette et des vêtements plus confortables avant d'aller m'enfermer dans ma douche. Profitant de ce que l'eau qui coule couvre ma voix, je termine mon appel avec Jay. Je prends une douche froide pour me remettre les idées en place, m'habille et sors rejoindre Maya au salon.
De la musique très forte m'accueille. Elle est expulsée de mon enceinte. Elle est donc fan de métal comme moi.
Je trouve que mon intruse s'est mise à l'aise. J'entends par là qu'elle a perdu quelques couches de vêtements ; la veste qu'elle portait et son t-shirt traine sur le divan. Elle n'est à présent vêtue que d'une camisole noire qui fait ressortir son teint pâle, son nombril percé et ses cicatrices. Pour finir, c'est au sol qu'elle a décidé de s'asseoir et elle est en train d'inspecter sa pédicure.
Je me penche pour saisir le verre qu'elle a sorti pour moi sur la table basse et me sers un peu de bourbon en la regardant faire, captivé, attentif.
— Alors Maya, pourquoi es-tu là ?
— Dylan.
Elle lève calmement les yeux vers moi.
— As-tu vu les nouvelles ? me demande-t-elle, l'air de chercher toute trace de perturbation dans mon non verbal.
— Non.
— As-tu vu les nouvelles ? répète-t-elle en recommençant à jouer avec son petit orteil.
Ça ne sert à rien.
— Oui.
— Il s'est fait mutiler, torturer comme aucun être vivant ne devrait jamais l'être. Ce qu'on lui a fait horrible, cruel, inhumain.
— C'est bon t'as finis ? Parce que si c'est tout tu peux t'en aller-
— C'était toi non ? me coupe-t-elle
Je me tais et la fixe.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Elle ne dit rien et me fixe en clignant des yeux. J'ai l'impression qu'elle sait déjà tout, mais ses yeux innocents ne laissent rien paraître.
— Si je te dis que oui, c'est moi qui ai fait subir ça à Dylan... tu dirais quoi ?
Maya semble réfléchir sérieusement à ce qu'elle doit répondre. Puis elle jette une main dans son sac et en sort un jeu de cartes neuf. Je le fixe intrigué avant de la questionner du regard.
— Faisons un truc. On joue. Si je gagne, tu me racontes en détail les souffrances que tu as infligées à cet enfoiré. Je veux que tu me décrives ses larmes et ses hurlements au décibel près. Je veux ressentir la jouissance que tu as ressentie dans chaque parcelle de ma peau et de mes os. Ça te va ?
Je suis estomaqué. Cela ne me surprend guère qu'elle ait compris que j'étais l'agresseur. Je lui ai quand même dit d'attendre deux semaines, période qui coïncide avec l'agression de son ex.
Non. Ce sont ses paroles. Son regard.
Elle sait ce que je lui ai fait, mais elle n'a pas prévenue la police et a en plus eu les couilles de venir me confronter. Je croirais me regarder dans une glace, et la vision me fascine. Je m'assois en face de cette femme qui vient de faire un bond de géant dans mon estime. Rien ne sert de jouer un rôle avec elle, je suis prêt à lui dévoiler ma part d'ombre.
Elle la réclame.
— Es-tu bien sure de vouloir tout savoir ? Ce n'est pas une histoire pour les charmantes dames.
— Tais-toi et jouons.
J'ouvre grand les yeux. Intéressant.
— Tu sais Maya, tu aurais simplement pu me demander de te raconter mon entretien avec Dylan. Après ce qu'il t'a fait, tu mérites de savoir.
Comme elle mélange les cartes qui étant neuves sont déjà mélangées, j'ai la désagréable impression que ce que je lui dis ne l'intéresse pas. Alors je lui retire le paquet pour attirer son attention.
— En jouant, tu risques de perdre et je ne dirais rien.
Elle me défie, sourire aux lèvres.
— Ce ne serait pas amusant. Et puis plus que profiter de la souffrance de Dylan, je souhaite t'infliger ta première défaite à un jeu de cartes.
Elle lève ses petits yeux malicieux et les braque sur les miens avec un air provocateur.
— Tu as peur ? me demande-t-elle
Je lève les sourcils et lui tends son paquet de cartes.
— Explique-moi ton jeu.
Sans attendre, elle place les cartes d'une façon que je ne connais pas. Il y a deux cartes l'une à côté de l'autre. À gauche de la première carte se trouve une pile de 5 cartes. Une autre pile de 5 cartes se trouve à droite de la carte de droite. Elles sont bien sûr toutes tournées de façon à ce qu'on ne sache pas de quelles cartes il s'agit. Sachant qu'un paquet contient 54 cartes au total, les 42 qu'il lui reste, elle les sépare en deux paquets égaux de 21 cartes. Elle me tend l'un d'entre eux.
— Bon, je t'explique. Je sais que je ne te battrais pas à un jeu qui demande beaucoup de stratégie, alors j'ai choisi le plus simple que je connaisse. Il est aussi le plus amusant si tu veux mon avis, pas de prise de tête, que du fun.
— C'est une manière originale de me dire que tu es stupide.
Au lieu de se froisser, Maya ricane et lève les yeux au ciel. Elle m'explique brièvement le jeu et je me souviens alors y avoir joué une ou deux fois quand j'étais plus jeune. Ça n'a vraiment rien de sorcier, ce n'est qu'un jeu de vitesse.
— Je comprends. On commence ?
Nos 21 cartes dans une main, nous tournons avec l'autre chacun une carte du milieu. Le roi et le 4. Je regarde mes cartes pour voir ce que je peux mettre. Quand je sors une reine, elle est en train de faire une rafale de cartes. Je suis subjugué par la vitesse à laquelle elle les place et chaque fois que je veux en placer une, le jeu a déjà changé. Impuissant, je m'arrête et la regarde liquider ses 21 cartes en quelques secondes.
— Fini !
Je ne dis rien et c'est quand elle m'appelle que je sors de la lune. Je reviens sur terre et réalise finalement ce qu'il vient de se passer. Moi, Leonardo Ricci, éternel invaincu aux jeux de stratégies, je viens de mordre la poussière contre une femme qui n'a jamais joué aux échecs de sa vie.
— Wow... je... j'ai...
J'ai peine à prononcer cette phrase que mes papilles n'ont jamais goûtée.
— Tu as perdu, m'aide-t-elle à terminer.
Je lève les yeux surpris vers elle. Mon sang bouillonne. Je fronce les sourcils à la mode d'un bambin frustré.
— Je veux rejouer. C'était ma première partie, ça ne compte pas.
Elle a un sourire moqueur... celui que j'ai quand je nargue mes faire-valoir et il est franchement désagréable quand il n'est pas sur mes lèvres à moi. Je me résigne.
— Ce n'est qu'une excuse bidon... J'ai perdu.
— Effectivement. Tu as dit vouloir rejouer.
— Oui. Je veux rejouer une autre partie.
Silencieusement, elle replace les cartes. Nous tournons celles du centre. Je réussis à placer une carte, une seule, et elle termine la partie instantanément.
— Encore, demandé-je poliment.
Elle replace les cartes. Cette fois encore, je n'ai le temps de déposer qu'une carte.
— Encore ! j'ordonne l'impatience grandissant de manière indirectement proportionnelle à mon âge mental.
Mon cœur commence à s'emballer, je tremble légèrement. Ce sont les signes qui montrent que mon corps réagit mal à la perte de contrôle. Plus je réclame de parties, plus je perds, mon corps en réclame une autre et pour la énième fois, je suis impuissant. J'ai beau être rapide, je ne le suis pas assez. Nous jouons ainsi une quarantaine de parties et quarante fois, Maya me baise totalement à ce jeu.
— Encore !
— Ah non, j'en ai marre. Tu as perdu c'est fini.
Elle se laisse tomber contre le sol en riant, faisant rebondir sa poitrine et nous restons silencieux ainsi pendant une dizaine de minutes. Minutes durant lesquelles je digère plus ou moins bien mon nouveau statut de perdant. Puis elle se redresse et me fixe.
— Maintenant, tu me dois une histoire toi.
Je quitte les cartes des yeux. C'est vrai que je dois lui raconter ce qu'il s'est passé avec Dylan.
— Bien sûr.
J'entreprends alors de lui relater mon après-midi avec son ex sous son écoute attentive. Elle se délecte de tous les détails que je lui apporte et réclame même à un moment de jouer Dylan, ce que je trouve étrange, mais assez amusant.
— Dis-moi que tu les lui as mis dans la bouche.
— Je les lui ai mis dans la bouche.
— Arrrgghh, je t'aime Leo, lâche-t-elle les yeux fermés.
Je la fixe, silencieux, l'examinant en repensant à ma conversation avec Jay.
— Il y a un truc que je ne t'ai pas dit.
— Quoi ?
— Pendant qu'on discutait, Dylan a insinué que tu étais morte.
Elle perd son sourire, semble sur ses gardes.
— Il a dit qu'il avait tué votre fille et que tu t'étais suicidée peu après. Pourtant, te voilà, assise ici, à boire mon alcool hors de prix.
— Et donc ?
— Qui es-tu ?
Je ne la lâche pas des yeux alors qu'un éclair de panique les traverse.
J'ai gagné.
Maya soupire.
— Je t'ai menti.
— Tiens donc.
Elle me sourit tristement.
— Ce qu'il t'a dit est en partie vrai. Je suis légalement morte. J'ai orchestré mon suicide.
Surpris, je cligne des yeux.
— Quoi ? Comment ça ? Pourquoi ?
— Comme je t'ai dit, Dylan était proxénète, mais il travaillait lui aussi pour quelqu'un. Quelqu'un de puissant. Toutes les filles qui désirent quitter leur affaire sont des potentielles menaces. En plus, comme je portais plainte pour le meurtre de ma fille, j'impliquais la police dans tout ça. Ils ont mis ma tête à prix. À deux reprises, on a essayé de me tuer, mais je suis parvenue à m'enfuir. J'ai fui tellement de fois, mais ils me retrouvaient toujours. J'ai compris que ce n'est que morte qu'ils cesseraient de me chasser. Alors, j'ai eu l'idée de monter mon suicide de toute pièce.
— Comment ?
— Je connaissais un médecin légiste qui était un de mes clients. Je l'ai menacé de révéler son infidélité à sa femme s'il ne m'aidait pas. Il m'a dit qu'il avait besoin d'un corps pour authentifier le décès. J'ai trouvé le corps d'une junkie après une overdose de fentanyl, elle me ressemblait assez, on l'a utilisée. J'ai demandé à mes parents de l'identifier et dire que c'était moi. Seuls eux trois savent que je suis encore vivante. Enfin, eux trois... et toi aussi maintenant.
Je pense au récit qu'elle vient de me raconter alors que je pose mes mains au sol derrière mon dos. Maya essuie les larmes qu'elle a laissées couler pendant son histoire.
— Je suis désolée.
— De ?
— D'avoir abusé de ta confiance. C'est juste que tu as été si gentil avec moi, je n'ai pas pensé aux problèmes que je pourrais t'apporter en venant chez toi, en te racontant tout ça, je-
— Ne t'excuse pas. Je ne t'en veux pas de m'avoir menti.
— Ah non ?
— Non. Parfois, mentir est nécessaire à la survie. Je comprends très bien ce sentiment.
Ses yeux s'illuminent et elle pose sa main sur ma cuisse.
— Merci de me comprendre, merci de m'avoir sauvée... et merci pour Dylan, susurre-t-elle à mon oreille avant de déposer un baiser sur ma joue.
Le frisson me saisit et je tourne la tête pour lui faire face. Je tombe sur ses yeux en amande, rivés sur mes lèvres, mais également sur sa poitrine, que je vois clairement, puisqu'elle est penchée. Et je sais qu'elle sait que j'ai vu.
— Est-ce que ça suffit à payer ma dette envers toi ? demande-t-il d'une voix complice.
Mes yeux remontent la ligne de son cou, effleurent ses lèvres entrouvertes et retrouvent ses yeux. Je pèse le pour et le contre de m'adonner à cela, mais réalise qu'il n'y a pas vraiment de contre ; Heidi est je ne sais où en train de faire je ne sais quoi avec Adam, elle ne passera pas à l'improviste comme elle l'a l'habitude de le faire.
— Non...
Sans hésiter, je prends le menton de Maya avant de poser mes lèvres contre les siennes.
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C'était tout pour ce chapitre! Merci de l'avoir lu et pour ceux qui le font d'avoir interagi avec 🫶🫶🫶.
Retrouvez moi sur instagram: luxe_8831_ pour être informé de l'avancée de l'histoire et pour qu'on discute des théories de chacun quant à la suite des événements.
Luxe🪂
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