18. Knight in shining armor

J'ai mis le GPS pour trouver le chemin vers Greenwich, mais une fois dans la municipalité, il s'est révélé bien inutile pour ce qui est de trouver l'usine qui a été la cible de l'attaque des Players. Suffisait de se diriger vers l'épaisse fumée noire qui se dégageait du site, visible à des kilomètres à la ronde.

Sur le chemin, j'ai croisé nombre de voitures d'habitant redoutant une catastrophe chimique remplie de tout ce que ces familles pouvaient mettre dans leur voiture avant de fuir. Toutes les chaines d'information étaient soit présentes, soit en train d'être dépêchées sur le lieu de l'attentat. En plus de la fumée, le rouge flamboyant d'une dizaine de camions de pompier faisait l'effet d'une enseigne de néon en pleine nuit.

Sans surprise, le périmètre autour du lieu de l'attaque a été bouclé par les autorités. J'ai donc dû m'arrêter un peu plus loin, devant le restaurant que m'a indiqué Jay comme lieu de rendez-vous.

Le voilà d'ailleurs qui se dirige vers ma voiture, ses cheveux roux dansant avec les brises. Je sors du véhicule et vais à sa rencontre.

— Salut.

Il me fixe longuement.

— Quoi ?

Il pointe son cou, juste sous son menton, m'invitant à faire de même. Je regarde mes doigts et y vois du sang, celui de Dylan. Avant même que j'aie le temps de faire un commentaire, il me tend un mouchoir en tissu pour que j'essuie la trace.

— Dépêchons-nous, lui et ses hommes sont déjà sur place.

J'emboite le pas en direction de la zone bouclée par la police.

— Il pense trouver quoi ici ? La police est partout, le site est détruit, commenté-je

— Je n'en sais rien. Dès qu'il a entendu parler de l'attaque de The Players, il a prévenu ton père.

Putain.

— Ces imbéciles, dis-je en tournant le coin de rue.

Ce que j'y vois finit d'annihiler toutes les bonnes énergies que j'avais rassemblées avec Dylan. À cette heure, je serais rentré chez moi pour relaxer, lire des articles d'études, préparer mes cours de la semaine. Comme j'étais de bonne humeur, j'aurais appelé Heidi et à cet instant elle serait assise sur ma face.

À la place, c'est sa face que je dois voir.

— Leonardo !

Matteo qui vient de remarquer ma présence crie mon nom de manière à ce que tout le monde avec une audition non déficiente sache que je viens d'arriver. Comme si ce n'était pas suffisamment humiliant, il ouvre grand ses bras en se dirigeant vers moi.

— Non.

— Fais un effort, me souffle Jay.

Mon cousin arrive à notre niveau et me prend dans ses bras avant de me baiser chaque joue, comme il est coutume de le faire. Je reste immobile, à subir mon lien de sang. Je regrette alors de m'être porté garant pour cette histoire de terroristes.

— Lâche-moi maintenant.

Mon cousin se défait enfin de moi et me regarde, souriant, confiant. Il est comme ça quand mon père n'est pas là, il se permet d'oublier l'ordre de succession et même me regarder de haut comme il le fait à présent malgré qu'il soit plus petit que moi. Ce doit être les quatre hommes baraqués et armés qui l'accompagnent qui lui donnent une telle assurance en ma présence. Il est vrai que moi à côté, avec Jay je n'inspire rien de bien menaçant.

Il s'apprête à ouvrir la bouche, le connaissant pour faire la conversation, mais je le coupe d'emblée.

— Pourquoi on est ici ?

Matteo soupire quand il comprend que ses tentatives de se rapprocher de moi seront vaines.

— Et bien, cousin, n'as-tu pas écouté les nouvelles ?

— Je préfère la musique.

Il ricane.

Pourquoi il ricane ?

— Tu ne peux pas avoir manqué cet énorme nuage de fumée.

Je porte mon regard vers la fumée qui est en effet immanquable.

— Ça n'explique pas ce que je fais ici. 

— On n'avait aucune piste pour commencer à traquer The Players, ils ne laissent aucune trace. Je me suis dit que venir sur le lieu d'une de leur fraiche attaque nous permettrait de recueillir des infos.

Je regarde à nouveau le site avant d'échanger un regard entendu avec Jay.

— Pas bête. Seulement, comme tu vois, la zone est inaccessible au public et encore moins au crime organisé.

Matteo me sourit.

— Suis-moi.

Avant même que je réponde, il me tourne le dos et s'éloigne. Perdu, mais surtout méfiant, je regarde Jay qui m'indique qu'il ne sait pas ce qu'il se trame, mais estime que le risque est minime. Alors, comme il ne m'a pas vraiment laissé le choix, je suis Matteo jusqu'à une ruelle à l'abri des regards. Là, une berline noire est garée, face à la circulation, mais suffisamment enfoncée pour qu'elle ne soit visible que de la ruelle commerçante. Un des hommes de Matteo lui ouvre la porte arrière et il s'y engouffre, puis, d'un geste de tête, son gorille m'invite à faire de même.

Jay et moi pénétrons prudemment dans le véhicule et sommes surpris d'y trouver deux hommes, en uniforme, des gardiens de sécurité, semblerait-il. Quand je reconnais le logo de l'usine réduite en débris, je questionne Matteo du regard.

— Ne me dis pas que tu les as enlevés.

— Mais non, je ne suis pas un sauvage. Ces messieurs ici sont prêts à parler au plus offrant. Je les ai trouvés sur le point de vendre leur témoignage à quelques médias dehors et j'ai triplé l'offre combinée de tous. Ils nous diront tous ce qu'ils savent de l'attaque. Qui l'a réalisée, comment ils ont opéré, ils étaient combien. Alors, tu as des questions pour eux ?

Putain.

Je prends une grande inspiration alors que je me repositionne.

— Qu'est-ce que vous savez ? leur demande Matteo.

Les deux hommes se concertent rapidement avant de se tourner vers nous.

— Il y avait un homme qu'on poursuivait. Un scientifique.

— Je doute qu'il s'agissait vraiment d'un de vos chercheurs.

Les deux confirment.

— Je crois que c'est celui qu'ils appellent le Joker. Il courait vite et bondissait partout. Il était tellement rapide, moi je n'ai pas pu voir son visage.

— Moi je l'ai vu, quand on l'a coincé dans une impasse.

— De quoi avait-il l'air ? s'enthousiasme Matteo.

— Jeune, athlétique, blond, yeux bruns... jeune trentaine à tout casser. Je crois que j'ai vu quelque chose qui ressemblait à un tatouage à son poignet, mais je ne suis pas certain de quoi il s'agissait.

Ce nigaud se tourne vers moi, une fierté mal placée sur les lèvres.

— Alors ? J'ai eu une super idée, non ? On sait à quoi leur Joker ressemble.

Jay pouffe de rire à côté de moi qui me retient de faire de même, ce qui fait lever les sourcils de mon idiot de cousin.

— Quoi ?

— Il n'est pas la première personne à « voir » le Joker, c'est littéralement leur mascotte ce type. Un jour il est brun, l'autre blond, l'autre châtain. Il a les yeux bruns, bleus, noirs, rouge, autant de couleur que l'industrie des lentilles peut produire. Il est tatoué, il ne l'est pas, il est balafré, il a la peau d'un bébé, il a des grains de beauté puis non, il est vieux selon certains, jeune selon d'autres, informe Jay.

Matteo fronce les sourcils.

— Tu n'as donc fait aucune recherche sur eux ? Le Joker n'a l'air de rien parce qu'il a l'air de tout le monde. Il maitrise l'art du déguisement. La seule description fiable sur lui est que c'est un homme caucasien d'environ 1m85 et qu'il roule en moto. À moins que tes sources aient autre chose que son pseudo physique... tu n'es pas bien plus avancé que tous ceux qui leur courent après depuis des années.

Je ne sais pas si c'est de la honte, de la colère, un mix peut-être, mais Matteo perd la face

Je soupire.

— Donc, tu m'as perdu mon temps.

— J'essaie moi au moins ! Ton père réclame des avancés. Depuis que tu as pris la responsabilité de ce cas, on entend plus parler de toi. Tu ne nous informes de rien, tu ne fais rien !

- Dolce far niente, Matteo. L'art de ne rien faire. Quand on n'agit pas, on observe, on analyse les comportements de la cible, on apprend des erreurs des autres, ça nous évite de perdre du temps, de l'argent, des hommes et de faire des erreurs de débutant comme celle que tu as faite. Maintenant, deux personnes de trop savent que nous en avons après The Players alors que j'ai été catégorique sur le fait que plus personne ne devait savoir.

Je vois qu'il tarde de répliquer, mais ne trouve rien à dire, alors il baisse la tête.

Abruti.

— Qu'est-ce qu'on fait alors, hein ? Toi qui en sais tant ?

Moi je rentre et j'appelle ma copine pour me vider les couilles et toi tu vas te faire foutre.

Je soupire. C'est épuisant, les discussions avec les sots.

Je fixe les deux hommes qui semblent moins sereins maintenant qu'ils savent qu'ils ne devraient pas être dans cette voiture, dans cette ruelle, seuls avec nous.

— Est-ce là tout ce qu'il y avait d'anormal ?

— Oui.

— À part l'inspection surprise, tout était normal.

— L'inspection surprise ?

— Oui, des employés du gouvernement viennent s'assurer que nous suivons les normes en vigueur.

— Oui, mais pourquoi surprise.

— Il est courant qu'il y en ait.

— Je vois.

Je suis moi-même adepte des interros surprises, ils permettent d'évaluer les connaissances des élèves à un moment t et de s'ajuster en vue du contrôle à venir. Je regarde Matteo, attendant qu'il fasse le lien. Tout n'est pas perdu, puisqu'il fronce les sourcils.

— C'est un drôle de hasard... que l'inspection surprise coïncide avec l'attaque.

Bingo ! Il y a donc bien un petit hamster dans la tête de ce Ricci-là.

— Qui étaient les inspecteurs ? demande Jay.

— Je n'en sais rien.

— Moi non plus. La police cherchait des témoins tout à l'heure et ils étaient tous les deux introuvables... attendez- vous croyez que c'était des Players ?

— C'est nous qui posons les questions. Ils avaient l'air de quoi ?

— D'inspecteur... quoiqu'ils faisaient assez jeunes... un homme et une femme. La femme était métisse. C'est vraiment tout ce que j'ai pu remarquer de depuis mon poste.

Je porte une dernière fois mon regard vers Matteo.

— Maintenant, tu as une information qui n'est nulle part ailleurs ; un de leur membre est une femme métisse. Trouve des vidéos de surveillance, des témoins qui ont vu un homme blond accompagné d'une femme correspondant à la description et tu arriveras peut-être à quelque chose, dis-je avant d'ouvrir la portière.

— Attends, où vas-tu ?

— Je rentre chez moi.

— Mais on vient d'avoir une information précieuse.

Je sors du véhicule suivi de Jay, puis je me penche.

— Sers-t'en intelligemment alors. Élimine tes sources pour ne pas qu'elles répandent la bonne nouvelle. Et n'oublie pas ; dolce far niente.

Je ferme la portière au moment où j'entends des cris. Deux coups de feu se font à peine entendre, puis Jay et moi sortons de la ruelle et nous dirigeons vers nos voitures respectives.

— Tu es sûr que c'était la bonne chose à faire ?

— Laisser ce double idiot avec une info aussi importante ?

Il hoche la tête.

— Non... mais n'es-tu pas curieux de voir ce qu'il en fera ?

— Non. Trop risqué.

— Tu es trop prudent.

— C'est comme ça que tu restes en vie je te rappelle.

J'éclate de rire, avant de retrouver mon sérieux.

— Laissons-le trouver The Players, on agira ensuite.

— Hm...

J'observe mon allié, mon ami de toujours, perturbé par cette histoire avec The Players. Comme je sais que rien de ce que je dirai n'enlèvera ce sentiment d'insécurité chez lui, je lui donne une petite tape sur l'épaule et nous nous séparons. Je quitte cette ville à l'air chimique, presque irrespirable et finalement, finalement, j'arrive chez moi plus de deux heures plus tard.

Après une douche qui me décrasse suite à tout ce sport avec Dylan, je me mets à la cuisine. Une petite heure plus tard, je suis assis devant un plat fumant de risotto à la milanaise qui me fait déjà saliver. Au moment de prendre ma première bouchée, on toque à ma porte.

Ugghhh.

Je sors mon téléphone et vois le grand front d'Heidi  qui se tient devant la porte de mon unité.

Je ne me rappelle pas l'avoir appelée, qu'est-ce qu'elle fait là ?

Je laisse mon repas et vais lui ouvrir. Outre son accoutrement léger, la première chose qui me frappe, c'est l'odeur puissante de l'alcool. La vodka. Heidi lève sa tête légèrement rouge vers moi et quand elle me voit, elle me sourit.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Je ne t'ai pas appelé. Pourquoi tu es si peu vêtue ? Saoule en plus. Ne me dis pas que tu as pris le volant.

Elle ne répond pas immédiatement à ma question, son regard est vitreux, perdu. Elle est bien saoule.

— Bonsoir, je suis aussi contente de te voir Leo.

— Sais-tu combien de malades traînent dehors à cette heure ?

— Oui, ça va très bien, merci de t'en soucier... J'ai passé une journée horrible et toi ?

— Heidi-

Elle me pousse de son chemin et s'introduit chez moi.

Je rêve ou elle m'ignore?

Je lui saisis le bras.

— Je te parle Pinocchio.

Mademoiselle retire aussitôt ma main.

— Non, tu ne me parles pas ! Tu me fais un interrogatoire. Comme toujours. Je suis sortie en mini short et en bralette et alors ?! Je suis libre dans un pays libre, non ?

Elle tend ses poignets.

— Si ce n'est pas le cas, arrêtez-moi monsieur l'agent, plaisante-t-elle.

Elle s'esclaffe après sa réplique. Je suis totalement scotché par l'insolence dont elle fait preuve. Quelque chose a changé chez elle depuis un moment, mais je ne saurais dire quoi. Ça ne me plait pas. Comme je ne dis rien, elle me tourne le dos et titube en direction de ma cuisine.

— Oh ça sent bon ! Je n'ai rien mangé de la journée.

Comme pour appuyer sa phrase, elle s'assoit au comptoir et commence à déguster le repas qui m'était destiné.

— C'était pour moi, lui fais-je remarquer.

— Plus maintenant.

Bon.

— Et je mange quoi moi ?

Commande-toi un truc. Refais-toi à manger, qu'est-ce que j'en ai à faire ?

Elle est sérieuse là?

— C'est quoi ton problème ?

— J'ai faim.

— Moi aussi tu sauras.

— Alors, commande un truc et arrête de me faire chier !

Je la regarde avaler mon risotto à une vitesse folle, effrayante même. Je croise les bras.

— Toi, t'es frustrée. Et tu veux qu'on se dispute. Je me trompe ? Mais tu sais bien que je ne me disputerai pas avec toi. J'ai plus l'âge de jouer à ses jeux grotesques avec toi.

— Et si tu te taisais Leo ? Tu es trop bavard, ça ne te ressemble pas. Tu tiens tant à ce que je déguerpisse, c'est ça ?

Je serre la mâchoire alors qu'elle sourit tristement en comprenant qu'elle a raison. Au lieu de m'en tenir rigueur, elle termine mon assiette en un temps digne d'un gagnant de concours de gros mangeur. Puis Gargantua se lève et s'approche de moi. Elle se met sur la pointe des pieds et ce que je croyais être un baiser est en fait un rot de sa part en plein dans ma figure. Elle me contourne et va s'affaler dans mon divan.

Ok...

Mais qu'est-ce qui cloche chez cet enfant?

J'analyse la situation, à la recherche de la meilleure réaction. Tout chez elle indique qu'elle cherche le conflit, quelque chose la trouble, quelque chose ne va pas. Le mieux est de faire comme si de rien n'était, je sais que ça pourrait déraper si je rentre dans son jeu.

Je sors mon téléphone et commande une pizza chez la pizzeria kurde du coin. Il n'y a pas de vraie pizzeria italienne proche de chez moi et celle des Kurdes est la seule qui s'en rapproche un tantinet. Omar qui y travaille depuis des années me répond d'une voix commerciale à souhait.

— Ici la pizzeria kurde, quel délicieux repas voulez-vous commander ce soir ?

Si j'avais eu à faire du service à la clientèle, je me serais sans doute vraiment suicidé.

— Oui salut Omar, je voudrais-

Heidi que je n'ai pas vue se lever se saisit de mon téléphone. Elle s'éloigne avant que je ne puisse l'attraper.

— Ce sera une large pizza mexicaine piquante avec des ailes de poulet. Aussi je veux un cheesecake caramel et sel de mer... deux canettes d'orangeade. Des frites ? D'accord, large. Si c'est tout ? Leo tu veux un truc ?

Je la regarde, mon exaspération menaçant d'atteindre son niveau maximum. J'essaie tant bien que mal de me contrôler, mais ma paupière gauche ne cesse de sautiller. Dieu que je déteste quand elle boit.

— Ouais, je veux de bonnes manières pour ce qui me sert de copine, sifflé-je entre mes dents.

Elle ignore ma pique et répond à Omar.

— Non, il ne veut rien. D'accord. Tu connais l'adresse. Bonne soirée Omar.

De là où elle est, elle me lance mon téléphone. Elle retourne s'avachir sur le divan et me fixe en attendant patiemment que j'explose, un sourire collé à la figure. Je sais que j'avais décidé de l'ignorer, mais là, non, je dois savoir la raison de tout ce cirque.

— On peut savoir ce qu'il t'arrive ? Quelle mouche t'a piquée ?

Elle soupire et allume la télé avant de mettre les nouvelles. Le titre de la nouvelle est « Un attentat à la bombe à Greenwich cause la mort de deux personnes ». Je lis et la questionne du regard pour savoir pourquoi elle me montre ça. Elle augmente alors le volume.

« - Des morts qui auraient pu être évitées. Les deux personnes en question sont le directeur Lindsay et sa secrétaire Melissa Caille. Selon les témoins, lorsque tout le monde fuyait, tous deux allaient en sens inverse. On dit que Lindsay voulait sauver des documents importants et qu'il aurait forcé sa secrétaire à le suivre malgré le danger. Les pompiers ont découvert leur corps sans vie sous les décombres, non loin d'une sortie. Ils en déduisent qu'ils ont finalement abandonné, mais n'ont pu sortir à temps. Plusieurs questions se soulèvent ; pourquoi personne ne les a stoppés ? Qu'allaient-ils chercher de si important ? Et surtout pourquoi a-t-elle suivi son patron alors que le risque était aussi énorme ? Les enquêteurs de Greenwich et le FBI essaient de faire la lumière sur ce énième attentat du groupe terroriste The Players, mais ici à Greenwich on essai de retrouver un semblant de normalité. C'était Anna Macintosh, à Greenwich. »

Je dois dissimuler l'ironie quand j'écoute cette histoire d'attaque. Dire que j'y étais.

Pourquoi me montrer cette nouvelle-là?

— Hum... c'est triste... je suppose-

— Elle est morte par ce qu'elle n'a pas été capable de lui désobéir. Parce qu'elle lui était totalement soumise. Parce qu'elle l'aimait.

— Qui?  demandé-je, mais alors totalement perdu.

— La secrétaire, crache-t-elle, énervée.

J'essaie comme je peux de comprendre où elle veut en venir.

— Ah. Hum, OK. Peut-être. Et alors ?

Heidi bondit de nouveau et se plante devant moi. Son souffle lourd témoignant de sa colère transporte l'odeur de l'alcool mélangée à celle du safran. Quelque chose de redoutable brûle dans son regard qui, d'habitude fuyant, ne lâche le mien à aucun moment. Elle se met à me pousser avec son doigt jusqu'à ce que je sois bloqué entre elle et le mur du salon en disant :

— Je veux que tu te rentres bien ceci dans ton crâne. Ce n'est pas parce que je t'aime que je dois t'obéir au doigt et à l'œil. Je me fiche que tu aimes tout contrôler. Je. Ne. Suis pas. Ta. Soumise. C'est clair ?

Je fronce les sourcils.

Mais de quoi parle-t-elle?

— Est-ce que c'est clair ?!

Mon regard alterne entre la télé et ma copine. Je finis par comprendre la signification de toute cette mascarade.

Elle joue à la courageuse.

Je lève un sourcil et un sourire concupiscent se dessine sur mes lèvres.

— Ça, c'est ce que tu crois Heidi. Mais bon, on va dire que tu n'es pas ma soumise. Mais c'est juste parce que je le veux bien. Maintenant, sois gentille et retire son doigt de sur moi.

Je lui montre bien que je me moque totalement de sa petite insurrection. Elle plisse les yeux, mais n'en rajoute pas. Elle garde son doigt sur mon torse et continue à me donner cet air mauvais. Moi je la gratifie de mon sourire pour la narguer et la chauffer encore plus. Elle a envie de m'en flanquer une, je le sens. Je le sais.

Alors que le tensiomètre menace de lâcher, la sonnette retentit. Je l'écarte nonchalamment de mon chemin et vais chercher mon repas épisode 2. Je dépose le tout sur ma table basse du salon et m'assois alors qu'elle me fusille du regard, les bras croisés. Sans tenir compte de son courroux, je tapote la place près de moi.

— Aller viens.

— Non.

— Steplééé.

— Non.

— Stepléééééééé.

— Non.

— J'ai besoin que tu manges ce cheesecake, je-

— Déteste les sucreries, je sais.

Elle détourne le regard en se rendant compte qu'elle a oublié d'être fâchée. Voyant que je ne la supplie plus, elle vient s'asseoir, mais à l'autre bout du divan avant de saisir une tranche de pizza. Je m'allonge alors de façon à avoir la tête sur ses cuisses garnies. Je peux ainsi profiter de son regard de braise qui, je l'avoue, commence à m'exciter.

— On regarde un film ?

On baise?

Elle hoche la tête, se penche et attrape la télécommande avec ses doigts gras. Heidi s'apprête à changer la chaîne, mais une autre nouvelle capte son attention.

Bordel! Pas maintenant!

— Aujourd'hui vers 16h dans le comté de Glasber, un jeune homme a été agressé dans les bois longeant le chemin Glasber. Les autorités auraient reçu un appel disant qu'un homme avait été mutilé. Lorsque les secours sont arrivés, il était à moitié mort et se vidait de son sang. Selon nos sources, il s'agirait d'un homme du nom de Dylan Rosewood.

— Oh mon dieu ! s'exclame Heidi, horrifiée par les images de sang sur le sol.

Alors il a survécu... quel homme!

Je me retiens de jubiler devant mon œuvre.

— Le jeune homme a été torturé, ses ongles arrachés, ses doigts coupés nets et ses testicules ont eu le même sort. Il a aussi été passé à tabac avec une batte de Baseball que l'on a retrouvée cassée près de son corps agonisant. La petite commune tranquille et sans histoire de Glasber est secouée par un tel acte de violence.

Je jette un coup d'œil vers Heidi qui frissonne, s'imaginant surement la douleur qu'il a ressentie.

— Quelle horreur... non, mais quel genre de monstre peut faire un truc comme ça à une autre personne ?!

Celui dont tu caresses tendrement les cheveux à cet instant.

— Hm.

— Les enquêteurs ont-ils une piste concernant l'identité de l'agresseur ? demande la présentatrice télé.

Là, je m'inquiète.

Pas parce que je crains que Dylan ait dit aux policiers que c'est Leonardo Ricci qui l'a agressé, mais parce que je redoute que la présentatrice dise mon nom, qu'Heidi l'entende, qu'Heidi sache.

Il y a un décalage avant que la journaliste sur le terrain réponde.

— Pour l'instant aucune. Lorsque la victime a repris connaissance, elle a dit ne pas connaitre son agresseur et ne pas l'avoir vue. M. Rosewood dit qu'il portait un masque et qu'il ne pourrait pas le décrire. Fait étrange, il a aussi imploré la police de ne pas chercher son agresseur et a insisté sur le fait qu'il n'allait pas porter plainte.

Je souffle intérieurement.

— Mais il est fou ??!!! s'indigne Heidi

Non mon cœur, c'est là probablement décision la plus sage qu'il aura faite de sa vie.

— La police pense donc qu'il s'agit probablement d'un règlement de compte puisque Dylan Rosewood était impliqué dans des activités illégales diverses, reprend la journaliste. On ne sait pas grand-chose sur toute cette histoire et ici à Glasber, les gens craignent maintenant une nouvelle agression du style.

— Merci Heather qui se trouve dans le comté de Glasber. Maintenant affaires financières ; des données bancaires volées...

Je n'écoute plus ce qu'elle raconte. Heidi change la chaîne, perturbée par ce qu'elle a vu et entendu.

— Avec tous ces malades qui se promènent dehors, on n'est pas en sécurité que ce soit le jour ou hors des grandes villes, note-t-elle.

— Hm.

Elle descend son regard inquiet sur moi. Je mime alors la face que je devrais avoir si je compatissais... ce qui n'est pas le cas.

— Ça ne te fait pas peur ? me demande-t-elle un peu tremblante.

— Pas vraiment. Toi ?

Elle opine.

— Moi ça me terrifie. Imagine que je sors et qu'on me mutile de la sorte ? Tu réagirais comment ?

Mon cœur se met à battre dans mes tempes et mon sang bouillonne rien qu'à l'idée que quelque chose lui arrive un jour, à cause de moi.

Je ne veux pas y penser. Mon seul souhait est que jamais tu ne rencontres quelqu'un comme moi.

— J'en sais rien. Moi ce qui me fait peur, mens-je, c'est de savoir que je peux mourir sur mon lieu de travail. Il suffit que ces terroristes en décident ainsi. Ils ont tué deux autres innocents, c'est aberrant d'être aussi cruels.

Son regard change, il devient neutre, il s'éteint, se voile comme pour cacher quelque chose.

— Ah... ouais... il y a vraiment toutes sortes de pourritures qui traînent dehors, tremble sa voix alors que ses yeux s'humidifient.

Oh Heidi...

Je me redresse et lui saisis le menton avant d'encrer mes yeux dans les siens. J'y lis un catalogue d'émotion;  la peur, l'inquiétude, l'angoisse, mais surtout... la culpabilité. Tellement de culpabilité. Mon pouce cueille une de ses larmes.

— Ne t'en fais pas, Heidi. Personne ne te fera jamais de mal.

— Qu'est-ce que t'en sais ?

— Si l'un de ces malades qui errent dehors s'en prend à toi, ce que ce Dylan a subit ne sera rien à côté de ce que je leur ferai endurer. Compris ?

Elle rigole, s'imaginant que j'exagère, mais au moins, elle sourit. Elle se déplace pour s'asseoir sur mes jambes et verrouille ses bras autour de ma nuque en lâchant un son qui se rapproche plus du ronronnement qu'autre chose.

— Très bien mon chevalier à l'armure étincelante. Je compte sur toi. On regarde un film ?

On baise ?

— Non... je suis bien là.

Elle acquiesce et pose  sa tête sur mon torse et nous discutons, nous mettant au courant sur nos vies. Je remarque une inscription sur son flanc qui ressemble à une signature. Elle m'explique toute contente que c'est celle de Diego Henriquez, un de mes pilotes de F1 préférés. J'ignorais qu'elle m'écoutait quand je faisais son éloge.

Quand je lui demande comment elle a eu un autographe de sa part et surtout sur son corps, elle me tisse un mensonge auquel j'aurais cru si je ne la connaissais pas. Mais bon, si elle ne me le dit pas c'est qu'elle a ses raisons. Je la jalouse quelques instant et le sujet de conversation passe à autre chose.

Heidi finit par s'endormir au bout d'à peine une heure, épuisée par l'alcool et rassasiée. Je passe mes doigts dans ses boucles. Elle est si petite et si fragile comme ça, totalement sans défense...

«Imagine qu'on s'en prenne à moi de la sorte.»

Mon cœur entonne de nouveau la symphonie d'une rage démesurée quand je repense à ce qu'elle m'a dit, quand je l'imagine, souffrante, pleurant, appelant à l'aide, appelant mon nom. Le pire c'est que je sais que si jamais ça arrive, ce sera parce qu'on me vise. C'est pour ça que je dois éliminer toutes les menaces qui pourraient planer sur elle.

À commencer par The Players.

«Imagine qu'on s'en prenne à moi de la sorte.»

La mâchoire serrée, je fixe la télé.

— Tu peux dormir tranquille, Heidi. Peu importe quel genre de psychopathes, de terroristes, mafieux et crapules d'autres espèces errent là dehors, personne n'est pire que moi.












♤ ♡ ♢ ♧ ♤ ♡ ♢ ♧ ♤ ♡ ♢ ♧ ♤ ♡ ♢ ♧ ♤

C'était tout pour ce chapitre! Merci de l'avoir lu et pour ceux qui le font d'avoir interagi avec 🫶🫶🫶.

Retrouvez moi sur instagram: luxe_8831_ pour être informé de l'avancée de l'histoire et pour qu'on discute des théories de chacun quant à la suite des événements.

Luxe🪂

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top