14. The latecomer

Je suis mal à l'aise.

Dans cette pièce relativement petite, décorée de trophées sur des étagères, de maillots encadrés sur les murs et de bannières de différents championnats, éclairée par trois néons légèrement dont un clignote un peu, faisant trembler la lumière de ses yeux qui quittent son écran et se posent sur moi, chargés de jugement... et d'animosité. Je n'ai jamais ressenti ça, un tel malaise, une telle présence, une telle aura qui vous écrase et vous donne envie de prendre vos jambes à votre cou. Au point où l'air semble irrespirable et vous devenez conscient de chaque partie de votre corps, terrifié à l'idée de faire un faux pas, de dire quelque chose de travers. Je me suis moult fois retrouvé dans des situations de vie ou de mort, mais je n'ai jamais ressenti ça.

Mais aujourd'hui, Leonardo Ricci me fait ressentir cela alors qu'il me quadrille du regard, silencieux, depuis bientôt deux minutes.

Il sourit.

Hein?

— Tu étais passé où ?

— Hein ?

Il tourne son ordinateur qui affiche un match, celui de la pratique qui a eu lieu il y a deux semaines lors de mon essai. On m'y voit prendre part à la majorité des actions, marquer, célébrer, me remettre en position, recommencer.

— Tu n'apparais sur aucun registre des équipes des écoles secondaires de la région, un talent pareil aurait déjà fait parler de lui depuis longtemps.

Oh...

— Je n'avais pas trop le temps de m'investir dans l'équipe. Je jouais juste pour le plaisir avec mes amis qui en faisaient partie.

Je venais de me faire recruter par The Players.

— Le plaisir, dit-il en ramenant son écran à lui avant de regarder la vidéo. En effet, tu sembles y prendre beaucoup de plaisir, j'ai rarement vu quelqu'un aussi enthousiaste sur le terrain. Tu as carrément rechargé les autres. C'était... formidable, termine-t-il en souriant.

Ah... mon analyse était-elle erronée ? Jusqu'ici, il m'a paru froid et j'avais même l'impression qu'il avait quelque chose contre moi.

Je sais pertinemment qui se tient devant moi ; Leonardo Ricci, quatrième du nom. Je sais qui est son père et ce que représente sa famille. Je sais que ce ne sont pas le genre de cible que prend The Players à cause du danger que représente chacun des Ricci. J'ai été fichtrement surpris de le voir dans le domaine académique. Mais apparemment, il est un de ses enfants qui ne veut rien à avoir avec ce que font leurs parents.

Il est inactif dans le monde du crime. C'est juste un étudiant. Il ne représente aucun danger alors pourquoi est-ce qu'il m'inspire autant la terreur ?

À la manière dont il me regardait il y a deux minutes j'aurais juré qu'il me transperçait et qu'il savait tous mes secrets. J'ai commencé à me préparer à me défendre. Mais là, sa réaction est tout autre ; il me complimente, me félicite, me sourit, se montre amical.

— Merci.

— C'est moi qui te remercie d'avoir quand même tenté ta chance, j'ai passé la nuit à regarder cette vidéo, je... wow ! Même moi je ne jouais pas comme ça ! s'émerveille-t-il en posant ses mains sur sa tête.

Là, je vous avoue que j'ai envie de rougir. Leonardo Ricci est aussi un des meilleurs joueurs que cette université n'ait jamais eu. Il n'a jamais été professionnel, mais je le connaissais déjà, il y a trois ans. Toutes les photos et les trophées qui décorent l'aile des sports en témoignent. Ça, c'est sans compter ceux de la lutte et du baseball. Une machine.

Je suis venu dans cette université en particulier pour battre les records de mon père, pour trouver que la seule personne à y être parvenue se nommait Leonardo Ricci. Rien que pour cela, je le porte en estime. Alors recevoir ce compliment de sa part me rend tout chose.

— Bref, tu dois avoir compris. Ta demande de rejoindre l'équipe n'est même pas une question, c'est moi qui te demande de joindre l'équipe, Cole. Je me fous de ce que je dois faire, combien on doit de payer, si tu es un immigrant illégal, je te veux sur le terrain.

Je lui souris à mon tour.

Et terroriste? Ça dérangerait?

— Rien de tout ça, ricané-je. Et ce serait un honneur de jouer pour vous, coach.

— Parfait, parce que j'ai déjà envoyé les papiers administratifs à la fédération de football universitaire. On doit attendre qu'ils t'entrent dans le système et tu dois payer quelques frais avant de pouvoir porter les couleurs de l'équipe, mais pour moi tu en fais déjà partie. Tu ne peux pas encore jouer les matchs, mais tu peux venir à toutes les pratiques en attendant. Elles ont lieu-

— Lundi, mercredi, jeudi et samedi soir. Plus une le mardi à midi pour ceux qui peuvent.

Ses yeux m'étudient, avec une certaine satisfaction.

— Exactement. Je suppose que tu as déjà lu toutes les informations que je pensais te donner.

Je confirme et il hoche la tête avant de se lever et de venir se poster devant moi. Il me tend sa main.

— Bienvenue dans l'équipe, Adam Cole.

Je la serre, le cœur léger.

— Merci, coach Ricci.

Après cette poignée ferme et virile, il retourne s'asseoir et moi je sors de son bureau dans l'aile des sports, différents de celui qu'il occupe en tant que doctorant et chargé de cours. Je marche un peu dans la longue allée, m'éloigne suffisamment avant de célébrer. Pas que je craignais de ne pas être pris. Je n'ai aucun doute quant à mes compétences athlétiques. Je suis juste super content de l'avoir impressionné à ce point, surtout après la manière dont il me parlait il y a deux semaines, avec ce petit air supérieur.

Je m'arrête devant une photo parmi celles qui datent d'il y a plus de vingt ans et pose ma main sur la vitre.

— J'ai réussi...

Mais comme toutes les photos dans ma maison, celle-ci ne me répond pas non plus. Il ne me dit pas qu'il est fier de moi en m'ébouriffant les cheveux. Il ne me prend pas dans ses bras, il ne me parle pas. Il ne fait que sourire après sa victoire, heureux pour l'éternité, comme s'il ne savait pas ce qui l'attendait.

Je recule et m'éloigne de la photo de James Cole, capitaine de Reims cette année-là, 7 ans avant sa disparition. Je pose ma main sur ma poitrine et prends une grande inspiration pour chasser le chagrin. Je ne peux pas, je ne peux pas rester là, à pleurer un mort.

Je n'ai pas le temps.

Je sors du complexe sportif et me dirige vers la bibliothèque où je dois passer l'après-midi à étudier avec Heidi. Même si je me convaincs de ne pas avoir le cafard, je l'ai quand même. Je fais tellement d'effort pour être près de mon père, cet homme que je n'ai connu qu'à travers les éloges de tous ceux qui l'ont fréquenté et chaque fois que je suis un peu plu près, cela ne de satisfait pas autant que j'espérais. Parce que peu importe ce que je ferai, il sera toujours mort.

Des fois, je me dis que le seul moyen d'être finalement près de lui, d'entendre sa voix, de sentir sa chaleur et bien...

Il faut que je me change les idées.

Pour ne pas changer, Heidi est en retard. En l'attendant, je m'assois à une table, ouvre mon téléphone, me rends sur Tinder et commence à chercher la personne qui me changera les idées ce soir. Les profils défilent, tous aussi ennuyeux les uns que les autres.

Je soupire. Si je fais le difficile, je n'y arriverai pas. Je vois le profil d'une fille plutôt jolie et qui fréquente l'université et m'apprête à la valider.

— Il parait qu'elle a la chlamydia, à ta place je m'abstiendrais.

Je sursaute et ferme mon téléphone avant de me tourner pour voir Heidi derrière moi. Elle tient deux manuels et son sac à dos sur une seule de ses épaules. Mon regard glisse de sa poitrine derrière son t-shirt vers sa taille et ses hanches, putain ses hanches !

— Heidi...

Elle prend mon téléphone et l'ouvre, apparemment elle connait mon code, s'assoit à côté de moi, puis fait défiler les filles encore avant de me présenter l'écran.

— Elle, Gabriella. Elle est super drôle, capitaine de l'équipe de volley au secondaire et elle craque pour les blonds. Et je crois qu'elle est clean. Par contre, elle sent la weed.

Je lui souris et reprends mon téléphone en secouant la tête.

— Quoi ? Je ne peux pas t'aider à chercher l'amour ?

La bonne blague.

— Je ne cherche pas l'amour.

— Tout le monde cherche l'amour. C'est comme le but ultime de l'humanité.

Je secoue à nouveau la tête. L'amour je n'en veux pas et je ne veux pas en donner. Ça ne sert à rien.

— Pas le Joker, pas moi.

— Je vois, tu veux juste t'amuser.

— Toujours.

Elle reprend mon téléphone et swipe encore avant de me présenter un autre profil.

— Selena ! Elle aussi elle est super, et elle ne veut jamais rien de sérieux. En plus, j'ai été assez méchante avec elle en primaire, alors je lui en dois une.

— Tu lui as fait quoi ?

— Tu ne veux pas savoir, il se passe toutes sortes d'horreur dans les écoles privées. J'en suis pas fière, répond-elle en lisant le profil.

Je rigole.

— Tu connais toute la ville ou quoi ?

Elle rit à son tour avant de la valider. On match et Heidi me regarde toute fière avant de commencer à lui écrire à ma place. Je sors mes cahiers et commence la séance d'étude qu'on devait faire ensemble, mais elle est trop occupée à draguer Selena à ma place.

Entre deux exos, je lève les yeux pour la regarder glousser face à son interaction avec son ancienne victime. Tordu. Et mignon. On dirait même que cette Selena lui plaît à ses expressions, la manière dont elle se mord la lèvre, la complimente à voix haute, toujours en se faisant passer pour moi.

En fait, si j'avais le choix, c'est Heidi que j'aimerais avoir dans mon lit ce soir. Pas seulement pour me changer les idées, mais parce qu'elle me donne envie depuis ce soir où j'avais ses seins ronds et fermes sur mon visage. J'en rêve encore la nuit. Je l'imagine piloter cet appareil dans le même accoutrement, quelques boutons en moins.

Elle est en couple.

Heidi finit par laisser le téléphone pour se joindre à moi. Nous passons les six heures suivantes à faire des exercices et suivre les vidéos de cours qu'on a en commun. Je l'aide pour les parties qu'elle ne comprend pas.

— Ok, moi je peux plus, souffle-t-elle en reculant loin de ses manuels. Mon cerveau va chauffer.

Elle reprend mon téléphone.

— Selena veut bien te voir ce soir, dans son appart, elle a envoyé l'adresse. Dis « merci Heidi ! ».

- « Merci Heidi ! », répété-je en lui arrachant mon téléphone une bonne fois pour toutes.

— Bon, toi tu vas la dégourdir pour te changer les idées et moi je vais aller dans les nuages pour me changer les idées.

— Tu vas piloter ?

— Oui, j'ai réservé un appareil.

— Je peux venir avec toi ?

— Et Selena ?

Mon regard retourne vers la photo de Selena. Je lui écris que j'ai un empêchement et que j'aimerais reporter à une autre fois.

— Je préfère que tu m'amènes au septième ciel, plaisanté-je en secouant les sourcils.

Elle lève les yeux au ciel et accepte de m'amener avec elle dans sa balade dans les nuages. Alors que nous sortons de la salle que nous avions réservée pour étudier, nous recevons tous les deux une notification, un message de Sky.

Objet : Réponse d'IONIQ et plan B.



Suis-je une mauvaise personne si je dis que j'espérais secrètement qu'IONIQ refuse les revendications du groupe écologique anarchiste qui a fait appel à The Players ? Je veux dire, beaucoup de gens perdront leur emploi et on va quand même détruire une usine. Et ça demain déjà.

Le Valet, Sky, nous avait déjà dit de mémoriser notre partie du plan B au cas où la réponse n'était pas celle espérée. Et je l'ai fait, j'ai mémorisé chaque ligne. Mais comme ça va être ma première mission en tant que membre officiel du groupe, j'ai un peu la pression.

Alors, directement après la promenade en aéronef avec Adam, je suis rentrée chez moi avec la voiture que je me suis achetée en me servant de l'argent qu'Adam m'avait transféré pour le dossier Tyson. J'ai avalé un morceau vite fait, je me suis douchée et je me suis lancée dans une nouvelle révision du plan.

Je n'ai pas le droit à l'erreur. On me l'a bien fait comprendre au moment de mon assermentation ; si je deviens un danger ou une nuisance pour The Players, on m'éliminera. Alors il faut que je connaisse ce plan par cœur.

Je vais y passer toute la nuit s'il le faut !

— Heidi, Heidi, Heidi !

Je suis réveillée en sursaut quand j'entends la voix de ma mère. Elle dépose son sac à main sur la table à manger et pose ses mains sur ses hanches.

— Tu es encore ici ? Tu n'as pas cours ?

Cours?

Je la regarde, elle est encore vêtue de son uniforme d'hôpital. Elle vient de rentrer de son quart ? Je regarde autour de moi et me rends compte que je me suis endormie à la salle à manger, sur mes dossiers. Je panique et m'empresse de tout ranger, de peur qu'elle ne voie de quoi il s'agit et me lève prête à aller dans ma chambre.

— Euh, non. Mon cours de ce matin a été annulé, mentis-je.

— Et ce de l'après-midi ?

— Bah, j'irai le moment venu. Vers 10h00.

Elle regarde sa montre.

— Ma chérie il est 14h31.

Je m'arrête dans les marches.

— Quoi ?

— Il est passé 14h00.

Je sors mon téléphone.
— Non, je viens de me réveiller il est- 14h32 ! IL EST 14h32 !!!!

Fuck, fuck, fuck, je devais être au lieu de rendez-vous à 14h30.

— Merde, merde !

Je cours dans ma chambre mettre les documents en sûreté, m'habiller, me brosser les dents avant de sortir en hâte.

J'ai déjà merdé. Je suis en retard. J'ai de nombreux appels manqués d'Adam et des messages demandant où je suis pendant que je file à l'adresse qu'on m'a indiquée. Pendant que je conduis en défonçant les limites de vitesses, je songe à l'excuse que je pourrais bien leur donner pour mon retard à ma première putain de mission.

Ils vont me prendre pour une putain de touriste et me tueront.

J'arrive sur les lieux trois quarts d'heure plus tard. Je trouve Adam, Moïse et un autre homme en train de charger une fourgonnette, prêts à quitter le hangar où je devais les retrouver. C'est Moïse qui me remarque le premier. Il croise les bras et déjà j'ai l'impression de retourner au secondaire, devant mon proviseur.

— Tu es en retard.

Je sais.

— Oui, vraiment désolée, j'ai eu un petit souci sur la route.

— Un souci qui fait que tu as plus d'une heure de retard ? Qu'est-ce que c'était ?

— Je-

— On s'en fout, intervient Adam en apparaissant derrière lui, on a plus le temps pour lui faire un procès. Heidi, c'est important que tu sois à l'heure. Les plans sont millimétrés, parfois à la seconde près, une erreur et c'est la mort. Tu comprends ?

Je hoche la tête et m'excuse de nouveau.

— C'est donc elle notre nouvelle Reine, une retardataire.

Un homme apparaît à la droite d'Adam. Il fait quelques centimètres de moins que lui, brun avec ses cheveux attachés en man bun et une barbe de quelques jours. Il est vêtu d'une camisole blanche et le bas constitue une combinaison bleue, semblable à celle qu'on porte pour l'entretien à l'école de pilotage. De plus, la suie sur ses vêtements et son corps m'indique qui a fait ou était en train de la maintenance quand je suis arrivée. Mais surtout, même si je ne le connais pas, il a quelque chose de familier, mais j'ignore quoi.

— Oui, je te présente Heidi.

— Notre nouvelle pilote, je me souviens de son exploit de la dernière fois. Merci, tu vas m'alléger la tâche.

— Heidi, voici notre Numéro 7, Diego.

Mais oui! C'est ça!

— Diego Henriquez !

Il semble surpris.

— Oui... tu me connais ? Une fan ?

— Mais oui !! Enfin, pas moi... pas vraiment. C'est que mon copain, « comme tout italien qui se respecte » il est mordu de formules 1 et c'est sans exagérer votre plus grand fan, depuis qu'il est gamin. Il m'oblige parfois à regarder les courses avec lui, mais je m'endors toujours, mais il a tellement répété votre nom que je ne peux pas oublier ! Oh s'il savait que je vous ai vu, il pleurerait de jalousie ! Putain que vous soyez un Player c'est hallucinant !

Diego ricane.

— Je te donnerai un autographe pour lui alors, mais il ne faudra pas lui dire comment tu l'as obtenu. Et tutoie-moi.

— Oh, ne t'inquiète pas, le mensonge je connais.

Il hoche la tête et me sourit. Je l'ai toujours trouvé très craquant en photo mais en vrai il l'est mille fois plus, il semble tout droit sorti d'une télé novela et puis ses muscles, la sueur et son accoutrement de mécanicien n'aident pas à me refroidir.

Je suis sûre que Leo ne m'en voudrait pas si je me le faisais vu que c'est son idole.

— Bon, c'est vraiment l'heure d'y aller, je viens d'installer les fausses plaques. Arrête de lui sourire comme ça Don Juan, elle ne peut pas faire la mission la culotte mouillée, dit Adam en le poussant avant de me lancer les clés du véhicule.

— Adam !

Diego pouffe de rire pendant que je perds mes moyens.

— Ce n'est pas une manière de parler d'une dame, encore moins de ta Reine, le réprimande Moïse au loin.

— Pardon, mon père.

— Arrête de m'appeler comme ça.

— D'accord, mon père.

Moïse se tourne vers lui et Adam lève les bras avant de reculer pendant que je ris de sa manière de toujours chercher la provocation. Nous finissons les derniers préparatifs, je me change, je me fais sermonner par Jérôme pour mon retard pendant le trajet vers Greenwich, nous synchronisons nos montres une fois arrivés.

La mission peut commencer.











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C'était tout pour ce chapitre! Merci de l'avoir lu et pour ceux qui le font d'avoir interagi avec 🫶🫶🫶.

Retrouvez moi sur instagram: luxe_8831_ pour être informé de l'avancée de l'histoire et pour qu'on discute des théories de chacun quant à la suite des événements.

Luxe🪂

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