03. Buckle up

Il ne me laisse pas comprendre le sens de sa phrase et se saisit de mon poignet. Avant que je ne comprenne ce qu'il se passe, nous nous retrouvons sur mon balcon. Le vent chaud et sec de la nuit d'août me caresse les jambes.

Là dehors où s'était le désordre il y a à peine dix minutes, c'est à présent une scène de barrage. Une patrouille se gare devant notre entrée, puis une seconde, puis une troisième. Au son de sirènes en approche et à voir les agents sortir des autres maisons, je comprends que toute la meute va se ramener.

— Tiens ça pour moi s'il te plaît.

Il me tend mon ordinateur qu'il tenait dans ses mains. Instinctivement, je le prends.

— Joker !

Nous sursautons tous les deux lorsqu'une voix tonne dans la nuit. En bas, un policier sorti d'une patrouille tient un mégaphone sous la pluie qui n'a pas diminué en intensité.

— Oh, mais c'est l'agent spécial Morgan !! s'exclame le terroriste comme s'il revoyait un ami de longues dates. Vous ai-je manqué ?!

— Arrête tes plaisanteries Joker. C'est fini. Rends-toi immédiatement avant que je ne donne l'ordre à mes hommes de t'abattre.

— M'abattre ?! s'indigne-t-il à travers son casque. Je croyais que vous me vouliez vivant. Et puis il ne faudrait pas risquer de faire du mal à l'otage si ?

L'otage? Quel otage?

— Si tu fais le moindre mal à l'otage, on n'hésitera pas à le faire. Rends-toi.

Attends, moi ça? C'est moi l'otage?!

Le Joker m'arrache à mes songes et m'attire à lui avant poser le fusil sur ma tempe.

— Et vous allez faire comment pour m'abattre sans lui faire du mal ?

Des sueurs froides serpentent ma colonne lorsque je réalise pleinement la situation dans laquelle je suis. La panique m'envahit. Mon regard alerte voyage parmi la petite foule qui s'est formée. J'aperçois ma mère en larmes et en cris qu'une policière retient de retourner dans la maison. Voir ma mère pleurer me fait craquer et les larmes me montent aux yeux. Mon cœur cesse alors son sprint. Il ralentit, tout ralentit, le hurlement des sirènes, la voix impérative du Capitaine Morgan crachée par le mégaphone, les sanglots de maman, tout ce vacarme se fond dans un silence tonitruant.

Je vais mourir.

Le Joker pose sa main sur mon ventre, juste sous mon nombril et accole mon dos à son abdomen dénudé. Un bruit émerge alors de ma surdité, une cacophonie en provenance de sa poitrine; de son cœur. La fille de chirurgiens que je suis ne manque pas de noter qu'il bat anormalement vite derrière sa cage thoracique. Il est d'apparence sereine, il se fout même de la gueule de tous ses policiers qui le tiennent en embuscade, pourtant ce martèlement cardiaque dissonant m'indique qu'il a la chienne. Il a aussi sinon plus peur que moi.

— Accroche-toi à moi si tu ne veux pas mourir.

— Quoi-

Une fraction de seconde plus tard, mes pieds ne touchent plus terre et nous sommes en chute libre de depuis mon balcon. Mes ongles creusent la peau de ses bras et je ferme les yeux avant l'impact.

Nos deux corps s'écrasent sur le toit de ma voiture dans un prodigieux fracas qui me redonne l'ouïe. Je ne ressens cependant presque qu'aucune douleur. C'est lui qui a absorbé le choc de nos deux corps contre la taule, la déformant. Il se redresse immédiatement et tire des coups de feu en direction des trois patrouilles présentes, en direction des roues.

— Descends, vite !

J'obtempère et descends du toit où la forme de nos corps est imprimée.

— Entre dans la voiture !

— Quoi ?

— J'AI DIT ENTRE DANS LA VOITURE HEIDI !

Un coup de feu tiré par la police atteint le rétroviseur non loin de moi et me convainc de prendre refuge. J'entre dans ma voiture côté conducteur. Le Joker entre à son tour côté passager et me donne mon trousseau de clés que je ne l'avais pas vu prendre.

— Démarre, ordonne-t-il en tendant le pistolet vers moi.

Ni une, ni deux, je mets le véhicule en marche. Je regarde dans mon rétroviseur arrière et vois deux autres patrouilles arriver sur les lieux. Tremblante, j'agrippe le volant, priant que tout s'arrête au plus vite.

— Arrête de trembler, Heidi. J'ai besoin que tu restes calme. Écoute-moi, écoute-moi.

Comme je suis toujours crispée contre mon volant, il prend mon visage trempé de larmes, de sueur et de morve et le tourne vers le sien.

— Tu va faire marche arrière, sans te soucier des patrouilles présentent et quand je te le dis, tu fonces tout droit. OK ?

Je secoue la tête. Je peux mentir, mais ça non.

— Si Heidi, tu vas le faire. Tu vas le faire parce que c'est toi qui as le volant entre les mains, c'est toi qui as ma vie entre les mains, Heidi. Je te fais confiance.

Dieu seul sait pourquoi, lorsqu'il mentionne sa vie, je pose ma main sur le levier de vitesse, le positionne sur R, ferme les yeux avant d'appuyer sur la pédale d'accélération aussi fort que je peux.

Les pneus crient et le véhicule est propulsé vers l'arrière. Je ne vois rien, j'entends seulement la collision avec les voitures qui bloquaient l'entrée, une tempête de coups de feu, la vitre qui vole en éclat.

— Tout droit !

Toujours les yeux fermés, je change la position à D et appuis de nouveau sur le champignon.

— Ouvre les yeux, HEIDI OUVRE LES YEUX !!!

J'ouvre les yeux et esquive de peu un lampadaire sur lequel j'allais foncer. Je serre le volant alors que je file entre les rues d'ordinaire si calme de notre quartier de banlieue. J'évite patrouille après patrouille en changeant continuellement de rue. Je ne sais même pas où je vais, je sais seulement que je dois m'éloigner, plus vite, plus loin.

Le Joker retire son casque.

— Wow, c'était grisant !!!

Grisant.

Il pense que c'était grisant.

On vient de chuter d'un étage, de se faire mitrailler de coup de feu et là on fuit la police à bord de ma Mitsubishi criblée de balle et il en parle comme si l'on sortait d'un manège. Il récupère l'ordinateur sur le parquet et l'ouvre.

— Je vais où ?!

— Trouve l'autoroute et dirige-toi vers le sud.

— L'autoroute ?

— La nuit va être longue ma belle, dit-il sans même regarder où je le mène.

Il me fait littéralement confiance...

J'obéis et prends le chemin de l'autoroute. Bientôt, quelques patrouilles nous coursent et le nombre ne fait que grandir.

— On fait quoi s'il nous rattrape ?

Un sourire gagne ses lèvres.

— Dans le meilleur des cas, on meurt tragiquement tous les deux, dans le pire, c'est moi qui meurs avant d'avoir pu t'inviter à dîner, dit-il sans même lever les yeux de l'écran.

La chaleur me monte aux joues et je ne peux réprimer à mon tour un sourire.




Cela fait une vingtaine de minutes que nous roulons à vive allure sur l'autoroute. Moi j'essaie de rétablir la connexion perdue tout à l'heure sur son ordinateur. Finalement, une fenêtre s'ouvre et le visage de Jérôme apparaît.

— Tu es un homme mort. Le Roi aura ta tête sur une pique avant le lever du Soleil.

— Bonsoir, toi aussi tu m'as manqué.

— Pourquoi faut-il toujours que tu te mettes dans des situations pas possibles?! C'est trop te demander que de suivre les consignes comme tout le monde?

Je roule les yeux alors qu'il me fait la morale comme toujours. Le chien de garde du Roi prend son rôle très au sérieux.

— On avait dit à 21h00 tu quittes l'hôpital, pourquoi y étais-tu encore une demi-heure après ?

— Il y avait une personne coincée dans le bâtiment. Je ne pouvais pas laisser cette stagiaire mourir noyée à cause d'une de mes erreurs.

— Mais on s'en fout d'une insignifiante stagiaire. Là, c'est tout le groupe que tu as mis en danger. Tu es où là... dans une voiture ?

J'opine et regrette quand je vois son regard s'assombrir.

— Attends... si tu m'appelles... qui conduit ?

Merde.

— Joker, qui est au volant ?!

— C'est le Saint-Esprit qui me guide-

— Joker, gronde-t-il.

Je soupire.

— Une otage.

La consternation lave son visage.

— Une otage ?!!! Tu as pris une otage ??!! Tu lui as montré ton visage en plus !!! Attends elle me voit là ?! Elle a vu mon visage ?!!

Heidi jette un coup d'œil rapide vers l'écran avant d'échanger un regard avec moi et de le reporter sur la route.

— Non ...? tenté-je.

Jérôme retire ses lunettes, enfouit son visage dans ses mains et geint dramatiquement. Je crois que de toutes mes bévues, celle-ci est la goute qui fait déborder le vase. Bon, au nombre qu'elles sont disons plutôt la piscine... OK la piscine olympique.

— Tu sais quoi, laisse tomber le Roi, c'est moi qui vais te tuer. Je vais te-

— Numéro 4 on réglera ça plus tard. Tu m'as localisé ?

Il soupire, jure et remet ses lunettes.

— Bien sûr.

— Qui peut m'aider.

— Numéro 7 est en route, mais il est trop loin, je doute qu'il y arrive, Numéro 10 et Numéro 2 pourraient intervenir avec leurs hommes, mais ce serait un carnage et ça le Roi ne va vraiment pas apprécier. Attends... Numéro 7 vient de m'envoyer l'adresse d'une piste avec un de nos appareils. Ce sera serré, mais si vous vous dépêchez vous y arriverez peut-être au même moment.

— Envoie l'adresse.

Jérôme me transmet l'adresse d'un aéroport privé.

— Heidi.

La métisse sursaute.

— On change de place.

— Hein ?

Je défais ma ceinture et attrape le volant d'une main.

— Dépêche-toi.

Elle lâche le volant et se contorsionne pour passer côté passager alors que je prends sa place au volant. Je coupe par un chemin de campagne et entre dans un champ pour semer les policiers.

Nous arrivons sur une piste de décollage déserte. Je cours vers la porte du hangar et compose le code que m'a envoyé Numéro 4.

La porte mécanique s'ouvre, révélant un petit avion. J'entre dans le hangar suivi de près par mon otage.

— Wow, un Cessna 172 Skyhawk

Mon regard alterne entre Heidi et l'appareil.

— Tu connais ?

— Tu parles que je connais ! C'est un des modèles emblématiques de Cessna et-

Elle met sa main sur sa bouche comme si elle en avait trop dit.

— Je vois... tu es une espèce de geek sexy.

Ses joues prennent une teinte légèrement rosée malgré son teint.

— Je... Je peux voir l'intérieur ?

— Si tu veux...

Ce n'est pas comme si Diego est près d'arriver.

Elle sautille avant de s'engouffrer dans l'aéronef en arrêt. J'en profite pour appeler Diego avec l'appareil trouvé dans le hangar. Je ne capte donc je sors et marche un peu pour avoir du signal.

— Où es-tu Numéro 7 ?

— Je suis en route.

— Combien de temps ?

— D'ici 10 minutes.

Le son de sirènes de glace le sang. Je me tourne et aperçois les lumières rouge et bleu des gyrophares au loin, sur la seule route qui mène ici.

— Euh...

— Quoi ? me demande Diego.

— Ils sont là.

Au même moment, Jérôme rejoint l'appel.

— Joker-

— Je sais... je sais...

Là, c'est foutu pour de vrai. Des dizaines de patrouille filent en ma direction.

— Joker, le Valet va enclencher l'auto-destruction du hangar pour détruire les preuves, m'annonce Jérôme.

Il ne le dit pas, mais je comprends qu'il veut que je reste. Que j'explose avec le hangar pour qu'on ne puisse pas m'identifier. À cet instant, ma propre vie m'importe peu. J'y ai renoncé en joignant The Players.

— Dans combien de temps ?

— D'ici trois minutes.

Trois minutes...

— Trois minutes. OK, Valet, déclenche l'auto-destruction.

— Joker non... souffle Diego la voix vacillante.

— C'est déjà fait, me répond Jérôme sur le ton détaché qui le caractérise. Va dans le hangar.

Bien sûr. Je lève les yeux en direction du ciel dégagé de la campagne. Les étoiles sont bien plus nombreuses et beaucoup plus brillantes, loin de la pollution lumineuse des villes.

On dit qu'une étoile est la plus brillante au moment où elle meurt. Lors d'une supernova.

Serait-ce là ma supernova ? L'explosion qui me fera briller plus que jamais. Sur le moment, je pense à ma mère. Je sais que The Players a déjà une histoire toute faite dans l'éventualité où je mourrais, pour qu'elle ne sache jamais ce que j'étais et ce que j'ai pu faire. Elle qui adore critiquer le groupe quand on passe aux nouvelles en sirotant son thé à la camomille. C'est là ma seule consolation.

Il faut que j'aille dans le hangar...

— Joker qu'est-ce que tu fais ? me demande la voix robotique de Sky.

— Quoi qu'est-ce que je fais ? Je savoure mes trois dernières minutes de vie.

— Non, pourquoi l'avion est-il mis en marche ?

Hein ?

Un son que j'associe au moteur de l'avions me parvient alors. Je fige quelques instants, ne comprenant pas ce qu'il se passe. C'est alors que l'avion se met littéralement en marche. Il sort du hangar et roule dans ma direction.

— OK, Joker, je sais que la situation est désespérée et que tu es un peu dérangé, mais si tu penses pouvoir faire décoller cet avion tu es un grand malade, m'informe Numéro 7.

— Je sais... le truc c'est que je n'essaie pas de faire décoller l'avion. Je ne suis même pas dans l'avion.

Un silence sans pareil devient maitre de l'appel de groupe.

— Qui est dans l'avion ? demande Diego, arrachant les mots à tout le monde.

Oh mon dieu...

— Heidi...

Je l'avais oublié elle.

Je cours en direction de l'avion qui fonce vers moi. Lorsqu'il est à ma hauteur, j'ouvre la porte et entre.

— Qu'est-ce que tu fais Heidi ! Il faut que tu sortes d'ici et que tu coures le plus loin possible, le hangar va exploser.

Elle ne m'écoute pas et je panique lorsqu'elle pousse le volant vers l'avant et que l'appareil accélère.

— Heidi !

— Tais-toi, j'essaie de me concentrer. Attache plutôt ta ceinture.

— Une minute Joker, m'informe la voix de Sky. 59, 58, 57...

Je reste hébété quelques secondes.

— Tu comptes-

Elle sourit et tournant sur une autre piste. Je jette un coup d'œil à ma gauche pour voir les patrouilles de police nous courser.

— Joker à qui t'adresses-tu ? me questionne Diego.

— Oh, je ne t'ai pas dit ? Ce cinglé a pris une otage, peste Jérôme.

— Attends, c'est l'otage qui est en train d'essayer de faire décoller l'avion ?

— Je... on dirait...

— Passe-la-moi. Connecte l'audio au casque de pilotage.

Encore secoué, je m'exécute.

— 30, 29, 28, 27...

— A- Allo ? articule Heidi.

— Tu penses pouvoir faire décoller cet appareil, Charlie.

— J'ai un certificat de pilote oui. Je pilote ce type de petit appareil, mais je n'ai jamais eu la chance de piloter ce modèle, Charlie.

— As-tu effectué les vérifications pre-flight ? Charlie.

— Oui, j'ai 8 gallons à gauche et à droite, aucun bris mécanique sur l'hélice et les ailerons. Ah, et j'ai éteint l'avionique et les balises-

— Pour ne pas qu'on te trace... OK, ce sera donc du manuel, je te donne les conditions Charlie. Wind 090 à 6, visibility 7, sky condition : 7,500 scatterred, temp 24, dew point 11, altimeter 3014, pas d'appareil en approche, taxi via Bravo 2 and Bravo, vérifié, Charlie.

— 12, 11, 10, 9, 8...

Je ne capte rien du charabia de Diego, mais elle semble avoir tout compris.

— Bien reçu. Attache ta ceinture je t'ai dit !

Ce qu'elle ordonne avant que l'avion ne s'incline vers l'arrière et ne quitte le sol.

J'hallucine...

L'avion a décollé.

Elle a fait décoller l'avion...

— Détonation.

Je réalise à peine l'exploit qu'un énorme boom se fait entendre et secoue légèrement l'avion. Je me tourne pour voir ce qu'il reste du hangar en feu et les patrouilles qui se sont arrêtées. Je tourne à nouveau la tête vers Heidi. Elle fait de même.

— Quoi ? demande-t-elle dans un léger rire qui perturbe tout mon être.

— Rappelle-moi de t'inviter à dîner très prochainement.

Elle éclate d'un rire qui éclate mon cœur de joie. La dernière fois que j'ai ressenti ça, j'avais sauté d'un immeuble de 59 étages.

— J'aurais bien aimé, mais je ne crois pas que ça plairait à mon copain.

Je pose ma main sur mon cœur et mime la douleur, ce qui l'a fait encore plus rire.

— Qui est l'heureux élu que je le raie de la carte ?

Elle semble pensive.

— Quelqu'un qui ne se rend même pas compte de la chance qu'il a.

Nous échangeons une longue œillade durant laquelle je la détaille. Je repense à son corps dénudé contre le mien dans sa chambre, à ses tétons me caressant la chair. J'avais trouvé ça sexy, mais là je bande bien comme il faut.

De jolies filles comme elle j'en ai connu une ribambelle, mais combien peuvent faire preuve de son sang-froid ? Combien savent conduire une voiture comme elle ? Combien peuvent piloter un avion ?

Elle m'inspire Senri et Latifah, peut-être Mika dans quelques années.

Mais...

Je détourne le regard. Je me suis donné comme règle de ne pas avoir de relation amicale ou amoureuse avec qui que ce soit. Être le Joker des Players est trop dangereux, il y a trop de gens qui veulent ma mort, avoir des attaches, c'est avoir des faiblesses, de possibles points de pression.

Tout de même...





— Je n'entends pas d'écrasement, je suppose que vous avez décollé avec succès.

— Oui, je réponds le cœur cognant encore dans la poitrine.

C'était le truc le plus fou que j'ai jamais fait de ma vie !!!!! Je tremble encore d'euphorie plusieurs minutes après.

— Félicitations... ?

— Heidi. Je m'appelle Heidi.

— Heidi... tu viens de sauver la vie du Joker.

— Trois fois plutôt qu'une, ajoute le concerné en me détaillant.

Je lui souris, mais la raison reprend le contrôle de moi.

— Est-ce que je suis dans la merde ? Pour t'avoir aidé. Trois fois plutôt qu'une, ça fait de moi ta complice ? Je vais avoir ma tête placardée dans toute la ville ?

Il lève les sourcils avant d'éclater de rire face à mes inquiétudes. Ce rire sincère et cristallin suffit à m'apaiser.

— Oui, Heidi. Tu es la complice d'un terroriste, ma complice qui plus est. Ça te dérange ?

Je mords ma lèvre en réfléchissant. Mais la seule chose à laquelle je parviens à penser, c'est que j'aime quand il prononce mon nom en me regardant comme il fait là.

— Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne me dérange pas. Même que c'était... grisant, dis-je franchement.

Grisant, oui.

— Oh si tu savais.

Il y a un silence interminable durant lequel nous nous considérons longuement.

— Heidi, se fait ouïr une voix féminine dans le casque, me faisant sursauter. Je t'ai fait parvenir les coordonnées de votre destination. Pouvons-nous encore compter sur toi pour t'y rendre ?

Je regarde en direction du Joker qui inspecte les blessures qu'il s'est faites en amortissant ma chute sur la voiture. Voiture qui a d'ailleurs volé en éclat avec le hangar. J'ai dû travailler pendant deux étés pour pouvoir me la payer...

— Oui.

Je reçois peu après les coordonnées d'un site ou j'atterris près d'une heure plus tard. Là, une patrouille de police est stationnée comme l'a indiqué le dénommé Numéro 4 au cours du vol.

Une fois descendu, de l'aéronef, le Joker s'est retiré pour discuter avec les autres... probablement de moi. Moi j'attends qu'ils décident de mon sort et réalise la grosse connerie que je viens de faire. Que dira Leo quand il apprendra ça ? Je l'entends déjà m'assommer de ses « t'es bête ou tu le fais exprès ? » ou sa variante « t'es bête ou t'es né comme ça ? » ou encore quand ma bêtise atteint des sommets : « parfois, je doute sérieusement de ton intelligence, Heidi » ou « tes neurones te font-ils défaut ? » ou encore « ôte-moi d'un doute, es-tu seulement même dotée de jugement ? », mais le pire reste la fois où il m'a dit « en te regardant, je me dis qu'être toi c'est un handicap ».

Le plus aimable des petits amis ! Bon, je reconnais que je prends rarement de sages décisions, comme celle d'aider un putain de terroriste à prendre la fuite. Je le mériterai amplement.

Le Joker approche et me donne son oreillette avant de disparaître.

— Heidi.

Je tressaute

— Je suis le Valet. Il a été décidé que tu ne serais pas exécutée.

Trop gentil, merci.

— En contrepartie, tu ne devras rien révéler de ce que tu as pu voir ou entendre cette nuit. Que ce soit le visage du Joker ou celui de numéro 4. Ne sous-estime pas nos moyens, si tu révèles quoi que ce soit, The Players t'éliminera. Ai-je été suffisamment claire ?

— Euh... oui. Je ne dirai rien. De toute manière, ça me mettrait dans les problèmes.

— Bien. The Players te remercie pour ton soutien. Bonne soirée.

La communication est coupée.

Le Joker réapparaît vêtu d'un uniforme de policier qui, je le reconnais, décuple son charme.

— Merci d'avoir négocié ma survie.

Il me sourit.

— C'était la moindre des choses. Tu m'as sauvé trois fois de la mort. Je te dois la vie Heidi. Je ne sais toujours pas comment te remercier pour ce que tu as fait cette nuit.

Je fais un pas vers lui.

— J'ai une idée moi de comment tu pourrais me remercier.

— Comment ?

— Dis-moi ton nom. Comment t'appelles-tu ? Je suppose que Joker n'est pas ton vrai nom.

Il fronce les sourcils avant de sourire.

— Mon nom ? Pourquoi ?

— Tu as fait de moi ta complice, j'exige de connaître ton nom. Je ne le révélerai à personne. Je veux juste savoir...

Il songe et semble sur le point de craquer, mais se ressaisit. Il secoue la tête.

— Le truc c'est que ça ne regarde pas que moi. J'ai déjà mis l'entièreté du groupe en danger et toi aussi en t'impliquant ce soir. Je ne peux pas prendre le risque.

Je soupire et baisse la tête.

— Heidi.

Mes yeux quittent mes pieds nus pour le regarder de nouveau et atterrissent sur un objet dans sa main. Une seringue. J'ai un léger mouvement de recul.

— Ne t'en fais pas. Ça va juste te faire dormir le temps que je t'amène dans un endroit sûr. Tends la nuque s'il te plaît.

— Dans la nuque ?!

— Fais-moi confiance.

Je soupire et lui fais dos. Ses mains chaudes se posent sur mon épaule, dégagent ma crinière de boucles à n'en plus finir et glissent sur ma nuque avec une délicatesse qui me donne le frisson. Je perçois de nouveau la mélodie dissonante de son cœur contre mon dos et tique lorsqu'il m'injecte le contenu de la seringue. Presque instantanément, je ne sens plus la force dans mes jambes. Il doit me retenir de m'écrouler au sol. Mon corps devient froid et mes paupières lourdes. Il me porte jusqu'à la voiture tandis que je lutte contre le sommeil et me couche sur la banquette arrière. Juste au moment où je sombre dans les bras de Morphée, un chuchotement caresse mon oreille.

— Adam. Je m'appelle Adam.

Adam... quel joli prénom.













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C'était tout pour ce chapitre! Merci de l'avoir lu et pour ceux qui le font d'avoir interagi avec 🫶🫶🫶.

Retrouvez moi sur instagram: luxe_8831_ pour être informé de l'avancée de l'histoire et pour qu'on discute des théories de chacun quant à la suite des événements.

Luxe🪂

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