02. Bluff

— Je te préviens, si tu cries, si tu couines, si tu bouges ou si tu fais le moindre geste douteux, je t'égorge. Suis-je bien clair ? demande-t-il sur le ton, ma foi très persuasif, de la menace.

Je hoche vigoureusement la tête.

— Parfait. Maintenant, je vais te lâcher. Tu vas docilement aller t'asseoir sur ton lit, les mains bien en évidence sur tes jolies petites cuisses et rester tranquille. Et je te rappelle la consigne numéro un ; pas un son. Compris ?

Je répète le signe affirmatif avec plus de vigueur. Comme il me l'a ordonné, je m'assois et fixe mes mains sur mes « jolies petites cuisses », l'idée du contact visuel étant tout bonnement terrifiante. En voyant mon tatouage, une petite forme de tête de lion sur le coté de mon majeur, je pense à Leonardo. Je me l'étais fait quand je venais de me mettre avec lui. Je voulais tellement qu'on ait un tatou de couple, un truc qui nous relierait. Lui disait que c'était une mauvaise idée et c'était énervé quand je l'avais quand même fait.

— As-tu un ordinateur ? me demande-t-il provoquant chez moi un sursaut, moi qui m'attendais à être oubliée.

Je secoue la tête.

Il faut que j'avoue quelque chose.

Le mensonge est vraiment quelque chose de maladif chez moi. Je mens comme je respire et même dans cette situation où je ne peux me permettre le luxe de tester mes limites, me voilà qui recommence.

Le fugitif annihile la distance entre lui et moi et pose le canon d'un pistolet contre mon nombril. La proximité est telle que je peux sentir l'odeur de cuire et de pluie qu'il dégage. Je me retiens de crier.

— Écoute, je te déconseille de la jouer fine avec moi. Je répète, as-tu un ordinateur ?

D'accord Heidi, ce n'est pas le moment d'être... Heidi. Fais ce qu'il te dit.

Mon regard voyage vers mon sac à dos reposant à même le sol, à droite de mon fauteuil. Il le suit avant de tourne à nouveau la tête vers moi.

J'imagine le regard de brute qui se cache derrière le casque à cet instant et cela me glace le sang. Il s'éloigne et va chercher mon ordinateur, s'assoit sur le fauteuil et l'ouvre. Puis, il retire son casque pour mieux voir. Je découvre alors que le Joker est blond, du moins, un faux blond, qui porte un buzz cut qui a laissé pousser à mesure que long remonte son crâne m, crevant un dégradé. Je note également qu'il a un tatouage sur la nuque qui semble tirer racine dans son dos. Toutefois, je ne saurais dire de quoi il s'agit, car ce dernier disparait derrière sa veste en cuir noire. Puisqu'il est de dos, je ne vois pas son visage.

Il tombe sur mon écran verrouillé.

— Le code, résonne sa voix rauque soudain libérée du casque.

Je garde le silence, car ç'a été sa consigne numéro un.

— Le code putain ! s'énerve-t-il.

— 966 366, m'empressé-je de répondre.

Il le tape, y insère ce qui s'apparente à une clé USB et commence à naviguer dessus. Plusieurs fenêtres d'invités de commandes s'ouvrent et des caractères défilent sans fin. À la vitesse à laquelle il tape et produit tout ce que je vois, je comprends qu'il essaie de craquer mon ordinateur.

Il finit par venir à bout du pare-feu qu'avait installé Leo sur mon appareil, ses oreilles rougies se lèvent, il sourit.

Un bruit nous parvient en provenance de l'entrée des voisins et il cesse immédiatement ce qu'il fait. Nous percevons quelques bribes.

En gros, la police fouille les maisons afin de trouver où a pu se cacher le fugitif qui ne serait surement pas sorti du périmètre de sécurité. Il se met à jurer, ferme l'ordinateur et fait les cent pas dans ma chambre.

Je ne le vois qu'un profil à la fois, mais je le vois, le visage du Joker, le visage de The Players. Ce qui me frappe en premier, c'est délicatesse de ses traits, je ne lui donne pas plus de 30 ans. Ses fins sourcils se rencontrent alors qu'il réfléchit à une échappatoire. Plus je le regarde, plus je me dis qu'il semble même être dans la jeune vingtaine.

Comment est-ce possible?

Si marcher ainsi ne parvient pas à calmer sa panique, cela a au moins un effet positif sur moi, car j'ouvre ma grande gueule sans qu'il me l'ait demandé.

— Vous êtes vraiment dans la merde. Ils arrivent. C'est fini pour vous, dis-je posément en le regardant cette fois.

Il cesse de rôder et me jette un regard glacial qui ne manque pas de me rappeler la consigne numéro un.

— Tu as raison. Alors je pourrais simplement t'éliminer histoire d'évacuer le stress en attendant qu'ils arrivent. Au point où j'en suis, une victime de plus ou une de moins... Qu'en penses-tu ?

Je ferme soudain ma grande gueule et le regarde paniquer en silence. C'est un spectacle pitoyable. Il fait craquer ses doigts et passe ses mains dans ses cheveux un nombre incalculable de fois. Ses pas s'accélèrent. C'est simple, il est dans un tel état d'alerte qu'il me transmet presque son affolement. Puis il stoppe net et se met à me fixer de ses yeux bleus électriques.

— Est-ce que je devrais le faire ? Ouais carrément, tu peux le faire mon vieux, murmure-t-il à son intention.

Je le questionne du regard ne sachant pas de quoi il parle. Il ne prend nullement la peine de répondre et sort un fusil de son sac. Son regard descend à nouveau sur ma petite personne. Je prends alors peur en voyant qu'il s'apprête à exécuter sa menace. Au diable la consigne numéro un, j'inspire pour crier à en vider mes poumons, mais ce n'est pas sur moi qu'il pointe l'arme. Dans les faits, il porte le pistolet à sa tempe. C'est alors plus fort que moi, je le questionne.

— Que faites-vous ?!

— Comme tu l'as dit s'en ait fini de moi. Quitte à vieillir en prison ou pire, risquer de mettre l'identité des autres en danger, je préfère encore mettre fin à mes jours. Tu t'y es engagé en joignant le groupe, The Players avant ta propre vie, continue-t-il comme pour se donner le courage de passer à l'acte.

Lorsque j'assimile pleinement ce qu'il s'apprête à faire, des images du passé que je n'aurais jamais voulu voir réémerger m'envahissent. Les policiers sonnent chez moi et ma mère leur ouvre peu après. Le terroriste semble réaliser quelque chose et baisse son arme. Mon cœur ralentit un peu.

— Ils seront quand même en mesure d'identifier mon corps. Putain ! s'exclame-t-il. Si j'avais su, je me serais laissé exploser avec la moto pour que mon visage soit défiguré au maximum, chuchote-t-il de retour dans son monologue.

— Attendez ! Vous... vous comptez vous suicider ? demandé-je tremblante alors que j'étais parvenue à garder mon calme jusqu'ici.

— Ai-je vraiment le choix ? Et puis ne me vouvoie pas, je ne suis pas si vieux que ça. Roh ! Quelle importance, je vais mourir, dit-il reportant l'arme à sa tempe droite.

La voix de Leo ce soir-là revient me hanter.

«Je n'ai pas le choix Heidi. Vivre me fait souffrir.»

— On a toujours le choix...

— De toute façon qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu auras une jolie histoire à raconter à tes amis et à ta famille au prochain réveillon de Noël. Je me trompe-... Pourquoi pleures-tu ?

Je réalise alors que des larmes perlent le long de mes joues.

Non... Non, je ne pourrais pas supporter de voir quelqu'un d'autre tenter de se suicider devant moi. Pas après les tentatives de suicide de Leo.

Cela fait à peine un 6 mois que les cauchemars ont cessé, que je n'ai plus besoin de consulter. Je ne veux pas retourner là-bas, ce soir du mois de mai 2018.

C'est un inconnu, un terroriste qui plus est, mais il doit avoir une famille. Des gens qui, je suis sur, ne veulent pas vivre ce que j'ai vécu avec Leo. Mais j'ignore quoi lui dire pour l'empêcher de commettre l'irréparable. C'est vrai qu'il n'a pas le choix. Il a l'air décidé et surtout très capable de passer à l'acte.

Je suis alors prise de la plus délirante des idées irrationnelles.

— Je... Je vais vous aider à vous cacher, mais je vous en supplie, ne faites pas ça... pas ici, pas devant moi, pas encore. Je vous- je t'en en prie. La mort n'est jamais la solution.

Il baisse de nouveau son arme, parfaitement déconcerté par mon offre. Nous entendons du bruit dans les escaliers. Ils arrivent.

— Ça ne sert à rien. Ils vont fouiller partout.

— J'ai une idée ! Ils vont fouiller partout, mais ne vous- ne te trouveront pas si tu n'es pas caché.

Le Joker fronce de nouveau les sourcils.

— Je ne te suis pas, avoue-t-il la confusion se lisant sur son visage

— Déshabille-toi.







Ne bande pas. Ne bande surtout pas.

La porte s'ouvre brusquement et un policier entre en tenant son arme vers nous. Moi et cette fille.

Lorsque l'agent de police nous voit, il reste bouche bée. Elle, assise à califourchon sur moi qui n'aies eu le temps de retirer que le haut de mes vêtements, moi faisant glisser sa chemise de nuit le long de ses bras menus, exposant sa poitrine dénudée dont les tétons foncés frôlent la mienne. Je me fais violence pour ne pas me laisser distraire par les joyaux devant moi et me concentre sur le plan plus qu'original de cette fille.

Je retire mon visage de son cou et fixe le policier que la gêne gagne.

— Oh seigneur ! Je-je suis franchement désolé de vous interrompre, mais nous sommes à la recherche d'un terroriste, bégaye-t-il en essayant de rependre contenance.

Je feins la confusion en une expression faciale.

— D'un quoi ?! dis-je

— N'avez-vous pas entendu l'explosion ? demande le policier.

— Nous étions très occupés comme vous pouvez le voir, expliqué-je espérant qu'il y croit.

— Je vois... Encore désolé de débarquer comme ça. Je dois fouiller la pièce. Ce sont les ordres, explique-t-il les yeux à présent rivés sur les seins de la demoiselle.

Je remonte ma chemise pour la couvrir du regard du policier. Puis lui donne la permission.

— Faites donc monsieur l'agent. C'est pour notre sécurité après tout, lâché-je sans même chercher à dissimuler l'ironie dans sa voix.

— Merci de votre compréhension.

Il se met à fouiller dans la chambre, sous le lit, dans les armoires, confirmant qu'il ne s'agit pas d'une lumière, dans ma garde-robe, sur le balcon. Je sens ma complice trembler contre moi, la terreur la gagnant.

— Ce n'était pas une bonne idée, on va se faire prendre, chuchote-t-elle profitant de ce que le policier est sur son balcon.

— Calme-toi. Laisse-moi faire.

Il fouille partout, partout sauf sous la couverture où se trouvent les vêtements, le sac et le casque que j'ai retirés en hâte. Normal, il ne veut pas nous perturber notre « moment intime » et ne nous soupçonne pas plus que ça. Sa fouille semble durer une éternité, éternité durant laquelle elle et moi n'avons pas quitté cette position. Je lui ai remis sa chemise sur les épaules, mais je peux encore sentir ses seins effleurer ma peau à travers le tissu de satin noir.

Ne bande pas. Ne bande pas. Ne bande pas.

Elle hoquète avant de me regarder, scandalisée.

Et merde.

« Pardonne-moi », mimé-je à mesure que ce traitre ne cesse de grandir contre elle. La honte...

Notre futur prix Nobel de policier finit son inspection et nous assure qu'il n'y a personne de suspect. Je pousse un réel soupir de soulagement et sens également ma complice se détendre légèrement. Le policier s'apprête à sortir, mais s'arrête.

— Pourquoi y a-t-il de l'eau sur le sol ?

Fuck.

Il se tourne vers nous.

— Pourquoi y a-t-il de l'eau sur le sol de votre chambre ? réitère-t-il plus suspicieux.

Mon cerveau tourne à plein régime et pourtant je ne parviens pas à produire la moindre excuse.

Ça y est, c'est fini.

Je serre mon pistolet sous la couverture, prêt à m'en servir au besoin.

— Je sors de ma douche, s'élève la voix de la fille, m'arrachant à de sombres desseins. J'avais les cheveux mouillés.

Je la regarde, oubliant de dissimuler ma surprise. Le policier aussi l'a fixe, plus que septique. Il plisse les yeux et observe la pièce : une serviette repose sur le lit et il y a un sèche-cheveux encore branché au sol. La suspicion quitte ses yeux devant ces indices.

— Bien. Désolé encore de vous avoir dérangé-

Une notification résonne dans la pièce.

Mon regard voyage avec effroi sur l'écran de l'ordinateur de la fille qui vient de s'allumer pour afficher un message.

« Sors immédiatement de là Joker. »

Pourquoi c'est maintenant que ce connard répond à mon appel au secours ?

Le policier et moi finissons de lire la phrase au même moment et nous fixons l'espace d'une milliseconde. Il porte la main à son arme accrochée à sa ceinture, mais n'est pas assez rapide. Trois coups de feu et il tombe contre le sol de la chambre de cette fille qui pousse un hurlement de terreur bien qu'elle n'ait absolument rien vu. Elle se cache les yeux et se remet à trembler comme une feuille. Je me dirige vers l'ordinateur et lis rapidement les autres messages envoyés pas numéro 4.

Des bruits me parviennent hors de sa chambre et dans le talkie-walkie de l'agent de la paix au sol. Les coups de feu ont alarmé les autres.

Merde, merde, merde, je vais te buter Jérôme.

Je retire la clé, remets mon casque sans prendre le temps de me rhabiller et me tourne vers la fille qui regarde avec horreur le corps inanimé du policier. Mon regard descend également sur lui.

— T'en fais pas, il n'est pas mort... enfin, je crois.

Un gémissement d'agonie se fait entendre, confirmant ma théorie. Je reporte mon attention vers la demoiselle.

— Heidi, c'est bien cela ?

Elle hoche la tête. Un sourire gagne mes lèvres lorsque je pense à ce que je m'apprête à faire. L'adrénaline se répand déjà dans mon sang.

— Très bien, dis-je en pointant mon arme sur elle. Debout Heidi, toi et moi partons en balade.










C'était tout pour ce chapitre! Merci de l'avoir lu et pour ceux qui le font d'avoir interagi avec 🫶🫶🫶🫶.

Retrouvez moi sur instagram: luxe_8831_ pour être informé de l'avancé de l'histoire, pour qu'on discute des théories de chacun quand à la suite des événements.

Luxe🪂

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top