23. Charlie
- Tu as fait quoi ?
Ryan fusille Pauline du regard et se contient de ne pas en faire plus. Rien qui implique la violence physique, mais verbale oui. Il ne comprend pas qu'elle ait pu agir dans mon dos en prenant son parti.
- Il veut s'impliquer dans la vie de son bébé et il aime Charlie alors j'ai pensé que c'était la meilleure solution, se défend Pauline.
- Bass l'a abandonné et rejeté le bébé, s'agace Ryan. Il ne peut pas revenir comme une fleur sous prétexte qu'il s'est découvert un instinct paternel !
- Ca n'existe pas l'instinct paternel, lui fais remarquer Pauline.
- C'est ce que je dis !
Je lève les yeux au ciel, exaspérée par leur comportement à tous les deux. Ils sont insupportables depuis que je suis revenue de mon rendez-vous. Je n'ai presque pas pu en placer une. Dès que j'ai révélé que Carter était présent, Ryan a sorti les griffes. Il a compris que Pauline avait lâché l'infos. Depuis, ils ne cessent de se disputer.
- Tu ne peux pas empêcher le père du bébé d'être présent s'il en a envie. Ce n'est pas à toi de le décider ! s'énerve Pauline.
- Je suis l'oncle du bébé et le futur parrain alors...
- Et lui c'est le père, le coupe-t-elle en hurlant. Je ne cautionne pas ce qu'il a fait ou dit, mais il a compris son erreur et mérite une seconde chance !
- Il l'a déjà eu sa seconde chance ! Tu es vraiment trop naïve, Pauline. Bass va se barrer à l'autre bout du pays sans se soucier de son enfant !
Sa réflexion me fait tressailler. Je suis effrayée à l'idée que Carter parte si loin. C'est assez contradictoire. Je ne veux pas lui laisser une autre chance, mais je n'ai pas envie qu'il soit à des milliers de kilomètres de moi.
Quelle connerie ce manque de confiance !
- Tu n'en sais rien, putain ! Tu n'es pas dans sa tête.
- Toi non plus !
Pauline foudroie Ryan du regard parce qu'il vient de marquer un point. Aucun d'eux ne peut savoir ce qui se passe dans la tête de Carter. Pas même moi. Je laisse mes amis se disputer et me dirige dans la cuisine pour avaler un énorme sandwich boulettes de viande et cheddar et boire un verre d'eau. Je les regarde s'affronter alors qu'ils ne désirent qu'une seule chose : se sauter dessus. C'est un spectacle très intéressant. Au moins, il me fait patienter jusqu'à la diffusion de la dernière saison de Game Of Thrones.
A l'évocation de cette série, je sens ma poitrine se serrer. Carter m'avait promis qu'on la regarderait tous les deux. Encore une promesse qu'il ne tiendra pas. Ma fille et moi serons seuls pour connaître la fin des habitants de Westeros.
Mes pensées m'amènent à penser à mon père. Je me demande ce qu'il dira quand il apprendra ma grossesse. Je sais qu'il finira par le savoir. Mon grand-père lâchera l'information par erreur ou pour montrer à mon père que je me débrouille bien mieux sans lui et son argent maudit. Je suis certaine qu'il me dira combien je suis idiote d'avoir gardé cet enfant. Rien de ce qu'il pourra me cracher au visage m'atteindra.
Je me promets de ne pas être aussi nullissime que mes parents. Je donnerai tout l'amour dont aura besoin ma fille. Elle ne manquera de rien. Pas même d'un père. Carter a intérêt d'être présent ou je jure que plus jamais il n'aura d'enfants. Il est hors de question qu'elle se sente abandonnée ou repoussée.
Je touche mon ventre en soupirant. Pourquoi est-ce que je pense à eux ?! Ils ne méritent pas mes pensées. Rien du tout même.
- Poupée ? m'interpelle Ryan en claquant des doigts devant mes yeux.
Je lève les yeux vers lui revenant sur terre.
- Ca va ? s'enquiert-il.
Lui et Pauline me fixent en plissant le front.
- Oui, j'étais perdue dans mes pensées...
Je leur souris afin de les rassurer. Je me lève de ma chaise et débarrasse mon verre vide dans l'évier. Je me tourne vers eux puis croise les bras sur ma poitrine.
- Vous avez fini de vous disputer à propos du père de ma fille ? les taquiné-je.
- Oui, on a...
Pauline s'interrompt brusquement et écarquille les yeux en même temps que sa bouche s'ouvre en grand. Elle laisse échapper un cri de joie tandis que Ryan ne comprend pas ce qui se passe. Il est toujours long à la détente.
- C'est une... J'y crois pas ! Tu vas avoir une fille ? hurle Pauline, euphorique.
- Oui...
Je n'ai pas le temps d'ajouter quoique ce soit puisqu'elle me prend dans ses bras pour me féliciter. Pauline est surexcitée, elle sautille sur place et ne cesse de m'embrasser sur les joues.
- C'est vraiment trop géniale ! s'écrie-t-elle en tapant des mains. Je vais être la tata de la plus merveilleuse des petites filles.
- Et moi le tonton le plus protecteur au monde ! lance Ryan en me serrant dans ses bras. Félicitations, poupée.
Enfin, j'ai des réactions comme je les attendais depuis mon retour de l'hôpital !
Quand ces deux-là partent dans une nouvelle dispute, il est presque impossible d'en placer une. Généralement, j'attends qu'ils finissent dans un coin avec un paquet de chips. Pas bon pour la ligne mais bébé adore ça. Et moi aussi.
- Il va falloir qu'on organise la plus grande baby-shower au monde ! J'ai un tas d'idées sur les thèmes qu'on pourrait choisir, s'emballe-t-elle. Je sais que tu aimais la Belle et la Bête mais aussi Peter Pan et le Roi Lion. Je ferai un mix des trois. Ce sera coloré, festif et mignon, quoique peut-être pas adapté pour une fille. Mais je sais que tu n'es pas fan du rose alors... Je sais pas, je vais devoir réfléchir à tout ça !
- Tu viens de me donner mal au crâne, ris-je. Je ne crois pas vouloir de baby-shower... Je n'ai pas vraiment de copines à inviter à part toi, Pau... Poppy est dans sa famille et ne reviendra pas puisqu'elle a été transféré dans une autre Fac. Et, on ne peut pas dire que je suis appréciée par les autres étudiantes, je révèle un peu honteuse.
- On invitera ta tante, la mère de Carter, sa soeur, sa belle-soeur, puis tu t'entends bien avec Kayla alors tu ne seras pas seule. Puis, franchement, on en a rien à faire des autres pétasses de cette Université !
Je pouffe de rire. Pau a raison, je me fous de ces filles. Une journée en compagnie de personnes qui comptent pour moi me ferait le plus grand bien. Ma tante et Clarisse répondront à toutes les questions que je me pose sur la grossesse et la maternité.
- D'accord, va pour une baby-shower, cédé-je.
- Génial ! hurle Pauline.
Ryan esquisse un sourire en observant Pauline sautiller partout. Comment fait-elle pour ne pas se rendre compte qu'il est raide dingue d'elle ? Sa manière de la regarder ne trompe pas. Bon sang, j'attends qu'ils se tombent dans les bras au moins autant que la venue de ma fille au monde. J'espère que ça arrivera avant dans leur cas !
- Et le prénom, tu as des idées de prénoms ? Tu sais, Pauline c'est plutôt jolie et pas commun aux USA, sourit-elle de toutes ses dents.
- Ryan aussi est un beau prénom, même pour une fille !
- Ca fait surtout actrice porno, réplique Pauline.
J'éclate de rire devant la mine vexée de Ryan. Il ne s'est pas attendu à une telle réponse de la part de sa lionne adorée. Puis, franchement, Pauline n'a pas tort. Je ne vais pas appeler ma fille Ryan !
- Je n'ai pas encore d'idées de prénoms... Et, c'est quelque chose qui se décidé à deux...
Ryan soupire tout en levant les yeux. Je crois qu'il va mettre un peu de temps avant d'accorder à nouveau sa confiance en Carter. Il a été déçu alors que depuis le début, il faisait tout pour que Carter et moi nous remettions ensemble. Je sais qu'il a peur pour moi si Carter ne s'implique pas comme il l'a promis. C'est assez légitime.
L'idée du prénom ne me quitte pas de la soirée. Jusqu'aujourd'hui, je n'y avais pas réfléchi, même lorsque j'étais plus jeune. Je ne fais pas partie de ces personnes qui savent comment appeler leurs futurs enfants depuis des années. J'ai beau vouloir une famille depuis toujours, ce genre de détails ne m'a jamais préoccupés. Est-ce que je vais suivre la tradition des Bass en choisissant un prénom qui commence par la lettre C ou créer la mienne ?
Ryan, Pauline et moi dînons ensemble dans la bonne humeur. Notre footballeur préféré nous a concocté un vrai repas de chef. Ce mec est un vrai cordon bleu. Au moins, je sais que je serai bien nourri à Charlotte. Je n'arrive toujours pas à croire que nous serons tous les trois ensemble dans cette nouvelle aventure.
- J'espère que tu seras là pour mon match, poupée... Toi aussi, ma lionne. On joue la finale et je veux mes supportrices préférées dans les gradins !
- Pour te la péter en marquant un Touchdown ? le provoque Pauline.
- Tu t'es renseignée sur les règles du football américain, ça me touche, réplique-t-il, taquin.
- Un de tes coéquipiers me plaît alors il faut bien que je me renseigne un minimum !
Je lève les yeux au ciel. C'était trop beau pour être vrai. On vient de passer une demi-heure sans qu'ils se prennent le bec mais le naturel revient au galop.
- Qui te plaît ? s'agace Ryan.
Pauline touche ses cheveux noirs et ne regarde pas Ryan dans les yeux. Elle le torture. A cet instant, je comprends qu'elle ment. Elle est vraiment horrible avec ce pauvre Ryan. Bon, dans un sens, il l'a mérité. Il s'est mal comporté avec elle devant tous nos amis.
- Tu n'auras aucun nom !
Ryan la fusille du regard.
- Je viendrai avec plaisir, j'interviens pour calmer les tensions.
Je n'ai clairement pas envie de me retrouver au milieu d'une énième dispute pleine de cris. Ryan n'y fait pas attention puisqu'il regarde Pauline, un sourire machiavélique sur les lèvres.
- Peu importe celui que tu prétends apprécier, les gars de l'équipe ont interdiction de t'approcher au risque de se prendre mon poing dans la figure !
- Tu as fait quoi ? hurle-t-elle.
C'est le moment pour moi de m'éclipser dans ma chambre. Je sais très bien comment va finir cette histoire. Ils vont se balancer des horreurs à la figure jusqu'à ce que l'un d'eux partent de l'appartement en claquant la porte.
Sérieux, ils feraient bien de coucher ensemble pour évacuer toute cette tension parce que ça devient invivable !
Allongée sur mon lit, je regarde des épisodes anciens de Game of Thrones lorsque mon portable sonne. Je le déverrouille et vois le nom de Carter s'afficher dans mes messages. Une photo d'un énorme nounours rose bonbon et d'une licorne immense en peluche sont posés sur un lit que je connais bien. Un autre message suit.
Carter : [ Je n'ai pas pu résister en les voyant dans le magasin de jouets... En attendant de retrouver ma place, je dormirai avec en attendant de retrouver ma vraie place auprès de toi...]
Je soupire. Ce crétin marque un point avec sa maudite photo. Je suppose qu'il est allé acheter ces peluches après le rendez-vous avec le docteur Collins. Il tient à me prouver qu'il s'investit un minimum. Des peluches marquent un début, je l'espère. Son message me rassure un peu. Il a dit qu'il voulait retrouver sa place auprès de moi, ce qui signifie qu'il m'aime encore. Non ?
Je ne réponds pas à son message afin qu'il ne croie pas que tout est acquis. Il va falloir faire un peu plus qu'un achat de peluches pour que je lui pardonne, mais il en prend doucement le chemin.
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Pendant les jours qui passent, je reçois la visite de Cameron et Cassiopée complètement excités à l'idée d'être tonton et tata d'une petite fille. Ils m'ont acheté un pyjama pour bébé trop mignon où il y a écrit dessus "mini princesse". J'ai fondu en larmes tant c'était adorable de leur part. Ils m'ont assuré qu'ils seront toujours là pour moi. Ils veulent être présents dans la vie de leur future nièce et ont même prévu de venir à Charlotte à chaque fois qu'ils seront en vacances. Ils sont vraiment adorables !
Ils m'ont appris que Carter était en finale du championnat universitaire face à l'équipe de Duke. Je suis heureuse pour lui, il le mérite. La finale aura lieu dans deux jours seulement. Il va affronter son ennemi et surtout celui qui a été payé par mon père pour le blesser. Je me demande si ce dernier sera là. Il continue à me menacer par messages, mais franchement ça ne me fait plus peur.
J'ai eu mon grand-père au téléphone. Il a été ravi d'apprendre qu'il va être arrière-grand-père d'une petite fille. Il aurait avoir un tas de petits-enfants mais il voit très peu les enfants de Greta puisqu'ils sont encore en mauvais termes. Ma tante est trop têtue et ne veut pas faire d'efforts. Il serait temps qu'ils se parlent. Papi a changé. Il n'est plus l'homme froid qu'elle a connu étant plus jeune.
Quoiqu'il en soit, mon grand-père m'a révélé qu'un tas de collaborateurs aimeraient m'acheter mes parts de l'entreprise hôtelière Walmont. Mon père l'a appris et serait furieux qu'un autre puisse détenir autant de parts que lui. Déjà qu'il doit être fou de rage que papi m'ait cédé les siennes pour une bouchée de pain. Je ne suis pas naïve, je sais qu'il débarquera à Chapel Hill dans quelque temps, mais je serai prête à l'affronter.
Charles Walmont Deuxième du nom ne peut plus rien contre moi !
Ce soir, la nouvelle saison de Game of Thrones démarre. Je suis impatiente de découvrir la fin de cette série et un peu triste que ce soit déjà la fin. Je n'ai pas envie de dire au revoir à ces personnages. C'est certainement stupide mais pendant des années j'ai vécu avec eux alors je suppose qu'ils vont me manquer. Dire adieu à Jon sera pire que difficile, je suis folle de lui. Oui, c'est exagéré.
Pauline est sortie ce soir tandis que Ryan passe la soirée avec ses coéquipiers du foot. Je profite enfin d'un peu de calme. La paix n'est pas revenu entre eux donc quand l'un est présent ici, l'autre ne vient pas ou s'arrange pour sortir. Ils se sont encore déclarés la guerre. L'armistice n'aura durer que quelques jours. Je n'en peux plus. Un jour, je vais penser à les enfermer dans une pièce pour qu'ils règlent leur compte.
Évidemment, j'ai eu des nouvelles de Carter. Tous les jours. Il me demande à chaque fois s'il peut passer me voir. J'ai refusé prétextant avoir besoin de temps. Je ne sais pas si j'ai envie de me retrouver seule avec lui. J'ai peur de lui pardonner avant qu'il ne me prouve vraiment vouloir être père. Peut-être que j'en demande un peu trop. Je suis devenue un peu méfiante et irrationnelle même si je tiens seulement à protéger ma petite fille.
Je profite de ma solitude pour me faire couler un bain. J'adore regarder mon ventre ressortir de la mousse et de l'eau. Je ressemble à un petit iceberg. Vivement que je sois un gros iceberg !
- Coucou bébé... ou petite fille ? Je ne sais pas comment te surnommer en attendant de te trouver un prénom ! D'ailleurs, il faudrait que tu m'aides à te choisir un prénom, je dis en caressant mon ventre. Est-ce que je respecte la tradition du C ou j'innove ? Je vais faire une liste de prénoms, si tu en aimes un, tape du pied ou bouge dans mon bidou...
Je pose mes deux mains sur mon ventre, pleine d'espoir.
- Catherine, Clara, Clary, Casey, Cara, Chloé, Cunégonde ? Non, pas Cunégonde, ricané-je. Aucun d'eux ne semble te plaire puisque tu ne t'es pas décidé à bouger...
Je soupire. Je suis tellement impatiente qu'elle bouge. Je n'attends que ça, la sentir enfin, être certaine qu'elle est présente en moi.
- Ton père avait pour habitude de me surnommer "princesse" alors pour le moment tu seras ma petite princesse, ça te va ?
Aucune réaction.
- Il faut que je te dise quelque chose à propos de ton père et moi... Nous ne sommes pas en bons termes en ce moment... Evidemment, on va tout faire, lui et moi, pour que tu ne sois pas touchée par cette regrettable situation. Ce n'est pas un manque d'amour entre nous. J'aime ton père comme je n'ai jamais aimé avant, mais il m'a fait un peu de mal et je peine à lui pardonner...
Toujours rien. Ma fille ne doit pas aimer que je parle mal de son père. Si c'était le cas, elle me donnerait un coup de pied, non ?
- Tu sais, je pense que toi, il t'aimera toujours. D'ailleurs, je pense qu'il est impossible de ne pas t'aimer ! Tu vas venir au monde dans une famille géniale. Tu auras des oncles et des tantes un peu dingues mais qui seront toujours là pour toi... Et, il faut que je te parle de ta grand-mère paternelle. C'est une femme extraordinaire, elle va te chouchouter ! En fait, je crois qu'ils vont tous te chouchouter mais il va falloir que tu sois raisonnable afin de ne pas trop en profiter !
Je deviens complètement dingue à parler à ma fille de cette façon. Je dois déjà la souler la pauvre. Vivement qu'elle soit là. J'ai tellement hâte de la prendre dans mes bras et voir ses petites mains, ses petits pieds et la couvrir de bisous.
Je finis par sortir du bain tourmentée par la faim. Sans motivation pour préparer à manger, je me tape à commander. Le problème c'est que je ne sais pas encore tout ce que je peux ou non manger. Aucun fruits de mer, de charcuterie, quoique les américains n'en sont pas friands, la viande rouge saignante, le fromage et j'en passe ! Mon Dieu, toutes ces restrictions me donnent le tournis.
Je parcours les différentes brochures de divers "restaurants" lorsque quelqu'un sonne à la porte. Je n'attends personne ce soir. Tout le monde sait qu'il ne faut pas me déranger aujourd'hui alors que ma série préférée est sur le point de débuter. J'ouvre la porte et suis étonnée de me trouver face à Carter et deux cartons de pizzas qu'il tient dans ses mains.
- Carter, qu'est-ce que tu fais là ?
- Je sais que je t'ai accordé du temps mais je t'ai aussi promis qu'on serait ensemble pour regarder la dernière saison de Game Of Thrones, alors me voilà...
Je ne sais pas quoi dire. J'ai fini par croire qu'il avait oublié cette promesse faite en l'air, mais je suis agréablement surprise. Est-ce qu'il mérite que je lui laisse une petite chance ? Je pèse le pour et le contre mais me pousse légèrement pour le laisser rentrer. Il a des pizzas après tout. Puis, sa fille doit elle aussi commencer à s'habituer à son père.
Carter coupe les pizzas pendant que je sors les couverts et la boisson. Les premières minutes sont pleine de gêne et de silences. Quelque chose s'est brisée entre nous pour que l'on réussisse à se détendre l'un avec l'autre. Je me demande si on réussira à passer au-dessus de tout ce qui s'est passé ces dernières semaines.
Nous mangeons dans un silence pesant. Je ne sais pas quoi lui dire, et lui non plus. Je n'aime pas ça. Et surtout, je me sens coupable. J'ai l'impression que tout est ma faute si on en est arrivés là tous les deux. Peut-être que si je lui avais avoué ma grossesse plus tôt, cette gêne ne se mettrait pas entre nous. A chaque fois que mes yeux se posent sur lui, je repense aux mots qu'il m'a balancé à la figure. C'est plus fort que moi, je n'oublie pas.
Carter a choisi les pizzas en fonction de ce que je peux manger. Cette petite attention me fait plaisir. Je le sens qui m'observe plusieurs fois en quelques minutes seulement.
- Comment tu te sens ? me demande Carter, brisant le silence.
- Bien... Mini Bass tarde à se manifester mais elle ne me rend plus malade !
Instinctivement, je touche mon ventre.
- Tu as eu des nausées longtemps ?
- Quelques semaines...
C'est étrange de parler de la grossesse avec lui. Il ne se force pas à s'intéresser, il l'est vraiment. Je ne sais plus comment me comporter et si je dois passer outre ma méfiance.
- Tu as trouvé un appartement à Charlotte pour elle et toi ?
- Nous vivrons avec Ryan et Pauline... Il nous a aménagé deux chambres pour elle et moi. Le mois prochain, nous devons aller le visiter pour être sûrs que cela nous convienne.
Carter grimace. Cette idée ne l'enchante pas.
- Ca ne te plaît pas ? j'interroge.
- Ryan me déteste alors je suppose qu'il va m'empêcher de t'approcher, soupire-t-il.
- Il ne t'empêchera pas de voir ta fille, le rassuré-je.
- Il n'y a pas que ma fille que je veux voir ! Tu es autant importante pour moi, Charlie... Peut-être même plus, m'avoue-t-il en plantant ses yeux noisette dans les miens.
Je ne réponds pas. Son regard perçant me déstabilise. Depuis l'annonce de ma grossesse, j'ai pensé qu'il ne voulait plus de moi, que seule notre fille comptait. Il vient de me prouver le contraire et je dois dire que ça me fait le plus grand bien.
Carter ouvre la bouche pour ajouter quelque chose mais je l'en empêche puisque l'épisode démarre. Ca m'arrange d'ailleurs. Je ne suis pas prête à évoquer l'avenir de notre relation amoureuse. Est-ce que l'on peut encore vivre une histoire après tout ce qui s'est passé dernièrement ?
Le premier épisode se déroule à une vitesse folle bien qu'il ne se passe pas grand chose. J'ai été à fond pendant toute la durée de la diffusion. Le seul sentiment que je ressens est la déception. Déjà que la dernière saison ne m'a pas convaincu, celle-ci commence très mal. Tout est bien trop invraisemblable. Daenerys me tape sur les nerfs, Sansa aussi, et même Jon ne sert à rien. Où est passé le génie de cette série ?
Pendant l'épisode, Carter s'est rapproché de moi. Il n'est plus qu'à quelque centimètres de moi. Je peux même l'entendre respirer. La chaleur de son corps se propage dans le mien. Ce n'est pas désagréable.
- Eh bien, c'était... Intéressant...
- Intéressant ? C'était pourri oui ! m'offusqué-je. Je ne reconnais pas la série ! Sérieusement la scène du vol de dragons avec Jon et Daenerys est sans intérêt, du fan service plein de mièvrerie !
Carter ricane.
- Déjà que leur histoire est très mal amenée, je sens que ça va être pire cette saison ! Ok, un premier épisode sert à poser les bases, mais là c'est raté et lourd. L'arrogance de Daenerys est insupportable !
- Tu es jalouse parce qu'elle est avec Jon, me taquine-t-il.
- N'importe quoi ! Je ne l'ai jamais aimé cette folle en puissance.
- Tu es de mauvaise foi !
Il se penche au dessus de mon ventre afin de s'adresser au bébé.
- Ma chérie, ta mère est la femme la plus atteinte de mauvaise foi. Elle est tellement jalouse de la mère des dragons que ça se voit sur son beau visage !
D'un coup, je sens le bébé bouger en moi. C'est étrange comme sensation et assez extraordinaire, comme si une plume bougeait en moi ou des papillons qui volent à l'intérieur.
- Qu'est-ce qui se passe, s'enquiert Carter.
- Elle bouge ! Continue à lui parler, je crois qu'elle réagit à ta voix, supposé-je.
Je prends sa main et la pose sur mon ventre. Carter s'exécute et parle à notre fille qui continue à s'agiter dans mon ventre. Elle n'est pas encore assez développée pour donner des coups de pieds mais elle fait la fête dans mon ventre en entendant la voix de son père. J'ai envie de pleurer tant je suis émue par ce que je vois. Je pourrais être jalouse qu'elle bouge pour lui et non pour moi, mais ça n'est pas le cas. Carter est heureux de faire réagir sa fille. Vraiment heureux. Notre fille lui a pardonné son erreur. Quant à moi, il m'en faut un peu plus.
S'il continue comme ça, alors peut-être qu'il mérite une autre chance...
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