11. Charlie
Je suis enfin guérie !
Après dix jours de maladie pleine de vomissements et de fatigue digne d'un coma, je suis à nouveau en forme. Bon, je me sens encore patraque le matin mais je me sens mieux. Pauline certifie que les visites de Carter m'ont tellement fait de bien au moral que ma santé s'est améliorée. C'est assez ridicule bien que je reconnaisse que sa présence m'a apaisée.
Carter est venu chaque soir après sa séance de kiné pour m'apporter de quoi manger et regarder un film. Je me suis endormie dans ses bras tous les soirs et il a profité de chaque instant d'inattention pour s'emparer de mes lèvres. Je lui ai pas clairement dit que je voulais recommencer à sortir avec lui mais c'est tout comme. Je compte sur notre rencard de vendredi prochain pour nous donner officiellement une deuxième chance et repartir à zéro après, évidemment, une longue conversation.
Demain, Carter reprend les entraînements avec l'équipe. Garrett lui a donné le feu vert tout en lui demandant de faire attention. Je suis heureuse pour lui mais, égoïstement, j'aurais aimé suivre toute sa rééducation. Ce foutu virus m'a privé de voir tout ses progrès et je le regrette. J'aurais aimé lui apporter mon aide. Il a beau répéter que ce n'est pas ma faute, je persiste à croire que sans moi il n'aurait pas eu à supporter tout ça.
Plus têtue tu meurs !
Ce matin, j'ai rendez-vous avec la banque qui a prêté de l'argent au Bass pour la création du garage. J'ai eu du mal à les convaincre de me recevoir au téléphone. La femme qui m'a parlé ne voulait pas que je me mêle de cette affaire étant étrangère à la famille Bass. J'ai dû lui expliquer qui j'étais et pourquoi je tenais autant à les aider. Cette pétasse a refusé jusqu'à ce que je lui révèle le montant de ma "fortune" personnelle. Etrangement, elle a vite accepté après ça.
Je m'habille en vitesse essayant de choisir des vêtements sérieux qui ne me font pas passer pour une gamine de quinze ans. Une jupe noire trapèze, des collants opaques, des bottines à talons et un chemisier écru feront l'affaire. En me regardant dans le miroir, je remarque que ma chemise me serre la poitrine comme si elle allait faire exploser tous les boutons en une seule inspiration. J'ai toujours eu une poitrine généreuse mais ce chemisier la grossit encore plus.
Peut-être que j'ai fait une machine qui a rétrécit mes vêtements. Ce ne serait pas le première fois. En première année, j'ai ruiné un tas de fringues en les rétrécissant tous. J'étais pire que dégoûtée. Ma tante, elle, s'est bien foutue de moi, tout comme Willa à l'époque où elle était mon "amie".
Bon sang, je ne me souviens pas avoir raté une machine ces derniers jours !
Je suis vraiment à côté de mes pompes en ce moment. Un rien me déconcentre, enfin quand je ne dors pas pendant une douzaine d'heures. Ce n'est pas normal de dormir autant enfin sauf pour un bébé de un ou deux ans. Même pendant ma déprime, je ne dormais pas autant. Je me transforme sûrement en nourrisson.
Je me regarde une nouvelle fois dans le miroir en soupirant. Je me sens boudinée dan cette maudite chemise, pas du tout à l'aise. Je l'enlève quand Pauline débarque dans ma chambre sans prévenir.
- Putain les obus que t'as, lance-t-elle, choquée. Tu as fait de la chirurgie en cachette ? Ou alors tu choisis la mauvaise taille de soutif pour qu'ils ressortent encore plus !
Elle s'approche de moi et ne se gêne pas pour toucher mes seins et les peser dans ses mains. Je grimace à cause de la douleur que ce geste me provoque. Pauline hausse un sourcil, intriguée par ma réaction.
- Je vais sûrement avoir mes règles alors ils doublent de volume, expliqué-je.
- Oui, sûrement... En tout cas, ne mets pas une chemise trop serrée ou les jumeaux vont dire bonjour à tous les passants, rit-elle en agitant sa main vers mes seins pour les saluer.
- Je n'ai pas d'autres chemises plus amples, soupiré-je, dépitée.
- Hale a oublié la sienne la semaine dernière ! Ce mec sème ses affaires partout comme s'il vivait ici. C'est insupportable, se plaint-elle. J'ai dû laver un pull et un tee-shirt à lui ainsi que sa chemise sans m'en rendre compte. Si j'avais su, je les aurais brûlé ou imbibé de poil à gratter ! Enfin bon, pour une fois un de ses défauts servira...
- Tu es affreuse avec lui.
- Et toi tu es beaucoup trop gentille avec ce squatteur repoussant !
- Repoussant, vraiment ? j'interroge, haussant un sourcil.
Elle me fusille du regard ne supportant pas que je sous-entende qu'il lui plait. Un jour ou l'autre, il faudra bien qu'elle reconnaisse qu'elle n'est pas insensible au beau footballeur. Au moins, ils évitent de se disputer en ma présence, ce qui représente un effort surhumain pour eux.
- Pire que repoussant, insiste-t-elle. Il est tout ce que je veux éviter. Je préfère les hommes qui se taisent et ne me collent pas aux basques toute la journée !
- Ryan n'est pas un mauvais garçon et il se soucie de toi...
- Justement ! Je ne veux pas d'un mec qui se soucie de moi. Avant que ta curiosité ne te pousse à me demander pourquoi, je n'ai pas envie d'en parler. Sache que je suis une femme indépendante et que je n'ai nulle besoin d'un mec comme Ryan Hale... Puis, franchement, je suis sûre qu'Hale est un mauvais coup !
Je lève les yeux au ciel face à sa mauvaise foi. Elle connaît la réputation de Ryan sur ses prouesses physiques et vu la tension sexuelle qui règne entre eux, ils feraient des étincelles au lit. Evidemment, aucun d'eux ne l'avoueraient.
Pauline s'absente quelques instants avant de revenir une chemise bleu nuit dans les mains qu'elle me tend. Je l'enfile en deux minutes et suis satisfaite de son ampleur. Ma poitrine paraît beaucoup moins imposante? Je devrais penser à faire un peu plus de sport même si ma déprime en Espagne et mon virus m'ont fait perdre trois ou quatre kilos. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai le sentiment que je vais vite les reprendre.
- T'es canon avec une chemise d'homme, complimente Pauline. J'en connais un qui serait fou de rage s'il te savait dans les fringues du mec qu'il ne supporte pas du tout !
- Ryan et Carter s'entendent mieux qu'au début, lui fais-je remarquer. Puis, ce n'est qu'une chemise. Ce n'est pas comme si je l'avais mise après une nuit torride avec Ryan !
- Charlie, tu sors avec le mec le plus jaloux du campus alors tu sais très bien qu'il en ferait toute une histoire s'il savait que tu portes les vêtements du rouquin !
Elle n'a pas tort. A cause de son ex, cette très chère Lucy, Carter se méfie de tout le monde et c'est vrai qu'il est jaloux. Mais aujourd'hui, je sais qu'il me laissera m'expliquer avant de me faire une crise.
Enfin j'espère !
Une fois prête, je me rends à mon rendez-vous à la banque. Je suis reçue par une femme d'un peu moins de quarante ans, un carré blond coupé à la perfection et une tenue tailleur pantalon qui a dû coûté une fortune. Elle est très classe mais ne paraît pas sourire énormément.
- Mlle Walmont, je suis ravie de vous rencontrer en personne. Je suis Madame Ronson, c'est moi qui vous ai parlé au téléphone en début de semaine...
Traduction : "c'est moi la pétasse qui a refusé de vous recevoir avant de savoir que vous étiez pété de tunes !".
- Veuillez me suivre dans mon bureau, dit-elle en m'indiquant son bureau d'un signe de tête.
Arrivées dans son bureau, elle me fait signe de m'asseoir et me propose de quoi boire. Elle a même pensé à faire venir des douceurs du café d'en face. Je n'ai jamais été aussi bien reçu dans une banque. C'est assez étrange. Je ne me sens pas à l'aise.
- Si j'ai bien compris, vous êtes de la famille de Mr Bass ?
- Pas exactement...
Elle fronce les sourcils mais ne demande pas plus d'explications sur les liens qui nous unissent les Bass et moi.
- Les dettes de Mr Bass s'élèvent à plusieurs dizaines de milliers de dollars, ce n'est pas une somme inconséquente. Vous êtes jeune, vous aurez sûrement besoin de cet argent pour votre avenir, vos études... Réfléchissez bien, Mlle Walmont, me met-elle en garde.
- J'en suis consciente, oui, mais je suis sûre de moi. Mes frais étudiants à Chapel Hill ont été réglés entièrement et je pense que je ne serai jamais dans le besoin grâce aux sommes que m'a versé mon grand-père ainsi que ces cinq dernières années de travail. Je suis libre de faire ce que je veux de mon argent et aider les Bass en partie !
- Je m'assure seulement de votre lucidité... J'ai peur que vous ne sachiez pas où vous mettez les pieds en voulant sauver cette petite entreprise, s'inquiète-t-elle.
- Le garage ne peut pas fermer à cause d'un prétendu promoteur immobilier. Un homme sans coeur qui veut racheter tous les commerces de cette rue pour en faire un hôtel de luxe ou un centre commerciale sans intérêt et dont il se fout royalement... Vous n'avez pas voulu me révéler le nom de cet homme d'affaire mais je sais qui il est et je refuse qu'il s'en prenne aux Bass ! Il est temps que quelqu'un lui montre qu'il ne peut pas gâcher des vies sans en subir les conséquences. Ce n'est pas le roi de cette foutue planète, m'emporté-je.
Madame Ronson me regarde comme si j'étais une bête curieuse et affreuse. J'ai parlé à toute vitesse et avec vivacité. Je sais que mon père est derrière tout ça mais je ne le laisserai pas gagner sur ce terrain.
- Le remboursement de la dette fera certainement repartir l'affaire mais je ne pense pas que ce soit suffisant pour survivre des années, me confie-t-elle avec honnêteté.
- Je compte aussi investir mais ce sera une discussion que j'aurais avec Mr Bass quand le moment sera venu...
- Nous gérons toutes les dépenses et les rentrées d'argent de Mr Bass, vous allez devoir en parler avec nous.
- Dans ce cas, nous verrons au moment voulu, terminé-je. Je ne tiens pas à ce que mes projets soient révélés avant qu'ils aboutissent. Vous m'avez promis de garder votre silence, que vous ferez preuve de discrétion, j'espère que je ne me suis pas trompée en vous faisant confiance...
- Non, bien sûr que non !
Nous continuons à parler des détails du remboursement tout en m'assurant de mon anonymat. Je préfère que les Bass ne sachent pas que leur crédit a été entièrement réglé par moi. Je leur ai causé du soucis et en aucun cas je ne veux qu'ils se mettent à me considérer comme leur sauveuse. Ce n'est pas ce que je suis.
Evidemment, je devrais leur dire un jour ou l'autre mais je n'ai pas envie qu'ils se sentent redevable envers moi. Je n'ai jamais voulu de cet argent alors s'il peut profiter à quelqu'un dans le besoin je préfère que ce soit pour des personnes qui comptent pour moi.
- Personne ne doit savoir, répété-je pour la troisième fois. Si Mr Bass vous demande qui est derrière le remboursement, ne lui dîtes rien, aucun indice, rien. J'ai conscience qu'un bienfaiteur anonyme pose un grand nombre de questions mais je leur dirai la vérité quand je serai prête...
- Nous avons promis de garder le secret sur votre identité et nous le ferons, m'assure-t-elle. Vous êtes très généreuse, Mlle Walmont, peu importe si vous vous sentez responsable ou non, c'est un très beau geste ! Evidemment, nous sommes heureux de pouvoir vous compter parmi nos nouveaux clients...
Tu m'étonnes, ils vont pouvoir se remplir les poches grâce au fric de mon père !
Je signe un chèque que je tends à la banquière. Lorsqu'elle le prend, je suis saisie d'un sentiment de fierté qui me soulage. Les Bass ne seront pas des victimes de mon père. Le garage va recommencer à faire des bénéfices et tout ira bien. Mon père n'est pas le roi du monde, son projet de centre commercial ou d'hôtel n'aboutira pas. Je suis sûre qu'il n'a pas réellement bossé dessus, qu'il s'en contrefiche.
Dès qu'il apprendra ce que j'ai fait, je suis certaine de le voir débarquer à Chapel pour me torturer encore, surtout qu'il doit savoir ce que mon grand-père a fait. Les représailles de Charles Walmont vont faire mal, je le sens. Malheureusement pour lui, il ne peut plus rien contre moi. S'il veut récupérer le contrôle de ses affaires, il a plus intérêt à être avec moi que contre moi.
Mon grand-père m'a appelé il y a quelques jours. Il m'a révélé que mon géniteur cherchait à casser le contrat que m'a fait signer papi pour que j'obtienne ses parts. Il essaie de prouver qu'il n'est pas valide prétendant que j'ai manipulé mon grand-père pour obtenir plus d'argent. Cet enfoiré me fait passer pour une personne vénale prête à tout pour de l'argent. C'est complètement ridicule.
Je sors de la banque vers un peu plus de midi. Je devais déjeuner avec ma tante mais je ne serai jamais chez elle à l'heure. Puis, je n'ai pas franchement le courage de faire la route jusqu'à Raleigh. Je me sens à nouveau fatiguée et barbouillée.
Bon sang, j'espère que je ne fais pas une rechute !
Je prends mon portable dans mon sac pour prévenir ma tante lorsque je vois un message de Carter s'afficher :
"Pour notre séance de ciné quotidienne à domicile, tu préfères un bon Tarantino ou un film DC ?"
Je souris. Je crois que je ne me lasserai jamais de ses attentions envers moi. Il prend tellement soin de moi qu'il va faire me faire devenir une vraie petite diva.
"Les deux ! Mais s'il te plaît, choisis-les bien. Tu sais que Carlie est exigeante et qu'elle a des goûts difficiles en matière de films ;)"
"Promis, je saurai parfaitement choisir !"
Je tape une réponse quand un autre message arrive..
"J'ai hâte de plonger mon nez dans ton cou, ton odeur me manque...".
"Il n'y a pas que ton odeur qui me manque, Bass ;)".
"Et qu'est-ce qui te manque, princesse ?".
"Peut-être que je te le dirai si j'ai le droit à un autre massage...".
"Seulement si j'ai le droit à un des tiens après ! En tant que future kiné, tu dois t'entraîner à masser et je suis le cobaye idéal, pas comme ces crétins que soignent Garrett".
Il ne perd pas le nord celui-là mais je l'ai bien cherché.
"Tu es mon cobaye préféré, Bass".
N'attendant pas sa réponse, j'appelle ma tante pour la prévenir de mon absence ce midi. La conversation ne dure pas longtemps puisqu'elle est pressée et doit rejoindre mon oncle. Apparemment, elle aussi avait oublié notre déjeuner. Ca ne m'étonne pas, tante Greta a la tête ailleurs depuis quelques semaines. J'espère que ce n'est rien de grave qui la perturbe. Je me fais sûrement du soucis pour rien, Greta est un vrai courant d'air.
Je rejoins Pauline pour le déjeuner supportant toutes ses blagues sur ma poitrine gonflée. J'ai le droit à des surnoms tel que Pamela Anderson, Nabilla, ou tout autres bimbos de télé refaite de la tête aux pieds. Elle exagère, ils ne sont pas aussi gros. Quelques jours avant mes menstruations, ils gagnent en volume mais dans quelques jours ils reprendront une taille normale. Puis, je ne ressemble en rien à ces filles.
Heureusement pour moi !
Après le déjeuner, Pauline me traîne dans le quartier pour aller courir. Je ne suis pas particulièrement motivée mais je fais effort. La course me remettra sûrement en forme et fera disparaître cette foutue envie de vomir. Pourtant, rien y fait. Au bout de dix minutes de course, je me sens encore plus mal. J'ai dû mal à respirer, j'ai chaud partout et ma tête tourne. Pauline mène le course s'éloignant de plus en plus. Je suis complètement à la ramasse.
Je m'arrête tentant de reprendre mon souffle mais ma vue se trouble en quelques secondes. Je vois des tâches de noir devant moi ne distinguant pas ce qui se passe. Putain, qu'est-ce qui se passe ? Une chaleur me monte à la tête et me fait perdre l'équilibre. Je tente de me diriger vers un banc, or mes jambes ne me portent plus. Je ne sais pas comment je suis rattrapée mais ce que je sais c'est que c'est le noir total.
Je me réveille dans une pièce blanche, sans charme et chaleur. Je regarde le mur découvrant des affiches médicales collées dessus. Je suis allongé sur un lit pas du tout confortable. Ok, je suis dans un hôpital.
- Enfin réveillée, lance Pauline, soulagée.
Je tourne la tête et vois ma meilleure amie se lever de la chaise où elle était pour me rejoindre. Elle m'aide à me relever pour que je mette en position assise. Ma tête ne tourne plus mais je me sens toujours aussi épuisée. Ma poitrine est douloureuse, encore plus que ce matin.
- J'ai fait un malaise ? je demande, inquiète.
- Tu t'es écroulée en plein milieu d'une rue... Tu n'es pas restée longtemps dans les pommes, environ dix minutes, le temps de te mettre ici. Une chance que tu sois tombée à côté d'un médecin, tu as été tout de suite prise en charge...
- Ce n'était pas nécessaire, c'est sûrement un malaise vagale !
- Tu t'es rendormie après et visiblement tu n'en as aucun souvenir, rit-elle. Bon sang, tu m'as fait une sacrée peur ! J'ai insisté pour l'hôpital. Ce n'est pas normal de s'écrouler comme ça en pleine course...
- Je vais bien, la rassuré-je. C'était ma manière à moi de te dire que je suis nulle en jogging, plaisanté-je.
Elle sourit. Je vois dans ses yeux que je l'ai réellement inquiétée. La maladie que j'ai contracté est coriace pour qu'elle me fasse tomber dans les vapes en pleine rue. Putain, je vais encore rater une séance de kiné. Garrett va finir par croire que je ne suis pas sérieuse et pas du tout motivée.
Un médecin ou un interne, je n'en ai aucune idée, entre dans la chambre un papier à la main. Il est jeune, la trentaine bien entamée, et semble plaire à Pauline qui bombe le torse pour faire ressortir sa poitrine de ton tee-shirt moulant de sport.
Je reconnais qu'il est pas mal. Grand, blond, les yeux noirs et profonds, une allure athlétique, barbe de quelques jours, il est tout ce que Pauline aime. Enfin, jusqu'à ce qu'elle ouvre les yeux sur Ryan.
- Mlle Walmont, je suis l'obstétricien Wade Collins, se présente-t-il.
- Obstétricien ? je demande sans comprendre. J'ai juste fait un malaise, je n'ai pas besoin de votre spécialité médicale !
- Ce n'est pas ce que nous a révélé votre prise de sang, annonce-t-il.
Je cherche Pauline du regard pour tenter de comprendre ce qu'il veut dire mais vu l'expression de son visage, c'est peine perdue. Elle a les yeux si écarquillés et la bouche tellement grande ouverte qu'elle ressemble à un poisson mort.
- Félicitations, Mlle Walmont, vous êtes enceinte !
Quoi ? Pardon ? Vous pouvez répéter ?
Ce n'est pas possible.
Je suis en plein rêve. Ou en plein cauchemar. Je ne sais pas. Peut-être que Pauline a voulu me faire une blague, genre c'est une caméra cachée. Elle en serait capable.
Pourtant, cette fois, je sens que ce n'en est pas une.
J'étais malade à cause d'un virus, pas d'un... truc dans mon ventre. Mes vomissements ne pouvaient pas être des nausées. Puis la douleur de ma poitrine est dû à mes futures menstruations. Il se trompe. La prise de sang a été confondue avec une autre femme. Je ne vois pas d'autres explications.
- Vous vous trompez, je dis en secouant la tête. Je prends la pilule ! D'accord, je l'ai un peu oublié ces dernières semaines mais ce n'est pas important puisque je n'ai pas eu de relations depuis plus de deux mois !
- Les résultats sont sûrs à 100%, affirme le docteur Collins. A quand remontent vos dernières menstruations ?
Alors là, c'est la question à un million !
Je n'en ai aucune idée. Je me souviens les avoir eu mi-Novembre, puis un peu en Janvier, seulement un jour mais c'est tout.
- J'ai saigné en Janvier mais c'était très... C'est pas possible, me convaincs-je.
- Avez-vous pris des médicaments au cours de ces trois derniers mois ?
- J'ai eu un début de grippe en Décembre, mon médecin m'a prescrit des antibiotiques mais...
- Les antibiotiques annulent les effets de la pilule, révèle-t-il.
Je sens les larmes me monter aux yeux sans comprendre si elles traduisent ma joie ou mon profond désespoir. Je n'arrive pas à savoir si je suis heureuse ou non. Etre enceinte à mon âge c'est se tirer une balle dans le pied. Je suis en pleine études. Je vais me lancer dans trois années de plus pour arriver à devenir kiné. Un enfant compliquerait tout. Ce n'est pas le moment.
Pauline me prend la main pour m'apporter le soutien dont j'ai cruellement besoin à cet instant.
- De combien de temps est-elle enceinte ? demande Pauline ayant deviné mes peurs.
- Dix semaines.
Il continue à me parler évoquant l'avortement mais je n'écoute pas étant beaucoup trop choquée pour me concentrer sur ses dires.
Je suis enceinte.
Un être est en train de grandir en moi et ce que je ressens est étrange. Je pose une main sur mon ventre encore plat et me demande quel genre de mère je serai. Soyons réalistes, j'ai vingt et un ans, je ne sais absolument pas comment élever un enfant et je n'ai aucune situation. Mes géniteurs m'ont prouvé que mettre au monde un gosse n'était pas suffisant pour être considéré comme des parents.
Je veux une famille à moi, j'en ai toujours rêve, mais pas c'est trop tôt.
L'avortement est certainement la solution la plus sage à prendre. Je crois qu'il me reste quelques semaines avant la date limite. Je me laisse une semaine pour réfléchir et prendre une décision. Au fond de moi, j'ai l'intime conviction que je sais déjà ce que je veux. Je ne caresserai pas mon ventre avec autant de douceur sinon.
- Prenez le temps de réfléchir, me conseille le docteur Collins. Discutez-en avec le père de l'enfant, c'est important que vous soyez sur la même longueur d'onde...
Carter.
Bon sang, je n'avais même pas pensé à lui !
Il est certain qu'il ne voudra jamais de cet enfant. Il a toujours dit qu'il refusait d'avoir un enfant avant de se faire une place de choix en NBA. Je suis même sûre qu'il préfère tranquillement avancer dans sa carrière sans penser aux gosses. Il va partir pour la Côte Ouest et je serai seule à élever un enfant à vingt et un piges.
On s'est à peine retrouvés et il va me quitter si je prends la décisions de garder l'enfant. D'un autre côté, s'il m'oblige à avorter, je ne suis pas certaine de lui pardonner. Il est évident qu'il n'en voudra jamais. Il répète souvent qu'à la place de son père il n'aurait pas assumer un enfant aussi jeune. C'est ce qu'il fera avec moi. Il me laissera tomber.
Est-ce que notre couple est voué à l'échec ? Si la distance ne nous sépare pas, cet enfant le fera.
Je ne veux pas perdre Carter.
Mais je veux aussi le garder, lui, ou elle.
Bordel, je suis perdue.
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